AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Sana Krasikov (50)


Je ne sais pas si c’était la cruauté du système ou son manque de vision à long terme qui m’horrifiait le plus.

Les gardes des camps, leurs commandants et les innombrables bureaucrates de tous échelons ne témoignaient même pas à ces gens le respect qu’ils leur auraient témoigné s’ils avaient été des animaux.

À force de ruminer le sujet, je me suis dit que même le plus sadique des propriétaires d’esclaves avant la guerre de Sécession aurait pris en compte l’endurance humaine dans ses calculs, ne serait-ce que pour pérenniser son exploitation (sinon sauver son âme chrétienne).

La nécessité basique et cynique de prendre suffisamment soin d’un esclave pour qu’il ne s’effondre pas de faim, de fatigue ou de maladie, l’administration du goulag s’en dispensait.

Même dans les recoins les plus ignares du sud des États-Unis, une vie humaine valait généralement au moins l’or dépensé pour l’acheter. En Russie communiste, elle ne valait rien.
Commenter  J’apprécie          70
Florence ne demanda pas de précisions, devinant que l’Institut n’avait pas été épargné par les purges. Mais Valda semblait suggérer que le vent était en train de tourner. "Excès de zèle", comme le présentaient les journaux. Le Politburo avait relevé de ses fonctions le chef du NKVD, Nikolaï Iejov, pour avoir mis trop de passion dans son travail. Avec Beria à la barre désormais, le pire était certainement derrière.
Commenter  J’apprécie          10
Leurs questions et leurs conclusions relevaient d’une vision du monde essentiellement primaire : les pensées et les actes d’une personne étaient angéliques ou démoniaques, prosoviétiques ou antisoviétiques, "avec nous" ou "contre nous".

Cette cosmologie primitive ne laissait aucune place à la neutralité. Même les catholiques européens du Moyen Âge avaient imaginé, entre le paradis et l’enfer, une zone de purgatoire où le salut restait possible.

L’orthodoxie russe n’avait pour sa part jamais accepté une telle notion : sa conscience était incapable de reconnaître autre chose qu’une piété immaculée ou une culpabilité inexpiable.
Commenter  J’apprécie          20
Ce n’est pas que du boniment creux. Timofeïev développe déjà chez ma mère cette capacité soviétique essentielle à voir la vie non pas telle qu’elle est, mais telle qu’elle est en train de devenir. Ou, mieux encore, telle qu’elle devrait devenir.

Tout ce devant quoi ils passent devient un potentiel : un caniveau boueux bouché par les détritus se transforme au travers des mots en un futur aqueduc.

La démolition d’immeubles dont les occupants ont été chassés de force ne laisse pas un terrain vague couvert de briques : c’est un Palais du peuple en devenir.

Dans l’esprit de ma mère, le présent et le futur se sont déjà, ô merveille, rejoints.
Commenter  J’apprécie          60
Ce qui a poussé ma mère à venir en Russie ne m’a jamais semblé étrange. Ce qui l’a poussée à y rester, voilà une autre histoire, sur laquelle je me suis souvent interrogé. Par quel sortilège, en vertu de quoi (ou de qui ?) le paysage insipide autour d’elle s’était-il transformé en mosaïque prolétarienne colorée comme celles qui ornent encore cette ville mercantile ?
Commenter  J’apprécie          00
Tous les mouvements de masse actifs visent donc à interposer un écran de neutralisation des faits entre les croyants et les réalités du monde…

C’est dans la capacité du vrai croyant à “se boucher les yeux et les oreilles” devant les faits qui ne méritent pas d’être vus ou entendus que s’ancrent sa force d’âme et sa loyauté sans égale. Il ne peut être effrayé par le danger, ni découragé par les obstacles, ni dérouté par les contradictions, parce qu’il nie leur existence…

C’était elle. Et dire que toutes ces années, je m’étais cru seul à devoir supporter les "innombrables incroyances" sur lesquelles était construite la pyramide de conviction pure de ma mère.
Commenter  J’apprécie          00
"Il est étonnant de voir la somme d’incroyances qu’il faut pour rendre possible la croyance. Ce que nous connaissons comme la foi aveugle repose sur d’innombrables incroyances."

ERIC HOFFER
Commenter  J’apprécie          00
Je suppose que, pour entretenir leur remarquable hostilité envers nous, ces adultes devaient détruire la compassion innée que suscite la douleur d’un enfant. Nous sentions leur dégoût, mais ne pouvions deviner son origine : à leurs yeux, notre malfaisance était prédéterminée.

C’est pourquoi les punitions les plus cruelles étaient toujours provoquées par une quête d’empathie, comme moi avec mon orteil. Pour tant de monstrueuse innocence, il ne pouvait y avoir de pardon.
Commenter  J’apprécie          00
"La monstruosité du communisme soviétique est une malédiction qui s’est abattue sur le peuple russe pour avoir assassiné son tsar" ? Oui, mon fils sort avec une monarchiste.
Commenter  J’apprécie          00
Le racisme tranquille des femmes russes ne manquait jamais de l’impressionner. Il avait entendu l’argument de l’odeur appliqué aux Africains, aux Arabes, à tous les gens du Caucase et même à certains Asiatiques aux glandes sudorales trop zélées. Sur le continent eurasien, les préjugés filaient vers l’est comme le jet-stream.
Commenter  J’apprécie          00
– Pourquoi tu souris ?

– À cause des pingouins.

– Quels pingouins ?

– Ceux que le Kremlin vous accusera d’avoir empoisonnés quand ils auront décidé de vous virer.

– Il n’y a pas de pingouins là où on fore.

– Poutine les y amènera dans son jet privé. 
Commenter  J’apprécie          00
...dit-elle en reniflant pour ravaler ses larmes. Elle caressa mes doigts et prit ma tête entre ses mains. "Je veux venir avec toi, maman. - Non, non. Je serai de retour d'ici quelques jours". Nous avions jusque là parlé en russe mais, comme si elle venait de lire quelque chose de terrible sur mon visage, un désespoir sauvage s'empara d'elle, faisant briller ses yeux comme des saphirs, et elle dit dans un anglais rauque : "Tout e qu'ils te diront sur moi, sache que ce n'est pas vrai.
- Parlez russe ! aboya la femme depuis le seuil.
- Ne fais pas d'histoires et ne croit pas leurs mensonges."
Et puis ils l'emmenèrent, la tirant brutalement par le coude jusqu'à la porte. Elle se laissa faire.
Commenter  J’apprécie          00
Ce qui a poussé ma mère à venir en Russie ne m’a jamais semblé étrange. Ce qui l’a poussé à y rester, voilà une autre histoire , sur laquelle je me suis souvent interrogé . Par quel sortilège, en vertu de quoi (ou de qui ?) le paysage insipide autour d’elle s’était-il transformé en mosaïque prolétarienne colorée comme celles qui ornent encore cette ville mercantile ?
Commenter  J’apprécie          00
Elle avait voulu sauter par-dessus ces interdits et ces obstacles, par-dessus les préjugés et la bienséance, sauter des deux pieds directement dans le futur. C’est ce que l’Union soviétique représentait pour elle -un endroit où on vivait déjà demain. Voilà pourquoi elle avait fui le pays de la liberté : pour se sentir libre, justement.
Commenter  J’apprécie          00
Son américanéité- la différence même qui l’avait jadis si fatalement exclue- était maintenant la clé de sa liberté.
Commenter  J’apprécie          30
Ce n'était pas la menace de mourir les deux bras cassés dans une fosse pleine de cadavres qui lui avait fait perdre son sang-froid. C'était quelque chose qu'elle aurait difficilement pu reconnaître sans que coulent bien d'autres larmes: elle n'en aurait jamais fini de ce tourment. Jusqu'à son dernier souffle elle accepterait donc d'accomoder,de renseigner, de flatter, de trahir, d'accéder à tout ce qu'ils lui demanderaient d'affreux et d'impossible. Toute sa vie, elle n'avait jamais aspiré qu'à respirer librement! Et en retour elle avait reçu l'esclavage. Parce qu'elle n'avait pas le courage de dire non -- le prix à payer pour la vraie liberté.
Commenter  J’apprécie          100
Qu'y a-t-il de plus humain que de voir sa cruauté attisée par la faiblesse d'autrui ?
Commenter  J’apprécie          50
Seulement en diplomatie, la première règle n'était pas de bien dire ou de bien faire, lui avait-il rappelé, mais d'éviter de mal dire ou de mal faire.
Commenter  J’apprécie          00
La vieillesse vous apprend que ce ne sont pas les grosses erreurs mais les petites qui suscitent les regrets.
Commenter  J’apprécie          10
Elle n'avait pourtant pas pu faire autrement que partir. Là bas, toutes ces années plus tôt, entravée par la culpabilité ancestrale, elle avait refusée de laisser ses désirs étouffer sous une rectitude abrutissante. Ce n'est pas qu'elle croyait que les choses ne changeraient jamais aux Etats Unis, elles changeaient déjà, même alors, tout autour d'elle. Mais qui aurait pu prédire ce qui allait advenir : les schismes; les guerres, les luttes raciales, cette "libération sexuelle" dont il est tant question aujourd'hui. Le féminisme ... Elle avait voulu sauter par dessus ces interdits et ces obstacles par dessus les préjugés et la bienséance, sauter des deux pieds directement dans le futur. C'est ce que l'Union Soviétique représentait alors pour elle. Un endroit où l'on vivrait déjà demain ...
Commenter  J’apprécie          10



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Sana Krasikov (163)Voir plus

Quiz Voir plus

L'apache aux yeux bleus

Quel âge a le personnage principal ?

3 ans
6 ans
13 ans
11 ans

10 questions
276 lecteurs ont répondu
Thème : L'Apache aux yeux bleus de Christel MouchardCréer un quiz sur cet auteur

{* *}