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Citations de Sahar Delijani (93)


En colère, désespérée, elle argua avec la directrice que sa fille n'avait pas neuf ans et que, selon l'islam, on n'avait obligation de couvrir sa tête que lorsqu'on atteignait l'âge de neuf ans, celui du taklif. La directrice ne voulut rien savoir. Le règlement était le règlement, déclara-t-elle, et qu'elle ait neuf ans ou pas, sa fille, comme toutes les autres fillettes, devait porter un maghnaeh pour entrer à l'école.
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Une petite brise se faufile, derrière la fenêtre, entre les feuilles du mûrier. Des nuages blancs flottent dans le ciel bleu comme un rêve souriant.
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Regarde ce qui se passe actuellement. Vingt ans se sont écoulés et rien n'a changé. Ils ont recommencé à mettre nos enfants en prison, à les tuer dans la rue. Tu ne l'as pas vu ? Je ne pourrais jamais accepter que ça t'arrive. Je ne pourrais jamais les laisser t'arracher à moi !
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Le philodendron a poussé. Ses feuilles tombent gracieusement de la table vers le sol. Lorsque Sheida était petite, Maryam lui avait appris comment nettoyer ses feuilles en forme de coeur. Elle les prenait une par une et les débarrassait de la poussière avec un coton humide. De la même manière que Maryam lorsqu'elle se nettoyait le visage en rentrant du travail. Elle versait de l'eau chaude dans une coupelle, s'asseyant par terre, appuyée sur un coussin, et trempait le coton dans la coupelle. Des traînées d'eau ruisselaient sur son visage. Sheida la regardait faire tandis que le coton, petit à petit, devenait noir.
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Pourquoi est-elle ici ? Pourquoi est-elle revenue ? Parce que son père a été exécuté. Parce que sa mère lui a menti toute sa vie. Parce qu'elle ne sait pas quoi ressentir, ni quoi penser ou quoi faire. Parce que l'histoire l'a finalement rattrapée.
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Des voiles et des manteaux sont sortis des compartiments à bagages. Les femmes ont besoin de se préparer avant l'arrivée. Des foulards valsent dans les airs, se posent comme un soupir sur des chevelures pour cacher des mèches à peine décolorées, mettant les yeux et la courbe des sourcils en valeur. Les cous semblent soudain plus courts, les épaules plus larges. Les enfants rient devant l'apparence nouvelle de leurs mères. Les maris observent la scène. Les mères sourient et leurs mains s'affairent autour des foulards. Les premiers instants, tout à l'air d'un jeu, léger et drôle.
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Le froid des mains de Sheida le pique â l'intérieur, comme la lame glacée d'une épée, et il lutte contre cette sensation étrange de ne pas être à la hauteur qui naît en lui. Il a l'impression d'être devenu un simple spectateur, sans plus de rôle à jouer. Sheida possède un monde à elle auquel il n'appartient pas et dans lequel il ne peut s'introduire, même s'il essaie, même par la ruse. Il est jaloux de la mère, du pays, et du père inconnu qui ont pris sa place, jaloux et intimidé par la densité de l'histoire qui existe dans la vie de Sheida.
Il propose une promenade, de prendre l'air. Sheida n'a pas besoin d'une promenade.
- Il faut que je parle à ma mère, dit-elle.
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Un père exécuté et jeté dans un charnier. Le poids de l'histoire derrière tout cela est tel que Valerio se sent faible, soudain. Il n'a jamais connu rien de semblable et aucune personne de sa connaissance non plus. Pour lui, les charniers appartiennent au passé, aux livres sur la guerre d'Espagne et aux films sur le fascisme. Mais pas au présent, pas à cette vie, pas à Sheida. L'histoire n'est pas censée entrer comme ça chez les gens.
Le père de Sheida avait trois ans de moins que Valerio aujourd'hui. Il trouve cette idée ahurissante et n'arrive pas à la chasser de son esprit. Son père a-t-il su que la mort était proche lorsqu'il avait vingt-sept ans ? Ou peut-être était-il si optimiste qu'il ne pensait pas que s'opposer à un gouvernement vous amenait nécessairement à être jeté dans un charnier ? L'ignominie de ces charniers ! L'humiliation ! Le déshonneur !
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La liste se poursuit, comme sur le mur d'un mémorial. Elle déroule la page, les yeux embués, chaque nom devenant la vision entraperçue et chancelante d'un cauchemar. Il y a tant de victimes, si jeunes. L'article a jeté Sheida dans le torrent tumultueux du passé de son pays. Elle ne savait pas qu'il existait un tel torrent, d'une telle puissance. Quelque part, dans ce pays, les os d'un jeune homme ont été écrasés sous des milliers d'autres. Quelque part, dans ce pays, des milliers de cadavres ont été déversés dans la gueule affamée de la terre, comme des montagnes de déchets. La terre maudite, c'est en ces mots que l'article parle de la région de ces charniers.
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Elle ignorait qu'il y avait eu autant de victimes, ne connaissait pas l'existence des charniers. Au même moment un souvenir passe devant ses yeux. Un souvenir dont elle ne savait pas qu'il était en elle. A l'instant où ce souvenir se réveille, un élzncement la traverse. Elle revoit sa mère crier, hurler dans la nuit, et quelqu'un apparaître derrière elle et fermer la porte.
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Environ 4000 à 5000 jeunes hommes et femmes furent exécutés en juillet et août 1988, l'année où la guerre Iran-Iraq tirait à sa fin. Le gouvernement forma un comité de trois personnes, qui fut par la suite connu sous le nom de "Comité de la mort", pour surveiller les purges dans chaque prison. Chaque comité comprenait un procureur, un juge et un représentant de ministère de l'information. Le comité interrogea tous les prisonniers politiques et ordonna l'exécution de ceux considérés comme " non repentants".
Les prisonniers furent chargés par groupes dans des chariots élévateurs et pendus à des grues et des poutres toutes les demi-heures. Les autres passèrent devant des pelotons d'exécution. A minuit, les corps furent emportés et ensevelis dans le cimetière de Khavaran, qui était autrefois le cimetière des minorités religieuses. Les corps furent enterrés dans des fosses parallèles et régulières et la terre fut tassée, rendant l'identification des tombes impossible. Toute forme de pierre tombale fut systématiquement détruite..
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Sheida n'est pas triste, elle exulte. Mais elle se sent petite, si inexcusablement petite, face à la magnificence de ces mélopées follement impressionnantes, et pourtant désespérées. Elle perçoit ces paroles qui l'enveloppent et sent leur obscurité qui pénètre sa peau, les belles voix inflexibles qui enflent dans ses veines, dans ses poumons. Elle voit presque le Dieu de ces hommes et de ces femmes, peut presque toucher du doigt leurs voix lorsqu'elles L'invoquent, tandis qu'ils se redressent, criant toujours plus fort Allaho Ackbar, se dépouillant de leur peur dans la nuit bleue. Elle a l'impression qu'ils sont en train de devenir une part irrévocable de son souffle, de sa cadence. Leurs voix qui l'appellent, elle. Elle se voit presque debout sur un toit d'immeuble, le poing levé.
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Elle clique sur une vidéo où l'on entend des gens qui scandent des slogans depuis des toits d'immeubles la nuit. Allaho Ackbar entend-elle de toutes les directions, Allaho Ackbar. Les immeubles et les toits d'où les hommes et les femmes invisibles lancent leur mélopée sont plongés dans l'obscurité. Tout ce qu'elle voit, ce sont les petites lumières qui chatoient derrière des fenêtres fermées. Mais les cris et la force furieuse qui résonnent en eux deviennent de plus en plus forts, comme s'ils essayaient d'atteindre les nuages et de les déchirer. Sheida regarde la vidéo, son cœur battant si violemment que ses yeux commencent à lui faire mal. La nuit descend sur les immeubles, recouvrant les ombres des corps qui psalmodient, entrant dans l'œil minuscule de la caméra. Elle est abasourdie par l'extase, l'harmonie pure qui s'en dégagent. Des hommes et des femmes, jeunes et vieux, faibles et forts, scandant des slogans pour protester contre le mal qui leur est fait. Des slogans au nom du peu de justice dont ils se souviennent et qu'ils sont capables d'appréhender. Derrière son ordinateur, Sheida chuchote leurs paroles, leurs slogans, leurs cris de résistance. L'appel à leur Dieu. L'appel à leur Dieu contre le dictateur. Sa mère lui a raconté que monter sur les toits et scander Allaho Ackbar était quelque chose qu'ils faisaient pendant la Révolution trente ans plus tôt. C'était une manière de protestation. Ce n'était pas dangereux, c'était symbolique, c'était quelque chose que tout le monde pouvait faire. Et maintenant voilà que ça revient. Quand tout échoue, crie Allaho Ackbar, avait ajouté sa mère en secouant la tête, triste et résignée.
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Depuis le soulèvement contre les élections truquées de juin et la répression du gouvernement qui a suivi, la plupart des informations en provenance d'Iran traitent des manifestations, des arrestations de masse, des attaques sur les dortoirs universitaires, des tirs dans les rues, de la torture dans les prisons, des détenus dont personne n'a de nouvelles depuis des mois et des manifestants disparus qui n'ont pas été retrouvés.
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Un étourneau vient se percher sur la rambarde devant la fenêtre. Sous le ciel humide, le géranium a l'air à bout de souffle. Le crépuscule est long à venir. Assise derrière son ordinateur, Sheida sirote le thé glacé qu'elle s'est préparé avec des feuilles séchées que Maryam lui a envoyées d'Iran il y a quelques mois. Sheida aime le parfum des boîtes en carton qui arrivent de là-bas. Elles sentent la poussière et les souvenirs. Voilà l'odeur de l'Iran, a-t-elle dit une fois à Valerio. Elle avait reniflé le thé, la paire de gants verts que sa tante lui avait tricotée, le paquet de baies de Berberis et le petit mot de Maryam lui recommandant de les laver plusieurs fois avant de les utiliser, mot que Sheida n'a jamais pu jeter.
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Des arilles translucides, comme des rubis. Les mains de Forugh dansaient maladroitement parmi elles, ses doigts trempés de jus grenat et poisseux.
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Forugh tint la grenade par le haut, passa le couteau juste sous sa couronne, puis la coupa en deux. Un jus écarlate se répandit sur le plateau blanc et la grenade émit un léger soupir en s'ouvrant.
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Les enfants comptèrent les étoiles pour s'endormir. Les adultes se tinrent par la main et contemplèrent les nuages qui passaient. Aucun d'eux ne savait si le lendemain, une fois revenu dans la ville, il trouverait sa maison encore debout. Ou si à sa place il découvrirait des décombres pulvérisés, rasés, dans lesquels il ne reconnaîtrait rien.
La nuit respirait autour d'eux sans livrer la moindre réponse.
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C'étaient des fugitifs qui cherchaient un abri dans l'immensité des champs, sous un ciel vide. Des fugitifs qui en avaient terminé avec les mythes du courage et du martyre, des vierges et du paradis, grâce auxquels ceux qui étaient au pouvoir avaient attiré leurs fils et leurs frères sur les champs de mines. Des fugitifs à qui on n'avait rien laissé qu'une guerre sans fin, un million de morts et de blessés et un pays en flammes, sur le point de s'écrouler.
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La lumière finissante du soleil posait ses derniers baisers sur les feuilles tendres d'un pommier, dont les branches étaient pleines d'hirondelles. Elles essayaient une branche après l'autre, faisant un incroyable chahut, comme des enfants dans une boutique de bonbons. Les petites pommes vertes n'étaient pas encore mûres. Les oiseaux les ignoraient bruyamment.
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