Sébastien Brebel L'Appartement - éditions P.O.L- où Sébastien Brebel tente de dire de quoi et comment est composé son livre "L'appartement", et où il est notamment question d'un appartement haussmannien et d'un frère et d'une soeur, du temps qui passe et d'une inondation, de personnages et de décor, de psychologie et de lieu, du "Miroir" d'Andreï Tarkovski et de "L'Ange exterminateur", de Luis Bunuel, du dehors et du dedans, de l'3inquiétante étrangeté3 et du fait qu'on est jamais chez soi, à l'occasion de la parution de "L'Appartement" aux éditions P.O.L à Paris le 24 octobre 2023
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Assis dans mon fauteuil délabré, je me surprends même à rire, un rire fou, surgi des profondeurs et amplifié par ma solitude, dans une pièce oubliée de mon cerveau.
Notre inadaptation au monde est notre seule arme de résistance.
Deux blocs d'idéologie séparés par un océan d'angoisses et de contradictions insolubles.
Ça fait combien de temps que je suis ici ? La matinée est déjà bien avancée, mais je n'ai pas la moindre velléité d'entreprendre quoi que ce soit. Mes bras sont mous, mes jambes trop lourdes pour me porter. Pourtant, je ne suis pas malade. (Incipit)
Je n’avais pas le coeur à m’infliger une obligation.
Le continuum des journées s’écoulait mollement, avec des variations très ténues, qui se diluaient dans la nébuleuse des heures.
Adulte, je m’étais souvent entendu dire que les moments les plus heureux de mon existence dataient de cette époque, sans jamais avoir bien
compris ce que pouvaient signifier de telles paroles. Avais-je renoncé à tout autre bonheur que celui vécu aux côtés de mes grands-parents, comme en ces
soirées d’été où nous regardions la télévision ensemble ? Me destinais-je à cultiver ces souvenirs en boucle jusqu’à la fin
de mes jours ? Ma grand-mère me tira de ma rêverie. Sans juger utile de m’inviter à entrer dans le salon, elle me demanda si je
savais ce qu’était devenue ma sœur.
Savoir quelle femme bétrange elle était, cette femme qui avait
adopté un paon, un animal qu’elle avait affublé d’un prénom, ne m’a pas empêché de la suivre et de monter l’escalier après elle, dans un état de parfaite inconscience, comme un homme guidé par des forces obscures, a dit l’homme.
Tu as finalement trouvé la perle rare, avait-elle déclaré à propos de Jeanne, une remarque aussi
flatteuse pour Jeanne (dont la beauté était grande, en effet) qu’elle était révélatrice de la méfiance que ma grand-mère avait toujours entretenue à mon égard et que j’avais néanmoins accueillie avec un sourire involontaire. Espérons que tu sauras la garder, s’était-elle empressée d’ajouter, d’un ton subtilement caustique, profitant de ce que nous soyons seuls un moment pour me demander ce que faisait Jeanne dans la vie et si j’avais l’intention de lui faire des enfants.
Lorsque je la retrouve, elle me scrute froidement pendant un
long moment, comme si j’étais un étranger qu’elle voyait pour la première fois.
Mais cela, poursuivit-il, n’est rien à côté de l’espèce de relation bizarre qu’elle entretient avec un certain Léon. La première fois que je le vis, je faillis tomber de
ma chaise. Cette foutue bête était venue se frotter contre mes jambes et n’avait pas daigné se décoller de moi, tout le temps
que la maîtresse des lieux était restée près de ma table.