Le terroriste joyeux suivi de Le virus de l'écriture

Bienvenue en absurdie ! Ou comment en quelques pages, traiter d'un sujet grave avec dérision, humour, loufoquerie et tutti quanti ! À l'heure où l'actualité nous rappelle cruellement combien le terrorisme est un fléau durablement ancré dans nos sociétés, un peu de recul ne nuit pas. Et l'humour est en cela facilitateur.

Dans le terroriste joyeux, Rui Zink -traduit par Maïra Muchnik- nous plonge dans le dialogue en huis clos d'un terroriste amateur avec son geôlier-interrogateur, après son arrestation pour tentative d'entrée avec une bombe. Dans des dialogues très courts où les réparties fusent, les deux se confrontent, joutent verbalement, doutent, se rapprochent ou se fâchent. C'est rythmé, c'est drôle et c'est léger, mais ce serait injuste de s'en tenir à cela.

Car Rui Zink, tel un Raymond Devos portugais, utilise l'absurdité de ces savoureux dialogues pour interroger de manière décalée notre approche du terrorisme avec lequel nous avons malheureusement appris à vivre depuis plusieurs décennies. Sans oublier notre relation avec l'apparente vérité, la manipulation et le rapport de force des pouvoirs et de leurs populations. Un décalage qui permet tous les excès, et donc d'interroger ces thèmes sans suspicion de complaisance.

D'excès, il en est également question dans la délicieuse nouvelle -Le virus de l'écriture- qui clôture le volume. À l'heure où tant de gens écrivent, s'il ne restait un jour plus que des écrivains et plus de lecteurs ? Un fantasme loufoque ? En êtes-vous sûrs… Jetez un oeil ces dernières années sur l'augmentation ininterrompue du nombre de sorties de livres de chacune des deux rentrées littéraires annuelles et à la diminution parallèle et tout aussi ininterrompue de la vente moyenne de ces sorties… Reste dans cette nouvelle un facétieux clin d'oeil de Ruiz à ses lecteurs, que dis-je à son lecteur, qui rend cet auteur immédiatement attachant et sympathique.

Est-ce que j'ai aimé ? Un peu
Est-ce que c'est absurde? Beaucoup
Est-ce que je suis perplexe? Passionnément
Est-ce que j'ai ri ? A la folie !

Le terroriste joyeux c'est l'interrogatoire d'un homme arrêté pour terrorisme. Dès le départ le dialogue est teinté d'humour, assez loufoque et plutôt décalé. le terroriste plaide sa cause, l'innocence. Il propose même son aide pour éviter l'arrivée d'autres criminels sur le territoire. Ensuite le dialogue devient totalement absurde. L'interrogatoire est fini, le policier se retrouve complice. On a du mal à suivre le basculement. Les échanges entre les deux hommes révèlent l'importance des mots, la faiblesse de l'esprit. Jusqu'à la morale finale l'humour est explosif ! J'aimerais bien voir l'adaptation théâtrale de ce texte.

Le virus de l'écriture est la nouvelle qui suit. Que ferait-on si le virus de l'écriture nous contaminait tous ? Les mots seuls peuvent-ils nous permettre de survivre ? Rui Zink nous mène aussi, ici à nous interroger sur le rapport à l'autre. Écrire, s'écrire c'est bien mais notre existence n'a de sens que dans le rapport à l'autre. Alors lisons pour découvrir l'autre.

Le langage au service du mensonge et de la manipulation. L'exposition de notre paranoïa et nos angoisses contemporaines les plus clandestines, au moyen de dialogues absurdes mais révélateurs d'une évidente perdition dans une réalité détraquée. L'ultra sécurité qui colle à une époque. Rui Zink rédige deux courts récits qui interrogent les fêlures de nos sociétés, sources de nos névroses étouffées.

Deux récits, deux espaces temps sans lieu, sans époque. Universels, actuels ? Rui Zink use d'une élégante et incongrue hardiesse et, si elle ne détone pas d'une certaine clairvoyance, semble être l'objet d'un réel plaisir d'écriture. Chaque histoire est l'occasion d'une remise en question de nos systèmes de pensées et notre rapport à la vérité. Qu'adviendrait-il d'un monde où la contagion de l'écriture toucherait chacun·e d'entre nous, un idéal fallacieux, une course aux mots sans qu'ils puissent être lus ? Une aporie. L'immédiateté et le désintérêt comme dangers, prenons le temps de réfléchir.

La chronique complète sur le blog !
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Je ne connaissais pas Rui Zink avant d'entamer cette lecture, mis à part le fait qu'il avait obtenu le Prix Utopiales 2017 pour L'installation de la peur, que les éditions Agullo m'ont fait parvenir en epub, mais que je n'ai pas encore eu l'occasion de découvrir. Mais je peux vous assurer qu'après le plaisir pris à la lecture du Terroriste Joyeux, je vais sûrement m'y pencher très vite !
Cette lecture a en effet été une découverte coup de ♥. La troisième de la rentrée littéraire 2019, chacune pour des raisons très différentes, mais celle-ci est de loin la plus originale. C'est un ouvrage court, recueil de deux textes très différents l'un de l'autre, chacun posant cependant des questions fondamentales quand à notre rapport à la société. le terroriste joyeux est un dialogue absurde et drôle qui traite du rapport à l'autorité et au droit, et le virus de la lecture est un texte que je n'espère pas visionnaire sur le rapport des gens à l'écriture et la lecture.

Le terroriste joyeux

Un homme a été arrêté dans un aéroport avec une bombe dans son sac. Il est interrogé par les autorités, une personne en particulier (un homme aussi à priori), mais de temps en temps il s'adresse au représentant de l'ordre au féminin, ce qui peut laisser penser qu'il y a un deuxième interrogateur, puisque le reste du temps il parle au masculin. La plupart du temps, on a donc ces deux hommes face à face, dont on ne sait rapidement plus lequel interroge l'autre tant le terroriste présumé a le verbe facile et retourne des questions comme des balles de tennis de table. Avec son sens de la rhétorique implacable, il défend son innocence dans le rôle de terroriste, étant donné qu'il a juste transporté une bombe pas activée. Les raisons qui l'ont poussé à ça sont riches et variées, et au bout d'un moment, peuvent même sembler logiques au lecteur qui se laisse prendre au jeu de l'homme. Il faut avouer qu'en face, on a un représentant de l'ordre bien souvent pris au dépourvu, qui a du mal à obtenir les réponses qu'il attend, voire même des réponses tout court. Au point d'en arriver par moment à sembler partager les idées du terroriste…
L'action se déroule dans un pays à priori européen, avec le terroriste qui arrive d'un pays arabe, mais rien n'est cité ni les lieux, ni non plus les noms des protagoniste d'ailleurs. le texte est présenté comme une pièce de théâtre, découpé en chapitres qui sont des scènes, avec il me semble un seul changement de lieu mis à part à la toute fin… Mis à part les échanges entre les deux hommes, tout le reste reste flou, comme si le seul intérêt de ce texte résidait dans les paroles des deux protagonistes, et c'est d'ailleurs le cas !
On suit un dialogue de sourds, complètement loufoque, chacun défendant son point de vue sur l'accusation de terrorisme, avec plus ou moins de réussite, mais aussi plus ou moins de bonne foi. Sous ses atours délirants, le Terroriste Joyeux est un texte qui interroge sur notre rapport à l'autorité et à l'autre, sur la peur de celui qu'on ne connaît pas, mais aussi simplement sur l'absurdité de certaines situations, y compris dans la vie quotidienne. Une profonde réflexion sur la société, enrobée dans une comédie délirante. Un pur bonheur !!!

Le virus de la lecture

Dans ce deuxième texte, plus personne, mis à part le narrateur, ne lit. Tout le monde se veut écrivain, mais se contente d'écrire, et non pas de lire les écrits des autres, ni les infos, ni rien d'ailleurs. le narrateur écrit une lettre ouverte à d'autres hypothétiques lecteurs à travers le monde, donnant son avis sur la situation, et la catastrophe sociétale qui en découle. Il explique avoir été épargné par la maladie qui pousse tout le monde à écrire car il a été un auteur raté dans sa jeunesse. Mais que va devenir un monde où tout le monde écrit et plus personne ne lit ? Et finalement, qu'est un auteur si il n'a pas de lecteurs ? Reste-t-il seulement un auteur, ou tient-il seulement un journal ?
Encore un texte qui ouvre à de nombreux questionnements, d'une façon sans doute moins comique, mais à partir d'une situation improbable, encore que… de nos jours, avec la mise en avant de l'auto-édition, via des plateforme d'impression à la demande, n'importe qui peut publier et mettre en vente un texte, quel qu'en soit le sujet, le niveau littéraire et l'intérêt de l'intrigue. le nombre d'auteurs finira-t-il par dépasser celui des lecteurs ?

Conclusion

J'ai passé un excellent moment avec ce livre. J'ai ri beaucoup, et réfléchit tout autant, sans pour autant que cette réflexion me semble alourdir le récit, ce qui est, je trouve, un tour de force. Cette « rencontre » avec Rui Zink est un magnifique coup de ♥, et je ne manquerai pas de me pencher sur ses autres textes.
Je tiens au passage à souligner la traduction de Maïra Muchnik, qui donne au texte un rythme que j'imagine facilement être celui du texte original, ce qui est loin d'être évident dans un dialogue.
Une chose est sûre, le terroriste joyeux est un des livres que je vous recommande absolument pour cette rentrée littéraire 2019. Vous ne devez pas passer à côté de ce petit bijou !!!
J'ai reçu la version numérique de ce livre dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Agullo. Merci à eux pour la confiance.
Lien : https://leslecturesdesophieb..

Le terroriste joyeux :
Un homme est arrêté dès sa descente d'avion, il est le détenteur d'un bombe, c'est donc un terroriste, mais, pour sa défense, faute de moyens, il l'a transportée pour un de ses cousins, il n'a jamais eu l'intention de la faire exploser. S'ensuit un interrogatoire musclé, agrémenté de petites séances de torture...

Le virus de l'écriture :
Le monde entier est victime d'un virus d'un nouveau genre, un virus qui se voudra mortel à long terme, qui ne trouvera jamais de vaccin ou autre antidote, ce virus est celui de l'écriture, tout me monde y succombe, peu importe l'âge, peu à peu, les gens ne font qu'écrire, écrire, encore et toujours, ils ne font plus rien d'autre....

Rui Zink est un auteur portugais, il a déjà vu plusieurs de ses romans publiés chez Agullo et pourtant, je suis passée à côté 😱
J'ai reçu ce mini recueil de nouvelles, juste 2, mais c'est un recueil quand même, grâce à l'opération Masse Critique de Babelio.
Aussitôt reçu, aussitôt lu, j'ai commencé à le feuilleter, et me suis laissée emporter par ce dialogue qui constitue la nouvelle le terroriste joyeux.
C'est vraiment un dialogue de sourd, sans queue ni tête, très drôle et même temps tellement acerbe face à notre société actuelle, le côté humoristique et décalé permettant sûrement de mieux faire passer la pilule...
Les deux protagonistes sont hyper touchants, chacun à leur manière, même en si peu de pages je me suis attachée à eux.
Quant à la nouvelle le virus de l'écriture, elle m'a beaucoup fait penser aux épisodes de The Twilight Zone, que je regardais étant gamine, aussi courte et efficace que les différents épisodes qui constituaient cette émission.
Je vais peut-être m'intéresser d'avantage à cet auteur, je pense.