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Critiques de Roxane Gay (119)
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Bad féministe

Ce livre est un recueil d'articles et d'essais que l'auteure a recueilli dans différents médias. On y parle de féminisme, de racisme, d'homophobie, de politique... Mais aussi de séries, de livres, d'actualités et surtout l'auteure nous fait part de son enfance, de son expérience comme femme de couleur en Amérique. Elle revendique haut et fort le droit d'être une Bad Feminist c'est à dire une femme avec ses imperfections, ses différences mais tout compte fait humaine! C'est pour quoi elle parle de "mauvais" féminisme. Pourquoi il n'y aurait qu'un seul féminisme et non plusieurs? L'essentiel n'est-il pas la finalité? Vous l'aurez compris, elle nous parle de féminisme mais pas que... Il est d'ailleurs dommage que certaines parties soient bien trop longues et aurait pu être abrégées afin d'aller à l'essentiel... (...)



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Ayiti

Je ne connais rien à Haiti, pays éternellement présenté comme l'un des plus pauvres ; c'est donc avec un oeil vierge et curieux que je me suis plongée dans la lecture de ce recueil de nouvelles qui m'ont vraiment fascinée, sans doute parce que les acteurs qui ont enregistré cette version audio lui ont donné des sonorités riches et colorées.



"Ayiti" regroupe des témoignages plus ou moins longs sous forme de nouvelles. Dépaysants à souhait, ces récits ne sont pas uniquement des témoignages culturels mais ils abordent aussi la question de l'émigration avec ses difficultés, ses drames, ses espoirs déçus et ses illusions perdues. C'est d'ailleurs cet aspect qui donne au recueil sa dimension dramatique et émouvante.



Les protagonistes sont presque tous confrontés à différentes formes de violence, soit physique, soit morale, toujours sociale. Racisme et discrimination sont hélas le cortège habituel des entreprises risquées d'exode.



Une très belle découverte qui a éveillé ma curiosité et ma compassion et m'a permis de me coucher moins inculte.





Challenge PLUMES FEMININES 2022
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Treize jours

Mireille Duval Jameson, une jeune américaine d'origine haïtienne se fait enlever en plein jour sous les yeux de son mari Michaël et de son bébé Christophe..

Cible rêvée, son père---chez qui ils sont en vacances---est un des hommes les plus riches d'Haïti, il a grandi dans la pauvreté et allait à l'école pieds nus , rien ne lui a été donné à la naissance , à force d'études et de travail, il s'est fait tout seul......une situation dans le bâtiment et les travaux publics ......





Il refuse de payer la rançon faramineuse de un million de dollars, convaincu , persuadé que toutes les femmes de sa famille seraient alors enlevées les unes après les autres ?



Il condamne ainsi sa fille à Treize-jours de captivité, treize jours d'enfer absolu, aux mains de sept hommes, dont le Commandant, d'une cruauté sans nom, glaçant, pervers , déterminé.......

Comment décrire les tortures et sévices, les humiliations, les brûlures, les viols répétés encore et encore , les blessures infligées à Mireille ?

Son corps n'est qu'une Plaie.

Un traumatisme indicible qu'on lit en serrant les dents .........

Dans la deuxième partie du livre, dans l'après et un semblant de reconstruction, Mireille , dotée d'un caractère fort, devenue avocate, , très consciente des injustices liées aux disparités de classe sociale, "Dans l'avant, je tenais pour acquis le caractère sacré de mon corps , dans l'après , mon corps n'était rien " .

Elle ne se sent plus vivante, , ne peut pas parler de ce qu'elle a enduré , elle ne communique plus avec son mari, se sent à l'état d'animal,refuse qu'on la touche..

Elle se sent morte, souillée à jamais ........entourée d'une ".cage ".......

Elle tente de s'orienter et de se réorienter , au sein d'une nouvelle géographie .

"Dans l'avant, c'était tellement facile de croire en l'heureux à jamais "........Comment survivre dans de telles conditions, comment surmonter un tel traumatisme? Comment recréer une intimité avec son mari ?



La rédemption revêt parfois des formes inattendues, originales .........

Mireille, un très beau personnage , qui ne se laisse pas faire, forte, dure , rebelle, presque brisée, jamais domptée, un portait magnifique d'une femme dans une situation extrême.

Roman cru , brillant et choquant, époustouflant, un coup de coeur qui dévoile sous nos yeux, le courage, d'une mére, d'une fille, d'une femme malmenée par la vie , qui donne à réfléchir , cet ouvrage nous laisse en état de choc , laissant des marques et une empreinte longtemps après la dernière page !

Un écrit fort qui parle à notre esprit à propos de ce qui se passe à Haïti où la richesse et le confort peuvent côtoyer l'extrême pauvreté et les excés les plus divers ! ........

Récit remarquable à la très belle écriture , écrit par une fervente militante des droits de la femme et de la liberté sexuelle , à ne pas mettre entre toutes les mains .......

Merci à Marylin , mon amie de la médiathèque pour cette pépite ! Une fois de plus!
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Hunger

A 12 ans, Roxane est violée par un camarade de classe et ses amis. Honteuse, elle décide de n'en parler à personne, surtout que désormais elle est traitée comme une fille facile par ses agresseurs et est la cible d'insultes. Pour se protéger désormais des hommes, elle prend du poids, beaucoup de poids, allant jusqu'à 260 kilos. Sa famille essaie de la convaincre de maigrir mais se sentant trop fragile plus mince, elle a besoin de cette carapace pour se protéger. La jeune fille se découvre alors une passion pour la littérature et le théâtre alors que ses parents la poussent vers des études de médecine. Vulnérable, Roxane est à la recherche de relations amoureuses, parfois violentes, qui ne la respectent pas forcément. Elle nous raconte le regard des autres sur son corps, les difficultés à s'habiller quand on a un physique hors normes, celles à voyager, notamment en avion, à fréquenter les lieux publics, les rendez-vous médicaux où elle est jugée d'abord sur ses kilos en trop et sa propre haine de son corps.



Je remercie tout d'abord Babelio à travers l'opération Masse Critique et les Editions Points de m'avoir fait découvrir ce témoignage si touchant. Au début de ma lecture, je n'avais pas réalisé qu'il s'agissait d'une histoire vraie, je pensais que c'était une fiction et quand j'ai compris que l'auteur racontait sa propre vie, cela m'a laissée sans voix. De plus, voir l'auteur en photo m'a permis de me représenter son physique différent et de mieux ressentir sa souffrance.

Dans ce livre, j'ai retrouvé beaucoup de remarques très justes sur les kilos en trop, la façon dont les gens en général jugent les personnes en surpoids, le fait que la minceur soit associée au bonheur et donc le surpoids à l'échec, les regards blessants sur soi quand on est différent. On sent la souffrance de l'auteur dans ces pages, cela m'a beaucoup touchée.

On associe très souvent obésité à mauvaise alimentation, laisser-aller de la personne, négligence, ici des raisons psychologiques font que l'auteur a grossi plus ou moins volontairement. Il serait intéressant de faire connaître ce témoignage pour changer un peu les mentalités qui sont souvent dans le jugement et la critique. En effet, je pense que bien souvent des raisons psychologiques font que si on est en surpoids, ce n'est pas pour rien et que ces kilos auraient quelque chose à dire sur nous.

L'écriture de Roxane Gay est agréable à lire, découpée en chapitres souvent très courts ; ce témoignage se lit rapidement.
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Difficult Women

J'ai entendu parler de Roxane Gay, notamment avec la sortie des célèbres Bad Feminist et Hunger, deux essais qui m'intéressent depuis plusieurs années. C'est finalement avec son dernier livre, Difficult Women, que j'ai découvert l'autrice.



Dans ce recueil de nouvelles, Roxane Gay met en scène plusieurs protagonistes : toutes sont des femmes cabossées par la vie et, disons le, le patriarcat. À bien des égards, cet ouvrage traite également du racisme et de l'intersectionnalité entre les oppressions (par exemple, être une femme noire, qui revient à vivre ce que nous appelons la misogynoir). Dans un des textes, nous avons deux sœurs qui ont été kidnappées et violées enfants et qui, depuis, sont devenues inséparables. Nous faisons également la connaissance d'une strip-teaseuse qui va se revoir proposer une offre par un client riche. Tant d'histoires différentes mais liées par une chose : les violences sexistes et sexuelles.



Je ne suis pas amatrice de nouvelles parce que j'ai toujours l'impression que le propos n'a pas le temps d'être développé : selon moi, je n'ai pas le temps de m'attacher aux personnages, voire de bien comprendre l'histoire. Tant de préjugés que Roxane Gay a réussi à casser un petit peu avec ce livre. Malgré tout, ce n'est pas le genre auquel j'adhère le plus, même après cette lecture.



L'autrice n'y va pas toujours avec le dos de la cuillère pour dénoncer les violences sexistes, et ça fait du bien. Ces vécus de femmes, souvent tragiques, sont, d'une certaine façon, communes à toutes les personnes sexisées. Les lieux, les personnages, les événements ne sont pas les mêmes mais la violence sexiste et raciste est là, présente dans les nouvelles qui composent ce recueil. Même si j'ai trouvé que certaines nouvelles étaient trop courtes et d'autres un peu nébuleuses, c'est un ouvrage que j'ai aimé, à la fois pour le style de l'autrice mais aussi pour son engagement.
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Bad féministe

Pour commencer, un grand merci à Babelio et aux éditions Points pour ce partenariat.

Je suis très sensible aux couvertures, à la qualité d’impression et de mise en page, même (et surtout !) pour les poches, et les éditions Points me déçoivent rarement sur cet aspect.

La couverture est jolie oui, avec un portrait de l’auteur, une femme forte, indépendante et féministe les yeux au ciel dans une pose «étourdie-rigolote » sensée refléter son propos; Ok donc pour la photo. Par contre, ce bandeau rose bonbon... c’est pas mon truc à la base le coup du bandeau (à ce sujet, je vous invite à (re)découvrir l’excellente enquête Babelio sur les jaquettes et autres bandeaux ici : https://babelio.wordpress.com/2018/10/15/couvertures-quatriemes-de-couvertures-bandeaux-quen-pensent-les-lecteurs/ )

mais franchement ? Rose bonbon ?!

Si l’auteure dit adorer cette couleur, c’est quand même très premier degré, non ?!

Elle en parle d’ailleurs très bien p.243 « Les jaquettes sont souvent caractérisées par des couleurs pastel, des silhouettes de femmes élégamment vêtues ou quelques parties de leur corps étalés de façon ambiguë. [...] En tant qu’écrivains, nous n’avons que peu de contrôle sur la façon dont s’organise le marketing de nos livres ou sur les jaquettes dont on les affuble. Et soyons clairs : la « fiction féminine » et le design souvent mièvre des couvertures qui l’accompagne résultent de choix de marketing destinés à embrasser le sujet du livre, ou son auteur, ou les deux. Nous sommes dépendants de ces catégories arbitraires, qui de bien des façons sont insultantes envers les hommes, les femmes et l’écriture. »

CQFD...



Sur le fond, c’est intéressant et raconté de manière sympathique avec des exemples puisés dans la vie de l’auteure ou dans la culture populaire, et exposés avec humour et sincérité.

Sans être révolutionnaire, le propos de Roxane Gay est important : elle nous parle de culture du viol, omniprésent dans les médias, des connotations négatives associées systématiquement a tout ce qui est féminin, des discriminations faites aux femmes issus de minorités (noires, transgenres, grosses, etc.) parfois par les femmes elles-mêmes. Elle insiste d’ailleurs sur l’importance de la solidarité entre les femmes, relève le peu d’intérêt des débats sur le genre, accuse la sphère publique (lois, opinions, débats) d’être intrusive lorsqu’il s’agit de la vie ou des choix des femmes, etc.

Une bonne piqûre de rappel donc.

Avec cependant quelques bémols qui m’ont empêchés d’apprécier pleinement cette lecture (en dehors de l’affreux bandeau) :

La langue, tout d’abord, un parler théâtral façon one woman show, très courant dans les essais anglo-saxons mais que je trouve personnellement un peu fatiguant à la longue (il y a tout de même 400 pages !)

Ensuite il y a un problème de références. On ne connaît pas la grande majorité des séries télévisées, publicités, livres, spectacles d’humoristes, journaux etc. qui sont cités.

(Ça n’a l’air de rien mais imaginez un livre qui s’appuierait, pour illustrer son propos, sur le dernier spectacle de Jean Marie Bigard, les émissions de Cyril Hanouna, des livres pour enfants comme Martine à la plage ou encore la série télé Hélène et les garçons. Maintenant imaginez qu’un japonais lise ce livre...)

Ce décalage culturel rend finalement ce genre de livre difficiles à exporter car toutes ces références à la culture populaire américaine finit par noyer le lecteur (non américain) qui n’y comprend plus rien. Et c’est très frustrant !



Une petite déception qui n’engage bien sûr que moi, aussi je vous invite à vous faire votre propre idée en le lisant. Car, bonne ou mauvaise, de toutes nationalités, cultures, couleurs, que vous soyez féminine ou pas... peu importe, Soyez féministe !



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Hunger

J'ai été très touchée par le témoignage de cette personne attachante, sensible et intelligente qu'est Roxane Gay. Elle nous livre sa vulnérabilité en pâture, elle qui pourtant a si peur qu'on la brise à nouveau.



A 12 ans, Roxane, bonne petite fille qui a toujours voulu ne pas décevoir ses parents s'enferme dans le silence. Un douloureux silence qui est celui d'un viol collectif. Elle trouve refuge dans la nourriture, surtout parce que celle-ci la réconforte et lui donne un sentiment de sécurité. Mais cette armure devient une cage de souffrances.



Elle nous parle de ce traumatisme, tout en pudeur, mais nous voyons combien cela l'a détruite.

Roxane parle aussi à chacun(e) de nous. A nous et à notre rapport complexe à notre corps.

Elle évoque aussi tout ce que la société attend de vous et de corps.

Combien vous vous identifiez à ce corps comme s'il résumait ce que vous étiez. Elle qui voudrait tant se rendre invisible, mesure 1m91 et pèse 261 kg. Alors elle nous raconte aussi ce que les autres vous renvoient sans cesse à la figure et à quelle point elle est une petite fille qui tremble à l'intérieur de se soumettre au regard des autres.

Mais c'est aussi une femme forte. Une femme qui malgré tous les doutes qu'elle avait de mériter d'être respectée et d'être aimée a réussi. Elle est devenue écrivain, essayiste reconnue en tant que féministe, a obtenu des diplômes brillants, est entourée d'amis et de proches qui l'aiment.

Roxane n'est pas guérie. Elle restera toujours avec une fêlure qu'aucune colle ne pourra réparer. Mais Roxane tend à se libérer.



C'est un témoignage je le disais qui m'a émue, qui est entré en résonance avec moi, bien que mon histoire n'ait rien à voir avec la sienne. Mais j'ai aimé sa sincérité, sa vulnérabilité, sa profondeur.

Et j'ai faim de la lire encore (bad feminist)

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Treize jours

J'ai d'abord été séduite par la couverture de ce livre à la bibliothèque car je trouve celle-ci très belle et épuré et je vois de plus en plus d'articles sur l'auteur Roxane Gay qui a également écrit Bad Feminist, il n'en fallait pas plus pour attiser ma curiosité.



J'ai vraiment beaucoup aimé ce livre, ce contexte qui prend place à Haïti que l'auteur connait bien et qui est très bien décrit dans ce récit. J'ai aimé suivre Mireille Duval et sa famille durant son enlèvement et ses 13 jours passés à la merci de ses ravisseurs.



Car si on suit Mireille durant sa captivité le récit ne tourne pas uniquement autour de cela et c'est ce qui le rend d'autant plus poignant, on suit celle-ci et son mari avant cet événement (le récit alternant entre le passé et le présent). Mais l'histoire va plus loin que cela car nous suivons le couple et leur famille après ce douloureux moment et comment on peut se reconstruire quand on a vécu les pires sévices possible durant 13 jours.



Le contexte géographique renforce encore plus le récit avec ces questions de richesse opposé à la pauvreté sur l'île, c'est d'ailleurs la raison pour laquelle Mireille se fait enlever.



Les sévices racontées sont également narrées avec pudeur il n'y a pas de course au sensationnel ou à la surenchère il est d'ailleurs parfois plus judicieux de suggérer au lecteur plutôt que tout raconter.



Un récit que je garderai longtemps en mémoire car c'est le genre de livre qui est marquant à mes yeux. Une très belle découverte avec cette plume et je lirai avec plaisir d'autres bouquins de l'auteur.
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Bad féministe

Challenge Plumes Féminines



Peu connue encore en France (en dehors des réseaux féministes), Roxanne Gay gagnerait à l'être. Sa finesse d'analyse à propos de l'image des femmes qui est véhiculée par les médias, les films, les séries et leurs funestes conséquences font réfléchir sur ce que nous acceptons de regarder et d'encenser. Les Etats-Unis étant ce qu'ils sont au niveau du droit pour les femmes de disposer de leurs corps, elle rappelle que lorsqu'il y a législation, cela signifie que l'objet de la loi est dans le domaine public. Donc le corps des femmes et ce qu'elles en font est public. Et dans le cas, présent, ce n'est pas une force pour elles, mais une faiblesse : leurs droits sont révocables à tout instant si elles n'y sont pas attentives (sans parler du coût, dans un pays sans couverture sociale), et surtout elle rappelle que l'illégalité n'a JAMAIS empêché les femmes d'avorter ; simplement, elles se mettent en danger. De plus, elle parle depuis une intersection : féministe et noire. Ce qui rend encore plus sensible certains sujet dont la contraception ou l'accès aux soins ou aux représentations dans les médias grands public. C'est très gênant de se rendre compte que les noirs sont cantonnés à certains rôles, peu importe leur talent à l'écran ou sur scène (la problématique émerge enfin sur a scène publique en France également. Voir Noir n'est pas un métier)

Et elle est en colère : elle en appelle à notre responsabilité, à assumer les conséquences de ce que nous faisons. Une blague sur le viol banalise, le viol, ce que ne semble pas comprendre certains "humoristes". Et à accepter nos contradictions : oui on peut être féministe et aimer la télé-réalité ; il faut être conscient de ce qu'on regarde et ce que cela révèle de notre société (un exemple parmi d'autre). Elle est en colère, mais sans que cela paralyse sa capacité d'analyse. Elle écrit pour ne pas hurler (enfin, c'est ce que j'ai ressenti). Elle écrit parce que nous devons savoir comment le système patriarcal perdure. Et qu'elle parle des Etats-Unis n'est pas un problème : les problématiques se recouvrent.

Etre féministe, c'est comme être humain : nous ne sommes pas un bloc cohérent.

Roxanne Gay : good feminist and good human being.
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Treize jours

Une première en littérature haïtienne. Sans mon club de lecture je n'aurais jamais ouvert ce roman. Je choisis souvent grâce à une couverture attractive mais là c'est ballot il y en a pas vraiment....



Mireille est d'origine d'Haïti, issue d'une famille fortunée, mariée à un Mister America et un petit garçon métis. Lors d'un court séjour dans sa famille, elle est kidnappée par 7 hommes. A Haïti kidnappeur est un métier, disons on est chef d'entreprise.... En temps normal cela se déroule car c'est le sport national, deux trois jours de détentions et la victime rentre chez elle saine et sauve. Mais pour Mireille c'est tout autre. Son père a des convictions, payer les ravisseurs signifie perdre et mettre sa famille en danger et surtout toucher à son patrimoine. Pour Mireille c'est le début de l'enfer qui durera 13 jours.



Les maitres mots de ce drame psychologique : séquestration et reconstruction. Mireille vit un calvaire sans nom qui lui laissera des traces physiques et psychiques. Je ne spoile pas Mireille l'annonce des le départ son calvaire dure 13 jours. Roxanne Gay décrit avec beaucoup de pudeur l'enfer de Mireille. Pas besoin de descriptions, la suggestion suffit. L'auteur va plus loin que la séquestration, elle traite du syndrome post traumatique. Mireille s'en sort vivante mais dans quel état émotionnel et physique? Peut-elle retrouver sa vie d'avant avec son mari et son fils? Comment va t'elle réagir face à la non assistance de son père? Comment peut-elle se sentir encore proche de sa patrie d'origine? Et surtout comment Mireille va t'elle tenir pendant ses 13 longues journées?



Un roman profond écrit par une femme haïtienne pour les femmes haïtiennes qui ont vécues ce calvaire. Un roman qui traite une drame psychologique donne cependant un message d'espoir. Un fait divers encore existant à ce jour à Haïti. Un pays pauvre dont le kidnapping est courant.

Je le conseille fortement.
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Treize jours

Mireille, fille d'un riche homme d'affaires, profite de ses vacances à Port au Prince avec son mari et son bébé dans la villa familiale. Alors qu'elle s'apprête à passer la journée à la plage, elle est violemment kidnappée. Les ravisseurs réclament une rançon à son père qui refuse de payer.

C'est alors que l'enfer commence pour Mireille... pendant treize jours.

Je remercie chaleureusement Babelio pour l'opération "masse critique" et les éditions Denöel pour l'envoi de ce roman. J'ai ainsi pu découvrir la plume de Roxane Gay, une auteure américaine d'origine haïtienne qui a jusqu'ici écrit plusieurs nouvelles et essais. "Treize jours" est son premier roman. Il est publié au Etats-Unis en 2014 sous le titre original "A unstamed state" et a fait beaucoup parler de lui.

Mireille Duval est une avocate américaine qui vit à Miami avec Michael, son époux, et son fils. Ses parents sont des immigrés haïtiens qui ont quitté l'île peu de temps après leur mariage. Son père a travaillé dur toute sa vie et a fait fortune dans le bâtiment. Disposant de ressources suffisantes, ses parents ont fini par retourner vivre à Haïti dans une villa sécurisée construite à Port-au-Prince. Les enfants et petits-enfants viennent souvent les rejoindre pendant les vacances.

Mireille n'a jamais connu la misère. Elle a grandi dans une belle maison et a fait de brillantes études. C'est une femme bien entourée qui mène une vie paisible et heureuse jusqu'au jour où tout bascule.

Le décor est planté dès le début. L'histoire se déroule à Haïti, un petit pays des Antilles proche de Cuba. Situé en pleine mer, on y trouve de belles plages et en son cœur c'est une terre montagneuse. Cependant, la population est très pauvre, seule une minorité a pu échapper à la misère et faire fortune à l'étranger. Les nouveaux riches (la diaspora) reviennent aux pays. Ils construisent de belles demeures et s'y installent une partie de l'année ou durant les vacances. Cependant, la criminalité sévit et le kidnapping est devenu un mode opératoire qui rapporte rapidement de l'argent.

Dans le livre, Mireille est le narrateur. Elle nous raconte son histoire, ses sentiments, ses souvenirs et ses peurs les plus profondes. Le lecteur découvre d'abord une femme terrifiée, prise de panique. Elle nous décrit son étouffement face à l'enfermement et à la peur qu'elle ressent. Puis, on découvre une femme forte et déterminée. Progressivement elle tient tête à ses kidnappeurs. Face à la cruauté de ses ravisseurs, elle refuse de céder à leurs tentatives d'intimidation. Arriveront alors les viols et les actes de barbarie qu'elle nous décrit avec des mots très forts.



Le livre est divisé en deux parties. Dans la première, c'est le kidnapping et les sévices subis, dans la deuxième c'est la libération et la reconstruction. Dès la quatrième de couverture le lecteur sait que Mireille sera libérée et qu'il faudra qu'elle ré-apprenne à vivre. Face au traumatisme vécu, le plus grand combat va être de retrouver un semblant de vie normale et une vie intime avec son époux.

Comment le couple va-t-il survivre à de telles blessures ? Quels seront les rapports avec son père ?

Le thème principal du livre est dur : comment briser psychologiquement et physiquement un être humain en treize jours ? Combien de temps faudra-t-il pour se relever ?

J'ai vraiment aimé découvrir cette auteure ainsi que l'histoire qu'elle raconte avec tellement de réalisme. "Treize jours" est une lecture que je n'ai pas pu lâcher jusqu'à la fin. Roxane Gay a su maintenir un suspense qui m'a tenu en haleine tout au long du récit. Dans la première partie, on attend la fin du calvaire jusqu'au treizième jour puis le jour de la libération, l'intrigue est maintenue. Elle est toujours aussi prenante, ça ne s'arrête jamais. Les chapitres ne sont pas très longs, pourtant ils sont bien détaillés. L'ambiance est dure et glaciale.

Évoquant des thèmes forts, avec une écriture vive et incisive, une histoire poignante.


Lien : http://labibliothequedemarjo..
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Hunger

Dans une précédente liste de livres de Masse Critique, j’avais noté ce livre « Hunger » de Roxane Gay, interpellée par son sujet. L’auteur, féministe américaine, explique son traumatisme d’avoir une obésité massive dans un monde conçu pour les minces. Elle y décrit sa relation avec son corps, avec la nourriture ainsi que son vécu de victime de violences sexuelles. Presque tout le monde se débat avec son poids à un moment donné ce qui signifie qu'il y aura quelque chose dans ce livre qui vous sera familier. Je n’ai pas eu ce livre à la sélection alors je l’ai acheté.

Roxane Gay a pris du poids à la suite de son traumatisme, un viol collectif à l’adolescence, à la fois pour ressentir du réconfort et pour se protéger. Elle explique que le fait de prendre du poids lui permettait d’être physiquement imposante mais aussi repoussante pour les hommes. En évitant le regard masculin, Roxanne Gay a cherché à se sécuriser contre d'autres agressions sexuelles.

L’auteur parle des relations avec sa famille, les amis, la nourriture, les gymnases, la sueur, les voyages et son propre ressenti par rapport à la taille de son corps. Elle critique le marché des vêtements féminins, l’industrie du régime et sa publicité, les personnalités publiques, les transports publics. Roxane Gay rapporte les multiples remarques, souvent verbalement émises et grossières en réaction à la vue de son corps qui manque de conformité par rapport aux normes de beauté actuelle.

Roxane Gay, de façon réaliste, ne nous épargne pas son propre dégoût d’elle-même, même si elle insiste sur son droit à être traitée avec dignité car l'obésité a affecté la façon dont les gens la perçoivent et la traitent dans la vie de tous les jours. Elle sait que le fait de ne pas avoir réussi à maigrir durablement nuit à son identité et à son estime d’elle-même. Ses réactions et ses problèmes de poids sont plus extrêmes que la plupart des gens mais sa manière honnête de les exprimer fait qu’on n’a pas envie de juger ses choix.

C'est une lecture difficile et inconfortable, oui, le sujet mérite d'etre raconté mais j’ai été rebutée par la liste des frustrations et des accusations. J'ai abandonné ce livre sans le finir…

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Hunger

Nous pensons tous connaître le « pourquoi » du corps des autres, nous jugeons les autres selon la forme, la taille, la largeur de leur corps, sans jamais nous interroger sur la justesse de notre analyse. Le monde occidental est ainsi fait qu’il idolâtre les corps minces et dénigre les corps obèses, par principe, sans chercher d’explications. Roxane Gay, dans ce nouvel essai, nous confronte à ces explications que personne ne cherche jamais vraiment, elle nous explique le « pourquoi » de son corps, elle nous explique la persévérance avec laquelle elle a cherché à grossir et la difficulté de vivre aujourd’hui avec son obésité sans vouloir vraiment s’en défaire. Elle raconte son expérience, ce viol terrible à douze ans qui l’a conduite à vouloir transformer son corps en forteresse, en objet de répulsion, afin que jamais plus des hommes ne puissent se l’approprier de cette manière. Elle raconte son errance, ses doutes, ses fuites en avant, ce traumatisme psychologique qu’elle a vécu en gardant pour elle son viol, malgré l’affection inquiète de ses parents.



Hunger n’est pas vraiment un livre à propos de l’obésité – oui, c’est le thème principal, et oui, il nous apprend à appréhender différemment les gens obèses, en nous renseignant sur leur propre réalité. Mais c’est aussi et surtout un livre sur les limites que nous impose notre corps, qu’il soit mince ou gros, pour réaliser nos rêves et nos projets. Et c’est un livre sur la nécessité de dépasser ces limites inhérentes à notre condition d’être humain pour aller de l’avant et s’appliquer à être ce que nous sommes, au fond de nous. C’est un livre sur l’acceptation de soi, malgré tout ce que nous avons vécu et malgré la réalité de nos corps et malgré le regard de la société sur ce que nous paraissons être.



Témoignage unique et courageux, Hunger bouscule et questionne, tout en transmettant un message fort d’estime de soi et de bienveillance.
Lien : https://theunamedbookshelf.c..
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Bad féministe

La première chose à (re-)préciser concernant ce livre, c’est qu’il ne s’agit pas d’un essai (c’est sous ce tag que le référence par exemple LivrAddict). Les textes rassemblés ici sont très différents les uns des autres, assez brefs, et s’ils sont classés plus ou moins par genres, n’ont pas réellement de lien entre eux, si ce n’est le point de vue de l’autrice sur les questions traitées. Il n’y a pas réellement de ligne directrice. Ici, on est à mi-chemin entre les textes critiques (de livres, de films, de personnes, d’évènements) et le témoignage. L’autrice nous fait part de ses expériences personnelles et de ses avis, ce qui est tout à fait légitime et intéressant, mais ce n’est clairement pas un essai et c’est une erreur de présenter ce livre de cette façon, tout comme ce serait une erreur de lire ce livre en espérant y trouver un essai.



Il est question ici de féminisme, en particulier de féminisme intersectionnel, d’homophobie, de sexisme, de violences sexuelles et de bien d’autres sujets. Là où je rejoins Roxanne Gay dans son propos, c’est que moi aussi j’en ai marre d’entendre des femmes dire « je ne suis pas féministe ». A moins que vous pensiez que les hommes doivent avoir plus de droits que vous uniquement parce qu’ils sont des hommes, vous êtes, de facto, féministes. Je ne développerai pas davantage le sujet, je suis ici pour parler d’un livre et pas des trucs qui m’énervent ^^



Ce livre se retrouve dans un billet consacré à des lectures oubliables pour plusieurs raisons. La première est que je l’ai trouvé assez fouillis. Ce genre de recueils me donne l’impression de constamment sauter du coq à l’âne et de ne pas vraiment développer suffisamment les sujets abordés.



Ensuite le point de vue est celui d’une femme afro-américaine, ce qui est tout à fait intéressant et respectable, mais ce point de vue est construit uniquement en opposition « aux Blancs » et en cela elle fait exactement ce qu’elle reproche aux autres: séparer le monde en deux catégories, d’une part (les « latinos » sont mentionnés une ou deux fois, le reste du monde peut aller se rhabiller, à l’exception des voisins coréens qu’elle cite une fois à titre d’anecdote); et d’autre part construire son identité et sa réflexion presque uniquement en fonction de cette dualité. J’ajouterai qu’à l’exception de la Suède, qui n’est citée qu’à titre de contre-exemple (et l’autrice ne tient pas compte des différences culturelles ni du contexte social pour développer sa réflexion), il n’est question que des Etats-Unis.



Ce qui pose un autre problème pour le lecteur non-états-unien: les références culturelles, sociales et liées à l’actualité (d’avant la publication en 2014, en plus) m’étaient pour beaucoup d’entre elles inconnues. Si tout le monde peut saisir de quoi il est question quand on parle de 50 nuances de Grey ou de Hunger Games, ce n’est pas le cas pour des comiques de stand-up, des films « de niche » jamais diffusés chez nous ou ce genre de références.



Pour finir, depuis la publication de ce livre, le mouvement #Metoo et bien d’autres sont passés par là , ce qui fait qu’il est à mon avis dépassé, daté.



Cependant, il y a de très bonnes choses dans ce livre, en particulier sur les violences faites aux femmes, les questions de genre et de « race » (je le mets toujours entre guillemets, parce que je ne crois pas à cette notion). La plume, pleine d’humour et de sarcasme, est assez agréable.



Pour tous ces aspects, ce livre vaut la peine d’être lu. Mais je pense l’oublier assez vite: trop fouillis, trop long, trop daté et trop américano-centré (trop Roxane-Gay-centré, en fait) pour moi.
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Treize jours

Des vacances à Haïti qui tournent au drame. Un kidnapping en échange d’une rançon. La vie d’une jeune femme qui bascule.



Treize jours dans une cage. L’enfermement, la solitude, la terreur.



Treize jours interminables. Les coups, la faim et l’indicible.



Treize jours au bout desquels Mireille n’est plus. La jeune femme est brisée, broyée à l’extérieur comme à l’intérieur.



Comment se relever, reprendre une vie normale après avoir vécu le pire? Comment pardonner à un père qui a fait le choix de sacrifier sa propre fille?



Dès les premières pages, j’ai été happée, remuée par cette histoire. La description de l’enfer que traverse Mireille est bluffant de réalisme et prend aux tripes. Certaines scènes sont très dures, secouent et il vaut mieux avoir un moral en acier avant de se lancer dans cette lecture.



Et il y a la reconstruction. L’après. Le courage d’une femme, une volonté de survivre. Une histoire forte, bouleversante sur la résilience.



Mais ce récit est également le portrait d’un pays en proie au chaos, à la misère, où les enlèvements sont fréquents. Roxane Gay nous dépeint le Haïti d’aujourd’hui, dans toute sa beauté et sa laideur. Ses plages et ses bidonvilles.



Un roman choc, vraiment marquant, incroyablement saisissant. Un livre qui me hantera longtemps.
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Bad féministe

Ce livre est un recueil de chroniques écrites par Roxanne Gay dans les médias états-uniens.

Dans ses chroniques, l'autrice questionne l'actualité et la société et offre des analyses et des remises en cause extrêmement profondes, intelligentes et contemporaines. Roxanne Gay est une femme noire de forte corpulence, d'une quarantaine d'années, détentrice d'un doctorat et professeure d'université. Elle est également très présente dans les médias et les réseaux sociaux, qu'elle maîtrise parfaitement.

Et c'est donc à travers tous ces prismes qu'elle entreprend de remettre en perspective les problèmes de la société états-unienne - mais finalement valable aussi chez nous, ce type de problématiques étant malheureusement universel - : le patriarcat et le combat pour l'égalité (je recommande la lecture du chapitre sur le contrôle de la liberté des femmes à la procréation uniquement géré par les hommes, et les raisons de ce contrôle), mais aussi la dictature de la minceur et la discrimination fait aux personnes souffrant d'obésité, la « culture" du viol, la discrimination raciale, les enfants, etc.

On m'avait présenté ce livre comme le « livre culte des années 2020 », ou autre bandeau commercial du même type, ce que je déteste d'emblée.

C'est un vrai livre, documenté, qui mélange les vraies analyses avec les réflexions personnelles et les exemples contemporains connus de tous. En ce sens, cet ouvrage est bien plus intéressant et percutant qu'un long discours sur les droits des minorités et des femmes (les femmes ne sont pas une minorité, je rappelle).

En fait ce n'est pas une oeuvre culte. C'est une oeuvre essentielle pour comprendre le monde et je me réserve la possibilité de le relire car je pense qu'il est nécessaire de reprendre plusieurs fois la plupart des articles pour bien comprendre tous les rouages du pouvoir et les mythes de domination qui l'accompagnent.
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Banks

Ce tome contient une histoire complète et indépendante de toute autre. L'éditeur a pris le parti de publier en même temps la version en épisode, et la version en recueil. Ce tome a été publié initialement en 2018, écrit par Roxane Gay, dessiné et encré par Ming Doyle, avec une mise en couleurs réalisée par Jordie Bellaire.



À Evanston dans l'Illinois, en 1972, Melvin et Clara Banks garent leur belle américaine devant un pavillon de banlieue. Ils revêtent leur cagoule, et elle pénètre dans la demeure en passant par un soupirail, puis elle va ouvrir la porte donnant sur le jardin, à son époux. Ils pénètrent dans le salon, avec beau bureau, et une peinture accrochée au-dessus de la cheminée. Melvin fait la courte échelle, et Clara s'attaque au coffre-fort derrière le cadre. Assez facilement elle parvient à l'ouvrir et découvre huit lingots d'or que les époux récupèrent, et ils s'en vont tranquillement. Au temps présent, à Chicago dans l'Illinois, Celia Nelson Banks pénètre dans les bureaux du cabinet d'affaires Morrow, William et Klein. Quelques instants plus tard, elle s'assoit à la table de réunion avec les autres responsables de portefeuille, en face de Clay son conjoint. Le chef annonce que l'un des salariés présents sera bientôt choisi pour devenir un associé au sein de l'entreprise. Le soir, Clay vient trouver Celia dans son bureau pour lui dire qu'il est temps de rentrer : elle lui répond qu'elle va travailler encore un peu pour se donner toutes les chances d'être choisies comme associée. Son téléphone sonne : elle répond, c'est sa mère Cora Banks. Cette dernière va rendre visite à sa mère Clara, la grand-mère de Celia, et elle souhaite qu'elle l'accompagne. Celia décline car elle doit encore travailler.



En 1968, Clara arrive à Chicago dans l'Illinois et se rend chez une vieille dame louant des chambres. Elle démarche plusieurs commerces pour un emploi : la réponse est négative à chaque fois, soit à cause de la couleur de sa peau, soit perce que les boulots sont réservés à la famille. Elle finit par se présenter au bar Buster's Blues. Le propriétaire est un peu gêné d'accueillir une jeune fille bien comme il faut, mais Clara a besoin de travailler et elle n'a pas beaucoup d'autres choix. Elle montre rapidement qu'elle sait se faire respecter des clients à la main baladeuse, même les gros durs. Elle finit par être accostée par un jeune homme à la mise bien comme il faut, et au visage enjôleur. Après semaines à se fréquenter, Clara a droit à un petit mot de Buster qui lui apprend de quoi vit Melvin Banks. Elle va lui demander des comptes. Au temps présent, lors d'un pot au champagne en fin de journée chez Morrow, Williams et Klein, un des patrons annonce le nom du nouvel associé : Anderson Livingston Whitney. De manière compréhensible, Celia Bank est fortement dépitée. Elle se remet à travailler encore plus dur. En 1974 à Chicago, Clara et Melvin contemplent leur fille Cora endormie dans son lit à barreaux. Il la laisse au bon soin de madame Jenkins pour la soirée, pendant qu'ils vont faire une sortie, non pas en amoureux, mais en professionnels : un casse tranquille.



TKO est une maison d'édition de comics fondée en 2017 par Tze Chun et Salvatore Simeone, ayant fait appel à des créateurs réputés pour leurs premières parution comme Garth Ennis pour Sara avec Steve Epting, Jeff Lemire pour Sentient , avec Gabriel Hernández Walta, Joshua Dysart avec Goodnight Paradise avec Alberto Ponticelli. La scénariste est une essayiste et romancière féministe. L'artiste avait déjà illustré une histoire de femmes à la tête d'une bande organisée : The Kitchen, avec un scénario d'Ollie Masters. La première scène expose clairement la nature du récit : des voleurs professionnels, spécialisés dans le cambriolage, ayant commencé à opérer au début des années 1970. Il ne faut pas longtemps pour qu'il apparaisse que le récit se focalise sur trois femmes : Clara (la grand-mère), Cora (la mère) et Celia (la fille). S'il n'y prête pas attention, le lecteur plonge dans une histoire de casse, avec le choix de la victime, l'organisation et les préparatifs dudit cambriolage, ainsi que son exécution. Bien sûr il se produit quelques imprévus, ce qui amène le trio à improviser. Ce n'est que s'il fait l'effort de considérer le récit sous cet angle, qu'il constate que le trio est constitué de trois femmes, trois afro-américaines. L'autrice écrit son récit normalement, sans s'en servir comme d'une tribune, que ce soit pour le féminisme ou pour des revendications égalitaires. C'est juste un récit policier (il y a aussi une inspectrice Juanita Vasquez). Pour autant, c'est également un récit dont les personnages principaux sont des femmes.



Le récit ne sert donc pas de prétexte pour faire passer un message, et le lecteur a vite fait de ressentir de l'empathie pour ces trois femmes très différentes, entre Clara qui a vécu une vie bien remplie, Cora qui a élevé sa fille avec sa compagne, et Celia qui grimpe les échelons dans une firme prestigieuse. Même si l'inspectrice n'a qu'un rôle secondaire, elle en impose par sa vocation professionnelle et son implication totale : rien ne lui fera lâcher sa proie. L'artiste réalise des cases dans un registre descriptif et réaliste avec des traits de contour fins et assurés, assez souple, sans utiliser d'aplats de noir. Cela donne une apparence un peu légère aux dessins, parfois un peu éthérée. Cette caractéristique est contrebalancée par la mise en couleurs de Jordie Bellaire une orfèvre en la matière. Elle utilise une palette de couleurs un peu foncées qui viennent conférer du poids à chaque surface détourée, sans pour autant ralentir la lecture, sans prendre le pas sur les traits encrés au point de les masquer.



Ming Doyle sait donner une apparence unique à chaque personnage, le lecteur reconnaissant chacune des trois héroïnes du premier coup d'œil quel que soit leur âge, en fonction de l'époque à laquelle se déroule telle ou telle séquence. Sans aller vers le photoréalisme, elle prend soin de varier les tenues des unes et des autres, et de faire en sorte que chaque habit corresponde à l'âge et la position sociale de la personne qui la porte. Même s'il peut avoir une sensation de décors un peu légers du fait des traits de contour fins, le lecteur constate rapidement que chaque endroit est représenté avec un niveau de détails suffisant pour le rendre unique, avec une plausibilité impeccable. De séquence en séquence, il constate également que l'artiste est une excellente metteuse en scène et directrice d'actrices et d'acteurs. À aucun moment, il n'éprouve l'impression de voir défiler une succession de têtes en train de parler, même quand la scénariste doit dispenser des informations pour faire avancer l'intrigue. Le lecteur voit des personnes en train de se comporter normalement, de s'occuper à d'autres tâches en parlant, ou de réagir à la fois par le visage et par les postures, avec un naturel confondant. Il voit avant tout des êtres humains se comporter normalement, et pas de simples artifices narratifs portant une intrigue bien ficelée.



Le lecteur se sent donc impliqué dans la vie de chacune de ces trois femmes, avec leur histoire personnelle propre, et leur avancée distincte dans le chemin de la vie. Il ressent la frustration de Celia à ne pas être nommée associée. Il ressent la patience limitée de Cora lorsque sa fille et sa mère se lancent dans des échanges de pique, et il fond devant l'amour évident qui lie Cora et Addie Shea. Il voit le calme de Clara l'âge aidant, ainsi que sa passion intacte qui refait surface par moment. Il fond également devant l'amour qui existe entre elle et son époux Melvin. Dans le même temps, il s'implique dans la conception et la préparation du vol qui va être perpétré dans une villa sous haute sécurité pour dérober un serveur contenant plusieurs millions. La grand-mère et la mère ont une longue expérience de la pratique des cambriolages et voient arriver d'un air sceptique Celia qui tout d'un coup décide de virer sa cuti pour les rejoindre dans la pratique du métier familial. Sous réserve de ne pas se braquer sur la notion de bitcoin, le lecteur prend plaisir à voir comment ces trois femmes ajustent leur plan au fur et à mesure des imprévus qui surviennent. Il ne se formalise pas trop de la pratique qui consiste à entremêler différentes lignes temporelles pour avoir des séquences plus courtes, et une alternance plus rapide afin d'échapper à une linéarité basique. Arrivé à la fin du chapitre 5, il se demande bien comment tout ça va finir. Il est possible qu'il ressente une pointe de déception quant à la manière dont les choses tournent dans le chapitre 6, les obstacles semblant plus contournés que réellement surmontés.



Les autrices racontent une histoire entre cambriolage et braquage, impliquant trois générations de femmes de la famille Banks. L'intrigue est rapidement prenante, et le lecteur a tôt fait de s'attacher à Clara, Cora et Celia Banks, pour leur caractère et leur volonté. Les dessins peuvent donner une impression de manque de solidité, mais en fait Ming Doyle réalise une solide narration visuelle, avec un réel don de mise en scène, donnant vie à chaque séquence, sans jamais tomber dans la scène d'exposition plate et artificielle, un des écueils d'une histoire policière en BD. Le lecteur ne se rend compte qu'après coup que le récit était focalisé sur trois femmes afro-américaines, car les autrices n'insistent pas sur ce point, les mettant en scène comme allant de soi. Il est possible qu'il ressente une petite déception avec le dénouement car Roxane Gay fait en sorte de s'affranchir du casse final.
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Bad féministe

On m'a prêté ce livre et j'ai voulu le lire par respect pour la jeune personne qui me l'a recommandé mais j'avoue ne l'avoir lu qu'en diagonale.

Il ne s'agit pas à proprement parler d'un essai mais d'un recueil de chroniques publiées dans divers médias.

J'étais intriguée par le terme "Bad Feminist" qui en fait le titre mais je le contenu des thèmes abordés parle de plusieurs sortes de discrimination au-delà de la réflexion sur la condition féminine.

Ce qui a freiné ma lecture est sans doute aussi le point de vue très américain de l'auteur qui parle de son contexte personnel et part de faits qui l'ont touchée dans son quotidien ou dans son actualité pour développer sa réflexion. J'ai rapidement feuilleté tous les chapitres qui analysaient des livres ou des séries, des films ou des manifestations qui m'étaient inconnus.

Ce qui a néanmoins retenu mon attention ce sont les passages où Roxane Gay évoque son parcours et témoigne de sa vie et de ses engagements. Lorsqu'elle raconte comment "la fille dans la forêt" rejaillit dans ses relations car cet épisode traumatique a marqué inéluctablement sa vie.

J'ai aimé son approche du féminisme et la présentation de la complexité psychologique de sa concrétisation au quotidien en fonction du vécu et des goûts de chacun(e).

Elle expose des moments d'histoire du féminisme et en rappelle différents courants et figures tutélaires.

Elle se déclare "bad feminist" car avant tout une femme qui défend les droits des femmes et aspire à l'égalité homme-femme dans la société contemporaine mais sans être forcément une militante radicale d'aucune manière.

Elle défend par ailleurs également les droits des personnes de couleur, et des personnes différentes de quelque manière que ce soit. Le droit à être soi-même de la façon qui lui convient le mieux.
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Treize jours

C’est un roman qui se lit facilement, assez vite et qui donne une idée de ce que peut-être la vie en Haïti d’après la vision de l’auteur qui en est pourtant originaire. Le moins qu’on puisse dire c’est qu’elle n’en brosse pas un portrait idyllique et que ça ne donne pas tellement envie d’y aller passer des vacances. Ca commence doucement, une famille de rêve : un couple qui s’aime, un bébé adorable, des vacances , de l’argent. C’est limite un peu gnangnan, je me suis dis « oh non, pas encore de la romance à deux balles ». Puis très rapidement le lecteur est surpris par le changement de ton, de décor, tout bascule et va vite. Mireille va payer pour la réussite de sa famille. Il faut savoir qu’en Haïti il y a beaucoup de pauvreté et quelques familles très riches, cela suscite la jalousie, la haine, la vengeance et la violence. Mireille fait partie des privilégiés, son père a réussi dans les affaires et elle a fait un beau mariage avec un américain. Un jour alors, qu’elle est en vacances dans son pays natal elle se fait enlever sous les yeux de son mari et de son enfant. A partir de ce jour, elle va subir tout les sévices physiques et moraux possible. Le lecteur est spectateur de ce qui lui arrive, c’est cruel, c’est cru, c’est horrible. On en apprend plus sur elle et sa famille à l’aide de flash-back réguliers.



Derrière l’histoire d’enlèvement il y a plus profond, on se pose des questions sur la filiation, sur la responsabilité de chacun, sur la naissance, l’origine, l’intégration, les différences raciales. Les personnages sont aboutis et ont chacun une identité propre. Mireille est une femme forte avec un caractère bien trempée et qui est courageuse et intelligente. Son père est dur, il s’est construit seul et a bâti un empire pour se sortir de la misère. Le colonel qui l’a enlevé est pervers, narcissique, il est haineux car pauvre, il en veut aux riches et sème la terreur où qu’il soit.



Ce qui est terrible c’est de voir que les haïtiens riches acceptent que les enlèvements soient courants, que certains otages soient exécutés quand la rançon tarde à venir. J’ai beaucoup aimé la description entre la beauté de certains endroits et l’horreur dans d’autres, les différences économiques et sociales sont parfaitement démontrées. La frustration des pauvres et leur haine des riches aussi et c’est ce que représente Mireille pour ses ravisseurs. Treize jours de sévices physiques et moraux, treize jours à attendre et espérer que son père paiera la rançon demandée. La 2ème partie du roman est tout aussi violente, elle a été relâchée mais elle n’est plus la même, elle est devenue sauvage. Son mari est démuni face à son changement, elle va devoir se reconstruire. L’auteur est féministe et cela se ressent, les personnages masculins sont horribles. Un roman cru et violent dont le lecteur sort dégoûté, gêné par toute cette fange.



VERDICT



Un roman noir à ne pas manquer en cette rentrée littéraire. Lecteurs sensibles s’abstenir. Une bonne lecture.
Lien : https://revezlivres.wordpres..
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Bad féministe

Bad féministe est une sorte d'essai, à vrai dire plus un recueil d'essais que l'autrice a publié auparavant, et parfois il y a un peu des recoupements mais tant pis, cela n'enlève rien à la force de ses réflexions et de son témoignage.

Cela se partage en effet entre des réflexions plus générales, sur le patriarcat, sur la culture du viol, sur les rapports entre femmes, sur la consommation de pop culture et j'en passe, et son expérience plus personnelle, en tant que femme noire et universitaire d'origine immigré, Haïti pour être précise, dans les USA d'aujourd'hui.

Pour la partie les médias et leurs horribles représentations de la femme, évidemment comme c'est une américaine, elle ne consomme apparemment que des oeuvres anglo-saxonnes, voire américaines, c'est plus fort qu'eux; mais même quand il s'agit d'oeuvres qui sont inconnues aux lecteurs, c'est bien assez clair et transposables.

C'est parfois très, très dur, plus que je ne m'y attendais, mais c'est indispensable.
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