Nous nous construisons décidément notre propre histoire. Nous voyons le monde à travers un prisme personnel qui nous fait imaginer les uns et les autres à notre convenance. Comment échanger des souvenirs, comment juger, comment prétendre connaître, comment communiquer puisque tout n'est que l'expression d'insondables subjectivités ? Incomprises car dans l'incapacité intrinsèque d'être partagées.
Une boulimie verbale pour éviter d'exister. Sorte de fuite, échapper au présent, à sa propre présence. Parler pour taire ce que diraient ses silences (...). Façon distante et isolée d'être au monde. Parler pour ne pas être vue.
Qu'auraient pensé les gens ? Je ne sais pas. Qui étaient-ils ? Ces "gens" ont été un élément fondateur, base de notre constitution plus encore que les ombres qui nous suivaient, que le condor qui planait guettant le moindre de nos égarements.
Ces "gens" jugent sans pitié. Et nous leur obéissons. Ils nous ont construits, en tant que famille et individus. Ils ont scellé nos pactes internes, désigné nos tabous et nos interdits. Rédigé notre code d'honneur. Ils ont dicté bon nombre de nos comportements, de nos pensées, de nos paroles, nos gestes et nos mots.
Ces gens sont des tyrans.
Mais la mer ne tolère pas le rire, les âmes légères, elle les enlève et les recrache, on le sait, ou les transforme en sirènes et on ne les revoit jamais.
Ma mère n’a rien d’une aventurière. Ni le goût du risque ni l’amour de l’inconnu ni l’attrait de l’inconfort.
La curieuse proximité des verbes « se taire » et « se tuer », une fois conjugués m’a toujours fascinée.
Il réprime un haut-le-cœur. Les invités grimacent comme sous l’attente d’un coup ou comme on regarde un accident de la route, en passant. Mais, par peur ou par curiosité malsaine - savoir jusqu’où il peut aller -, personne n’essaie de l’arrêter. Il continue.
Mes mots s'ancrent en moi sans jamais le besoin de se raconter. Au contraire, partager aurait été le déposséder, m'empêcher de de profiter de l'objet ou de l'instant en l'entachant de la présence d'une tierce subjectivité.
Reine du silence.
Si belle qu’ait été la comédie, on finit recouvert de terre.
On ne connaît pas une personne tant qu’on n’a pas vu ses pieds.