Rui Zink - Le terroriste joyeux; Suivi de Le virus de l'écriture
Pourquoi mettre des policiers et des tanks dans les rues alors qu'il suffit d'éteindre la lumière.
- La « crise » est toujours « économique ».
- Les « réformes » sont toujours « structurelles ».
- Le « futur » est toujours « meilleur ».
- Ou « pour nos enfants ».
- Les « mesures » sont toujours « nécessaires ».
Des temps sans âme exigent des gens sans âme.
Ça fait réfléchir, non ? À la question de savoir qui est votre véritable ennemi. Ainsi va le monde, que dire de plus. Le matin ça va travailler dans les usines d'armement, l'après-midi ça manifeste pour la paix dans le monde.
Une victime, ça dégoûte. Rien ne répugne autant la bête humaine que la puanteur de la déroute.
C’est drôle comme la peur paralyse la pensée, c’est drôle aussi comme elle nous pousse à penser.
Vous voulez un conseil, m'dame ? Ne dénoncez pas les injustices - vous ne ferez que passer pour une envieuse. Ne vous plaignez pas d'être maltraitée - on vous taxera de mesquine. Si l'on vous viole ne déposez pas plainte, non - à moins que vous n'ayez envie d'entendre leurs plaisanteries et d'éprouver dans votre chair le mépris fétide moisi sulfureux que seules les victimes savent susciter.
Une victime, ça pue, m'dame. Une victime, ça dégoûte. Rien ne répugne autant la bête humaine que la puanteur de la déroute.
Le jour où vous serez une victime, m'dame, la meilleure chose qui vous reste à faire, c'est de faire comme Chico et boire votre calice en silence.
Qui veut la charité, n’a qu’à l’acheter.
- Certes, l'horreur économique, ce ne sera pas tout à fait la même chose qu'une pandémie. Mais c'est plus efficace. Ça ne tue pas autant mais ça broie mieux.
- Vérifiez par vous-même. Ça broie, ça broie.
- Ça broie, ça broie.
- C'est un broyeur.
Sur le seuil, deux hommes. L’un en costume cravate, élégant, élancé, nez et lèvres fins, mallette de technocrate à la main. L’autre plus trapu, large visage fermé, bleu de travail, boîte à outils dans une immense paluche. […]
-Bonjour, chère madame, dit celui en costume, de son air loquace. Nous sommes venus installer la peur.
-La p-peur ?
Celui en costume fait une moue de frayeur rhétorique.
-Madame n’a pas été prévenue (l’homme fait « alors » avec ses yeux) ?
La femme se mord la lèvre.
-Il faut vraiment que ce soit aujourd’hui ? C’est que j’avais déjà prévu…
L’homme au costume loquace reste cordial mais ferme :
-Chère madame, le progrès n’attend pas. C’est pour le bien du pays.