Citations de Roland Garros (24)
En vue de Naples, je redescendis vers 1500 mètres. Je survolai le Vésuve en pensant : je suis le premier homme qui le voit ainsi. Des gaz sulfurés flottaient dans l'air, mon regard fouilla le terrible entonnoir, qui me semblait petit comme si j'avais pu y découvrir un secret. Au centre, une fumée blanche s'épanchait lentement.
L'appareil fut prêt le samedi matin. A 5 heures, profitant d'un temps superbe, je réussis un brillant essai. Je ne volais que 5 minutes - pour ménager le moteur - à 30 ou 40 mètres de haut, avec des virages et un atterrissage que n'eût pas désavoué Santos lui-même...Et la Demoiselle fut aussitôt enfermée dans son hangar, avec les soins dus à un objet précieux.
Tunis-Rome, autrement dit Carthage-Rome n'était-ce pas une jolie chose à faire en aéroplane ?
Le vol était devenu plus qu'une passion : un besoin. Il m'absorbait tout entier et je ne m'en privais pas sans en ressentir comme un déséquilibre physique.
Mexico est resté le meilleur souvenir de notre voyage.
Dès l'arrivée ce fut un ravissement.Dans ce cadre d'élégance latine, parfumé d'exotisme, nous nous sentîmes revivre.
Le second drame fut - le dernier jour du meeting - l'historique assassinat de Sarajevo.
Ce crime qui mettait officiellement l'empire en deuil, ne semblait pas atteindre beaucoup de sentiments profonds. Le couple disparu n'était pas populaire. On n' exprimait de tristesse sincère qu'à l'égard du vieil Empereur, si souvent frappé dans son coeur d'homme.
Et il ne vint jamais à l'idée d'aucun de nous que cet événement quasi indifférent à la masse, était l'étincelle qui mettrait l'Europe en feu.
C'est le même soir qu'un aimable voisin de table ne voulut pas me quitter sans me laisser sa carte.Elle portait ces mots:
A.DURAND
Pierres et monuments funéraires
Il ajouta, avec un sourire charmant :
-Si je peux vous être utile.
C'était tout à fait dans notre ton.
Notre arrivée à la Nouvelle-Orléans fut une grande joie.Depuis New York, nous n'avions pas rencontré de séjour sympathique.Les cités du Texas, surgies de terre en quelques années sont d'immenses marchés.Tout y était sacrifié aux affaires, rien à l'agrément.
New Orleans au contraire avait un air de fête.Un tiers de la population parlait plus ou moins le français.
J'observais ce jour-là pour la première fois le phénomène de transparence qui permet de voir le fond de la mer, lorsqu'elle est calme. Ce fut aussi la première fois que j'eus assez de liberté d'esprit pour admirer la Côte d'Emeraude, vue du ciel par une belle journée d'été.
Dès le plus jeune âge j'ai souvent rêvé qu'il m'était donné de voler, sans machine, avec les seules ressources de mon corps.
Je ne perds jamais une occasion d'aller à Marseille.Le soleil de la Canebière, avec ce bruit particulier, cette animation bariolée qui est de l'exubérance - non de la fièvre - me dilate et me repose. Un départ pour Marseille me donne des joies d'écolier en vacances.
Je ne pus me défendre d’un sentiment de sympathie, qui balaya les vieilles rancunes. J’admirais son orgueil ; j’avais pitié de sa candeur.
En France, on pardonne l'assassinat plus facilement que le vol.
Il fallut traverser quelques nuages de pluie. Le pare-brise était encore inconnu en aviation : les gouttes d'eau vous criblaient la figure de coups d'épingles - rendaient les lunettes opaques.
La nuit, c'était une autre féerie. A nos pieds Rio scintillait silencieuse, devant le miroir sombre de sa baie et au-dessus de nos têtes, le ciel était si prodigieusement chargé d'étoiles qu'on eût dit une voûte de diamants.
Il ne faudrait pas croire qu'en 1911 la prouesse qui fit la célébrité de Blériot fût devenue un jeu. Même aujourd'hui il y a largement assez d'eau dans la Manche pour se noyer, et on y pense très naturellement pendant un petit quart d'heure.
Je contemplais pour la première fois le spectacle éblouissant de la mer de nuages. Au-dessus, un ciel bleu d'une pureté idéale. A ma gauche, un soleil comme on n'en peut voir de la terre, car elle est toujours enveloppée de vapeurs imperceptibles qui tamisent les rayons lumineux, les décomposent ou les ternissent. Là-haut c'était de la lumière vierge dans de l'air vierge. C'était une volupté de voir et de respirer.
Nous arrivâmes à La Havane un soir, à la nuit tombée. L'immense croissant de la rade se dessinait féerique, en pointillés lumineux que reflétait la mer.Au-delà de cette ligne, toute la ville scintillait.
Les commandes du Blériot étaient absolument différentes de celles auxquelles j'étais habitué - tout l'appareil était fait pour me dépayser - , du siège, on ne voyait rien au-dessous de soi : moi qui n'avait jamais atterri sans voir mes roues, et de près...
Tous les départs ont quelque chose de triste. Celui-ci nous faisait quitter une vie de confort et de plaisirs pour l'Inconnu, l'Aventure, dont peut-être nous ne reviendrions pas...Car à cette époque, nous vivions avec l'idée de la catastrophe.