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Critiques de Rodolphe Christin (9)
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Manuel de l'antitourisme

Ce livre est un constat lucide sur la manière dont la domination marchande mondialisée a tué le voyage et tout ce qu’il contenait comme promesse de découverte et d’expérience. Comment le voyageur a été transformé en touriste et en consommateur au service de la machine économique. Comment le tourisme est devenu lui-même machine à détruire ce qui demeurait de cultures originales, d’espaces naturels et, pire encore, d’authenticité dans les relations humaines.



« On parla, au fil des temps, de démocratisation des voyages, sans se rendre compte que, bien des années plus tard - aujourd'hui -, la démocratie deviendrait pour beaucoup soluble dans la consommation. Et le tourisme devint consommation, élément majeur du devenir-économie du monde. Désormais, la libération initiale, devenue la norme, se fait oppressante : elle martyrise natures et sociétés humaines, opprime l'esprit des voyages et transforme l'hospitalité des lieux en prestations, les habitants en prestataires, les paysages en décors. Voilà où l'on est arrivé. »



« La consommation du monde servirait notre épanouissement individuel et, partant, justifierait le système touristique en érigeant ses vertus pour chacun.

Cela suppose que notre vie, ici, ne se suffit pas. Le tourisme est l’indispensable industrie d’un capitalisme mobilitaire qui alimente la demande en jouant sur l’insatisfaction permanente propre au désir de consommation. Cette forme de frustration entraîne le mouvement. (…) Le tourisme propose de quoi oublier ses soucis, à défaut de permettre de régler ses problèmes. »



« Supportant mal les situations et les engagements de longue durée, le touriste surfe, zappe, naviguant au gré de ses envies géographiques. Son carburant psychique est l’insatisfaction. Il est mû par le désir vague de renouveler ses sensations grâce au mouvement dans l’espace, qui doit apporter son lot d’étrange nouveauté, à la condition que celle-ci soit inoffensive et que son expérience soit dûment bordée de coussins de sécurité et de voies de détresse bien balisées. »



Pourtant, et c’est là que nous retrouvons cette vieille logique interne du capitalisme, le tourisme « est le luxe d’une minorité dont l’impact concerne une majorité. (…) Fort de son bon droit et de sa bonne conscience, le tourisme dessine un clivage subtil entre ceux qui ont les moyens de profiter du monde et les autres qui sont là pour servir. »

Mais alors « que reste-t-il des liens entre tourisme et voyage, justement ? (…) Le touriste, cet autre soi-même que le voyageur voudrait un moment oublier, ce touriste donc, devant lui où qu’il aille, signifie la ruine de son voyage, l’anéantissement de sa découverte. Alors tout est bon pour éloigner cet anti-héros du voyage de son univers subjectif : le fuir en visitant des lieux que les touristes n’ont pas encore envahis. Le mépriser, prétendre ne rien avoir de commun avec lui. »



Un tableau intéressant, à travers cette problématique particulière, de cette schizophrénie où nous fait constamment verser la logique marchande dans un monde réduit à sa sphère économique et où les réalités humaines dans leurs diversités sont constamment bafouées et sciemment occultés.

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Manuel de l'antitourisme

Ce livre est assez décevant. Certes la critique du tourisme actuel, prolongement de notre société de consommation, est tout à fait juste. Mais au delà, le livre "tourne en rond" ne cesse de se répéter. Une seule vision du tourisme est exposée, sans aucune mesure. Pas de piste d'un autre tourisme et même pas vraiment d'explication sur cette dérive. Ne sont pas ou peu exposés les conséquences de cette situation. Bref, l'analyse offerte aurait mérité d'être beaucoup plus étoffée et illustrée.
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La vraie vie est ici

Un sociologue français publié par un éditeur québecois, j'achète. Une réflexion sur le voyage alors que celui-ci est entravé de passes sanitaires, de tests, de virus, je m'intéresse. J'apprends à me déprendre des lieux dépaysants -pas trop exotiques -parce que l'on y reconstitue un environnement familier, l'on y assure un confort démobilisant. J'aurais aimé plus d'expériences, de vécu, au vu des antécédents d'accompagnateur de tourisme d'aventure et d'ouvrier agricole de l'auteur. Certes, un exemple amorce les chapitres et puis le propos glisse rapidement vers un discours très élaboré, de haut vol. C'est toujours intéressant, mais le lecteur a tendance à s'essouffler.

Je retiens surtout que le voyage procure l'occasion de construire un nouveau moi, d'aménager une distance intérieure propice à la découverte de destinations insoupçonnées, souvent proches de nous.




Lien : http://cinemoitheque.eklablo..
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L'usure du monde : Critique de la déraison to..

Cet ouvrage constitue un réquisitoire contre les pratiques touristiques actuelles. Petit ouvrage d'une centaine de page, mais qui n'a pas peur d'aller à l'essentiel tout en étant relativement exhaustif. Bien sûr le problème environnemental est largement abordé. Mais l'analyse du phénomène se fait également au niveau économique, sociologique, éthique, voire tout simplement humain.



Le tourisme est ici traité à travers les termes de mobilité ou d'hypermobilité, ce qui a l'avantage d'élargir le champ d'investigation. Si l'auteur semble adepte des mots en -isme (peu de phrases seront exonérées de mots savants...), cela reste accessible pour qui fait l'effort de s'en approprier la terminologie.





Les ravages du tourisme sont évidents. Pour autant, l'auteur met en garde : il y a bien une forme de mobilité qui serait « un renforcement appréciable de la liberté individuelle ». Le cantonnement dans l'espace est effectivement une technique de contrôle. On parle ici de mobilité géographique mais aussi sociale.

Bien évidemment, le tourisme fut d'abord réservé à une aristocratie. C'est la thèse très étoffée du livre de Marc Boyer Histoire de l'invention du tourisme, bien que Rodolphe Christin ne le cite pas.

La première forme de mobilité massive s'avère indiscutablement liée au développement de la société industrielle. Elle est une contrainte, non un choix volontaire.



« En effet la mobilité s'inscrit dans l'essence du salariat, historiquement marqué par un déracinement initial qui amorça l'urbanisation des populations : le paysan des campagnes devint ouvrier salarié en ville, au prix d'un exil que provoqua le mouvement des enclosures en Angleterre… ». Suite à l'Enclosure Act , « la subsistance autonome, possible sur des terres communes, s'avéra impossible une fois ces terres privatisées et clôturées ».



Au XXième siècle, avec la conquête des congés payés, se pose la question de ce qu'on va faire de ce temps libre. L'accès des masses ouvrières aux loisirs ne manqua pas d'inquiéter la bourgeoisie qui tenait l'oisiveté pour la mère de tous les vices.

« L'arrivée des congés payés a très vite appelé de nouvelles formes de contrôle social. Il s'agissait d'orienter les énergies livrées à la vacance. C'est ainsi que les organisations syndicales, politiques et/ou religieuses se sont rapidement souciées d'organiser des activités éducatives… Le temps libre devint donc très vite la proie de visées normatives ».



Comme dans les anciennes formes de tourisme (séjours en cure thermale - Marc Boyer évoque ce point également), la thématique de santé restait prégnante. « L'un des premiers motifs du tourisme fut le souci de soi, non pas celui de l'autre ». Très mauvaise base pour aller soit-disant « à la rencontre de l'autre »...



L'auteur estime donc que les congés payés sont paradoxalement et en même temps une émancipation autant qu'un contrôle de plus.

« Au plan législatif, si les congés payés furent bien une avancée sociale, ils se sont aussi avérés une adaptation du capitalisme ayant favorisé son acceptation par les classes laborieuses. En réalité, l'articulation du salariat et des congés propices aux loisirs planta progressivement les fondations d'un mode de vie consubstantiel à la société de consommation. Dans un premier temps, les idéologues, religieux ou socialistes, ont canalisé cette liberté nouvelle de peur qu'elle ne s'égare, puis les entreprises capitalistes ont pris le relais au nom du profit associé à la promotion du divertissement ».



Pour revenir à nos touristes aristocrates, on soulignera que dans ces temps-là le voyage était une réelle aventure.

Tandis que dans nos sociétés ultra-sécurisées, « l'ici représente le désabusement, l'insatisfaction, voir la dépression ; l’ailleurs signifie l'espérance, le mieux vivre et l'aboutissement », la mobilité est perçue comme rendant possible cette espérance (Encore une fois, mobilité géographique aussi bien que sociale). « La mobilité est devenue un facteur d'efficacité existentielle, une manière de remplir sa vie et de parvenir à ses fins ».



Pourtant le voyage moderne est ultra sécurisé. Il n'a plus qu'un lointain arrière-goût d'aventure. Mais, on s'y réfugie massivement bien que l'auteur rappelle que le tourisme ne concerne aujourd'hui encore que 5 % de la population mondiale.



L'industrie touristique telle que nous la connaissons aujourd'hui ne cesse de déclarer son amour de la nature, de mettre en avant des paysages préservés, mais il paraît évident que « le tourisme se révèle écologiquement dévastateur... Le tourisme détruit le monde qu'il déclare aimer ».



Le comportement du touriste n'est évidemment pas sans poser problème :

L'auteur se fend d'une belle pique contre l'individu consommateur que produit la société marchande : « un roi anonyme dont l'autorité se tient à la hauteur du pouvoir d'achat ». Combien de fois peut-on croiser ce genre de clients qui s'auto-érigent en clients-roi et qui se sentent d'autant plus habilités à le faire que leur compte en banque est garni ?



Le touriste est évidemment invité à ne circuler que dans les lieux de consommation prévus à son usage. (Le roman Topaz de Hakan Günday décrit implacablement le monde fermé d'un bazar à destination des touristes à Antalya. En échange d'un séjour tout compris bon marché dans cette ville de Turquie, les touristes sont fortement enjoints à faire le tour du Grand Bazar, où des vendeurs aguerris les attendent. Ce sont à peine quelques paroles, quelques négociations commerciales que le touriste échangera avec la population locale.



La neutralité et l'anonymat dont se pare le touriste moderne rendent impossible toute forme de convivialité.

« Dans un monde ainsi touristifié, il n'y a plus guère d’hospitalité possible à l'égard du voyageur. Le tourisme organise la fin de la tradition d'accueil, ce don coutumier, parfois aléatoire, réservé à l'étranger. Il substitue à l'usage populaire une panoplie d'hébergements marchands plus adaptés aux besoins de consommation d'une clientèle régulière ».

On évoquera ces innombrables résidences et parcs entièrement sécurisés par des grilles. Très vite est apparue la nécessité d'« insulariser les pratiques touristiques » dans le but de séparer les flux des visiteurs des flux indigènes. Ici l'auteur fait clairement référence au concept de sociétés vernaculaires formulé par Ivan Illitch. Société où l'économie de subsistance s'oppose à l'économie de marché, où la solidarité du groupe domine face à l'individualisme exacerbé des sociétés occidentales, où les valeurs humaines sont préservées contre l'utilitarisme irraisonné.



Paradoxalement, alors que, bien souvent, ce sont ces valeurs que les touristes espèrent trouver (un monde plus sain, plus solidaire, plus fraternel, dans un environnement préservé des affres de la logique marchande...), les infrastructures touristiques spécialement aménagées les en détourne totalement. L'industrie touristique « réduit le monde vernaculaire au rang de simple décor ». La mobilité obéit dorénavant au conformisme de la consommation du monde.



Article complet sur le Blog Philo-Analysis :
Lien : http://philo-analysis.over-b..
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Manifeste du saumon sauvage

un tout petit livre soigné - une fable : l'histoire d'une conversion violente par l'écologie (en gros) d'un conseiller en management à une vie libre d'écrivain
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Passer les bornes - sur le fil du voyage

Philosophie poétique du voyage entrecoupée de récits de la jungle amazonienne et de la Mongolie (récits que j'ai préféré)
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Manuel de l'antitourisme

Nous ne sommes plus des voyageurs. Nous sommes des touristes, des consommateurs de destination.

Il faut avoir "fait" un certain nombre de pays pour briller en société.

Ce livre nous le rappelle : le voyage est un produit commercialisable comme les autres. Sa consommation alimente l'économie mais détruit des sociétés et des espaces naturels.

D'autre part, le touriste veut bien de l'aventure pour oublier son quotidien, mais en toute sécurité.

Cette étude est très intéressante et confirme une impression générale.

Cependant, le contenu est parfois un peu redondant et il manque d'exemples qui illustreraient de manière plus vivante le propos.
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Robert Sax, tome 5 : La guêpe

Louis Alloing adopte, comme il se doit, la ligne claire. À défaut d’être original, son dessin se montre efficace avec un découpage précis et une caméra fluide.
Lien : https://www.bdgest.com/chron..
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Manifeste du saumon sauvage

Court roman.

Une histoire dans l'air du temps, bien menée. Passée une impression un peu formatée des deux ou trois premières pages je suis bien entrée dedans. Une psychologie détaillée mais assez simple, rendue plus vivante par l'alternance des voix (la femme qui le suit, qui dit je, alors que le récit est mené à l'extérieur du héros, en plaidant, critiquant ses idées et décisions, même si c'est en retraçant son monologue intérieur, mais à distance) et des notations sensibles. Et la fin, un peu attendue, a l'obligeance de ne pas décevoir.
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