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Citations de Sahar Delijani (93)


C'est comme cela que Leila découvrit Omid : les yeux écarquillés, tétanisé, suçant frénétiquement ses doigts. Autour de lui, la maison était dévastée.
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Omid était présent lorsque ses parents furent arrêtés. Ils étaient tous en train de déjeuner. Le ciel était bleu, sans le moindre nuage ou signe quel qu'il soit. L'air avait déjà l'odeur de la chaleur qui viendrait bientôt, on sentait que la saison allait basculer dans une autre. Le père d'Omid était en train d'écraser de la viande, des pois chiches et des pommes de terre dans un bol en métal. Il tenait le pilon d'une main, de l'autre le bol, tandis que de la vapeur montait jusqu'à son visage. Omid trempa son doigt dans le bol de yaourt auquel on avait mélangé des pétales de roses.
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Tout en se rapprochant de lui, Azar se demandait s'il habitait toujours près de chez ses parents, dans cette impasse, s'il se rendait toujours chez eux pour le thé du soir, s'il tenait toujours son père informé des tickets d'Etat disponibles pour le sucre et l'huile, de plus en plus difficiles à trouver au fur et à mesure de la guerre. Ou bien si le fait d'être devenu un homme de la Révolution, signalé par sa barbe autoritaire, ses sandales en plastique et son visage durci, l'avait coupé d'eux.
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Meysam venait vers elles, ses sandales claquant fièrement sur le carrelage, sa chemise blanche en nylon informe sur son pantalon noir. Il marchait lentement, le menton levé, en vrai Gardien de la Révolution, ses vêtements modestes arborés comme une démonstration de son omnipotence. La barbe qu'il tenait absolument à porter était clairsemée. Sa démarche était celle d'un enfant qui vient tout juste de gagner une guerre. A cet instant il vint à l'esprit d'Azar que bientôt, comme tant d'autres, il serait envoyé sur le front de cette guerre, aux frontières du pays.Car le pays n'avait que des corps pour se défendre et chaque jour voyait les envois de corps augmenter. Des corps qui ne reviendraient peut-être pas. Azar regarda Meysam et cligna des yeux. Cette pensée la remplissait de désespoir.
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La vie entre les murs de la prison n'était pas très différente de celle du dehors. Tous, au-dehors, portaient la peur comme une chaîne, dans les rues, sous l'ombre familière de la montagne, triste et magnifique. Et parce qu'ils portaient tous cette chaîne, ils ne l'évoquaient jamais. La peur se faisait impalpable, on n'en parlait pas. Elle régnait sur tous, invisible et omnipotente.
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Au-dessus de la circulation, comme un énorme nuage, un panneau portait un des maximes du Leader Suprême, dans une calligraphie élégante. Notre révolution fut une explosion de lumière. Peinte à côté, l'image d'une explosion, comme un feu d'artifice.
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Tout cela en valait-il la peine ? Azar écarta les mèches de cheveux de son visage. Ismaël lui pardonnerait-il un jour d'avoir fait passer son combat avant tout le reste ? Avant lui, avant leur vie ensemble, avant l'enfant qui grandissait en elle ? La vie leur offrirait-elle jamais une seconde chance ?
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Il se retrouva vite habité par sa ferveur. Il l'accompagnait aux réunions clandestines dans des pièces où l'air manquait, l'aidait à imprimer des tracts, à porter des messages cachés dans des paquets de cigarettes et discutait de l'avenir dans son université. Lorsque vint le temps du danger, lorsque les persécutions commencèrent et qu'il leur fut impossible de rester en contact avec leurs familles, ils cessèrent de téléphoner à leurs parents et de répondre à leurs appels, de leur rendre visite.
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C'est ce qu'elle avait dit à Ismaël lorsqu'elle l'avait informé de sa décision de poursuivre ses activités politiques. Ce n'est pas pour cela que nous nous sommes battus, que nous avons risqué nos vies, lui avait-elle dit. Nous ne pouvons pas les laisser nous prendre tout.
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Même si Azar n'était pas née ici, Téhéran avait toujours été sa ville, l'endroit où elle se sentait chez elle. Elle l'adorait, avec sa circulation, ses immeubles blancs et sales et son chaos irrésistible. Elle l'aimait tellement qu'elle avait cru, autrefois, pouvoir en changer le destin.
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La ville avait changé. Elle était à présent sans tache, brillante comme si on l'avait tout entière passée à la chaux. On avait jeté à la hâte du blanc sur le béton des immeubles, comme pour tenter de cacher quelque chose. Le sang, la suie, l'Histoire, la guerre, l'interminable guerre. Comme une tentative frénétique de camoufler la dévastation qui guettait, un peu plus, tout un chacun.
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La Soeur eut un mouvement maladroit de la tête pour signifier sa morgue. Dans ses grands yeux, dans le pli épais de sa lèvre et la dent manquante que révélait parfois un rare sourire, Azar devinait la pauvreté des banlieues poussiéreuses, les bavardages languissants entre voisines sur les marches des maisons l'après-midi, les rêves de télévision couleur tout en regardant les garçons jouer au football dans les rues sales, la tristesse d'avoir dû quitter l'école après les classes primaires. Et elle était là aujourd'hui cette femme des banlieues pauvres, la reine de la plèbe, qui étendait son grand tchador noir sur la ville et ses filles privilégiées. Peu à peu, elle apprenait à s'enorgueillir de sa pauvreté, tout comme elle avait appris à être fière de son voile.
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Azar savait qu'il valait mieux ne pas demander trop souvent à la Sœur des nouvelles de son bébé. Si elle se montrait trop impatiente, la Sœur pourrait, par pure méchanceté, mettre plus de temps à lui amener l'enfant, juste pour la faire souffrir. Azar se devait d' être sage, patiente.
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La Soeur se tenait de l'autre côté du lit, libre comme l'air. Elle avait l'air si bien dans son tchador noir. Elles avaient toutes l'air si bien, ces Sœurs, sous leur voile. Elles évoluaient, bougeaient, distribuaient des seaux de nourriture, attachaient des bandeaux, verrouillaient ou déverrouillaient des portes,ou des menottes avec une telle agilité qu'on aurait dit que le tissu encombrant, glissant, qui les enveloppait comme les ailes d'une chauve-souris endormie, n'existait pas.
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Une année seulement était passée depuis la Révolution et Azar et Ismaël brûlaient encore d'une extase pleine de ferveur. Lorsqu'ils évoquaient leur triomphe, celui d'une nation qui avait chassé un roi, un roi autrefois intouchable, des larmes de joie noyaient leurs yeux, et leurs voix se brisaient d'émotion. Et pourtant, ils savaient que quelque chose avait échoué. Les hommes aux visages sévères et aux propos pleins de rage, d'espoir, de sévérité et de Dieu, et qui avaient pris possession du pays et prétendaient être les messagers de paroles pieuses et de lois sacrées, ces hommes-là les hérissaient. Que se passait-il ? Désespérée, elle se tournait par moments vers Ismaël. Peu à peu, il devint clair pour tous que ces hommes se considéraient comme les seuls propriétaires légitimes de la Révolution et ses vainqueurs incontestables. Ils purgèrent les universités de ce qu'ils pensaient être des activités antirévolutionnaires, interdirent journaux et partis politiques. Leurs paroles se firent loi et nombreux furent ceux qui entrèrent en clandestinité, parmi eux Azar et Israël.
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Lorsqu'elle entrait dans l'appartement, le parfum du riz lui emplissait les narines. Ismaël venait à sa rencontre et l'attirait dans ses bras. Il lui disait : Khaste nabaashi azizam, Que tu ne sois jamais lasse. Elle préparait le thé et, tandis qu'ils le buvaient ensemble, assis à la fenêtre étroite, face aux arbres de la cour envahie par la nuit, il lui parlait de Karl Marx et elle lui lisait des poèmes de Forugh Farrokhzad.
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S'ils étaient arrivés jusqu'à Evin, c'est qu' ils avaient survécu aux interrogatoires du centre de détention de Komiteh Mostarak et â toutes les autres choses qu'elle n'osait imaginer.
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Les femmes inspirèrent profondément, comme des boxeurs rassemblant leurs forces avant le combat. Puis, les yeux fixes et les lèvres serrées, de leurs mains qui avaient peut-être pesé sur le ventre gonflé d'une vache ou tiré sur les jambes tremblantes d'un agneau, elles imprimèrent une forte poussée à la bosse de son ventre, et à son enfant à l'intérieur.
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Elle était maintenant une étrangère, entourée de gens qui la considéraient comme une ennemie à soumettre et à vaincre, qui voyaient sa seule existence comme un obstacle à leur pouvoir, à leur vision du Bien et du Mal, à leur morale. Des gens qui la haïssait parce qu'elle refusait de considérer ce qu'ils proposaient comme son propre combat. Des gens qui voyaient en elle une adversaire parce qu'elle refusait de croire que leur Dieu puisse avoir toutes les réponses.
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Une fois encore le silence s’enroule autour d’eux, serrant de plus en plus fort comme un serpent, sur le point de leur broyer les os.
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