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Critiques de Roger Vailland (69)
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La loi

La loi est le premier livre de Roger Vailland que je lis, celui qui a eu le prix Goncourt en 1957, et mon verdict, c’est que cet auteur mériterait d’être plus connu. J’aime son écriture, sobre, sans fioritures, mais qui sait rendre compte de la complexité du réel, descendre « aux entrailles des choses ».



La loi est un jeu cruel: on joue au tarot pour savoir qui est le patron, qui a le droit d’humilier les autres. Et Roger Vailland nous sert une description assez terrible d’une partie, créant une atmosphère d’autant plus oppressante qu’elle pourrait bien être métaphorique d’une âpreté plus générale des rapports humains.

Que ce soit par la position sociale ou le désir que l’on fait naître chez l’autre, les rapports de domination ont en effet une grande place dans les relations des personnages du roman, qui sont décrites avec force et acuité.

Ça se passe dans une région pauvre du sud de l’Italie, et cette pauvreté exacerbe le côté rude et rêche, avec en toile de fond, tout autour de la Grand place, les «désoccupés», les sans-travail, qui attendent qu’un métayer ou un régisseur aient besoin de quelqu’un pour une bricole. Dans ce monde, si l’on en croit Matteo Brigante:

«Chacun attend quelqu’un et fait attendre quelqu’un d’autre. Seul Dieu n’attend personne et seul l’ouvrier agricole n’a personne à faire attendre. Ainsi se définirent pour lui deux absolus aux deux extrémités de la hiérarchie (bien qu’il n’employât pas ces mots) : Dieu et l’ouvrier agricole. L’état d’ouvrier agricole constitua ainsi pour ce fils d’ouvrier agricole le mal-être absolu. »
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Comment travaille Pierre Soulages (précédé du P..

Une toile blanche de 200 X 160 cm accrochée au mur. De chaque côté, les palettes du peintre : deux tables de verre et l’une de marbre rouge. Et puis un large espace dans lequel l’artiste évolue comme un danseur sur une piste entre chaque application de peinture, avançant, reculant, quatre pas en arrière, quatre pas en avant, ses bras brassant l’air en grands mouvements amples, mettant en scène tout son corps dans un ballet d’improvisation où la toile devient partenaire d’une sorte de tango, tantôt amie, tantôt rivale, tantôt se donnant, tantôt se dérobant.

Nous sommes le 27 mars 1961, il est 16h07. Alors qu’habituellement il travaille de nuit dans une complète solitude, Pierre Soulages, le peintre abstrait que l’on a surnommé « le peintre du noir », a accepté que son ami, le journaliste, écrivain et scénariste Roger Vailland (1907-1965) assiste à un moment intense d’acte de création, l’éclosion en direct d’une œuvre d’art.

Pierre Soulages ouvre les portes de son atelier ; quatre heures de travail intense et méticuleux pendant lesquelles Roger Vailland, captivé, observe et retranscrit ce qui est en train de naître sous ses yeux.



Comblé, le lecteur peut alors assister à cet espace d’intimité magique où la main qui peint se met en mouvement, « enlève, pose, découvre », jusqu’à donner ces effets de matière, ces sillons, ces zébrures moirées, ces hachures nimbées d’éclat qui jouent avec la couleur noire et créent des jeux d’ombres et de lumières.

Luminosité dans la profondeur de la couleur noire, c’est là tout l’art de Pierre Soulages qui révèle le noir éclatant, le noir-lumière, l’au-delà du noir, « l’outre-noir » dans la multiplicité chromatique, et prouve qu’il est bien aussi un peintre de la couleur et pas seulement le peintre du noir.



« C’est ce que je fais qui m’apprend ce que je cherche », « ne jamais perdre de vue l’essentiel, il faut savoir sacrifier », « il faut savoir rejeter tout ce qui plaît trop. La vraie peinture, c’est de continuellement renoncer »…c’est aussi au détour de phrases, de formules percutantes et par la force de la parole que le lecteur appréhende l’univers du peintre, sa vocation d’artiste, sa volonté de ne pas faire de la peinture un objet politique ou un concept philosophique. « Cet objet ne dit rien : c’est avec des mots qu’on dit ».

La peinture de Pierre Soulages est destinée à être regardée et ne délivre aucun message. Elle n’engage que l’artiste vis-à-vis de son art et de lui-même. Là est sa signification.



Trois parties composent ce petit ouvrage à la couverture noire comme l’univers pictural de Soulages, trois textes qui permettent, en peu de pages, de découvrir un peintre à son travail, sa gestuelle, son comportement face à la toile.

La jolie préface d’Alfred Pacquement, l’organisateur en 2009 de la rétrospective de l’œuvre de Soulages au Centre Georges Pompidou, est une entrée en matière intéressante des deux articles suivants signés Roger Vailland.

Le premier, paru dans la revue L'Œil en 1961, décrit les étapes de la création et les méthodes de travail de l’artiste, où le hasard, entre retouches et renoncements, tient une large place.

Le second, daté de Février 1962, est une réponse au journal Clarté dans lequel des étudiants communistes s’interrogent sur la place du peintre dans la société : «pour ou contre Pierre Soulages, peintre abstrait ?

Participe-t-il à notre époque ou se réfugie-t-il dans les hautes sphères spéculatives? Peinture d'initiés ou aventure poétique ?»

A ce "procès du peintre », Vailland répond avec fougue et conviction, en comparant le peintre à un sportif de haut niveau, en argumentant son texte comme un chroniqueur sportif et en faisant valoir que cet artiste pour le moins original et novateur ne tient pas à « dire » mais à « montrer ». Nulle revendication chez Soulages, juste un face-à-face entre une toile et un homme dans un simulacre de combat pour accéder à l’Art dans son essence abstraite et contemplative. « Pierre Soulages est un champion ».



Livre mini, tout petit par sa taille mais grand par l’univers artistique qu’il renferme…

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La loi

La loi est le thème de ce livre récompensé par le prix Goncourt 1957, mais quelle loi ?

Car il en existe plusieurs à Manacore, petit port des Pouilles en Italie du sud, dans les années 50.

La loi ancestrale que fait régner les riches propriétaires terriens sur les notables, eux même supérieurs sur le peuple.

La loi des hommes sur les femmes, où l'on se vante de violer les jeunes filles vierges.

La loi des convenances et des usages sur la liberté et la modernité des régions du nord.

Mais surtout La Loi, jeu se pratiquant dans les tavernes où les perdants se voient humilier, injurier, calomnier sans pouvoir répondre aux attaques.

En lisant ce livre, c'est toute une région, une atmosphère, une époque passée qui viennent à nous. Mœurs révolues mais si bien décrites par l'auteur, personnages vils, passionnés, roublards, méchants, pas de place pour l'innocence et la candeur, seuls les plus malins sauront tirer leur épingle du jeu.

L'action se déroule en l'espace de quelques jours, un peu plus que le temps qu'il m'aura fallu pour dévorer ce roman.
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325.000 Francs

Voilà un des livres qui m'a le plus marqué. je l'ai lu en 5ième et il me reste un drôle de goût dès que je repense à cette histoire. Voilà donc des années après sa lecture ce qu'il m'en reste;

Une histoire triste qui sous-entend que le mérite n'est pas récompensé, qu'il vaut mieux lâcher prise pour réussir que s'acharner...

Ainsi, le héros, bien que méritant et plein de volonté semble toujours jouer de la même malchance. L'auteur utilise l'analogie de la course de vélo pour nous annoncer que la suite de l'histoire sera tout aussi catastrophique pour le héro.

Et bien, il y a des jours où la vie lui donne plutôt raison à Roger Vaillant, on peut bien souvent être son propre meilleur ennemi.
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La loi

Les livres de Vailland ont certainement vieilli (je pense notamment à 325 000 francs, qui est bien daté). "La Loi", curieusement, tient plutôt le coup, me semble-t-il. Le minois de la Lollobrigida, en arrière plan, et l'atmosphère du sud de l'Italie, y ont peut-être contribué, je ne suis pas forcément objectif !
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La loi

Fin des années cinquante, Italie du sud, une petite ville, ses habitants et l'auteur qui décortique les relations entre tout ce petit monde.



Il y a bien sur, les riches et les pauvres, ceux qui ont du pouvoir et ceux qui n'en ont pas. La vie est rude, la malaria rode, le travail est dur. Et puis, il y a les femmes ! C'est la grande affaire des hommes, les femmes, asseoir son pouvoir en en faisant des jouets, prouver sa force jusqu'au viol, séduire pour être viril, les quitter pour tirer les ficelles . Les femmes sont un enjeu de taille, elles le savent , elles essaient d'en jouer mais n'ont pas toujours toutes les cartes en main. Elles ne sont rien, enfermées dans des règles qui leur échappent, sans revenu, dépendantes des hommes. Pour autant elles ne s'entraident pas, pas de sororité, chacune joue sa partition au mieux quitte à écraser une autre femme . Il ne faut pas croire que les relations entre hommes soient beaucoup plus amicales, les rivalités sont là aussi, fortes et affirmées.



Un tissu social à la trame épaisse, aux fils bien serrés, dont on ne peut vraiment s'échapper, où il faut faire souffrir pour ne pas être un souffre-douleur.



Néanmoins, ça bouge petit à petit, les femmes mettent des maillots de bain, des touristes apportent un air d'ailleurs et Marietta la jeune femme tant convoitée saura s'imposer.



Un étonnant et passionnant roman .
Lien : http://theetlivres.eklablog...
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La loi

"C'est moi qui fait la loi, ici" est une expression que j'ai souvent entendue dans ma jeunesse mais qui me semble aujourd'hui moins usitée, preuve, peut-être, que la démocratie a progressé (bien que d'aucuns prétendent le contraire). Dans les années 1950, dans le Sud de l'Italie, au Nord des Pouilles plus exactement, l'expression "faire la loi" pouvait s'appliquer aussi bien à une famille, un village, une région qu'à un individu : quelqu'un pouvait faire la loi à un autre, un homme à un autre autre homme, ou à toute une maisonnée, mais aussi, plus rarement, une femme à un homme. Et pour que cette "loi" s'applique dans toute sa rigueur il fallait que cela soit public, que des faits attestent publiquement que telle "loi" avait cours. Ce mode de fonctionnement était si prégnant que les adultes (mâles uniquement, cette fois) en avaient fait un jeu de bistrot, où celui qui faisait la Loi prenait un malin plaisir à humilier publiquement son esclave.



Ce roman (prix Goncourt 1957) décrit la vie d'une petite cité balnéaire de cette région, en s'attachant à quelques personnages représentatifs : le grand propriétaire terrien et ses trois filles, un juge, un commissaire, un ancien militaire reconverti en mafioso, le chef d'une bande de voyous, et quelques autres. Roger Vaillant qui semble parfaitement connaître les moeurs de ce milieu, nous concocte une histoire somme toute assez banale mais dont tout l'intérêt est de disséquer les comportements de ces personnages et de révéler les "lois" sans pitié qui régissent tout ce petit monde. On est quelque part entre Georges Simenon et Alberto Moravia. Un très bon roman réaliste, sociologique, non dépourvu de poésie et de finesse psychologique. Et qui ne nous fait pas regretter cette vie d'autrefois...
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325.000 Francs

Il faut absolument lire ce roman, chef-d'oeuvre de Roger Vailland, paru en 1955, et que les Éditions Buchet/Chastel ont eu la très bonne idée de rééditer.



Le récit est direct, percutant, efficace et émouvant, de bout en bout. Tout commence par le Circuit cycliste de Bionnas (Jura) qui attire chaque année les meilleurs coureurs de six départements : l'Ain, le Rhône, l'Isère, le Jura et les deux Savoie. Roger Vailland fait vivre la course de façon superbe et met en place, en même temps, tous les protagonistes du drame qui se prépare.

Le narrateur et sa femme, Cordélia, rencontrent Marie-Jeanne (25 ans), lingère, petite amie de Bernard Busard (22 ans) qui court sous les couleurs de l'Étoile Cycliste de Bionnas. Dès le départ, la course est palpitante. le Bressan, un coureur inconnu localement, va se mettre en évidence. Nous le retrouverons tout au long de l'histoire qui permet de prendre conscience des conditions de travail dans les usines de plastique où la presse à injecter permet de mouler des jouets et toutes sortes d'objets.

Busard ne veut pas passer sa vie à l'usine et Marie-jeanne pense comme lui. Un projet de snack-bar, entre Châlon et Mâcon, mobilise toute la détermination de notre homme à qui il manque 325 000 francs pour boucler son budget. Bravant les consignes syndicales, Busard entraîne le Bressan dans son projet fou : se relayer devant une presse, 24h/24, pendant 187 jours, 4 488 heures, afin de mouler 201 960 pièces et gagner chacun 325 000 francs, soit 49 546 euros.

L'histoire est haletante, inquiétante, oppressante souvent. Une modification technique sur les presses, visant à réduire le temps de refroidissement entre chaque pièce, impose deux jours de repos à tout le monde. le Bressan et Busard en profitent pour refaire du vélo ensemble. C'est l'occasion pour ce dernier d'expliquer à son compagnon les subtilités de l'usage du dérailleur…



« Lever, détacher, baisser, trancher, séparer, jeter, » les opérations se répètent à l'infini jusqu'à l'épuisement.
Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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325.000 Francs

« Lever, détacher, baisser, trancher, séparer, jeter, ».

« Lever, détacher, baisser, trancher, séparer, jeter, ».

« Lever, détacher, baisser, trancher, séparer, jeter, ».



* * *



Bernard Busard (22 ans), coureur cycliste amateur, travaille comme un forcené dans une usine de plastique où la presse à injecter permet de mouler toutes sortes d'objets. Son but : compléter ses économies, partir, et ouvrir un snack-bar avec son amoureuse, Marie-Jeanne.



* * *



Marie-Jeanne est revêche.



« Depuis dix-huit mois qu'ils se fréquentaient, sans qu'elle lui eût cédé aussi complètement qu'il ne cessait de le demander avec une ardeur qui n'avait pas diminué, un code s'était formé (…). Chaque nouvelle privauté coûtait à Busard plus de soins à obtenir qu'à des diplomates mûris dans la carrière, les modifications d'un traité international. »



(John Boyne, dans Les fureurs invisibles du coeur, a peu ou prou la même approche de la séduction compliquée :

- « Vous voulez dire, juste nous deux ?

- Bon sang, Cyril, j'ai l'impression de négocier un traité européen. Oui, juste nous deux. »)



* * *



L'usine est son maître.



Busard explique à Chatelard, délégué syndical, que « Marie-Jeanne exigeait de quitter Bionnas. Elle avait mis l'obtention de la gérance du snack-bar comme condition à leur mariage. Lui, il avait été obligé d'imaginer quelque chose pour gagner les 325 000 francs qui leur manquaient.

- Un snack-bar ? demanda Chatelard…

- Un restaurant où l'on mange sur le pouce à côté d'un poste à essence… C'est comme cela aujourd'hui. Les chauffeurs veulent être servis rapidement. Au début, Marie-Jeanne fera la cuisine ; rien que des grillades et des hot-dogs ».

- Des hot-dogs ?

- Des petites saucisses.

- Pourquoi ne parles-tu pas français ?

- Moi je servirai.

- Etre larbin, voilà ton idéal.

- Plus tard on aura du personnel. Marie-Jeanne tiendra la caisse. Moi, je dirigerai.

- Exploiter l'homme, voilà toute ton ambition. »





* * *



« Ne buvant pas à cause du cyclisme et vivant chez ses parents, Busard avait toujours un peu d'argent devant lui ». Il convainc Paul Morel, le fils du patron, à qui il a prêté de l'argent, de mette à sa disposition une presse.



« Moi je veux bien. Mais le singe va dire que tu fous la vérole dans le chantier. »



"« Foutre la vérole dans le chantier » est une expression idiomatique des gens du bâtiment ; il avait appris cela, en même temps qu'à dire papa, maman. "



Un autre coureur, un Bressan à qui il explique les subtilités des braquets, se joint à lui : il se relayent devant une presse, 24h/24, pendant 187 jours.



Compte à rebours d'autant plus angoissant que le patron de l'usine, Morel père, accentue la cadence des machines qui risquent à chaque geste de broyer la main des ouvriers.



* * *



« Il continuait de réfléchir, aidé par l'effet persistant des deux pastilles de maxiton et peut-être par la fatigue dominée. Il réfléchissait qu'il coûtait moins cher qu'un dispositif d'automatisation. D'un côté le peigne éjecteur et l'oeil électronique, de l'autre Bernard Busard, son grand corps maigre, ses muscles de coureur, son cerveau, son amour pour Marie-jeanne Lemercier ; c'était Bernard Busard qui valait le moins ».



Un livre incroyable, inoubliable, l'homme face à la machine, face à lui-même, face à cet engrenage, les heures, les minutes, les secondes, à affronter, à surmonter.



« Lever, détacher, baisser, trancher, séparer, jeter, ».

Inventaire de mots, musicalité à la Prévert.

« Il est terrible

le petit bruit de l'oeuf dur cassé sur un comptoir d'étain il est terrible ce bruit

quand il remue dans la mémoire de l'homme qui a faim »

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La loi

Chaque année, des cénacles d'auteurs se réunissent, chacun pour primer un livre. Les éditeurs semblent se répartir savamment ces prix. le prix Goncourt 1957 fut attribué à... l'éditeur Gallimard, avec 'La Loi' de Roger Vailland (1907-1965).

La Loi est un jeu imaginé par l'auteur, auquel participent des hommes de classes sociales diverses d'une petite ville côtière des Pouilles, au sud de l'Italie. Ce jeu réjouit les vainqueurs et les spectateurs mais est cruel pour les perdants… Vous l'avez compris : La Loi, ce n'est pas le jeu de l'Oie ! D'ailleurs certaines femmes sont considérées comme des dindes (seulement bonnes à farcir).

Ce roman restitue très bien l'ambiance en Italie après la seconde guerre mondiale, avec ses coutumes et hiérarchies sociales. Comportements mafieux, corruption, machisme, et bassesses humaines sont omniprésents, soulignés par le déroulement même du jeu qui s'en alimente. La religion catholique s'inscrit en toile de fond idéale d'une soi-disant bonne moralité qui s'accommode parfaitement de ce cadre. Les caractères et schémas de pensée des personnages principaux sont habilement disséqués, d'un ton neutre et sans lourdeur. Cette neutralité recèle une critique sévère de cette société. Je n'ai pas été surpris de découvrir que Roger Vailland a adhéré au Parti Communiste Français (de 1952 à 1956, année de la répression de l'insurrection de Budapest).



En 1959, « La Loi » fut adapté au cinéma par Jules Dassin (1911-2008), avec Gina Lollobrigida (dans le rôle de Marietta), Yves Montand (Brigante), Pierre Brasseur (Don Cesare), Marcello Mastroianni, et une courte apparition du fiston Joseph ("désoccupé") avant qu'il ne devienne un célèbre chanteur.



Je recommande vivement la lecture de ce roman, plus profond et plus intéressant que « 325 000 Francs » que Vailland écrivit quelques années plus tard. Roger Vailland est un auteur qui mérite d'être (re)découvert.
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Les mauvais coups

Roger Vailland (1907-1965) est un écrivain, essayiste, grand reporter et scénariste français. Un personnage complexe, romancier communiste, libertin, drogué et alcoolique mais ascète lorsqu’il écrit, amateur de cyclisme et de montagne, il se livre au « dérèglement de tous les sens » pour reprendre la formule de Rimbaud. Les Mauvais coups, second roman de Roger Vaillant, est publié en 1948, plus tard en 1960 c’est lui-même qui en fera l’adaptation pour le film de François Leterrier avec Simone Signoret.

Après avoir économisé assez pour prendre une année sabbatique, Milan un décorateur parisien et sa femme Roberte, vivent dans une petite bourgade du Jura. Mariés depuis quinze ans, le couple passé par toutes les étapes de l’amour-passion en est arrivé à son ultime échéance, la haine. Elle, qui revendiquait sa situation de femme libre au début de leur liaison, s’avère jalouse donc dépendante de Milan, ce qui l’agace particulièrement. Lui est un libertin qui cherche la rédemption.

Dans leur retraite campagnarde, les jours s’écoulent sans relief, on boit beaucoup sous l’œil goguenard ou réprobateur des villageois. Quand le couple fait la connaissance d’Hélène, la jeune et innocente institutrice du village, Roberte y voit une occasion de jouer avec elle et la pervertir, prise entre son désir de l’initier en la mettant dans le lit de Milan mais souffrant de jalousie à cette seule idée. Finalement, ne pouvant ni vivre avec Milan, ni sans lui, Roberte se suicidera. Et quand Hélène déclarera son amour à Milan, celui-ci la repoussera, même si « Ce que j’aime en vous, lui écrit-il, la droiture, la santé, l’intégrité, est justement ce que votre amour pour moi détruirait. » car désormais il ne veut plus aimer, il veut renaître libre, « je vivrai seul ».

Un roman assez court, écrit dans un style épuré fait de phrases sèches, en grande partie autobiographique puisqu’il se base sur les rapports entre l’auteur et sa première femme. Un roman qui dénonce les dangers de l’amour quand il est trop fort, « Bien vite, nous nous sommes détestés de trop nous aimer et d’être, pour ainsi dire, enchaînés par le besoin que nous avions de l’autre ». Et Roger Vaillant va plus loin encore lorsqu’il écrit, « L’amour fou est une autre version de l’amour de Dieu. (…) Persister à faire du « Je t’aime » un mot magique qui lie (…) relève de la mentalité primitive. »

Un bouquin qui casse les rêves des romantiques, mais un livre puissant et très moderne quand on songe qu’il a été écrit en 1948.

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325.000 Francs

En nous racontant l’histoire de Bernard Busard, René Vaillant décrit très bien la monotonie du travail ouvrier dans une usine de plasturgie du Jura. Bernard, et son amie Marie-Jeanne cherchent à quitter leur village du Jura, où le seul avenir envisageable semble être de travailler pour l’usine locale. Ce roman m’a fait penser au remarquable « D’acier » de Silvia Avalonne.

Le cyclisme, sport populaire qui valorise l’effort et le dépassement de soi est aussi très présent dans le roman de Vaillant.



Un livre sympathique mais pas incontournable.
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325.000 Francs

Voici un très bon livre, maintenant un peu oublié, de Roger Vailland (1907-1965). Ce journaliste et écrivain avait un caractère indépendant et pourtant s'est engagé politiquement. Il signe là un roman social très juste, efficace et cruel.

C'est l'histoire d'un jeune homme prénommé Bernard, passionné de cyclisme, dont le gagne-pain est de manipuler une presse à injecter du plastique pour fabriquer à la chaîne divers objets. Son job est ingrat, ses conditions de travail sont dures et il n'a aucun avenir dans cette usine. Mais Bernard a d'autres ambitions. D'abord il veut épouser Marie-Jeanne. Ensuite il souhaite travailler en indépendant dans un snack-bar; pour l'acheter, il n'a pas l'argent nécessaire, il lui manque encore 325 000 francs. Il conçoit alors un projet fou: travailler "en tandem" à l'usine, avec l'une de ses connaissances (lui aussi coureur cycliste), 24 heures sur 24 pendant exactement 187 jours. Une gageure ! Faisant ensemble le travail de trois ouvriers, les deux compères pourront réunir le pactole désiré. (On se demande si, de nos jours, une telle dérogation aux lois du travail serait seulement envisageable !). Le lecteur devine vite que le dénouement ne sera pas conforme à leurs voeux.

Sans détours et sans misérabilisme, le romancier évoque le monde du travail à la chaîne dans les années '50. Depuis lors, le travail a évolué. Mais maintenant le burn-out touche trop de salariés, y compris des cols blancs. L'avertissement de R. Vailland reste donc d'actualité. Du même auteur, j'ai aussi lu "La loi", qui est aussi un roman réaliste mais qui décrit une société beaucoup moins proche de la nôtre.

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325.000 Francs

Je qualifierais 325000 francs, de roman "moderne".

Busard n'est pas un personnage qui a attiré ma sympathie, ni soulevé en moi de compassion.... Il travaille trop pour cela, tout au long de ce roman captivant.

Busard se creuse son propre tunnel, dont il pense émerger rapidement (très? trop?) pour entamer sa vraie vie.

Busard ne s'abuse-t-il pas?
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La loi

Encore un livre découvert par hasard, sans en avoir entendu parler avant, en fouillant dans les livres de poches qu'achetait mon père lorsqu'il était étudiant. Je connaissais le nom de Roger Vaillant, mais pas son œuvre. Je suis très heureuse d'avoir comblé cette lacune car c'est un très beau roman: une galerie de portraits extrêmement vivants, une histoire formidable et un style exceptionnel.

L'auteur nous raconte la vie de la société de Porto Manacore, ville des Pouilles sur la côte adriatique. C'est une société patriarcale aux traditions ancestrales, où chacun tente "de faire la loi" à l'autre, les riches, les pauvres, les hommes et les femmes, par jeu ou pour survivre.

Quel hasard merveilleux...quel livre ! Un vrai régal.

Cela réconcilie avec l'académie Goncourt, sauf que c'était en 1957.

À lire, et à partager, car moi, je trouve qu'un tel roman, ça ne peut pas vieillir.
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Drôle de jeu

Je retrouve avec plaisir - et une certaine curiosité - Roger Vailland, deux ans environ après avoir découvert et dévoré 325 000 francs, excellent petit roman sur l'asservissement par le travail. On est loin des nouveautés, puisqu'il s'agit d'un roman paru pour la première fois en 1945.



Il est ici question de la Résistance en France pendant la Seconde guerre mondiale. Nous suivons les traces de Marat, étrange double de l'auteur avec ses trente-six ans, dans les rues de Paris et les chemins de la Bresse. Marat occupe un poste important, à la charnière entre un petit groupe (Rodrigue, Chloé et Frédéric) et un de chefs gaullistes de la Résistance, Caracalla, un tout jeune homme arrivé de Londres. Suite à une maladresse de ses "lieutenants", Marat est amené à rencontrer Annie, la fiancée de Frédéric, une bourgeoise engagée un peu par hasard dans la lutte clandestine du Parti communiste. Plusieurs personnages louches rôdent autour du groupe, à commencer par Mathilde, une femme fatale sur le retour, ancienne amie de Marat, qui fréquente dans tous les milieux de la collaboration.



Drôle de jeu a tout d'abord l'intérêt historique d'une oeuvre écrite au sortir de la guerre. C'est ce qui colore l'ambiance bien particulière du roman - le décor est celui du Paris des jardins (toutes les rencontres clandestines se font en extérieur), des couvre-feu, des alertes, et des troquets du marché noir, où l'on peut manger du beurre et de la viande à profusion, pourvu que l'on ait de quoi ! On y suit le quotidien des résistants dans la dernière année de l'Occupation. Le ton aussi est très caractéristique de cette période, par moments un peu désuet - mais sans la grandiloquence parfois indigeste de l'Armée des ombres, par exemple. Le style est simple, sobre, et n'a pas pris une ride.



Mais Drôle de jeu vaut surtout par sa réflexion sur l'humain. Le cadre n'apparaît presque que comme un prétexte à un questionnement sur l'engagement, compris dans toutes ses dimensions - et finalement, la toile de fond importe peu. Drôle de jeu dépasse de beaucoup le roman historique, auquel on ne peut pas vraiment l'apparenter.



Car résister, c'est d'abord être seul, tout en étant engagé dans un combat collectif, comme nous l'apprend Marat, page 48 : "C'est vrai, je mange seul, je dors seul, je parle seul. Un conspirateur est bien obligé de vivre seul : le métier l'exige. Je monologue à longueur de journée dans les rues et les jardins, les cafés et les restaurants, les trains et les gares, les salles d'attente et les chambres d'hôtel, ah ! j'aurais mené mon monologue intérieur dans tous les hôtels de France, zone sud et zone nord, commis voyageur en terrorisme. La Résistance, le terrorisme comme disent les journaux, est essentiellement une longue promenade solitaire avec toutes sortes de pensées, de souvenirs, de projets, d'amours secrètes et de rages étouffées, qu'on remâche sempiternellement, entre les rendez-vous d'une minute, entre deux signaux, entre deux messages attendus huit jours et qu'il faut aussitôt brûler, entre deux amis fusillés, entre les yeux des flics qui vous guettent, entre chaque station de l'interminable itinéraire qui mène - malheur à moi s'il n'y mène pas -, qui mène au grand jour de sang où seront lavées toutes les hontes".



Pour autant, il y a de belles histoires d'amitié, et de belles fidélités - aux camarades, à l'idéal - dans Drôle de jeu. De belles discussions aussi, comme entre Marat et Annie, cachés dans un champ bressan en attendant le sabotage d'un train. Entre les références intellectuelles, littéraires, et culturelles, on en découvre un peu plus sur l'auteur.



Au final un roman touchant, avec en fond des questions lancinantes et essentielles, au travers d'une méditation profonde sur la vie, la mort, les femmes, la liberté. Un auteur rare, et un livre très libre et précieux.
Lien : http://le-mange-livres.blogs..
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Les mauvais coups

Sentiments et passions, jeux de proies et de chasseur.



Les amours dans leurs passions ne deviennent ils pas leur propre destructeur.



Morceaux de vie et de biographie s'inscrivant dans le style de son auteur avec ses forces et ses faiblesses à découvrir ….



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325.000 Francs

Bernard Busard aime Marie-Jeanne. Elle l'aime aussi, mais souhaite avoir une meilleure situation. Ce dernier envisage d'acquérir une somme, 325000 francs pour parvenir à l'épouser. Il travaillera comme un fou dans une usine du Jura en fabriquant des objets en plastique, quitte à s'épuiser. Peut-on y voir la disparition du travail rural au profit d'une industrialisation qui exploite l'homme? Une critique parfaite de la société de la fin des années 50, dans le contexte du bras de fer entre deux géants, l'Américain et le Soviétique!
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La loi

Roger Vailland a obtenu le prix Goncourt 1957 avec "La loi". Il s’agit donc d’un roman fort ancien, mais qui est original et qui a bien vieilli, me semble-t-il. Il évoque une Italie archaïque, où la hiérarchie sociale obéit à des codes précis et implacables.

"La loi" est une sorte de jeu qui se joue réellement dans les tripots du Mezzogiorno, départageant cruellement le gagnant et le perdant. Mais la loi, c’est aussi le pouvoir que certains exercent en permanence sur d’autres, à Porto Manacore, une petite ville située dans les Pouilles. Petits et grands, riches et (très) pauvres, tous cherchent à se faire leur place au soleil ou à la garder. C’est une micro-société étonnant (à nos yeux), qui affronte une vie dure et apparemment immuable. Les réputations se font et se défont, le qu’en-dira-t’on joue un rôle essentiel, le "machisme" est omniprésent... Tout est dans le rapport de forces. En haut de l’échelle sociale, il y a don Cesare qui s’est arrogé beaucoup de droits, notamment le droit de cuissage sur les belles filles de la ville. Mais le jeune Marietta ose lui résister...

Je trouve l’histoire très intéressante, originale et agréable à lire. Il faut noter que l’auteur, qui fut un compagnon de route des communistes mais avait aussi un tempérament de dilettante indépendant, nous présente ici un tableau social surprenant, étranger aux normes étriquées d’alors. C’est tout à l’honneur de Roger Vailland. Il a signé là un roman qui sort de l’ordinaire.

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Héloïse et Abélard - Le colonel Foster

A lire comme exemple du manichéisme stupide où pouvaient tomber de bons écrivains quand ils étaient membres du PCF, particulièrement à l'époque stalinienne. C'est le propre des écrivains engagés. Je ne parle pas de celui qui s'engage en publiant des ouvrages de non-fiction mais de celui qui prostitue son talent en écrivant des œuvres des romans " engagés". Aragon, quel gâchis pour la partie engagée de son œuvre !

Ce n'est d'ailleurs pas l'apanage des écrivains communistes de l' époque, ils sont simplement plus nombreux
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