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Citations de Sadegh Hedayat (95)


On vit bientôt apparaître un imposant dôme doré, encadré de beaux minarets, et en symétrie, une autre coupole, bleue celle-là, qui tranchait comme la pièce neuve d'un vêtement abusivement raccommodé sur le fond des maisons de torchis. Le soleil allait se coucher quand la caravane s'engagea dans une avenue bordée de murs en ruine et de petites boutiques. Il y avait là un grand rassemblement de toutes sortes de gens : des Arabes coiffés du fez arboraient des mines où l'idiotie le disputait à la roublardise ; plus loin, de louches individus aux allures d'escrocs, la tête enturbannée, la barbe et les ongles passés au henné, le crâne rasé, égrenaient des chapelets et se promenaient en sandales, vêtus en tout et pour tout de caleçons longs et de sandales. Certains parlaient persan, d'autres jacassaient en turc, d'autres encore lançaient des mots en arabe qui roulaient dans l'air après être sortis du fond de la gorge et jusque des entrailles.
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La solitude, l’abandon qui pesaient sur moi ressemblaient aux nuits sans fin, épaisses, denses, à ces nuits pleines d’une obscurité tenace, compacte et contagieuse, qui s’apprêtent à descendre sur les villes désertes où pullulent les songes de luxure et de haine.
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À voir ces yeux qui s'étaient clos, je sentis pour la première fois de ma vie naître en moi une tranquillité soudaine. L'abcès qui me rongeait, l'incube qui fouillait ma chair de ses griffes de fer, s'était calmé.
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Dans la vie il est des blessures qui semblables à la lèpre lentement dévorent et entament l'esprit dans sa retraite.
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Je voulais m'engloutir dans un trou comme les bêtes en hiver, je voulais me plonger dans ma propre obscurité et me développer en moi-même. De même que dans une chambre noire, la photo apparait sur un verre, de même, ce qui, dans l'homme, est délicat et caché, étouffe et meurt à cause des efforts de la vie, du tapage et de la lumière. ça ne lui revient que dans le noir et le silence. Cette obscurité était en moi et j'essayais en vain de la détruire. Mon seul regret est d'avoir obéi pour rien, pendant quelques temps, aux autres. Maintenant, je m'aperçois que la partie la plus précieuse de ma vie a été cette obscurité et ce silence mêmes. Cette obscurité est dans la nature de tout être vivant (...) mais, les hommes essayent toujours de fuir cette obscurité, cette solitude; ils essayent de fermer les oreilles à la voix de la mort et de détruire leur personnalité dans le tumulte et le tapage de la vie, de peur que "la lumière de la vérité apparaisse en eux", comme disent les soufis.
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« - La "Société" saura apprécier vos services. Cette fois, c'est peut-être un devoir plus difficile qui vous incombe. Je vous dirai clairement et sans détour que c'est seulement en répandant la superstition et en semant le trouble au nom de la religion que nous pourrons faire obstacle à ces nouveaux mouvements qui ont pris naissance chez notre voisin du nord [l'URSS] et se sont répandus chez nous. Après quoi nous leur fabriquerons un épouvantail qui leur en fera voir de toutes les couleurs, c'est notre dernière arme. […] Votre devoir est donc d'encourager les musulmans à se frapper et taillader la poitrine dans les deuils religieux, à fréquenter les fumeries d'opium, les séances d'exorcisme, les lectures du Jardin des martyrs, de multiplier les spectacles de la Passion, de pousser le clergé et ses bandes à se manifester, de faire des discours et des prêches contre le dévoilement des femmes. » (p. 161)
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Je ne tenais plus à savoir si Dieu existe réellement ou s'il a été créé à leur propre image par les seigneurs de la terre, soucieux de conserver leurs prérogatives sacrées, afin de piller plus aisément leurs sujets -projection dans les cieux d'un état de choses terrestres. Je sentais alors combien religion, foi, croyance, sont choses fragiles et puériles en face de la mort. Autant de hochets à l'usage des heureux et des bien-portants. En regard de la terrible réalité de la mort et des affres que je traversais, ce qu'on m'avait enseigné sur les rétributions réservées à l'âme dans l'au-delà et sur le jour du Jugement m'apparaissait comme un leurre insipide. Les prières que l'on m'avait apprises étaient inefficaces devant la peur de mourir.. (P. 138)
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"Froide et indifférente, la vie révèle peu à peu à chacun le masque qu'il porte. Car tout se passe comme si chaque individu avait à sa disposition plusieurs masques. Certains emploient toujours le même : naturellement il se salit, il se ride. Ce sont les économes. D'autres conservent les leurs à l'intention de leurs descendants, d'autres enfin en changent continuellement, mais dès que la vieillesse se fait proche, ils comprennent qu'ils en sont au dernier et qu'il se détériorera rapidement ; c'est alors qu'apparaît leur visage réel."
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Je regarde le papier peint : il a de minces feuilles pourpres et des grappes de fleurs blanches : sur ces branches, par intervalles, deux oiseaux noirs se font face. Ma tête est vide mon estomac crie famine ; mon corps est broyé.
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Il était une fois un cordonnier qui avait trois fils : Hassani le bossu, Hosseyni le chauve et Ahmadak (le petit Ahmad). L’aîné, Hassani, était guérisseur et prestidigitateur ; le second, Hosseyni, bon à tout faire et bon à rien, tantôt vidait les bassins, tantôt balayait la neige, et souvent flânait. Ahmadak, le cadet, par sa conduite irréprochable était le favori de son père : il travaillait dans une droguerie et, le premier de chaque mois, lui rapportait son salaire. Les deux autres, sans travail fixe, en étaient férocement jaloux.
Il arriva par hasard qu’une famine sévit dans la ville. Aussi, un jour, leur père les appela et leur dit :
« Vous savez la vérité : mon métier ne me rapporte pas beaucoup, et tout est devenu si cher en ville. Après tout, vous n’êtes plus des enfants, et même le petit Ahmad, Dieu merci, a quinze ans. Alors, je vous confie au Bon Dieu : allez gagner votre pain et essayez surtout d’apprendre un métier. Moi, dans mon coin, je me débrouille. Si, un jour, vous vous tirez d’affaire, tant mieux pour vous ; ne manquez pas de m’en avertir. Autrement, venez tout de même chez moi, on partagera le pain. »
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Djamalzadeh ?... depuis qu'il s'acharne à employer des expressions populaires, je ne le comprends plus. Il ne fait pas de distinguo entre les langages des différentes classes sociales. On dirait qu'il s'est fait un fichier d'expressions dans sa résidence de Genève, duquel il sort quelques-unes à toute occasion.
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Pour la première fois, il sentit qu'il y avait, entre lui et tous ceux qui l'entouraient, un abîme terrifiant dont il n'avait pas eu concience jusque là.
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Il y a bien longtemps, quand j’étais encore en bonne santé, il m’est arrivé d’aller à la mosquée, quand je ne pouvais pas faire autrement. Je m’efforçais alors de mettre mon cœur à l’unisson de celui des autres, mais sans jamais parvenir à m’arracher à la contemplation de carreaux de faïence qui recouvraient les murs. Les motifs dont ils étaient ornés me plongeaient dans des rêveries délicieuses, malgré moi je trouvais ainsi un moyen d’évasion. Pendant les dévotions, je fermais les yeux, je me couvrais le visage des mains, et c’est dans cette nuit artificielle que je récitais mes prières, inconsciemment, comme en rêve. Je n’arrivais pas à en prononcer les paroles du fond du cœur : je préfère m’entretenir avec quelqu’un que j’aime ou que je connais, plutôt qu’avec un Dieu omnipotent et sublime. Dieu me dépassait !
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Certains pouvoirs aveugles et effrayants nous dominent ; il y a des hommes dont une étoile néfaste dirige le destin, ils se brisent sous son poids et veulent être brisés…
Je n’ai plus aucun souhait ni aucune rancune ; j’ai perdu ce qu’il y avait d’humain en moi, je l’ai laissé se perdre. Dans la vie on devient ange, homme ou animal ; je n’ai été rien de tout cela. Mon existence s’est perdue pour toujours ; je suis né égoïste, maladroit, malheureux et, à
présent, il est impossible que je retourne et prenne une autre voie.
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La vie joue des tours à l’homme : elle est en soi déjà un mauvais tour, puisque personne n’a demandé à vivre. On se trouve ainsi brusquement projeté sur une planète où rien n’a été prévu pour vous accueillir. Ensuite la vie vous joue le tour de faire croire qu’elle est bonne. Et les jours se suivent, longs et interminables, chargés de surprises le plus souvent mauvaises : ons’épuise en efforts vains, on croit avoir atteint le but alors qu’on est toujours au point de départ. Trop indéfinie est la route, trop brève est la vie.
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"La nuit tombait; la lampe fumait. Je restais sous l'impression de ce frisson qui m'avait parcouru. Mon existence venait de se transformer. il avait suffi à cet ange des cieux, à cette vierge éthérée, d'un regard pour faire pénétrer son fluide en moi, jusqu'en ces tréfonds de l'âme qui échappent à intelligence humaine"
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Je murmurai à plusieurs reprises : «Mort, mort, où es-tu ?» Cela me calma.
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Le chant du muezzin s'éleva. Appel incongru qui faisait songer au cri d'une femme en travail - peut-être la garce était-elle en train d'accoucher.
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Son âme fragile et passagère, sans lien avec le monde terrestre, s’était glissée hors de ses vêtements noirs et fripés, hors de cette chair qui l’avait fait souffrir.
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Je verrai l'eau bleue de la mer. Cette eau lave tous les malheurs; à chaque instant, elle change de couleur et avec ses murmures tristes et enchanteurs,elle se jette sur la côte sablonneuse. Elle mousse, le sable goûte l'écume et l'avale. Et puis, ces mêmes vagues emportent mes dernières pensées avec elles: avec son sourire, la mort attire celui à qui elle sourit.
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