Je suis toujours surpris par ma rencontre des livres, comme celle avec La laveuse de mort, ce roman sur son étale de littérature étrangère, figé dans le temps et l’espace, sa première de couverture sur un fond vert, s’approchant d’un bleu turquoise, se devine un visage de femme , ou se dessine ses lèvres et les prémisses de ses narines sous le voile de sa chevelure sauvage ébène, une épaule s’échappe, le cou s’offre à notre regard, où s’évade une boucle noire comme une virgule qui s’évapore , une mèche rebelle blanche disparaissant dans l’infini de cette tignasse de vie et de liberté. Le titre et le quatrième de couverture sont troublant, rien ne s’oppose à l’union entre nous, ma curiosité aime ce genre de collision, la lecture est une force vivifiante, celle-ci sera forte en émotion et de dégout, de compassion et de haine éphémère, de joie et de douceur, ce roman est une dague qui pointe mon cœur pour le saigner de la misère qui croule sur cette terre, un désarroi, plutôt un vomissement, cette gerbe acide et nauséabonde se déverse sur le sol de mes émotions fragiles et surtout impuissante à ce fléau de la bêtise humaine ! Sara Omar est originaire du Kurdistan, d’une famille Kurde, elle s’est réfugiée à l’âge de quatre au Danemark pour obtenir un diplôme en sciences politiques, et devenir la première écrivaine Kurde sur le plan internationale, c’est une femme de combat s’engageant dans de nombreuses associations et organisations, comme celle de l’ONU sur la violence des femmes, des enfants et des horreurs encore perpétrées sur notre terre en ces années 2021. La laveuse de mort sera la fondation d’une trilogie centrée sur l’héroïne Frmesk, une jeune fille Kurde né en 1986 dans une Irak en guerre subissant une épuration ethnique des Kurdes et du massacre des femmes impures selon la volonté des êtres humains interprétants le coran.
Je suis encore abasourdit par ma lecture, une profonde nausée se creuse au fond de ma chair, pas celle ressentit par Jean Paul Sartre, perdu dans une déprime existentialiste, une révolte intérieure se constelle en moi, comme celle d’Albert Camus, je suis comme un soleil qui s’effondre sur lui-même, je deviens un trou noir, dans cette absence de lumière et de matière, l’insondable est dans certain , ils s’en abreuvent en toute impunité cachés derrière des religions, des lois, des institutions, des cultures, des couches sociales et j’en passe, ce roman a bouleversé mes émotions, j’en frisonne encore, je vais présenter cette œuvre avec beaucoup de douceur sans faire exploser cette violence sourde qui s’en dégage pour en dégager la force qui s’en dégage.
Le titre, La laveuse de mort est à lui seul, un roman à part entière, la mort rode partout, les corps sont là étendus sur le sol, exposés aux regards des passants, ces cadavres sont des femmes, des impures, sous le regard indifférents de ces habitants, comme une routine, au abord et au cœur de Zamua située dans la province du Kurdistan, cette région est sous la répression des Kurdes par les irakiens, ce climat est pesant, la violence est régulière, Saddam Hussein sème la mort avec ces nuages jaunes qui tuent la population, la guerre chimique avec ces horreurs, cet environnement embrase le roman de Sara Omar, narrant la vie d’une jeune fille du nom de Frmesk, que notre auteur le lui a dédicacé avec cette jolie phrase, la fille qui, pendant ces longues années de souffrance, est restée emprisonnée dans mon cœur. La laveuse de mort est un hommage, pour cette femme qui défie les mœurs fragiles de sa religion pour laver ces femmes mortes selon un rituel immuable, elle est sur un fil en équilibre entre sa religion et son interprétation, elle a cette façon d’amour pour les autres, cette femme est une Mère Teresa pour toutes ces mortes impures, tuées pour être que des femmes, jugées selon une interprétation manichéenne du verset du Coran, mais aussi par méchanceté, celle humaine, de la jalousie, de la convoitise et de cette faiblesse qui circule en nous, celle de la chair. Gawhar est La laveuse de mort, la grand-mère maternelle de Frmesk, musulmane, au cœur tendre, marié à Darwésh, un homme solaire, non musulman, ce couple est une magie, Darwésh est ce grand-père maternel étonnant par sa philosophie de vie, sa réflexion sur la Coran est le liant entre tous ces personnages, cet homme est veillant, ces mots sont justes, il est respecté par sa stature, il sème la controverse par sa prose presque hérétique dans le nid de sa maison, ce couple transpire l’amour, Sara Omar a su, avec ce couple, donner une dimension d’humanité, contrastant avec les miasmes qui gangrènent le jugement des mécréants par ceux hostile au Coran mais à la condition humaine.
Le roman oscille entre deux temporalités et lieux, 2016 dans un hôpital Danois et 1986 dans la ville de Zamua au Kurdistan, de l’un à l’autre, l’histoire de Frmesk s’épanouit de sa naissance à ces 5 ans dans cette région en proie à la répression des Kurdes et des femmes, par la folie humaine politique, religieuse et ethnique, celle au Danemark est assez énigmatique, cette jeune femme est alitée , sous perfusion, s’alimentant seulement de soupe, solitaire, peu bavarde, dans un état de faiblesse constante, elles est souvent prise de cauchemar venant réveiller des souvenirs de cet enfance perdue, ces démons la dévorent de ces images qui peuplent ces nuits et la journée par des absences où des scènes lointaines réveillent des blessures et ouvrent des portes de son passé, c’est des flash vivants de réalistes, elle en devient spectatrice impuissante, elle n’est plus actrice des fuites du passé, elle est cette souffrance subit qui lui martèle la chair et l’esprit, le temps ondule les démons pour venir la dévorer dans un présent fragile, le cri de son enfance tinte toujours en elle, comme une blessure qui ne se refermera surement jamais. Cette triple voix est un chant polyphonique dans les méandres lugubres et joyeux si peu qu’ils le sont sur l’existence de Frmesk dans la tradition familiale de la religion et de son pays. Sara Omar, dans la narration de ce roman, cite souvent des passages du Coran, laissant une empreinte bien présente de la religion Musulmane, surtout de ce livre le Coran, guidant les croyants vers la bonté d’Allah.
Il y a deux images de la vie de Frmesk qui s’oppose presque, l’une assez invisible , celle de 2016, sa conversation avec une infirmière musulmane, Darya, laisse place à des brides de sa vie, sans trop de profondeur, juste en surface, elle est malade, nous ne connaissons pas les circonstances de sa maladie et de son état, de sa venue au Danemark, un voile sombre se dépose sur ce présent , seul le dialogue avec Darya entrouvre des blessures passées et déterre des traces de son enfance qui s’œuvrent dans ces peurs nocturnes, Darya exprime malgré elle ce que Frmesk fuit, une tradition qui enchaine les femmes à une prison , celle de la famille, celle de la religion, celle d’une pureté sexuelle, celle d’un mari imposé, celle d’un voile, celle de la lubricité sexuelle qu’elles attisent, mes mots sont surement dérisoires face à ceux de Sarah Omar, elle a choisi son grand-père maternel pour diffuser une parole juste et profonde sur la femme musulmane, comme celle sur la virginité, sur le Coran et d’autres que vous pourrez découvrir, mais sa femme aussi, musulmane , Gawhar, elle a ce pragmatisme de défendre la vérité, comme sur l’anatomie des femmes et leurs hymens, et l’analphabète de certaines personnes, Frmesk à cette chance d’avoir ces grands-parents, en substances, ils vont en avoir la garde, elle deviendra leur fille, avoir une nouvelle maison, échapper à son père sous l’emprise de sa mère, une sorcière , à la langue de vipère, une mère à la santé fragile et au caractère de femme soumise et battue par un mari violent et haineux, il a tous les droits sur sa femme et profite du Coran pour assoir son emprise sur cette femme qu’il viole au nom d’Allah.
Frmesk est une jeune fille avec une mèche blanche, signe de malheur pour certain, son nom donné par sa mère biologique Rubar, « c’est une petite larme tombée sur terre », son regard est profond dès sa naissance, elle a une vie heureuse avec ces grands-parents, beaucoup d’amour, son grand-père la berce des histoires de son peuple et de ces traditions, comme charmeur de serpent , au désarroi de sa femme, célébrant Newroz, malgré les massacres subit à Halabja. Avec sa grand-mère, elle goutte à la nature du jardin, jouant à faire le beurre, ces nouveaux parents ont un plaisir des choses simples, fabricant leur vinaigres et leur vin, le vendant, produisant du beurre, des yaourts et du lait, elle a la chance de la culture de la bibliothèques de Darwésh et de l’amour de cette maison , ce trio est qu’amour….
Ce premier volet est remarquable, il y a beaucoup de personnages, plane en substance la violence, comme un virus qui attend pour vous contaminer et vous rendre malade, subissant les assauts de ce virus sournois et tapis dans l’ombre, vous ne sortirez pas indemne de cette lecture !
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