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Critiques de Sacha Filipenko (37)
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Kremulator

Après le coup de poing fulgurant de Croix rouges paru en 2018, où Tatiana, la vieille dame de 91 ans racontait la Terreur stalinienne, permettant à l'auteur une mise en avant de la difficulté de la question mémorielle en Russie... retour aux purges staliniennes et un nouveau pont vers la Russie d'aujourd'hui.



Voici le parcours de Piotr Ilitch Nesterenko, qui fut le directeur du premier crématorium de Moscou ....

Il faut dire que le type a eu une vie incroyable : officier blanc enrôlé lors de la Première guerre mondiale, qui sert ensuite pour l’Armée rouge, il survit au crash de son avion alors qu’il combat dans l’armée de Denikine, l’armée blanche en lutte contre les bolcheviques en 1917, passe par plusieurs capitales européennes avant d’émigrer à Paris où il est chauffeur de taxi !

Il fait ensuite le choix incompréhensible, alors qu’il est hors d’atteinte, de retourner à Moscou, où il devient directeur du Crématorium Donskoï.



Est-ce que ce Crématorium a existé? oui!

Ouvert en 1927 dans l’église inachevée Saint-Séraphin-de-Sarov, bordée par le cimetière Donskoï, le dôme de l’église est ainsi remplacé par une cheminée de vingt mètres de haut, les fours crématoires sont installés par la société Topf and Sons... société allemande qui construira ensuite les fours des camps de concentration... les nazis n’ont pas eu le monopole de la crémation.



Sacha Filipenko a retrouvé le dossier de Nesterenko, lu ses interrogatoires, et restitue à travers son destin l’ironie stalinienne ... C'était chacun son tour.

Nesterenko est ainsi arrêté le 23 juin 1941, accusé d’espionnage selon l’article 58 pour « activité contre-révolutionnaire », retenu à la prison de Saratov, où il subit des mois d’interrogatoires. Son but, comme Shéhérazade, est de maintenir l’intérêt de son enquêteur pour prolonger sa vie. Au fil des échanges avec Perepelitsa, c’est toute la machine qui est révélée, les incinérations de jour, et les incinérations nocturnes, celles qu’on doit cacher, qui ne doivent pas laisser de traces : les fusillés et toutes les victimes de la « Grande terreur » et parfois aussi leurs bourreaux... dans le système du « petit père du peuple », nul n’est à l’abri.

Nesterenko est le grand nettoyeur en chef : « J’ai incinéré tout un pays... », « Je règne sur Moscou tel Charon ».



Restituant cet interrogatoire, le narrateur s’adresse à Vera, la femme qu’il aime, comédienne russe, qu’il retrouve à Paris, avant qu’elle ne reprenne le chemin de Moscou, préférant jouer pour Staline que de vivre pauvrement avec lui. Nesterenko la suivra sur ce chemin du retour, malgré les risques encourus. Il sera le dernier maillon de la chaîne du système, participant à la crémation d’une partie des 750 000 citoyens soviétiques exécutés entre 1937 et 1938... Jusqu’à ce qu’il soit à son tour dénoncé... Ironie macabre.



Je dois saluer le choix de la couverture avec cette affiche de Denissov et Vatolina réalisée en 1941, le texte qui l’accompagnait était « Ne bavarde pas ! Sois sur tes gardes, en de tels jours les murs ont des oreilles. Des bavardages et des ragots à la trahison il n’y a qu’un pas ». Dans le roman de Filipenko, la trahison est partout, il faut se méfier de tout le monde, même de ses proches, c’était valable sous Staline... Qu’en est-il aujourd’hui ?

Sacha Filipenko est biélorusse, dans ses romans il montre la violence des régimes soviétiques et postsoviétiques. Opposant à Poutine et Loukachenko, il a dû quitter la Russie en 2020, et s’est installé depuis en Suisse avec sa famille où il a obtenu l’asile politique. La Russie pour lui aujourd’hui ? « Un crémulateur récemment rétabli ».

Ce mot « crémulateur » n’existe pas, ni en français, ni en russe (la sonorité se rapproche de Kremlin) l’auteur nous en donne dans sa préface une définition : « un broyeur qui pulvérise définitivement ce qui subsiste d’un individu après sa crémation ». Comprendra qui voudra.



Est-ce que j'ai aimé? Oui. Fan de la première heure grâce à Croix rouges, que je vais d'ailleurs relire, je n'ai pas été déçue par Kremulator, qui sème en plus des petits cailloux de la vie de l'auteur, il est question d'exil par exemple, comme pour lui.


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Croix rouges

Sacha, jeune homme dont le couple vient d’exploser (on saura pourquoi vers la fin du roman) déménage dans un immeuble moscovite sur le même palier qu’une vieille femme de 91 ans, Tatiana Alexeïevna, atteinte de la maladie d’Alzheimer. Rapidement lors de leur première conversation, Tatiana fait part à Sacha qu’elle a vécu l’horreur durant la deuxième mondiale. Tout d’abord distant, Sacha finit par être happé par les souvenirs de la vieille dame.





En effet, STALINE n’était pas un si grand ennemi du nazisme qu’on pouvait (ou voulait) le croire, le pacte de non-agression signé entre STALINE et RIBBENTROP fut utile pour des pourparlers et alliances ainsi que pour une certaine protection implicite proposée à HITLER de la part du pouvoir soviétique, ceci avant l’avancée des troupes allemandes du côté de Stalingrad. Puis il y eut les quelques 3 000 prisonniers russes en Roumanie, dont le mari de Tatiana, elle-même salariée du NKID (ministère russe des affaires étrangères). C’est là qu’elle devra recopier la liste des 3 000 noms de prisonniers, elle décidera de ne pas inscrire le nom de son mari.



Au fil du récit, Tatiana égrène ses souvenirs, fait part du sort réservé aux prisonniers russes par le gouvernement Stalinien (des moments terribles mais dédramatisés par la plume de l’auteur). Elle est parallèlement très curieuse de connaître le parcours du jeune Sacha, lui-même extrêmement hostile au départ car, effectivement sa vie à lui n’a pas non plus été de tout repos. Que Sacha soit arbitre de football n’est pas d’un grand poids dans le roman, que Tatiana soit Alzheimer en a beaucoup plus, car une course contre la montre et pour la mémoire collective s’enclenche. Tatiana a vécu des drames indicibles, et si elle est encore vivante à 91 ans, c’est qu’elle avait un but dans la vie : découvrir une certaine vérité.



Le mépris des autorités soviétiques pour les prisonniers russes est révoltant et laisse béat. Le roman est parsemé de croix (d’où son titre), dont le rôle du Comité International de la Croix Rouge durant le conflit. « Croix rouges » est un excellent roman russe contemporain, mais comme beaucoup de romans de là-bas, il fait la part belle aux tragédies historico-politiques (un peuple qui a été servi plus souvent qu’à son tour), il est à la fois roman et récit historique. La trame est bien sûr cet héritage historique, garder ou partager, oublier ou déterrer le passé au risque de ne pas se relever. Sacha FILIPENKO est un jeune auteur biélorusse (34 ans) mais dont c’est déjà pourtant le quatrième livre, un livre plein de talent, qui ne sombre jamais dans le pathos ou la publicité pour mouchoirs jetables. C’est sobre, bien construit, très maîtrisé, et si l’on peut deviner d’entrée quelle sera la conclusion du roman, FILIPENKO s’y prend comme un vieux routier de l’écriture pour nous y amener patiemment et intelligemment.



Le roman est assez court mais répond à certaines questions historiques d’envergure.

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Croix rouges

J'ai découvert ce livre avec plaisir. Il est émouvant et très intéressant : nous y apprenons le sort réservé aux prisonniers de guerre russes à leur retour au pays, ainsi que le traitement infligé à leur famille. Les prisonniers étaient considérés comme ayant trahis leur patrie, certains étaient fusillés, d'autres emprisonnés. La croix rouge a maintes fois tenté de prendre contact avec les autorités russes afin d'échanger les listes de prisonniers entre pays, mais ces tentatives sont restées vaines. En ce qui concerne les familles, elles étaient quelque fois épargnées, d'autres fois les femmes étaient envoyées au goulag et les enfants dans un orphelinat. Les gens y mourraient très souvent de faim et il y a même eu des cas de cannibalisme.



J'ai donc beaucoup aimé ce côté historique du roman, ainsi que la description de la peur ressentie par Tatiana, cette peur qui lui collait à la peau et ne la lâchait pas. J'ai également été touchée par la décision prise par la femme d'Alexandre, cet amour pour autrui et cette confiance en la vie.



Seul petit bémol peut-être, j'ai trouvé que le dialogue entre Alexandre et Tatiana s'était trop rapidement déroulé. J'aurais aimé qu'ils apprennent à se connaître petit à petit et qu'ils se dévoilent au fur et à mesure de leurs rencontres.
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Kremulator

J'ai choisi ce livre pour son titre et pour sa belle couverture, où une jeune femme avec un foulard rouge dit chut.

Mais que va nous raconter ce texte ?

L'auteur va nous parler d'un homme ordinaire, ordinaire (!!!) pas tout à fait car il travaille dans un crematorium à Moscou. Et il est emprisonné et interrogé. Nous allons apprendre comment fonctionne l'administration russe, soviétique.

Ce texte parle de la banalité du mal, à travers les interrogatoires, les lettres que le Kermalator envoie à sa douce.

Ce texte est glaçant et de plus, tout est vrai même si l'auteur a préféré faire un roman. Glaçant car d'une cruelle actualité lorsque nous entendons certaines informations provenant de Russie et d'Ukraine.

Même si cette lecture est éprouvante, cela parle d'un pan de l'histoire et nous alerte de rester vigilant.

Je vais lire les autres textes de cet auteur.

#Kremulator #NetGalleyFrance
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Kremulator

● L'auteur, le livre (208 pages, 2024, 2022 en VO) :

Opposant déclaré au régime pro-russe de Loukachenko, Sasha Filipenko est un écrivain biélorusse qui vit en exil dans différents pays d'Europe dont la Suisse et la Belgique.

Avec son Kremulator, il s'est emparé d'un personnage étonnant mais authentique : Piotr Ilitch Nesterenko était le responsable du crématorium funéraire de Moscou chargé d'incinérer les décédés et accessoirement, les multiples victimes des purges staliniennes.

Un homme né avec le siècle dernier et donc au parcours étonnant qui finit comme tant d'autres dans une geôle du NKVD, accusé de trahison. le livre est basé principalement sur les interrogatoires dont il fit l'objet.

C'est toute l'histoire du début du siècle qui défile dans ces fiches grâce au parcours étonnant de ce Nesterenko, véritable girouette politique (un nom qui pourrait se traduire par L'Ineffaçable, on ne peut mieux dire !).

Evidemment, au vu du pedigree de l'auteur, ce portrait sera un dossier à charge contre la machine répressive soviétique.



● le contexte :

Le mieux est sans aucun doute de laisser la parole à l'auteur dans sa préface :

[...] En 1941, le directeur du crématorium de Moscou, Piotr Nesterenko, est arrêté. Il sait mieux que personne ce qui arrive aux victimes des Grandes Purges staliniennes.

Opposants, espions présumés, anciens héros de la révolution et autres ennemis du peuple – il les a tous incinérés.

Au fil des interrogatoires, il doit répondre de sa vie tumultueuse : officier de l'Armée blanche ayant fui les bolcheviks jusqu'en Ukraine, survivant d'un étrange accident d'avion, émigré à Istanbul puis à Paris, amoureux fidèle à la passion de sa jeunesse – voici un parcours qui ne plaît pas aux autorités soviétiques…

[...] Tu parles d'une vie ! Un officier blanc, mobilisé lors de la Première Guerre mondiale, qui a trouvé le moyen de servir pour l'Armée blanche et pour l'Armée rouge, pour les Allemands et pour la Rada ukrainienne. Un pilote ayant survécu au crash de son avion, combattant de l'armée de Denikine, contraint à émigrer, transitant par plusieurs pays européens, travaillant comme chauffeur de taxi à Paris avant de revenir à Moscou, où il est devenu le premier directeur du crématorium de la ville, édifié dans l'enceinte du monastère de Donskoï. Une destinée loin d'être triste, bien que couverte de cendre. Une girouette-modèle ? Un vrai caméléon ? Ou un pauvre type, qui a juste eu le malheur de venir au monde dans l'Empire russe de la fin du XIXe siècle ?

[...] le matin, il incinérait les têtes du régime soviétique : Ordjonikidze, Gorki et Maïakovski. La nuit, il réceptionnait les cadavres des fusillés qu'il devait brûler pour faire disparaître la trace des crimes rouges. Mais quand donc dormait-il ?

[...] Kremulator, le mot russe pour « crémulateur ». Un mot dans lequel le lecteur entend à la fois un écho du Kremlin et le nom d'un métier qui n'existe pas. le crémulateur est un instrument précis, un broyeur qui pulvérise définitivement ce qui subsiste d'un individu après sa crémation (oui, certains cartilages résistent même à une heure et demie au four). Il me semble qu'il n'y a pas de meilleure métaphore pour désigner la machine répressive soviétique.



● On aime :

❤️ On aime bien entendu le sujet dont s'est emparé Filipenko : quel remarquable personnage au parcours étonnant avec qui on révise l'Histoire d'une période un peu trouble que l'on connait mal.

On aurait même apprécié que l'auteur développe un peu plus le contexte politique du "travail" de Nesterenko : tant de "traîtres" sont passés entre les mains de ce nouveau Charon ...

❤️ On aime l'humour noir, grinçant, caustique de l'auteur : c'était sans doute aussi celui du personnage, une ironie et une distance indispensables à ceux qui côtoient chaque jour la mort d'aussi près.



● L'intrigue :

En 1941, les Allemands attaquent l'URSS et les soviétiques sont aux abois, pressés d'éliminer les espions en tout genre. Mais il ne reste que très peu de candidats après les grandes purges des années 30. On ramasse ce qu'on peut et vient le tour de Nesterenko.

Le roman se base sur les interrogatoires kafkaïens de Nesterenko par le NKVD et les fiches qui retracent le parcours étonnant du bonhomme dans un début de siècle très agité : c'est l'époque de la déroute de l'Armée blanche russe jusqu'à Gallipoli, l'époque de la Grande Guerre et de la Triple-Entente, celle du fiasco des Dardanelles, ...

Après être passé par la Serbie, la Bulgarie, la Pologne et Paris où il sera taxi, Nesterenko revient à Moscou en 1926 et se retrouve responsable des cimetières de la ville.

Avec l'aide d'une honorable société allemande, il installe le premier crématorium.

Le jour, il officie pour accompagner les cérémonies funéraires des moscovites.

La nuit, le NKVD lui livre un camion de fusillés à faire disparaître ...

Pour celles et ceux qui aiment l'humour noir.

Livre lu grâce à NetGalley et aux éditions Noir sur blanc.
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Un fils perdu

Francysk, un adolescent de 16 ans, lors d’un spectacle musical, pris dans un mouvement de foule, se retrouve dans le coma et se réveille au bout de 10 ans. Il récupère peu à peu et se rend compte qu’en 10 ans, pas grand-chose n’a changé.



Précision d’importance, l’action bien que cela ne soit pas dit, se passe en Biélorussie, le régime autocratique en prend pour son grade, et le conflit ukraino-russe a mis ce pays peu connu en arrière plan de la scène médiatique.



Deux histoires donc, celle de Francysk et de ses proches, et celle d’un pays autocratique sous presque tutelle du grand voisin. Rajoutons pour faire le lien. Comment vit et réagit la jeunesse d’un pays face à un avenir bouché ? J’avance des possibilités, ceux qui se révoltent, ceux qui font avec, ceux qui collaborent, et ceux qui vont chercher une herbe plus verte ailleurs. Que fera Francysk ?



Francysk.

Je vous laisse découvrir son histoire, pas plus remarquable que celle d’un autre. Notons tout de même le rôle de sa grand-mère maternelle, qui sera toujours au chevet de son lit comateux.



La Biélorussie.

Difficile de suivre. Des références inconnues sauf des biélorusses et voisins immédiats, rendent la compréhension du fils perdu difficile.

Sinon, oui, il y a des causes à défendre. Faut il le faire pour celles qui sont de l’autre côté du monde. N’y a t il pas suffisamment à faire ici. Et effet papillon, l’absence de blé ukrainien sera source de famine en Afrique, rien n’ est simple en ce bas monde.



Un fils perdu.



Un livre à la lecture parfois pesante.



Une histoire qui nous échappe en partie faute de connaissance de l’histoire locale.



Une idée qui me plaît bien : je ne juge pas mais je tire des conclusions.



Un beau passage d’écriture lorsque Francysk découvre puis lit une lettre que lui a laissé sa grand-mère post mortem.



Un regret : sorti de son coma 10 ans plus tard, donc passant de 16 à 26 ans en peu de temps, comment raisonne t on ? Avec 16 ans d’âge ou d’emblée 26 ? S’agissant d’une œuvre de fiction, le sujet n’est pas traité. Dommage.



Je ne comprends pas. Un livre primé par un équivalent Goncourt russe et plusieurs fois réédité, masochisme me vient à l’esprit.



Enfin une fin en mal de clairvoyance. Francysk et sa donzelle ont ils explosés en vol dans les bas fonds du métro de Minsk et qui est ce jeune homme jouant du violoncelle dans une rue allemande sans parler de celui qui le regarde.

Est ce si difficile que d’être plus précis et de se défausser ainsi sur le lecteur afin qu’il imagine ce qu’il pourra.



Question. Faut il fuir un pays malade de son système ou rester afin de le faire évoluer. Facile d’écrire cette phrase dans le confort de son canapé occidental.



Un fils perdu. Pour qui ? pour quoi ? pour qui s’intéresse à la Biélorussie ? Je ne sais pas.
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Croix rouges

C’est un roman relativement court de 210 pages mais qui est très intéressant à plusieurs titres.



Il s’agit tout d’abord d’un bon roman. Il nous présente l’histoire de Tatiana Alexeïevna et sa vie en Russie ou plutôt en U.R.S.S. C’est tout un pan de l’histoire soviétique que nous découvrons à travers le destin de Tatiana, la peur au quotidien dans ce pays dirigé par Staline où tout est susceptible de vous voir proclamer « ennemi du peuple » avec toutes les conséquences que cela entraîne : interrogatoires, goulags… On se prend très vite d’affection pour cette femme qui raconte sa vie, avant qu’Alzheimer ne l’en empêche, à son jeune voisin.



Ce qui est également un grand point positif du roman c’est la réflexion que l’auteur nous pousse à avoir sur la question de la mémoire, qu’elle soit individuelle ou collective.



Que faire lorsque les témoins des horreurs passées ne peuvent pas témoigner, que ce soit à cause d’une maladie ou de l’omerta qui règne toujours ?



L’auteur avec un style concis et sans fioritures ne nous apporte pas de réponses mais nous apporte son histoire. Celle-ci m’a convaincue et je vous ai donné, j’espère, envie de la lire à votre tour.
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Kremulator

Kremulator est le récit d'un procès stalinien, c'est à dire joué d'avance et où le seul suspens est la manière dont la culpabilité du prévenu sera prouvée. En plus celui-ci est très facile, puisque l'accusé, Piotr Ilitch Nesterenko, est le directeur du crématorium de Moscou, qu'il a combattu les bolcheviks et qu'il a vécu à l'étranger ; chacun de ces faits est suffisant pour l'envoyer à la mort. Malgré tout son interrogateur cherche à retracer son parcours au lieu de le torturer pour qu'il signe des aveux factices comme c'était la norme à l'époque.



Les différents interrogatoires retracent le parcours de Nesterenko, dominé par deux forces contradictoires, le désir d'éviter des ennuis et l'amour d'une femme. C'est pour elle qu'il risque sa vie en revenant en URSS après avoir vécu à Paris. Son travail est double : le jour il incinère les indigents, la nuit il brûle les victimes de la répression, ce qui ne lui pose pas de problème :

"Ce n’est pas mon affaire. Que je les brûle le matin ou la nuit – cela ne fait aucune différence. Qu’ils aient un trou dans la nuque ou pas, pourquoi y penser, vu qu’ils sont morts ? Je ne fais que transformer de la matière grise en masse grise… "

Il est vrai qu'on ne pouvait à la fois être soviétique et penser, le système était fait pour éviter cela puisque le parti était infaillible, il suffisait de suivre ses commandements.



Son interrogateur ne pense pas non plus, son travail est de faire des procès et de condamner, il interroge et envoie à la mort. Je cite :

"L’idéal serait de joindre l’utile à l’agréable en liquidant une bonne douzaine de personnes, ce qui lui permettrait de prétendre à l’attribution d’une datcha officielle à son retour à Moscou."



Nesterenko connait bien le système, il en voit les victimes tous les jours. Il sait qu'il a très peu de chances d'en sortir, son but semble de retarder l'inéluctable en évitant les pièges tendus par son interrogateur, et il réussit pendant longtemps. Il réagit avec humour aux accusations, et les interrogatoires sont souvent ubuesques.



Mais c'est comme Ubu, amusant au début mais répétitif et nettement moins intéressant par la suite. Le récit est émaillé des rêves de Nesterenko, qui songe sans arrêt à sa fiancée, même si on apprend par la suite qu'elle ne veut plus le voir. J'ai perdu toute empathie pour Nesterenko en apprenant qu'il a envoyé à la mort Savinkov, un Russe blanc réfugié à Paris, qu'il a convaincu de rentrer en URSS où il a été exécuté. Nesterenko n'en éprouve aucun remords. Quant à la fin elle est atroce



D'un point de vue historique Nesterenko a réellement existé et on apprend que la société qui a bâti le crématorium de Moscou a ensuite construit les fours crématoires d'Auschwitz, et que les Soviétiques ont été les premiers à gazer les prisonniers dans les camions (en détournant les tuyaux d'échappement dans l'habitacle fermé) avant même que les nazis n'en aient l'idée.
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Kremulator

Je ne connaissais pas cette maison d’édition et en consultant son catalogue ce livre m’à fait de l’œil. Et je ne le regrette pas, une jolie surprise que voilà qui me donne envier à l’occasion de lire d’autres ouvrages de cet auteur. Une plongée dans l’histoire du stalinisme mais bien au-delà une plongée dans la dictature, dans le quotidien tragique de la dictature où les compagnons d’un jour seront tués le lendemain part ces mêmes compagnons, d’enquêtes tronquées en procès factices et ce avec un cynisme qui n’a d’égal que le peu de considération des individus.
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Un fils perdu

Bon, je ne sais pas trop quoi en penser ! C’est assez convenu, il faut bien l’avouer. Le volet politique, la critique du satrape biélorusse et néanmoins poutinien suffit-il à en faire un bon livre. Question d’appréciation et de réglage de la balance. L’histoire n’est pas sans rappeler le film allemand qui reprend ce thème sur fond de chute du mur. Dans cette histoire, les amis de la victime s’efforçaient de lui cacher ce qui s’était passé, a contrario du livre. Bref, à choisir, je préfère le film, même si la comparaison est un peu oiseuse…
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Croix rouges

Quand Sacha, jeune arbitre de football, emménage dans un nouvel immeuble, il n’a qu’un objectif, tourner une page de sa vie douloureuse et surtout n’être importuné par personne. C’est donc avec un profond dépit qu’il voit Tatiana Alexievna, une nonagénaire, atteinte d’Alzheimer et qui se sait condamnée, commencer à lui narrer son histoire. C’est elle qui met des croix rouges (à l’origine du titre) sur sa porte, pour être sûre de se repérer dans l’immeuble.



Née en Angleterre, elle est rentrée en Union Soviétique car son père voulait participer à l’édification du monde nouveau. Elle travailla au Commissariat des Affaires Etrangères, son mari dut partir combattre durant la Seconde Guerre Mondiale. Et c’est là que sa vie prendra une tournure tragique que l’on découvre tout au long du livre, entrecoupé par l’histoire personnelle de Sacha.



Dans ce livre, la critique du régime est également omniprésente : les secrets d’Etat, la personnalité de Staline, les exactions du Régime envers son propre peuple dans les camps mais pas seulement (et l’exemple de la vie de Tatiana en est malheureusement une réelle illustration), ou encore l’absence de réponse du gouvernement soviétique aux lettres adressées par la Croix Rouge, sans oublier les collusions avec le régime nazi.



L’un des aspects du livre qui m’a le plus frappé, c’est l’importance de la mémoire : mémoire collective d’un peuple qui a tendance à oublier les exactions et mémoire individuelle, bien sûr. A un moment dans le livre, Sacha et Tatiana se rendent à une manifestation contre la construction d’une autoroute à l’endroit où se situe un mémorial dédié aux victimes de la Guerre. C’est une lutte pour que ces traces ne s’effacent pas, tout comme la lutte vaine que mène Tatiana, qui finalement trouvera en son jeune voisin un passeur de mémoire.



Ce sont des interrogations universelles qui émergent du livre : sur la condition humaine, la conscience personnelle. Cela nous donne au final un récit dense, mis en valeur par une plume acérée, qui confirme Sacha Filipenko parmi les écrivains de langue russe à suivre !


Lien : https://etsionbouquinait.com..
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Un fils perdu

Un fils perdu est une satire politique qui dénonce avec férocité la léthargie dans laquelle est plongée la Biélorussie (qu’il ne nomme jamais) depuis l’arrivée au pouvoir de son président en 1994, c’est-à-dire depuis bientôt 30 ans (!). Un roman fort, avec des personnages mémorables, a commencer par Elvira Alexandrovna, véritable grand-mère courage. La plume de Sacha Filipenko est mordante, pleine d'ironie et assez addictive. Mais il y a aussi quelques longueurs dans le récit et des références qui m’ont un peu échappé au début. Je n’ai vu que tardivement les notes de la traductrice de l’édition allemande ajoutées à la fin du roman. Celles-ci donnent d’utiles renseignements qui facilitent la compréhension et même si j’aurais apprécié de les lire plus tôt, elles étaient toujours bienvenues à la fin du roman. Mon conseil : N’hésitez pas à vous y référer en cours de lecture.

https://des-romans-mais-pas-seulement.fr/romans/un-fils-perdu-sacha-filipenko/
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Croix rouges

Un des romans les plus émouvants de la linéature russe de ces dernières années. En totale résonance avec l’actualité.
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Croix rouges

Une rencontre entre deux voisins, Tatiana et Sacha, va amener la première à se confier sur ce qu'elle a vécu durant la Seconde guerre mondiale en Union soviétique. Il s'agit là d'un devoir de mémoire, celui de transmettre aux nouvelles générations l'horreur qui s'est déroulée durant cette période afin de ne jamais oublier et ainsi lutter jusqu'au bout contre la répression.



Un roman marquant, fort que je ne peux que vous conseiller.
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Kremulator

La tragique histoire soviétique racontée comme une folle comédie par un écrivain biélorusse frondeur.
Lien : https://www.lefigaro.fr/livr..
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Un fils perdu

L’écrivain biélorusse Sacha Filipenko publie en France « Un fils perdu », satire du régime de Loukachenko parue en russe en 2014, et plus que jamais d’actualité dans le contexte de la guerre en Ukraine.
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Croix rouges

Une vieille femme dont le destin se confond avec l'histoire de l'URSS raconte sa vie à un jeune homme triste.
Lien : http://www.lefigaro.fr/livre..
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