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Critiques de Scott Adams (32)
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Le principe de Dilbert

Hi, Scott!

Je me demande si je ne vais pas discrètement poser votre Principe, dans la salle de pause!...

Votre bouquin, judicieusement illustré, date de la fin de l'autre siècle.

J'avais déjà feuilleté vos livres de strips mettant en scène Dilbert et sa cravate qui rebique...

Je ne pensais plus trop à cette première rencontre avec Dilbert, que je trouve votre volume cartonné de First Editions dans une de mes bouquineries favorites! Coïncidence, destin ou malice, c'était peu de temps après la lecture du Principe de Peter...

Bien sûr, vous pensez bien que je ne suis pas resté longtemps sans assouvir ma curiosité quant à votre Principe!

Même si la traduction peut laisser parfois à désirer, votre livre est bien fichu et aéré de vos strips et messages électroniques.

Finalement, les maux et travers n'ont pas changé en entreprise... Celle dans laquelle je travaille depuis plus de quarante-cinq ans, a repris les mêmes travers et incohérence que vous décrivez dans votre livre!... Par exemple, cette soif inextinguible des instances supérieures à réorganiser sans arrêt et de plus en plus fréquemment des services qui fonctionnaient bien comme ça!...

Votre livre, qui se conclut sur quelques recettes de simple bon sens,devrait (si ce n'est déjàle cas) trôner en bonne place sur le bureau de nos managers et dirigeants divers et variés!

En vous remerciant, Scott, pour ces bons moments passés das vos pages!

Thanks, Scott!



HORUSFONCK



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Dilbert, tome 7 : Réunissons-nous pour suppri..

De l'humour, du cynisme et de la mauvaise foi: so perfect! Une BD qui fait passer un bon moment et qui critique le travail, les relations entre collègues et avec la hiérarchie, la course infernale à la productivité, le jargon absurde de l'entreprise, et tutti quanti!
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I'm No Scientist, But I Think Feng Shui Is ..

Ce tome fait suite à Dilbert: Optimism Sounds Exhausting (strips parus du 21 juillet 2014 au 01 août 2015) qu'il n'est pas nécessaire d'avoir lu avant, mais ce serait se priver d'un plaisir rare. Il regroupe les strips parus du 02 août 2015 au 23 juillet 2016. Il est paru en 2016. Il s'agit de gags en 3 cases (ceux parus du lundi au samedi), ainsi que des strips en 8 cases (4 rangées de 2 cases) correspondant aux strips du dimanche. Tous les strips sont en couleurs et réalisés par Scott Adams. Ce tome contient 153 pages, soit 357 gags. Il ne contient pas d'introduction de l'auteur.



Pointy Haired Boss (PHB) a organisé une réunion avec Dilbert, Alice, Asok et Wally pour trouver une idée de slogan pour leur produit en trois mots : ils discutent pour constater que ça ne va pas être facile. Ted explique qu'il travaille 60 heures par semaine : Dilbert en déduit qu'il ne doit pas être bon comme employé pour devoir travailler autant afin de garder son emploi. CEO explique à Alice, Dilbert et Wally que la clé de succès est de croire en soi : Alice lui demande s'il faut continuer même quand on a tort. Ted est décédé dans son cubicule : Alice va indiquer à Carol que finalement Ted n'est pas un si bon auditoire que ça. Un ingénieur vient de finir sa présentation et demande s'il y a des questions : Alice lui demande s'il ne se serait pas brossé les dents trop fort au point de se perforer le cerveau. Dogbert explique que motiver est une forme de pensée magique dans laquelle on peut imaginer que les mots peuvent transformer des individus inutiles en des machines à succès ; il suffit de savoir mentir.



Carol demande à Dilbert s'il a un conseil pour les études supérieures de son fils : il considère les quinze années d'études nécessaires et le prêt étudiant à rembourser, et conclut sur le fait que le monde aura toujours besoin de banquier. Dilbert croise PHB dans le couloir et lui fait observer que les longues heures de travail commencent à peser lourdement sur sa santé. PHB répond que l'employé est supposé troquer sa santé et son bonheur contre de l'argent. Puis il donne tout son argent à sa famille et les regarde le dépenser pendant qu'il se ruine la santé : c'est le cycle de la vie. Dilbert explique à Dogbert qu'il a décidé de poursuivre son rêve et de se mettre à écrire un roman de science-fiction : Dogbert lui rappelle que ses rêves de nudité ne sont que des suggestions. Une semaine plus tard Dogbert lui demande où il en est : Dilbert a passé une semaine à contempler une page blanche et il craint que se mettre à écrire ne ferait qu'empirer les choses. Puis il informe Alice qu'il va se mettre à écrire un roman afin de se retrouver motivé par la pression sociale, mais il prend très mal le fait qu'elle lui demande s'il a déjà écrit quelque chose. Dilbert a inventé un régulateur d'humeur : c'est ce qui devrait lui permettre de survivre à la tâche d'organiser le pique-nique de l'année de l'entreprise. Il va ensuite trouver Carol pour lui parler de son invention, et elle évoque la question des tasses à prévoir pour le pique-nique : il commence à se trouver mal car ses accumulateurs sont presque à plat. Puis il va trouver Tina et lui demande de lui parler de ses passions pour tester son appareil : elle évoque son goût pour la cuisine et ça marche car il est capable de lui demander si elle aime le fromage.



Un tome de plus pour Dilbert : un lecteur conquis d'avance s'il en a déjà lu auparavant, et très curieux s'il n'en a jamais lu. Les caractéristiques immuables de la série sautent aux yeux : chaque strip de la semaine est en 3 cases. La couleur est là juste pour faire jolie et parce que les BD en couleurs se vendent mieux que celles en noir & blanc. Le dessin est de type minimaliste, avec une maîtrise technique toute relative. Les personnages sont représentés grossièrement avec des caractéristiques exagérées pour être identifiables au premier coup d'œil : les cheveux (2 touffes pour PHB, en triangle pour Alice, en chou-fleur pour Dilbert, en calvitie presque totale pour Wally, etc.). Les décors sont réduits à leur plus simple expression : un plateau de table, un encadrement de porte, un cubicule, une vue extérieure des trois derniers étages de l'immeuble, et souvent rien du tout. Les tenues vestimentaires sont rudimentaires : majoritairement des polos informes. Ah, si une différence notable : Dilbert ne porte plus sa cravate qui rebique, et n'a plus ses trois stylos dans la pochette de sa chemise. Les visages s'avèrent plutôt expressifs, même si le registre des émotions est limité.



De temps à autre, l'auteur surprend son lecteur en s'écartant le temps d'un gag ou deux de la réunion, ou de la discussion de couloir : il est vrai qu'il suffit qu'un personnage se trouve dans un autre endroit pour constituer un écart significatif. Ça marche à tous les coups : Dilbert prenant un verre avec une femme, Dilbert en train de marcher dehors avec Wally, Asok en prison, deux élboniens dans leur hutte avec de la boue jusqu'à la taille, Dilbert rencontrant une femme dans une convention, etc. Il n'en faut pas plus pour donner l'impression d'un changement radical. De même, il suffit que l'auteur introduise un personnage inhabituel ou ne faisant que des apparitions chroniques pour modifier la dynamique de groupe : par exemple, le robot qui revient à plusieurs reprises. Mais rien ne peut préparer le lecteur au plus gros changement : plusieurs strips ne sont pas dessinés par Scott Adams. Il est en vacances du 29/02/2016 au 09/04/2016, puis du 23/05/2016 au 28/05/2016. À chaque fois, un dessinateur prend sa place pour les strips du lundi au samedi pour une semaine : John Glynn, Erin Scott, Josh Shirley, Joel Friday, Donna Oatney, Brenna Thummler, Jake Tapper. Le lecteur s'aperçoit alors qu'aucun ne réussit à dessiner aussi mal, euh non, aussi bien, enfin à reproduire la façon de dessiner d'Adams de manière satisfaisante. Il est possible de le soupçonner d'avoir voulu montrer que sous des dehors d'amateurisme, ses dessins sont beaucoup plus sophistiqués qu'il n'y paraît.



Comme dans tous les tomes, l'objet de chaque strip repose sur une chute comique aux dépens des petits et des gros travers du monde de l'entreprise au sens large, et du capitalisme dans tout ce qu'il peut avoir d'absurde. Depuis 1989, l'auteur montre jour après jour que ce sujet est une source inépuisable de gags en or. Le lecteur retrouve donc les thématiques habituelles de la série : l'incompétence du supérieur hiérarchique, la capacité surnaturelle de Wally à être inutile et à ne rien faire, le fossé de compréhension qui sépare CEO des employés, le manque de toute notion basique de comportement en société des ingénieurs et des techniciens, les efforts sans cesse renouvelés déployés par l'encadrement pour faire travailler plus leurs employés sans rémunération supplémentaire, le manque de budget, les produits mal conçus, et les inanités des modes managériales pérennes ou éphémères. En fonction de sa sensibilité (ou peut-être même de sa susceptibilité), le lecteur se bidonne de voir ainsi épinglé les absurdités du salariat, ou rit jaune devant l'absence de rébellion de Dilbert, Wally Alice, Carol et les autres. Dans les deux cas, il reste bouche bée devant l'expertise de l'auteur à composer un gag en 3 cases (sauf ceux du dimanche en 8 cases), avec un rythme d'une rigueur épatante, en renouvelant à chaque fois la facette sous laquelle il considère ce monde du travail.



Comme dans les précédents tomes, le lecteur voit émerger ou se poursuivre des thématiques nouvelles ou récentes : la course à une recette toute faite du succès, la pensée magique (ou l'intuition) en lieu et place du savoir et des compétences, les nouvelles techniques de motivations et de management sans jamais verser un sou de plus, la robotisation (ou automatisation) des tâches basiques aux dépens des salariés humains, la victimisation, les individus plus accaparés par leur téléphone que par un interlocuteur humain parce que c'est plus divertissant, le manque de sens du travail. À nouveau, ce dernier thème donne lieu aux gags les plus cruels, les plus désespérants, tout en restant très drôles. Ainsi le lecteur regarde avec commisération Dilbert se disant qu'il aime commencer sa journée de travail en visualisant comment son labeur améliorera le monde et hurler en le faisant, constatant comme à chaque matin que sa vie est dépourvue de sens, et que rien de ce qu'il fait n'aura jamais d'importance. Un peu plus loin, le CEO explique à ses employés qu'ils vont être dotés d'un dispositif permettant de mesurer en temps réel leur productivité. Dilbert reformule pour s'assure qu'il a bien compris : êtes-vous en train de dire que vous avez ôté la dernière parcelle de dignité humaine qui restait dans nos emplois ? Que vous nous avez réduits à rien d'autre que des machines de chair qui souffrent dans un état perpétuel d'inadéquation, alors que chacun est comparé à un objectif arbitraire sans cesse croissant, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de possibilité pour l'employé d'atteindre le bonheur par des moyens naturels ?



Un autre tome de Dilbert, une nouvelle source de rire assuré. Outre les personnages et les thèmes habituels, le lecteur retrouve la noirceur de certains constats, et découvre bouche bée que 42 strips ont été dessinés par un autre artiste. Un autre tome, une autre réussite.
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Dilbert, tome 4 : Les nouvelles miseres de ..

Scott Adams a beaucoup d'imagination pour donner vie à de multitudes de situations dans le cadre de l'entreprise. Dilbert n'a plus espoir en grand chose et ce n'est pas son poste qui va lui insuffler de la motivation. Le harcèlement moral, les réunions, les pré-réunions, les préparations à la pré-réunion, l'absence d'augmentation, des objectifs inatteignables, des changements de planning de dernières minutes, des plans sociaux, des incitations à la démission... tout cela est encore abordé sous l'angle de l'absurde. Le quotidien du boulot repose sur ces faits qui ne connaissent jamais la crise. Le bédéaste évoque un peu plus les demandes de faveur du DHR. Heureusement qu'il est un chat, Catbert. Mais quand il demande qu'on lui caresse le ventre pendant de longues minutes, quel parallèle pourrions-nous faire dans le monde des humains? Notre cerveau ne met pas longtemps en suggestion surtout quand il est question d'un rapport homme/femme. L'autre chose aussi qui a changé est que nous voyons plus Dilbert dans sa sphère privée. Cela fait déjà un an qu'il est avec sa copine et leur relation est très étrange. Pourrait-il en être autrement? Heureusement que tout doit être assez amusant. On s'attarde aussi sur des petits détails comme la forme des cheveux ou l'orientation de la cravate du personnage centrale. Quand une salariée envoie par mégarde un mail très érotique à l'ensemble des salariés, ces cheveux s'hérisse et sa cravate se dresse assez bien. Il faut bien mettre parfois un peu de légèreté dans ce cynisme qui ne connaît pas de limite. Car en refermant la bd vous risquez d'être un tout affecté par cette sinistrose que vous pouvez déjà connaître dans votre cadre professionnel.
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Dilbert : Go Add Value Someplace Else

Ce tome fait suite à Dilbert: I Sense Coldness in your Mentoring (strips parus du 08 octobre 2012 au 14 juillet 2013) qu'il n'est pas indispensable d'avoir lu avant, mais ce serait dommage de s'en priver. Celui-ci contient les strips parus du 15 juillet 2013 au 20 juillet 2014. Il est paru en 2014. Il s'agit de gags en 3 cases (ceux parus du lundi au samedi), ainsi que des strips en 8 cases (4 rangées de 2 cases) correspondant aux strips du dimanche. Tous les strips sont en couleurs et réalisés par Scott Adams. Ce tome contient 159 pages, soit 371 gags. Dans son introduction d'une page, Scott Adams évoque la problématique de donner un conseil. Quand c'est lui qui en donne un, c'est toujours intelligent et pertinent, avec une valeur ajoutée. Quand on lui en donne, c'est toujours à côté de la plaque. Il compare ça avec les conseils donnés par son chien, de lui prodiguer des caresses, et à chaque fois il se sent mieux après l'avoir fait, après avoir suivi son conseil. Personne donnant des conseils n'est jamais parvenu à un résultat pertinent à chaque fois. Du coup, il suggère de ne donner que des conseils non quantifiables, et sans jamais justifier son conseil.



Wally donne sa carte professionnelle à une jeune collègue : elle lui fait remarquer que son numéro de téléphone est incomplet, et que son adresse courriel n'est pas conforme. Il répond qu'il n'a jamais dit que ce serait facile. Une collègue demande à Wally où il en est de sa partie dans le projet : il répond qu'il travaille mieux avec la pression et qu'il attend donc que le délai soit presque à son terme. Elle demande comment ça se passe si quelque chose de plus urgent arrive à ce moment-là : il répond que c'est la pierre angulaire de son système. Boss demande au CEO s'il veut bien accepter de devenir son mentor. Il répond que non, parce qu'il préfère qu'aucun de ses sous-fifres ne soit qualifié pour prendre son poste. Boss rétorque qu'il vient d'apprendre quelque chose. Boss indique à Dogbert qu'il est un peu inquiet sur ce que deviennent les archives qu'il confie à sa société, car leur camion de collecte ressemble fortement à une benne à ordures. Il ajoute qu'il aimerait mettre un terme à leur contrat si seulement il le retrouvait. Dogbert répond qu'il doit se trouver dans les archives.



Boss va voir CEO pour lui indiquer que les coûts d'archivage et de stockage sont devenus démesurés, et qu'à ce rythme leur fonction première pourra se résumer à Mettre des arbres en prison. Il demande conseil à CEO : celui-ci répond que les arbres sont des abrutis. Wally s'occupe d'un nouveau stagiaire dont il est le mentor : Dilbert observe que le truc de mentor n'est pas pour tout le monde. Dilbert effectue une balade avec une femme de sa connaissance qui lui explique que les hommes ne servent plus à rien dans le monde moderne car elle a un boulot avec une bonne paye, elle est capable d'effectuer les petits travaux domestiques par elle-même, elle peut se faire inséminer si elle souhaite un bébé. Les hommes ne sont plus que des pourvoyeurs de blagues de mauvais goût et de flatulences. Dilbert revient chez lui avec une femme robot. Dogbert a inventé une nouvelle monnaie dématérialisée qu'il a appelé Bertcoin. Il contrôlera bientôt tout l'agent du monde. Catbert récolte des Bertcoins, mais il vient de recevoir un courriel en provenance de Somalie qui lui suggère d'ouvrir une pièce jointe : il vient d'être victime de pirates somaliens numériques.



Le lecteur qui n'a jamais lu de Dilbert se dit qu'il eut tout aussi bien commencer par ce tome au pif, et il a tout à fait raison. Le lecteur qui a déjà lu un ou deux tomes de Dilbert se dit qu'il replongerait bien dans ce strip aux dessins minimalistes, et à l'humour vache sur la vie de bureau, et il va effectivement se régaler. Le lecteur de longue date de la série se dit qu'il n'y aucune raison pour que Scott Adams ne renouvelle pas le miracle de chaque collection de strip et il a raison : celle-ci est aussi décapante et drôle que les autres. Ça fait du bien de découvrir des blagues sur la vie professionnelle, réalisée à l'économie comme par le premier assistant venu, avec des compétences graphiques très limitées. En fait, ce minimalisme participe à l'anticipation du plaisir de lecture : le lecteur sait par avance à quoi ressemblera chaque strip, chaque personnage, chaque posture, sans oublier les décors vaguement présents. Les personnages sont toujours simples d'apparence et immédiatement reconnaissables : Dilbert avec sa chemisette blanche, sa cravate qui rebique, ses petites lunettes rondes et son pantalon noir, Dogbert comme une sorte de boule blanche avec des lunettes et des membres trop courts, Boss avec sa chemise blanche, son costume, sa cravate bien droite et ses deux touffes de cheveux pointues, Wally comme Dilbert avec moins de cheveux et une cravate bien droite, Alice avec sa masse de cheveux en triangle, le stagiaire Asok avec son air un peu ahuri, la secrétaire Tina avec son air revêche, Topper avec son assurance inébranlable qui lui donne un air de supériorité immuable. Dans ces strips, Adams se permet même quelques facéties avec Alice en Méduse, ou avec l'intervention d'agents du gouvernement en costume noir.



Il en va de même pour l'évocation des différents lieux : l'artiste utilise une approche minimaliste assumée. La plupart du temps il se contente d'un trait horizontal pour évoquer la surface d'un bureau, en coloriant la surface en marron pour rendre évident ce dont il s'agit. Parfois il peut tracer deux traits s'il s'agit d'une perspective, et ainsi faire apparaître l'un des coins du bureau. Il y appose parfois un écran d'ordinateur sagement rectangulaire, et un clavier tout aussi rectangulaire. Bien évidemment la case avec la vue externe du bâtiment de l'entreprise revient régulièrement, rigoureusement identique d'un strip à l'autre. De temps à autre (mais pas trop souvent quand même), le lieu peut changer : une balade dans un parc, l'ascenseur du bâtiment de l'entreprise, la chambre de Dilbert (Adams va jusqu'à dessiner un oreiller), l'ambassade d'Elbonie (une table de camping sur la pelouse d'un parc, le cubicule du responsable des affaires juridiques, une soirée entre collègues (pas plus de deux personnages dans la case), et même le cubicule d'Alice, sans oublier la table avec la machine à café.



Scott Adams ne change rien à son dispositif narratif visuel qui gagne, et le lecteur se sent chez lui, absorbant à l'instant chaque case, se concentrant sur les dialogues. Pour autant, les cases montrent des éléments qui ne sont pas contenus dans les dialogues, essentiellement quel personnage parle, et quelle est sa réaction. Pour ce quarante-deuxième recueil de strips d'un personnage publié pour la première fois le 16 avril 1989, l'auteur n'est toujours pas en panne d'inspiration. Bien évidemment, sa cible de prédilection reste les stratégies absurdes du management, les stratégies d'évitement de Wally, la résignation passive de Dilbert, la rouerie sans honte de Dogbert, le machiavélisme de Catbert, et l'incompétence de Pointy-haired Boss. Adams sait intégrer de nouvelles pratiques de management, toutes aussi éphémères que vouées à l'échec : le coaching par les pairs, les 10.000 heures pour devenir un expert, la mise en œuvre de vacances illimitées, le respect des autres, l'attention portée aux autres, la créativité, avoir de la passion, vivre pour aujourd'hui, un diaporama en voyage du héros, le niveau d'ocytocine, motiver les employés par la vision du chef et pas par l'argent, suivre son instinct, pas de réunion avec plus de personnes qu'on peut nourrir avec 2 pizzas, l'holocracie, faire des compliments aux autres, le niveau de testostérone, fréquenter des gens qui réussissent, l'honnêteté, etc. La liste est infinie. C'est à la fois terrifiant pour des employés qui ont déjà été encadrés avec ces méthodes, ou pire encore qui les voient venir dans leur horizon professionnel, alors qu'elles ont déjà démontré leurs limites, voire leur inefficacité. Et à la fois réconfortant de constater que les mêmes employés trouvent facilement des parades efficaces.



Au fil des strips, le lecteur relève également les innovations qui font leur chemin dans le monde de l'entreprise : les bitcoins, la notion d'équilibre entre vie professionnelle et vie privée, le monitoring des employés plutôt à leur insu (temps passé dans les couloirs, taux de caféine dans leurs veines), le micro-management de la dépense d'énergie des employés qui est en quantité limitée, l'optogénétique, le champ morphogénétique, les opérations financières de l'entreprise qui rapportent plus que la vente réelle de produits à des clients, le sens du nom d'un produit dans une autre langue, les tests A/B, les vidéos virales, etc. Dans le même temps, Scott Adams n'a rien perdu de son humour cinglant et dévastateur. Cela fait mal quand il met en lumière la gestion de l'individu en tant que ressource consommable et renouvelable. Il suffit de voir Catbert, Dogbert ou Boss établir le constat que qu'ils souhaitent convaincre les employés que les bénéfices de l'entreprise sont plus importants que leur santé, que les salariés doivent donner gracieusement leurs idées innovantes à l'entreprise, que la sagesse du manager fonctionne mieux si ses sous-fifres n'expriment pas leur opinion, que le futur professionnel de l'employé (en particulier ses promotions) dépendent plus de l'efficacité de son encadrant à le défendre que de ses propres performances, que le rythme de vie d'un consultant le mène droit à l'épuisement, etc. Cela fait mal également quand Adams évoque des comportements personnels : l'individu qui devient aveugle en consultant l'historique de navigation d'un collègue, l'art de se fixer des objectifs non quantifiables, les consultants qui fourguent des méthodes inapplicables et avant tout rentables pour eux, les décisions prises sous l'influence de l'alcool, la difficulté de fermer Skype, l'art de ne rien faire quand on sait qu'un problème finira par se résoudre tout seul, etc. À chaque fois, l'auteur met en scène le thème ou la situation avec un art consommé du rythme, de la concision, et du gag.



Se lancer dans un nouveau tome de Dilbert est toujours une entreprise risquée. Le lecteur se met à rire tout haut et tout seul dans les endroits les plus saugrenus. Il prend conscience de l'absurdité du monde de l'entreprise, des modes managériales artificielles, du cynisme des encadrants, de son absence de valeur d'employé mais aussi d'être humain, mais aussi de l'universalité de sa situation, tout ça avec un sourire inaltérable.
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I Sense Coldness in your Mentoring

Ce tome fait suite à Your New Job Title Is "Accomplice": A Dilbert Book (strips parus du 21 novembre 2011 au 26 août 2012) qu'il n'est pas indispensable d'avoir lu avant, mais ce serait dommage de s'en priver. Celui-ci contient les strips parus du 08 octobre 2012 au 14 juillet 2013. Il est paru en 2013. Il s'agit de gags en 3 cases (ceux parus du lundi au samedi), ainsi que des strips en 8 cases (4 rangées de 2 cases) correspondant aux strips du dimanche. Tous les strips sont en couleurs et réalisés par Scott Adams. Ce tome contient 120 pages, soit 280 gags. Dans son introduction d'une page, Scott Adams évoque les rares fois où il a essayé de devenir le mentor de quelqu'un à sa demande. Ce n'est pas allé très loin, avec des conseils entre Il faut travailler dur pour avoir une chance d'atteindre ses rêves, ou J'ai travaillé pendant 10 ans sans jamais prendre un seul jour de congé. Il continue en expliquant qu'il est incapable de dire pour quelle part il doit sa carrière à la chance, que dans 100 ans personne ne se souviendra de lui ou d'un autre, et qu'il évite de donner quelque conseil que ce soit pour éviter que son interlocuteur ne coure le risque qu'il lui arrive quelque chose de néfaste en le mettant en pratique.



Dilbert participe à une réunion dans laquelle quelqu'un parle fort interrompant tous les autres. Le Boss colle deux personnes parlant fort dans l'équipe de Dilbert qui lui demande si c'est parce qu'il le hait. Réponse : non, c'est parce qu'il hait les deux autres. Le boss annonce que leur principal concurrent a mis la clé sous la porte parce que les clients attendaient trop leur prochain produit pour acheter celui actuellement disponible sur le marché. Alice en déduit que leur entreprise a gagné grâce à la médiocrité prédictible. Lors de son entretien d'évaluation annuel, Dilbert découvre que le Boss estime qu'il n'accepte pas bien les critiques, il veut savoir d'où sort ce jugement de valeur. Le boss se dit qu'il a déjà gagné la discussion et que ça va être une partie de plaisir. Le boss reçoit une subalterne pour un entretien annuel et lui indique qu'elle manque de confiance en elle. Celle-ci se met à parler fort en l'insultant. Le PDG vient se plaindre au boss qu'un technicien lui a fait une suggestion en direct, alors qu'il paye le boss pour recevoir ce type de suggestion. Dilbert entre et revient à la charge avec une autre suggestion. Alice lit à haute voix, le curriculum que lui a tendu le boss, et elle se moque de chaque ligne. Dilbert lui fait remarquer qu'il doit appartenir à l'individu qui se tient derrière elle.



Le PDG s'adresse à Dilbert sans prendre de gant : regarder un individu de la classe moyenne comme lui file des boutons, il le prie de ne plus jamais s'adresser directement à lui. Le boss félicite Alice qui a permis à l'entreprise d'économiser 10 millions de dollars l'année écoulée. Il continue : le PDG va déclarer 500 millions de pertes causées par des investissements pourris, et donc elle ne recevra pas de prime cette année. Le boss va voir sa secrétaire Carol et lui indique qu'elle peut lui dire tout ce qu'elle a sur le cœur pour éviter que ça ne s'envenime. Elle explique qu'elle hait chaque atome de son corps. Le boss reçoit DIlbert pour lui demander d'arrêter d'exprimer ses opinions personnelles dans ses courriels. L'entreprise doit absolument préserver son déni plausible, c'est essentiel au capitalisme. Un assistant juridique vient trouver le PDG dans son bureau pour savoir s'il aurait rédigé des courriels dans lesquels il parlerait de la dangerosité des produits de l'entreprise et que rien n'a été entrepris pour y remédier. Le PDG répond qu'il ne sait même pas quels produits fabrique l'entreprise. Dilbert vient trouver le PDG pour lui proposer une stratégie permettant de réaliser plus de profit sur le long terme, mais les réduisant quasiment à néant sur le court terme. Le PDG lui répond qu'il ira lui rendre visite dans son taudis. Le boss vient trouver Dilbert dans son cubicule pour lui confier une mission incompréhensible exprimée dans un jargon pseudo-scientifique.



Plus ça change, plus c'est la même chose ? Ah non, là ça serait plutôt, plus c'est la même chose, plus ça change. On ne change pas une équipe qui gagne : peu importe, parce que Dilbert, c'est un unique créateur depuis le début : Scott Adams. Il ne sait toujours pas dessiner ? C'est presque ça et d'ailleurs il en a conscience. Il n'a que quelques personnages et n'en met en scène que deux ou trois de plus par tome, pas plus. Il se contente de plan américain ou plus rapproché. Les personnages ont tous une tête trop grosse, des yeux réduits à un simple trait, ainsi que la bouche et le nez, des mains trop petites, des torses trop cylindriques (homme comme femme) et des cheveux dans une masse indistincte, sauf Wally qui en trois au-dessus de chaque oreille. Cela n'empêche pas le dessinateur de donner une apparence différente à chacun, par la forme de la masse sur leur tête (sensée figurer leurs cheveux), par la couleur de peau, par la couleur de leur cravate ou de leur robe, avec également des variations sur la couleur de la chemise et la forme des lunettes. Au cours de ces 280 gags, Dilbert porte par deux fois une tenue différente sans sa cravate qui rebique, dont un jogging que le lecteur a déjà pu voir dans des tomes précédents. En termes de personnage, il retrouve Dilbert, Wally, Pointy-haired Boss, Alice, Carol, Asok, CEO, Dogbert, Catbert, et une poignée d'Elboniens. Parmi les personnages moins habituels ou les nouveaux, se trouvent un conseiller juridique, un représentant, un robot, et un encadrant intermédiaire éphémère.



Le lecteur retrouve également la mise en scène très basique des strips. Dans la majeure partie d'entre eux, les personnages sont en train de discuter, soit autour d'une table de réunion généralement tous assis côte à côte du même côté, ou l'un d'entre eux assis à son bureau de travail dans son cubicule, et l'autre debout derrière lui, éventuellement tous debout dans un couloir sans âme, sans signe distinctif. L'artiste peut se montrer plus aventureux de manière très sporadique : une case avec une vue extérieure des 3 étages supérieurs du bâtiment dessiné de manière très naïve (une case toujours identique), Dogbert assis sur un pouf, Dilbert en robe de chambre ou assis dans un fauteuil chez lui, Dilbert dans la boue jusqu'à la taille en Elbonie, et une fois Dogbert dans une zone naturelle verdoyante (2 arbres). Pourtant s'il prend le temps de s'imaginer les mêmes gags sans dessins, le lecteur sent bien qu'il n'aurait pas la même portée, le même effet. Le dénuement des dessins participe à rendre compte d'un environnement sans âme, préfabriqué, et incroyablement bon marché, tout juste bon à assurer des fonctionnalités sans aucun égard pour les êtres humains qui doivent se couler dans ce moule anonyme et interchangeable, un processus de déshumanisation pernicieux et bon marché.



Comme pour chaque tome, le lecteur peut se demander s'il va aimer, s'il va (re)trouver les moqueries acides et pénétrantes de Scott Adams, si l'auteur va se répéter ou si son art du gag va faillir. Comme d'habitude, il suffit qu'il lise les 7 premiers gags, soit une semaine de parution, pour être pleinement rassuré, pour devoir s'astreindre à ne pas dévorer les 280 gags en une seule lecture tellement ils font du bien. En fait le processus s'avère un peu risqué pour le lecteur. L'auteur a l'art et la manière de tourner en dérision les stratégies et tactiques managériales de tout poil, la petitesse, la mesquinerie et l'incompétence de tout type d'encadrant. Le lecteur en rit bien, à la fois de la justesse de ce qui est épinglé, à la fois de la mécanique imparable du gag… et puis il se dit que c'est exactement comme ça dans son milieu professionnel et que c'est navrant et accablant dans la vie réelle. Il constate que l'auteur parvient à se renouveler dans effort apparent avec des thèmes récurrents, mais aussi avec des thèmes émergents comme l'entretien professionnel annuel vidé de tout sens, les entreprises engrangeant des millions de profit et aucune prime pour les employés, l'investissement de 10.000 heures pour devenir un expert, le télétravail, Les valeurs de l'entreprise, un logiciel qui s'interrompt toutes les 5 minutes pour éviter le syndrome du tunnel carpien, la charge de travail en augmentation continue, etc. L'accumulation peut produire un effet parfois terrassant : effectivement l'augmentation de la charge de travail d'un employé revient à le tuer, en augmentant, sa fatigue, son stress, jusqu'à l'épuisement et au burn-out. Bien sûr que le Boss est caricatural dans son incompétence et son infatuation, bien sûr que le PDG (CEO) est caricatural dans son absence d'empathie et d'intérêt pour les sous-fifres, et même pour ce que produit l'entreprise… mais quand même le Boss ne comprend vraiment rien sur le plan technique, et le PDG bénéficie de rémunérations obscènes et déconnectées de sa valeur ajoutée, à souffrance au travail égale à celle d'un de ses employés. Derrière les gags et l'humour, la réalité de l'inhumanité et de l'injustice inégalitaire du capitalisme n'est vraiment pas loin.



Un tome de plus ? Non, un tome excellent de plus. Scott Adams continue d'épingler les travers du management dans toute sa splendeur, ou toute son horreur, avec une verve et un mordant qui n'ont d'égal que le minimalisme de sa narration visuelle, d'une efficience exceptionnelle. Le lecteur a vite fait de reconnaitre ses situations de travail, de rire à l'absurdité des stratégies débiles, transparentes et vouées à l'échec, de se moquer des sophismes, tout en éprouvant une empathie sincère pour ces pauvres employés.
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Dilbert: Optimism Sounds Exhausting

Un sentiment d'inadéquation

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Ce tome fait suite à Dilbert: Go Add Value Someplace Else (strips parus du 15 juillet 2013 au 20 juillet 2014) qu'il n'est pas indispensable d'avoir lu avant, mais ce serait se priver d'un délice comique. Celui-ci contient les strips parus du 21 juillet 2014 au 01 août 2015. Il est paru en 2015. Il s'agit de gags en 3 cases (ceux parus du lundi au samedi), ainsi que des strips en 8 cases (4 rangées de 2 cases) correspondant aux strips du dimanche. Tous les strips sont en couleurs et réalisés par Scott Adams. Ce tome contient 161 pages, soit 375 gags. Dans son introduction d'une page, Scott Adams indique qu'il est un optimiste de naissance, et que c'est effectivement épuisant. Il s'attend à ce que son copain soit à l'heure au rendez-vous (même si dans les faits il arrive avec une heure de retard). Il a une propension affirmée à sous-estimer les difficultés. D'ailleurs si Dilbert existe, c'est bien parce que Adams avait regardé un comicstrip dans un journal en se disant : ça n'a pas l'air si difficile que ça à faire et qu'il était optimiste se disant qu'il pouvait lui aussi le faire.



CEO demande à Dilbert de lui épargner les explications techniques car il prend ses décisions sur la base des individus impliqués dans le projet : Dilbert lui fait observer que c'est une croyance aussi infondée que la précédente, croire qu'il était capable d'identifier les projets gagnants. Pointy-haired Boss constate que les données sont incomplètes, donc il va utiliser son intuition et son expérience pour prendre une décision : Dilbert lui demande si la pensée magique permet de palier l'ignorance. CEO indique à Dilbert que son prototype ne sera jamais viable économiquement : Dilbert répond que la certitude concernant le futur est un signe de maladie mentale. Boss fait observer à Alice que son projet est en retard par rapport planning : elle répond qu'au long terme, tout le monde meurt et qu'il pourrait mourir sur le champ et atteindre son terme plus rapidement. Boss annonce à Dilbert qu'il sera assis à côté du vice-président senior au repas pour la remise des prix technologiques, non pas parce qu'il n'aime pas Dilbert, mais parce qu'il n'aime pas le vice-président. Boss annonce à Dilbert et Alice qu'il a externalisé son management à Amazon et que leurs employés vont les observer par des caméras vidéo et leur donner des consignes.



Boss indique à Dilbert qu'il a bien entendu qu'il est surchargé, et donc il lui affecte un nouveau venu : Dilbert comprend que ça ne va pas beaucoup l'aider car il va devoir répondre à des questions en continu. Wally vient voir Boss en lui disant que les personnes qui réussissent se lèvent tôt : il demande à commencer à quatre heures du matin. CEO annonce en réunion que le conseil d'administration a décidé d'augmenter ses actions, soit en mettant des produits fantastiques sur le marché, soit en attirant des actionnaires idiots. Boss annonce à Alice que l'entreprise vient d'acheter une start-up de la Silicon Valley juste pour en récupérer les ingénieurs : il lui demande d'être gentille avec eux car ils socialement maladroits et ils n'ont pas vu une femme depuis quatre ans. Boss présente Randy, un ingénieur de la start-up à Dilbert en lui demandant de s'assurer qu'il suit bien le cours en ligne de 45 heures sur l'accueil : Randy démissionne sur le champ.



Un nouveau recueil de strips de Dilbert, une nouvelle certitude de s'amuser en contemplant les travers de l'entreprise mis à nu. Est-il besoin d'en dire plus ? Ça dépend, soit on est un lecteur inconditionnel, et ce recueil était dans la pile de lecture quoi qu'il arrive. Soit on hésite. Dès le titre, l'affaire est entendue : effectivement, la vie est plus agréable quand on est optimiste, mais ça demande une énergie de tous les instants pour ne pas succomber à la tristesse de la réalité, sans oublier ce dessin minimaliste, une ombre chinoise de la partie supérieure de la tête de Wally. Scott Adams joue admirablement sur ses faiblesses de dessinateur en créant une image conceptuelle, entre figuration et abstraction, image qui amène un sourire aux lèvres de l'habitué de la série, et qui intrigue les nouveaux. Est-ce que l'auteur dessine mieux que dans les tomes précédents ? Non, mais ça ne l'a jamais arrêté, ni empêché d'être drôle. Le lecteur habitué retrouve les personnages tout comme il les aime : détourés d'un trait très fin et régulier, avec des postures un peu figées, des expressions de visage assez limitées, évoluant souvent dans des cases dépourvues de décor en arrière-plan, ou plutôt plantés de manière statique, et caricaturés.



Le nouveau lecteur découvre des individus représentés de manière exagérée et simplifiée : Dilbert avec l'espace de forme de chou-fleur pour ses cheveux au-dessus de sa tête, ses lunettes rondes, sa chemisette et sa cravate qui rebique, Wally avec ses trois cheveux au-dessus de chaque oreille et son crâne dégarni, le boss avec son veston et ses deux touffes de cheveux pointues, Alice et ses cheveux en triangle et pas de cravate, CEO (pour Chief Executive Officer) et son haut front chauve, ou encore Dogbert et Catbert, des animaux vaguement anthropomorphes. Il y a même un robot, et un androïde à l'image de Boss, et Bob le dinosaure est présent dans 3 strips. Le lecteur habitué se rend compte que l'artiste continue d'introduire de minuscules détails comme les chemisettes, le badge accroché autour du cou, ou encore une montre connectée, sans oublier l'habit-tube, tout ça représenté de manière simpliste et naïve en cohérence avec le reste.



Le lecteur novice se dit que finalement, derrière des apparences simplistes, les personnages changent régulièrement d'endroit, avec une prédominance du bureau : debout dans un couloir totalement impersonnel, assis dans une salle de réunion, dans le bureau du chef, les étages supérieurs du bâtiment vue extérieure (image récurrente), la pelouse d'un parc pour une balade, assis devant son écran d'ordinateur, dans l'allée en sortant la poubelle, l'écran de présentation pour un diaporama, en train de prendre un verre devant une table en compagnie d'une jeune femme, dans la boue jusqu'à la taille en Elbonie, et même dans une zone sauvage alors que Dilbert est en cavale. Même le lecteur fidèle est pris par surprise par ce dernier lieu, tellement éloigné de la vie de bureau bien monotone du personnage. Une fois adapté aux caractéristiques des dessins, le lecteur ne peut que constater qu'ils portent bien la narration, qu'en effet Scott Adams sait tirer le meilleur parti de ses limites : il est obligé de s'en tenir à l'essentiel avec une mise en scène minimaliste, faute de savoir mieux dessiner. Cela concentre l'attention du lecteur sur les personnages, et cela oblige l'auteur à se montrer d'une rigueur extrême dans la mécanique de ses gags. S'il essaye d'en raconter à haute voix à interlocuteur, le lecteur prend conscience de la précision extraordinaire dans la construction de chaque phrase, dans le choix de chaque mot. Un travail d'orfèvre.



Qu'il soit lecteur de longue date ou pas, le lecteur se demande quels travers de l'entreprise l'auteur va épingler sur ces 12 mois. Les sujets ne manquent pas qu'ils soient récurrents, ou qu'ils prennent pour cible une tendance récente, et souvent éphémère. Bien sûr le management et les stratégies de développement de produits sont au cœur de la série : les prises de décision par un processus irrationnel entre pensée magique et biais égocentrique, la pensée prête à l'emploi sous forme de slogans et de recettes génériques, les stratégies absurdes démontées en 2 questions, la négation de l'expertise parce que trop compliquée, les livres révélant les clés du succès (qui ne sont avérées que pour son auteur et dans le contexte où il a eu du succès), raccourcir les délais en deçà de ce qui est nécessaire, le mépris de classe des hauts dirigeants pour les simples exécutants, les réunions improductives, les stratégies pour fourguer de la camelote aux consommateurs parce que l'entreprise est incapable de fabriquer des produits de qualité, etc. Le lecteur retrouve avec grand plaisir le caractère monolithique des personnages : le cynisme un peu abattu de Dilbert face à la bêtise de ses chefs, le désintérêt très professionnel de Wally, atteignant des sommets de désengagement, d'absence de motivation, d'implication nulle, tout en devenant l'employé de l'année, et même vice-PDG. Il aurait souhaité qu'Alice ait encore plus d'occasion de laisser libre cours à son agressivité.



Comme l'habitude, le lecteur fidèle voit apparaître de nouveaux thèmes dans lesquels le lecteur de passage peut reconnaître les préoccupations et les lubies du moment. En vrac : l'externalisation qui s'étend jusqu'à la fonction de management, l'engouement pour les recettes du succès sous forme de livres de conseils, les algorithmes pour analyser les candidatures à un emploi, acquérir une compétence en 5mn avec un tuto internet, avoir de la passion dans son travail, cultiver la férocité des employés, ajouter des fonctionnalités superfétatoires à un produit qui se suffit à lui-même, le sadisme intentionnel des Production designers, les statistiques aberrantes (les gens plus grands ont mieux rémunérés), le sabir techno-économique, les mec-splications, le CEO qui fait partie du conseil d'administration de 9 entreprises différentes, etc. Comme d'habitude, la noirceur n'est pas loin derrière l'humour décapant. Le lecteur reprend contenance quand Dilbert fait constater à un commercial qu'il est plus payé parce qu'il conçoit et produit des biens, alors que le commercial non. D'un autre côté, il découvre la vision de Dilbert sur l'humanité en page 138 et ça lui flanque un coup. Dilbert expose sa vision d'ingénieur : il préfère la technologie aux êtres humains. Il ne croit pas au libre arbitre, aux âmes sœurs, ou à la motivation par la passion. Il pense que la vie est un événement bref et dépourvu de sens dans un univers livré au hasard qui n'en a cure. Il n'interagit avec autrui que pour des besoin économiques et biologiques. Il pense que chaque acte humain est motivé par l'égoïsme. Et il passe ses journées à réarranger des zéros et des uns. Cette appréhension rationnelle de l'existence peut s'avérer trop décillée pour certains individus, trop honnête.



Un autre tome de Dilbert, une autre réussite extraordinaire. Scott Adams sait mettre à profit ses capacités limitées de dessinateur pour se focaliser sur l'essentiel de la narration, en ayant développé un sens du rythme du gag extraordinaire de précision et de concision. Le lecteur s'amuse des travers de la vie en entreprise, des relations entre collègues, des absurdités systémiques de l'entreprise, tout en se heurtant à l'absurdité du monde. Exceptionnel.
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Your New Job Title Is 'Accomplice'

Ce tome fait suite à Teamwork Means You Can't Pick the Side that's Right. (du 13 février 2011 au 20 novembre 2011) qu'il n'est pas indispensable d'avoir lu avant, mais ce serait dommage de s'en priver. Celui-ci contient les strips parus du 21 novembre 2011 au 26 août 2012). Sa première édition date de 2013. Il s'agit de gags en 3 cases (ceux parus du lundi au samedi), ainsi que des strips en 8 cases (4 rangées de 2 cases) correspondant aux strips du dimanche. Tous les strips sont en couleurs et réalisés par Scott Adams. Ce tome contient 120 pages, soit 280 gags. Dans son introduction d'une page, Scott Adams évoque l'expérience de sociologie consistant à faire administrer une décharge de courant électrique par un homme à un autre. Il associe cette pratique à celle de l'autorité en entreprise, ce qui l'a conduit à quitter le monde de l'entreprise et à ne jamais y remettre les pieds.



Wally est en train d'expliquer à Pointy haired Boss le projet qu'il a mené à bien dans un sabir incompréhensible, et il finit par lui glisser l'adjectif auquel il est en train de penser : indispensable. Dilbert déjeune avec sa mère et lui annonce que son chef l'a nommé responsable de projet. Elle lui demande de ne rien en dire autour de lui car elle prétend qu'il exerce le métier de serrurier. Il lui rétorque qu'elle paiera pour son repas. Le serveur arrive et se présente comme étant leur responsable de projet. En réunion, Dilbert explique que personne n'a répondu à ses courriels, et que du coup il a établi un planning de projet qui ne reflète ni un consensus, ni la réalité. Wally demande s'il peut en avoir une copie pour le plagier. Dilbert répond que non car il est encore en train de prendre du plaisir à cette illusion de progrès. Un commercial présente son diaporama en expliquant que ses diapositives sont vides parce que personne ne lui a expliqué à quoi sert le produit qu'il doit vendre, et qu'il ne s'en est pas inquiété parce qu'il n'est pas rémunéré à la commission. Il demande à ses interlocuteurs de faire l'effort de répondre qu'ils n'ont pas effectué de commande faute de budget. Dilbert explique à un commercial qu'il aimerait bien acheter des produits de son entreprise, mais que l'entretien avec lui est trop pénible. Le commercial lui répond qu'il est passé d'un revenu à la commission, à un salaire fixe et qu'il n'a plus à faire plaisir à la clientèle.



Wally vient trouver Pointy haired Boss pour lui dire qu'il a enfin fini son planning après une semaine de travail. Son chef lui demande d'y rajouter une nouvelle tâche : Wally répond que ça va lui prendre jusqu'à ce qu'il lui demande autre chose. Wally et Dilbert voient leur chef avec un visage contrarié : une colère dirigée contre son interface de téléphone. Wally lui conseille de courir droit dans un mur, et se tourne vers son collègue en lui disant que parfois il faut espérer que la solution la moins pire soit la plus drôle. Pointy Haired Boss vient trouver Dilbert en lui disant que chaque fois qu'il quitte son cubicule, quelqu'un lui envoie un courriel anonyme avec un article sur les pires chefs. À côté, Wally sourit en se rappelant que la corrélation n'implique pas la causalité. Un collègue se plaint à Dilbert et Wally que tout ce qui pouvait mal se passer s'est mal passé au cours de la semaine qui vient de s'écouler. Dilbert lui répond qu'en étant positif il s'est rapproché de 7 jours de la mort. L'autre s'en trouve tout ragaillardi, et Dilbert se tourne vers Wally pour lui dire qu'il trouve ça terrifiant quand ça marche.



Les tomes de Dilbert se suivent et se ressemblent. Scott Adams a déjà eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises : il sait qu'il ne sait pas dessiner, ce qui n'entame en rien son succès. Ses personnages sont détourés d'un trait fin uniforme, avec des bras trop petits, des troncs et des têtes trop gros, des gros nez, et des yeux souvent tout ronds. Ils présentent peu de détails : toujours la même tenue vestimentaire pour chaque personnage, par exemple une chemisette et une cravate qui rebique pour Dilbert, sans oublier ses deux stylos dans la poche de la chemisette et ses lunettes rondes. Wally porte le même type de chemisette banche avec les mêmes stylos (juste un tout petit trait qui dépasse) des lunettes carrées, mais une cravate qui ne rebique pas, sans oublier ses trois cheveux au-dessus de chaque oreille. Pointy haired Boss porte une veste assortie à son pantalon, et mérite bien son nom avec ses deux touffes de cheveux dressées de chaque côté d'un crâne dégarni, comme deux cornes d'un diablotin ridicule. La chevelure d'Alice est toujours aussi étrange : une masse de cheveux de forme triangulaire. De temps à autre, le lecteur voit passer un animal anthropomorphe représenté de manière tout aussi minimaliste : Dogbert toujours aussi cynique et manipulateur sans oublier condescendant, Catbert toujours parfait à jouer avec les employés en tant que responsable des ressources humaines, et un rat humain. Le dessinateur innove un peu avec un robot en forme de requin, la présence de la vache à faire de l'argent (la poule aux œufs d'or), ou encore les jumeaux Brendan et Brandon. Tous sont dessinés dans le même mode simpliste.



Come d'habitude, les mises en scène sont souvent les mêmes : les personnages assis à une table de réunion en train d'échanger, et parfois (mais très rarement) en train de travailler. Le lecteur retrouve également les autres prises de vue classiques de la série : la case représentant les trois étages supérieurs de l'immeuble vus de l'extérieur dans chaque strip du dimanche, Dilbert ou une autre personne en train de travailler dans son cubicule, Pointy haired Boss se tenant devant le bureau de sa secrétaire, Wally en train de prendre son café, Pointy haired Boss recevant un de ses employés dans son bureau. De temps à autre, Scott Adams sort de sa zone de confort, mais pas du minimalisme, avec un lieu sortant de l'ordinaire : une fête entre employés, un restaurant, un club pour millionnaire, Pointy haired Boss dans sa voiture, Dilbert faisant un peu de marche à pied à l'extérieur. Cela reste très limité pour ne pas trop perturber les confortables habitudes du lecteur. Il est vraisemblable qu'au bout de 3 pages, soit une semaine de parution avec 6 strips de 3 cases, et le strip du dimanche en 8 cases, le lecteur retrouve effectivement ses aises, et surtout ait éclaté de rire à l'un des 7 gags. Le gentil cynisme de l'auteur fait mouche très rapidement. Impossible de résister à la notion de chef de projet, titre attribué à Dilbert qui ne peut pas s'empêcher d'ne ressentir un peu de fierté, au caquet vite rabattu par sa mère. L'arrivée du serveur se déclarant chef de projet, pour effectuer le service du repas met en avant à quel point cette appellation a été vidée de tout sens, juste pour flatter des employés qui continuent à accomplir exactement les mêmes tâches, avec un salaire inchangé, juste enorgueillis par la notion de responsabilité contenue dans ce titre honorifique.



C'est que Scott Adams est très fort pour brocarder les modes managériales, mais aussi pour épingler l'absurdité de la vie de bureau, et de la vie en général. Comme il peut s'y attendre (et il est même venu pour ça), le lecteur s'esclaffe devant la caricature de comportements ou d'outils de travail : les courriels auxquels personne ne répond, les plannings non respectés ou totalement inventés déconnectés de toute plausibilité, le stage pour améliorer son charisme, le fantasme de la création d'une appli qui rendra millionnaire, les conseils donnés par des collègues dénués de toute compétence dans le domaine, la façon de faire payer pour des applis dont il existe des versions performantes gratuites, les individus préférant communiquer par appareil (téléphone, ordinateur) interposé plutôt qu'en face à face, la gestion des calendriers électroniques, la spécialisation croissante des métiers qui rend plus facile de faire croire à des mirages mais aussi plus compliqué de se faire comprendre par des non-spécialistes, etc.



L’auteur se montre tout aussi drôle, mais plus cruel quand son gag met en lumière l'absurdité d'une stratégie ou d'un comportement. En fonction de son expérience professionnelle, le lecteur en ressentira l'acuité avec plus ou moins de force. Impossible de rester de marbre à l'injustice criante des services dont le budget se trouve réduit alors qu'ils l'ont bien géré, parce qu'il faut compenser les pertes d'un autre service qui a mal géré. Il en va de même pour l'injustice du directeur ou président qui voit ses bonus augmenter quand les résultats sont bons, alors que l'employé voit sa charge de travail augmenter s'il a été efficace. Les constats sont tout aussi pénétrants et douloureux quand ils s'appliquent à l'individu. Ainsi le lecteur rit et grimace avec le stage pour améliorer son charisme, avec le téléphone vu comme une machine à voyager dans le temps (pour passer en avance rapide, il suffit de jouer avec), avec la volonté de changement dans l'entreprise juste pour créer l'illusion d'une stratégie en interne et en externe, avec l'incapacité de quelqu'un à comprendre qui ressemble fortement à l'incapacité d'une autre personne à expliquer, avec la sensation que les règles édictées au nom du management servent souvent à rendre plus difficile la vie de l'individu. Ça fait encore plus mal que de prendre conscience que l'augmentation de la population mondiale induit que la valeur potentielle de chaque idée d'un individu tend vers zéro (parce que la probabilité que quelqu'un l'ait déjà eu confine à la certitude). C'est un constat terrible que de reconnaître que les organisations efficaces sont de plus en plus complexe ce qui induit que chaque employé se voit attribuer des tâches de plus en plus parcellaires et donc difficiles de concevoir leur place dans le grand tout et de se sentir motivé. Par moment, l'auteur touche au génie avec le stagiaire du stagiaire, position absurde et non rémunérée, mais terriblement juste du point de vue économique (coût zéro pour les entreprises) et de l'expérience à acquérir pour pouvoir décrocher un premier emploi.



Les tomes de Dilbert se suivent se ressemblent : dessins et narration visuelle minimaliste pour un impact maximal. Humour irrésistible basé sur un regard acéré sur l'entreprise, ses processus idiots, et ses aberrations systémiques. Un réel humanisme qui se ressent dans l'empathie avec les personnages, et un regard sans illusion sur l'existence humaine.
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I'm Tempted to Stop Acting Randomly: A Dilb..

Ce tome de Dilbert (le trente cinquième de la série) reprend les strips parus du 26 juillet 2009 au 02 mai 2010. Les strips précédents se trouvent dans 14 years of loyal service in a fabric-covered box (du 13/10/10 au 25/07/09), le tome 33. Le tome 34 Problem identified est un pot-pourri de strips antérieurs.



Comme dans tous les autres tomes, celui-ci regroupe des strips en 3 cases (ceux parus du lundi au samedi), ainsi que des strips en 8 cases (4 rangées de cases) correspondant aux strips du dimanche.



Au fil des pages, le lecteur aura le plaisir de découvrir les nouvelles consignes mises au point par Catbert, le méchant directeur des ressources humaines (une savoureuse expertise de débouchés de carrière en fonction des compétences de l'employé page 9). Dilbert prouve par l'exemple qu'il ne faut jamais laisser du personnel technique parler directement à un client (le personnel technique est trop honnête, il ne sait pas enjoliver). Dilbert tente à nouveau d'approcher 3 ou 4 représentantes de la gente féminine, avec son succès habituel. Le chef à la coupe en pointe prouve à maintes reprises son incapacité à comprendre quoi que ce soit, et à gérer du personnel. Mais une fois de temps en temps (statistiquement, c'est possible) il a raison ce qui a un effet encore plus désastreux sur Dilbert. Dogbert continue sur sa lancée de président directeur de l'entreprise avec un mépris tout capitaliste pour tout ce qui n'entre pas dans le domaine de ses rémunérations, à commencer par les employés et la déontologie. Le temps de 4 strips, Dilbert acquiert des ailes d'ange (ça ne l'aide pas tant que ça lors de son dîner amoureux suivant). Dilbert et Dogbert fêtent l'arrivée de la nouvelle année tous les deux chez eux à 22h00. Wally exerce avec un succès parfait son expertise en évitement du travail. Asok perd son âme. Divers employés doivent apprendre à cohabiter avec un logiciel de gestion du temps.



Chaque nouveau tome de Dilbert est l'occasion pour Scott Adams d'utiliser les mêmes recettes que précédemment et d'innover en brocardant de nouvelles tendances de management. Le monde vu par la lorgnette déformante qu'est cette série de strips est à la fois très noir et rassurant.



Il me semble qu'au fil des tomes, Scott Adams développe une relation de plus en plus privilégiée avec Wally. Au fur et à mesure la rhétorique de Wally s'améliore et ne connaît plus qu'un seul objectif : glander en toute impunité. Toute son énergie est dévolue à paresser et à préparer ses excuses, à chaque fois d'une efficacité redoutable. À la fois ce personnage est rassurant car il matérialise la possibilité de ne pas se donner corps et âme à son travail, voire de profiter du système. À la fois il s'agit d'une vision des plus noires car cet individu devient une charge pour tous ses collègues qui se partagent ses missions. Adams accentue le ressort comique qu'est Wally manipulant tout le monde et atteignant son objectif. Avec du recul, la sympathie dégagée par ce personnage cautionne l'individu qui profite du système sur le dos de ses collègues et crée une forme de malaise chez le lecteur.



Une deuxième tendance décelable dans ce tome est la critique du capitalisme sauvage. Il ne s'agit plus simplement de conspuer le chef incompétent (ou en tout cas qui ne comprend pas la technologie sur laquelle travaillent ses salariés), mais le niveau supérieur, celui des actionnaires et des PDG. La critique du comportement apparent de cette catégorie de cadres tombe parfois à plat parce que Scott Adams se limite à mettre en images les critiques premier degré de la presse quotidienne des journaux gratuits. Il retrouve par contre tout son mordant quand il revient sur les stratégies de groupe industriel n'ayant comme fonction que le profit et la perpétuation du groupe. Par exemple, le boss donne la possibilité à Dilbert de choisir entre rapporter qu'il a réussi à convaincre 83 entreprises d'adopter comme standards techniques les spécifications du produit de son entreprise (spécifications à court terme et vouées à développer un produit rapidement obsolète), ou reconnaître qu'il est un raté professionnel parce qu'il n'a pas réussi à le faire. Par cette simple boutade, Scott Adams joue sur le registre de comique imposant un choix impossible à l'employé, mais aussi dans un registre très noir basé sur le fait qu'une entreprise n'a pas d'autre éthique que celle du bénéfice et de la pérennité.



Parmi les nouveautés purement managériales, Scott Adams tourne en dérision les logiciels de gestion du temps. Toujours à la recherche de productivité, la tentation pour une organisation de production est forte de revenir au bon vieux taylorisme, avec des outils neufs. Dans des tomes précédents, Adams avait relevé avec verve que lorsqu'un employé explique à son superviseur qu'il est en retard sur son projet, le chef va commencer par demander un rapport détaillé sur l'ampleur du retard et ses causes, ce qui prendra inévitablement encore du temps supplémentaire, allongeant ainsi le retard d'autant. Ici, il reprend ce concept de solution pire que le mal, mais en insistant plus sur le décalage entre l'individu et ce type de produit qui formate les performances en les ramenant à des ratios. À nouveau le lecteur peut percevoir l'horreur pour l'individu de se conformer à un standard identique et uniforme quel que soit l'âge, la fatigue, les goûts, etc. Heureusement Wally est là pour prouver qu'il est possible de s'adapter à tout et de détourner les machines comme les individus.



Ce tome propose une nouvelle plongée dans le monde impitoyable de l'entreprise où survivent des employés, sans espoir de jamais s'épanouir. Le rire est au rendez-vous, mais l'aliénation par le travail n'est jamais très loin. Un seul regret : pas de Dilmom dans ce tome. Le tome 36 Your accomplishments are suspiciously hard to verify est un pot-pourri de strips antérieurs. Le tome 37 How's that underling thing working out for you ? contient les strips du 03 mai 2010 au 12 février 2011.
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Le Savoir-vivre à l'usage des déboussolés

Si vous souhaitez savoir quand une femme doit payer le restaurant, ou comment gérer les postillonneurs ou les marques d'affection en public, combien de temps faut-il garder les cartes postales ou si vous rasez les gens à qui vous parlez, alors ce guide est pour vous.



Dogbert, le chien mégalo et méprisant de Dilbert vous offre ses conseils pour contrôler tous types de situations... en bien ou en mal.



Alors qu'on attaque les premières pages, on s'attend à voir une énième compilation de gags un peu irrévérencieux, mais ce serait oublier que Dogbert est un grand et horrible cynique de 1ere catégorie, ce qui rend toutes situations assez cocasses et plutôt drôles.



Le parfait cadeau de Noël !
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Dilbert, tome 3 : Comment devenir chef à la p..

Une description très humoristique du monde du travail dans laquelle chacun se retrouvera. Conçu sous la forme de petites scènettes qui mettent en lumière avec sarcasme les travers et les excès du monde du travail dominé par l'exigence de productivite et ses conséquences sur le climat social au sein des entreprises.

À lire après une bonne journée de tension au bureau, histoire de décompresser et d'y retourner....avec le sourire.
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Dilbert, tome 2 : Le harcèlement continu

Le souci quand on lit tout un album est la lassitude qui arrive trop vite. Le fait que se soit des strips publié dans la presse, on se contente de lire 4 à 8 cases et cela fait l'affaire. Donc, il faut le butiner tranquillement. Les toilettes est un lieu idéal de lecture ponctuelle. Par contre, on ne rit plus de ces situations devenues trop exagérées. Bien que l'on trouve de nouveaux personnages soit dans les supérieurs soit d'autres services ou soit de potentiels clients. Cela reste juste un prétexte de souligne l'incompétence ou la débilité des individus. Rien de tel pour servir en illustration au bullshit job qu'a définit l'anthropologue américain David Graeber. Des emplois aliénant où il n'y a que des tâches inutiles et sans réel intérêt à faire. Jusqu'où la limite? Jusqu'au moment où il n'y a plus du tout de rentrée d'argent. Navrant tout de même.
Lien : https://22h05ruedesdames.com..
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Teamwork means you can't pick the side that..

Ce tome fait suite à How's That Underling Thing Working Out for You? (strips du 03 mai 2010, au 12 février 2011) qu'il n'est pas nécessaire d'avoir lu avant, sauf pour conserver sa lucidité au travail. Il regroupe les strips parus du 13 février 2011 au 20 novembre 2011. Il s'agit de gags en 3 cases (ceux parus du lundi au samedi), ainsi que des strips en 8 cases (4 rangées de 2 cases) correspondant aux strips du dimanche. Tous les strips sont en couleurs et réalisés par Scott Adams. Ce tome contient 121 pages, soit 281 gags. Dans son introduction d'une page, Scott Adams ironise avec sa verve coutumière sur les décisions prises en comité, et le fait que le travail d'équipe soit devenu synonyme de punition pour les employés de bureau.



Boss (pointy-haired Boss) a réuni Alice et Dilbert pour leur expliquer qu'ils doivent faire plus avec moins, ce qui provoque un échange aboutissant à savoir s'il faut moins de management. Le singe ailé vient voir le PDG pour qu'il promette de donner sa fortune à des œuvres de charité. Boss demande à Dilbert combien de temps ça prendrait pour collecter l'historique de navigation de leurs visiteurs. Boss indique à Tina qu'elle est en charge de l'opération de déménagement de leurs locaux, ce qui la fait relativiser l'importance de son travail quotidien qui est ainsi écarté. Tina présente à Alice et Dilbert le revêtement de leur futur cubicule, d'une telle grisaille qu'elle aspire l'âme des occupants. Alice se rend compte qu'après le déménagement, elle va se retrouver entre le cubicule d'un collègue parlant trop fort, et celui d'un péteur chronique. Wally répond à une collègue qu'il ne peut pas réaliser l'étude qu'elle lui a demandée parce qu'il prépare son déménagement, ce qui prend DIlbert par surprise car il n'a pas l'habitude que Wally avance une excuse réelle. Boss a réuni Dilbert, Asok, Wally et Alice pour leur indiquer qu'il a réunion demain pour le budget et que tous les autres chefs de service sont des menteurs professionnels, ce qu'il prouve à Dilbert. Une collègue vient se plaindre à Wally qu'il a utilisé tout le budget alloué pour se former à la nouvelle technologie. Dilbert va consulter le responsable juridique de l'entreprise : ce dernier lui démontre que l'action de Dilbert revient à poignarder Gandhi. Dilbert se plaint à un représentant que son contrat de maintenance est trop compliqué et qu'il ne peut que le signer en faisant confiance : en son for intérieur, le représentant jubile car Dilbert vient de vendre son foie en le signant.



Dilbert indique à Carol qu'il est très inquiet d'avoir vendu son foie, mais qu'au moins il servira à sauver une vie : Carol répond qu'elle a entendu le représentant parler de l'anniversaire de son chat. Dilbert va consulter le responsable juridique pour savoir s'il des trous dans les clauses de leur contrat : seulement les trous dans le torse de Dilbert. Le responsable juridique indique à Dilbert que sa meilleure option est de recueillir de témoignages indiquant qu'il a des morpions : ça s'avère plus facile qu'il ne pensait. Boss va trouver Dilbert dans son cubicule et lui donne des consignes évidentes ce qui a le don d'énerver Dilbert. Boss a engagé le consultant Dogbert pour savoir comment pérenniser l'approvisionnement en métaux rares : la réponse implique la réincarnation. Boss explique à Dilbert, Alice et Asok que l'entreprise doit se débarrasser de déchets radioactifs. Wally vient demander des conseils de management à Boss. Boss offre une appli à Ted : il s'agit d'une voix qui dit Ne me virez pas. Alice remarque que Dilbert a pris son sac à vomi avec lui : il se rend à une exposition et il s'en servira à chaque fois qu'il voit un produit meilleur que celui de leur entreprise.



Scott Adams a créé le strip Dilbert en avril 1996 et depuis la critique des stratégies managériales n'a jamais cessé. Les compétences techniques du dessinateur sont toujours aussi limitées. Le lecteur retrouve (avec grand plaisir) les mêmes personnages inchangés. Adams se repose dans temps à autre en reproduisant la même case : le sommet du bâtiment abritant l'entreprise. Plus de la moitié des cases montrent les personnages soit à une table de réunion en plan taille, soit assis sur leur fauteuil dans leur cubicule ou dans leur bureau pour Boss et le PDG. Il n'y a quasiment jamais aucun arrière-plan, sauf un arbre quand Dilbert fait sa promenade. D'un autre côté, c'est cohérent avec l'aménagement au plus bas prix des cubicules et des espaces de circulation. Le lecteur n'en est que plus surpris par l'inclusion d'un élément de décor, normal ou saugrenu : le fauteuil du PDG beaucoup plus confortable que les autres à l'évidence, un sac à vomi, des stores pour lutter contre les reflets sur l'écran, un fruit sur une branche d'arbre peu élevée, un homme dans l'espace, un siège éjectable (pas de très bonne qualité, et sans parachute doré), une cafetière dans le coin cuisine, sans oublier l'unique fleur dans un vase minuscule sur la table du restaurant lors des très rares, excessivement rares rendez-vous de Dilbert, tous catastrophiques bien sûr.



Pourtant cette narration minimaliste est impeccable pour porter les gags : juste ce qu'il faut pour que les personnages soient assez incarnés aux yeux du lecteur et que la situation soit claire. Même si les gags se passent souvent au même endroit, avec peu de lieux différents, la forme de strips permet au lecteur de se projeter à chaque endroit, de voir ses collègues (ah non, pardon, les personnages) en face ou à côté de lui. Les expressions de visage sont pile entre les deux yeux, mettant au grand jour l'état émotionnel des interlocuteurs, avec ce qu'il faut ce qu'il faut d'exagération pour un effet comique. Le lecteur retrouve avec grand plaisir le comportement blasé de Dilbert (sauf quand Boss parvient à la faire sortir de ses gonds), l'assurance calme de Wally (il prend même un cours pour mieux insinuer des médisances), le tempérament d'Alice prête à s'emporter, la naïveté d'Asok, et bien sûr la suffisance immarcescible de Boss. Pourtant, il n'a jamais l'impression que l'auteur se répète ou qu'il ressorte sans cesse les mêmes vannes. S'il y prête attention, il détecte, dans ce tome, de nouvelles tendances managériales et relationnelles : les risques juridiques déconnectés du quotidien, les fausses avancées technologiques dans le domaine de l'écologie et des énergies renouvelables, l'omniprésence des graphiques camembert, les pages de tableurs aux dimensions hors de contrôle la gestion des mots de passe, le flux de divertissement sans fin accessible sur son téléphone, la rhétorique apprise sur internet, la méthode kaizen, la stratégie de se sentir systématiquement offensé par tous les propos de ses collègues, la diffamation des concurrents sur les réseaux sociaux, la vérification des faits sur internet en temps réel, l'utilisation du téléphone portable en lieu et place de l'ordinateur.



Comme d'habitude dans cette série, le propos n'est pas de remettre en cause l'ordre établi, de faire la révolution ou de proposer une alternative à un modèle capitaliste omniprésent donnant la conviction qu'il n'y a pas d'alternative. Ces strips ont un premier effet comique, avec un taux de réussite proche du 100% pour tout lecteur ayant travaillé dans des bureaux. Les types de caractère sont bien définis et génèrent des interactions savoureuses en opposant les caractères et les états d'esprit. Scott Adams maîtrise à la perfection ce format court imposant d'être concis et d'avoir des dialogues d'une grande précision et le sens de la formule. Le lecteur sourit quand Dilbert indique à Boss qu'une bonne idée de produit pourrait être une appli faisant croire aux consommateurs qu'ils sont amis avec des fantômes, une présentation pince-sans-rire de Facebook. Le deuxième effet est de faire ressortir l'absurdité de situations professionnelles, de choix stratégiques, de modes managériaux. Le pire est que l'auteur n'a pas à forcer le trait. Les stratégies absurdes abondent dans le monde du travail et tout l'art d'Adams est de les synthétiser en trois phrases pour faire ressortir leurs effets. Par exemple, Dilbert indique à son chef qu'il y a deux possibilités : une vouée à l'échec et pas chère, et l'autre plus chère mais aboutissant à des résultats. Sans surprise, Boss choisit la moins coûteuse, uniquement soucieux des comptes qu'il doit rendre à court terme.



Le troisième effet provient du fait que Scott Adams porte un regard pénétrant et sarcastique sur la société. Il peut s'agir d'une observation évidente : l'omniprésence des smartphones, qui symbolise aussi un fossé générationnel entre les plus âgés pour qui l'ordinateur personnel est le nec plus ultra de la révolution informatique, et les plus jeunes qui ne vont pas s'embarrasser d'un truc aussi encombrant, préférant une solution plus nomade. Il peut également s'agir d'observation sur les interactions humaines. Dilbert ne peut que constater que ceux qui se conduisent de manière plus agressives (à commencer envers leurs collègues, et même leurs chefs) progressent plus vite en termes de promotion et de salaires. Le lecteur sourit jaune quand le responsable juridique se demande quelle peut être l'espérance de vie d'un optimiste. Il ne sourit plus quand le PDG indique à un stagiaire qu'il est hors de question qu'il lui accorde du temps, parce qu'il ne lui apporte rien pour sa carrière. Il n'est pas loin de désespérer quand un expert rend une étude complexe à son supérieur qui n'a pas la capacité de la comprendre, que l'ingénieur ne peut pas simplifier, et que le chef décidera du coup en fonction de son instinct, ignorant totalement l'expertise. Il sourit jaune quand l'invitée de Dilbert au restaurant lui dit qu'elle le juge en fonction de sa capacité à la divertir, comparée à celle du flux de divertissements défilant sur son téléphone portable.



Ce trente-huitième tome est aussi excellent que les précédents, ne montrant aucun essoufflement, aucune répétition. Scott Adams sait utiliser au mieux ses capacités d'artiste limitées pour mettre en œuvre des gags concis et pénétrants, générant de larges sourires chez le lecteur, tout en brocardant avec une verve piquante les travers du management, grâce à un regard analytique pertinent et moqueur.
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Dilbert Turns 30

Ce tome fait suite à Cubicles That Make You Envy the Dead (strips du 11/06/2017 au 29/04/18) qu'il n'est pas nécessaire d'avoir lu avant, sauf pour conserver sa lucidité au travail. Il regroupe les strips parus du 30 avril 2018 au 24 février 2019. Il s'agit de gags en 3 cases (ceux parus du lundi au samedi), ainsi que des strips en 8 cases (4 rangées de 2 cases) correspondant aux strips du dimanche. Tous les strips sont en couleurs et réalisés par Scott Adams. La partie principale comprend 129 pages, soit 301 gags. Le tome s'ouvre avec une introduction d'une page écrite par Scott Adams, évoquant ses dessins techniquement limités (mais ça ne l'a pas empêché de devenir riche), les évolutions des tenues des personnages (Dilbert ne porte plus de cravate), les cubicules et l'omniprésence des téléphones portables. Ce tome se termine avec un best of de 24 pages regroupant 56 des meilleurs strips de Dilbert (semaine & dimanche).



Pointed-haired Boss est à la recherche d'Alice. Dilbert lui indique que tout le monde sait où se trouve Alice (la CIA, Google, Facebook, Apple, et même les hacker russes) et qu'il suffit qu'elle ait téléchargé l'appli de l'entreprise pour la retrouver facilement. Carol vient se plaindre à Catbert que quelqu'un lui a volé son sac à main. Catbert répond qu'il est possible de retrouver qui a fait le coup grâce à caméra vidéo du système de sécurité. Il ajoute que le voleur se trouve dans la troisième stalle des toilettes. Dilbert explique à son chef que les clients ne s'y retrouvent pas dans les titres de commande confus voire contradictoires. Le Boss répond qu'il y a un menu d'aide, ce à quoi Dilbert répond qu'il s'appelle Reformatez votre disque dur. Alice demande au boss si quelqu'un a testé la nouvelle interface utilisateur avant de la mettre en service. Le boss répond que non, et que les clients signaleront à l'entreprise les défauts, et qu'en plus ils le font gratuitement. Dilbert rencontre une jeune femme à un pot et constate qu'elle avait franchement exagéré dans son profil sur l'appli de rencontres. Elle lui répond que lui a carrément menti. Ils se demandent s'ils peuvent construire quelque chose à partir de ce point commun.



Dilbert rencontre une autre femme à la même soirée et lui demande s'il peut lui poser une question. Elle répond que s'il va lui demander si elle est morte, il n'y aura aucune chance qu'elle se secoue les os avec lui plus tard. Il répond que sa question peut attendre jusqu'à demain. Dogbert vient vendre une police d'assurance à Pointy-haired Boss, pour l'assurer contre les causes de mort humoristiques. Dilbert vient informer son boss que leur base de données clients a été piratée. Le boss répond que ce n'est pas grave que l'entreprise va dire qu'elle est désolée et que ça ne se reproduira plus. Dilbert répond que c'est déjà ce qu'ils ont fait les 3 fois précédentes. Le boss va trouver une programmatrice pour indiquer que leur base de données clients a été piratée et que ça ne se produira plus. Elle demande quelle partie de la phrase est vraie. Dogbert interroge le responsable de l'entreprise sur la réalité du piratage de la base de données. Suite au piratage, le boss propose une stratégie pour se soustraire à la vindicte des clients. Dilbert répond au chef qu'ils ont déjà essayé le plan qu'il propose et que ça n'a pas marché. Le boss lui répond d'arrêter de vivre dans le passé. Dilbert rétorque qu'il faut arrêter de refuser d'apprendre de l'expérience. Les deux se retrouvent surpris d'avoir raison.



47 tomes, 30 ans de publication, un succès jamais démenti : respect. Pourtant cette série a beaucoup de choses contre elle. Pour commencer, Scott Adams ne sait pas dessiner. La majeure partie des strips montre 2 ou 3 personnages en plan taille, devant une table ou un bureau qui masque le bas de leur corps, sans aucun décor derrière. Le lecteur hésite entre minimalisme et amateurisme. Au fil de ces 301 gags, outre le sempiternel bureau et la table de réunion, le lecteur peut voir le parallélépipède rectangle du bâtiment de l'entreprise (case reproduite à l'identique dans plusieurs strips), Carol à son bureau avec un écran d'ordinateur, le canapé du salon de Dilbert, un couloir dans l'entreprise, la salle de réunion (dans un strip), et le cubicule de Dilbert. En guise d'accessoires, Adams ne se foule pas trop non plus : quelques stylos, un écran d'ordinateur, des téléphones portables (uniquement sous une forme rectangulaire dénuée de toute caractéristique), des gobelets de café, et une statue le temps d'une unique case. S'il n'a pas lu de strip de Dilbert récemment, le lecteur a la surprise de découvrir que Dilbert ne porte plus sa cravate qui rebique, ni sa chemisette, mais a opté pour un polo, et le boss aussi. D'un point de vue visuel, la narration tient essentiellement à des individus en train de parler, avec des expressions de visage très limitées et une représentation très simplifiée. Ce parti pris graphique a conduit Bill Griffith a déclaré que ce strip est le triomphe de la médiocrité artistique. Mais…



… mais pour peu que le lecteur dispose de quelques expériences professionnelles dans la vie de bureau, il se rend compte qu'il sourit dès les premiers gags. Dilbert a l'art et la manière de retourner un raisonnement en une phrase, de mettre en lumière l'absurdité d'un comportement avec un contre-exemple qui tue, de pointer du doigt une aberration commerciale, un égocentrisme éhonté, un manque de principe, une absence de compétence et de professionnalisme, un appétit vorace pour le profit indépendamment de la capacité à sortir un produit digne de ce nom, une vision à court terme d'esprits myopes et mesquins. Le lecteur peut soupçonner que les dessins minimalistes correspondent à une indigence artistique, et dans le même temps il constate que l'économie de texte correspond à un art de la concision extraordinaire. Il suffit de 4 ou 5 phrases par strip pour que Scott Adams aboutisse à un gag pile entre les deux yeux. Il a choisi une police de caractère un peu espacée, avec une taille de police 12 ou 14, ce qui rend les phylactères très faciles à lire, pour une fluidité maximale, avec des phases courtes.



Scott Adams maîtrise l'art du gag avec autant d'efficacité que d'élégance, et le lecteur sourit à chaque, en dévorant strip après strip, tout en se disant qu'il devrait fractionner sa lecture pour mieux les savourer. Au fur et à mesure, il reconnait de nombreux sujets d'actualité, ainsi que des raisons de mécontentements professionnels qui ont fait la une des journaux. En tant que scénariste, Scott Adams sait piocher dans l'actualité : la généralisation des applis de toute sorte, la généralisation des caméras de surveillance et leur omniprésence, le piratage de bases de données clients, l'absence de clause de performance dans un contrat de service, l'absence de qualification de la main d'œuvre bon marché, le manque de demandeurs d'emplois compétents dans le domaine des nouvelles technologie de l'information et de la communication, les tests de voiture intelligente, les interrogations sur les intelligences artificielles, etc. Il développe également des thématiques spécifiques à la vie de l'entreprise dont l'activité principale se déroule dans des bureaux : les prises de décision des chefs incompréhensibles car déconnectées des réalités techniques, la mise à disposition d'un employé sur le projet d'un autre, le rituel de l'évaluation annuelle, de la mise à jour de sa fiche de poste, les salariés qui guettent les symptômes d'un plan de licenciement, la stratégie qui consiste à pallier les symptômes à moindre coût et à court terme, plutôt que travailler sur le fond du problème, les consignes Gestes & Postures au bureau, travailler en équipe avec des collègues incompétents, demander à ses collaborateurs de travailler dur sans donner l'exemple, noyer les employés et les clients dans un jargon technique incompréhensible, etc.



Dans le même temps, Scott Adams se montre aussi un fin observateur de la nature humaine, dans ce qu'elle a de plus mesquine et égoïste. Le lecteur regarde des individus refuser de collaborer par peur que l'autre n'en tire tous les bénéfices, prendre des décisions basées sur des émotions plutôt que sur la réflexion, imposer des comportements à ses collaborateurs sur la base d'un article sur une pratique à la mode, déléguer ce qui ne peut l'être (demander à un collaborateur d'écrire sa propre évaluation annuelle), répondre en fonction de son intérêt personnel indépendamment de tout fait concret, de toute réalité objective, parler à un interlocuteur comme on parle sur Twitter, mentir effrontément, surinterpréter les expressions de visage, les phrases, dire des choses génériques parce qu'on est totalement incompétent sur son propre sujet professionnel, qualifier un mode de communication de Candeur radicale alors qu'il s'agit juste de dire ce qui passe par la tête en toute impolitesse, s'associer avec les gagnants de l'entreprise en méprisant les perdants, etc. La verve comique de l'auteur rend chacune de ces pratiques mesquines drôles, bien qu'en son for intérieur le lecteur se rende compte que ces petites lâchetés du quotidien sont celles de ses collègues et aussi les siennes. Il sourit aux stratagèmes relationnels déployés : se déclarer offensé par n'importe quel propos un peu critique, mentir effrontément en prétendant ne jamais avoir tenu des propos, user de reformulation tendancieuse, rapprocher deux choses sans rapport pour les comparer, etc. Dans le même temps, il sait qu'il y a déjà été confrontés et qu'il en a sûrement déjà utilisés.



Comme d'habitude, le lecteur sort de ce tome le sourire aux lèvres, avec une prise de recul sur plusieurs pratiques professionnelles, et une critique pénétrante de modes managériales, de l'hypocrisie fondamentale des relations en entreprise consubstantielles du capitalisme. Il sourit encore en se disant qu'il lui reste à lire 56 gags de plus en guise de best of des strips parus entre 2010 et 2017. Scott Adams est un magicien : il réalise des dessins minimalistes par dessein ou par manque de capacité artistique, il cisèle des dialogues déconstruisant des logiques fallacieuses et des comportements mesquins, il fait apparaître la petitesse de l'être humain avec un regard affectueux.
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Dilbert : Dilbert et consorts

Dilbert et Consorts, c'est une galerie de portraits de tous les personnages qui constituent l'univers de Dilbert.



Deux pages pour chaque (sauf les Zelbonais en fin de tome) avec 3 gags en général.



On voit donc passer Dogbert, Catbert, Ratbert, Richard le collègue, Alice la collègue à la permanente pyramidale, Phil le Prince de l'Insuffisante Lumière,le Boss (no comment), Liz sa presque copine, la mère de Dilbert, Bob le dragon, l'éboueur le plus intelligent du monde et les Zelbonais.



Vu que Scott Adams arrive à tailler les gags et l'humour en fonction du personnage, on a droit à l'ensemble des facettes de ce créateur génial de comics. Personnellement, les personnages que l'on connaît moins m'ont ravi (comme la mère de Dilbert ou l'éboueur).
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Dilbert : N'humiliez jamais un collègue

Une plongée hilarante dans l'univers de travail de Dilbert. Ses démêlées avec ses collègues, hommes ou femmes... voire animaux, sont toujours bien vues. C'est acerbe, revanchard, mesquin... inutile de prétendre que l'on ne connaît personne qui ressemble à Dilbert ou à ses collègues... Scott Adams observe nos travers et nous les rend avec son trait simple et efficace.
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Le principe de Dilbert

Le créateur de Dilbert nous propose sa vision du monde de l'entreprise à travers divers chapitres agrémentés de bandes dessinées et revenant, entre autres, sur le management, la communication, les normes, le reengineering ou sur les différentes façons de faire semblant de travailler.

Souvent drôle et bourré d'anecdotes venant autant des lecteurs de Dilbert que de Scott lui-même, le bouquin tire à boulet rouge sur un peu tout et n'importe quoi et tout le monde y reconnaîtra au moins un peu de sa boite et un peu de ses collègues.

Sympa !

(Par contre, la traduction française me semble assez hasardeuse.)
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Dilbert, tome 6 : Devenons riches en profit..

Malgré l'importance de l'entreprise dans la vie de nombreux citoyens, cela reste un univers assez peu présent dans le 9e art. Par conséquent, quand on s'intéresse au sujet, on n'a pas le choix de se pencher sur les strips de "Dilbert" de Scott Adams. Par contre, lire une bande dessinée entière d'un coup suscite un peu l'angoisse et l'ennui. Cela reste un ouvrage qui se picore par moment et les toilettes restent le lieu idéal. Qui aurait pu croire que le harcèlement moral, l'humiliation, la démotivation aurait pu plaire à autant de monde? Le souci est que de nombreuses se reconnaissent dans le management par l'absurde. Pourquoi ne pas y mettre une bonne couche de cynisme?



On trouve cela normal de trouver des cas de népotisme. Le boss impose son fils incompétent c'est tout à fait ordinaire. Lui possède toutes les cartes pour réussir grâce à la bonne personne. Qui a dit qu'il fallait connaître les bases d'un métier pour le faire? Il suffit de donner des ordres même s'ils n'ont aucun sens pour n'atteindre aucun but. Parmi les objectifs, on pourrait trouver celui de mettre le moral et la motivation au plus bas.

Bien entendu, on continue d'aborder les projets sans budget ou des budgets non calibrés, la sous-traitance à l'étranger par des gens non aptes, les formations non appropriées... Le seul moment où les choses se passent bien c'est quand le chef est remplacé par un extraterrestre. Même Dilbert commence à se perdre dans les méandres des primes. Peut-on vraiment échapper à l'égocentrisme et au besoin de gagner toujours plus? Non. Peut-on se faire forcément à l'idée de cette médiocrité au quotidien? A chacun de choisir son moment de philosophie et au concept de bullshit job.
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Dilbert, Tome 1 : Dis-le avec ton corps

Bien que cela soit indiquer que c'est le tome 1, c'est une édition de chez Dargaud. Les autres tomes de la série étaient imprimés chez Albin Michel. La différence ne s'arrête pas là. C'est aussi un recueil des strips en couleurs. Au final, cela ne change rien au contenu. Par contre, les histoires de Scott Adams ont évolué tout comme lui. Il est dorénavant moins centré sur le harcèlement et un peu plus sur la vie privée de Dilbert. Le boss montre encore et toujours son incompétence à comprendre le travail et ce qu'il faut produire. Il est toujours aussi mauvais en orthographe et ne comprend rien au monde. D'ailleurs, on le verra rétrogradé. Le bédéaste évoque légèrement le népotisme. La présence des supérieurs du boss aux cheveux pointus sont plus présents. Leur objectif est toujours le même : virer des gens pour gagner toujours plus d'argent. Seulement parfois en l'absence de service comme celui de la facturation, de l'argent ne rentre pas. Le salarié bionique fait son apparition sans que cela n'apporte rien. Un programme informatique convainc des personnes à se transformer. On ne rit pas une seule fois et je dirais même que l'on s'ennuie. Il ne faut pas lire tout d'un coup. Les toilettes sont un lieu idéal pour butiner occasionnellement cet ouvrage qui ne restera pas dans les annales.
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Dilbert, tome 7 : Réunissons-nous pour suppri..

Scott Adams profite de cette souffrance au travail pour en faire une série déclinée en strip. Les professeurs de management adorent souvent illustrer leurs propos avec certaines de ces histoires. Le fait pousser les problématiques à l'extrême dans le monde de l'absurde les rend encore plus critiques. Pourquoi ne pas rire de l'absurdité d'action qui nuisent au bien-être et à la sécurité du personnel ainsi que la performance globale de l'entreprise? Vous trouverez toujours des gags vous évoquant des situations vécus et déjà vues. C'est surement le pire dans ce genre de bd. La vraisemblance n'est jamais trop loin. De façon sarcastique ils évoquent les patrons incompétents qui ne connaissent pas le métier, les réunions qui ne servent à rien, les changements de délai pour les rendus qui ne prennent pas en compte les réalités techniques, les fractures entre les différents services comme le marketing, la vente et le développement par exemple. Pour éviter tout risque de viser une entreprise en particulier, le dessinateur utilise l'anthropomorphisme. Ainsi on rencontre, Catbert, le chat, animal de compagnie n°2 de Dilbert est le DRH de sa boîte, Dogbert, le chien, animal de compagnie n°1 de Dilbert est un consultant qui vend à prix d'or ces prestations, Ratbert, le rat, animal de compagnie n°3 de Dilbert, intérimaire et enfin Bob le dinosaure, responsable des achats. Faut-il voir que les animaux n'ont pas plus d'humanité qu'un bonhomme au final? En tout leur cruauté n'a d'égal que la bêtise du boss. Un cadeau idéal à offrir à votre responsable détester si vous êtes son père Noël secret.
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