Citations de Sébastien Fillion (21)
Le meilleur moyen d’oublier une histoire, c’est d’en vivre une autre.
Mais vous avez encore le temps d'y songer, parce que votre départ d'Edenia ne sera pas pour aujourd'hui…
L'impondérable était mon quotidien, mon présent, mon avenir, et seul cela comptait. J'étais malade mais heureux, et sans doute même heureux d'être malade.
Cela ne rime à rien. On se croit acteur, mais en réalité il n’y a pas meilleur poste d’observation. La Terre tourne et les gens normaux tournent avec elle. Nous autres malades, nous la regardons remuer, tels des nourrissons captivés par un hochet. On méprise la classe ordinaire ; on se croit uniques, supérieurs aux autres ; jusqu’au jour où le destin place un être semblable sur notre route. Il est notre reflet, notre antidote. En le contemplant, nous prenons conscience de ce que nous sommes vraiment : des drogués, des erreurs, des parasites, des hérétiques. On réalise combien notre présence est futile, voire nuisible, et nous finissons par nous lasser du jeu, en enterrant sans nous en rendre compte cette voix qui nous aura volé une longue tranche de notre existence. Qu’adviendra-t-il de nous dans cette jungle, privés de notre arme ?
Je commençais à croire que Coranne testait plus ses patients qu’elle ne les soignait. N’avait-elle pas affirmé qu’elle se mettait à leur place pour comprendre précisément ce qu’ils éprouvaient ? Mais n’y avait-il pas un risque de contagion ? En se mettant à la place d’un fou, n’était-elle pas devenue folle à son tour ? Je ne croyais pas à sa méthode, car si vraiment elle l’appliquait à la lettre, cela signifiait qu’elle cumulait les problèmes de tous ses patients : une addition de transferts paraissant difficilement supportable.
Deux amies de toujours ont franchi voilà peu le cap de la trentaine, un âge où des comportements d’ado sont encore tolérés et permettent de rajeunir occasionnellement de quelques années. Elles déambulent en bonne compagnie sur la place annécienne. Le bras d’Hugo sert avec tendresse la taille de Stella, la plus petite des deux filles, brune, pensive et réservée. Nellie, elle, avance avec l’insouciance d’une gamine, une énorme peluche calée sous son coude, cadeau que son fervent Baptiste a conquis au tir à la carabine. Son pas leste fait danser sa longue chevelure blonde jusqu’à la main de son jules, agrippée à la sienne comme si la laisser filer une seconde signifiait la perdre à jamais.
Aujourd’hui, je considère qu’il est parfois essentiel de confier les rênes de notre existence à d’autres, car suivre systématiquement la voie dictée par nos envies nous fait passer à côté d’étapes fondamentales à notre développement personnel. Céder à l’imprévu, c’est faire preuve de liberté et non de faiblesse.
Votre continent a fait son temps. Il me fait penser à un vieillard fier qui, bouffé de l’intérieur et les entrailles à l’air, continue de distribuer ses leçons de morale, de se croire indispensable à l’avenir…
Jamais auparavant Stella ne s’était attachée à un enfant. Pire : jamais elle n’avait partagé la tranche de vie de l’un d’eux sans considérer ce dernier autrement qu’une graine d’adulte, un être immature, non fini.
Quel bonheur d’être riche, songe-t-il, captivé par le spectacle de ces belles endormies. Et aussitôt surgissent des réminiscences d’une époque lointaine où il tentait de se faire aimer pour ce qu’il était et pas encore pour ce qu’il serait amené à posséder.
A ses yeux plaire est un art, une science hautement psychologique visant à comprendre l’autre, prévoir ses réactions et anticiper ses attentes. Chaque rendez-vous est une équation à résoudre, tout devant être parfait sans donner l’impression d’avoir été trop réfléchi …
Le temps n’épargne aucun de nos actes. Aussi lointains soient-ils, nos échecs et nos hontes restent à demi enterrés, jusqu’à ce qu’un beau jour une force inconsciente nous pousse à les exorciser.
Crois-moi, l’amour c’est le cancer de la liberté.
Poussées par un besoin plus pressant que la faim ou la gourmandise, les quatre bouches se ferment sur les filaments et laissent fondre sur les langues le goût de l’enfance. Plus qu’un repas, ce sont des souvenirs que chacun avale. Et dans ces souvenirs, on ne mange pas la barbe-à-papa à l’arrêt : on l’exhibe dans toute la ville comme un trophée.
Le sablier est retourné : quoi qu’elle fasse, les douze jours continueront de s’écouler et de la tenir en otage jusqu’au dernier grain. Deux scénarios se présenteront alors : celui prédit par la voyante, ou bien un autre plus heureux, dans lequel la vie suivra son cours. Dans l’hypothèse de ce sursis, rien ne l’empêcherait d’atteindre son rêve. Encore faut-il en poser les jalons.
Mais au fond, peu importe, car Stella demeure plus que sceptique au sujet de cette prédiction. Son ouverture d’esprit lui permet d’accepter toutes sortes de phénomènes paranormaux, mais pas ceux ayant trait au contrôle du temps. Admettre l’idée que l’on puisse prophétiser l’avenir d’un individu impliquerait que l’on puisse lire celui de la population entière et ainsi connaître la marche du monde. Autrement dit, les choix de chacun ne seraient pas libres, mais programmés ou tout au moins contrôlés.
Le voyage promet d’être long.
Où accostera-t-elle ?
Qui rencontrera-t-elle ?
Parviendra-t-elle à se pardonner ?
Peu importe puisque désormais, elle se sait invincible.
Elle survivra, quoi qu’il arrive. Jusqu’à la fin du décompte.
Veuillez régler ce problème au plus vite… Pas de paiement : pas de passeport. Pas de passeport : pas de retour…
Veuillez régler ce problème au plus vite… Pas de paiement : pas de passeport. Pas de passeport : pas de retour…
Et puis, dans la logique liée à sa dénomination, Edenia ne se veut-elle pas le berceau d'un nouveau monde,
sonnant comme un retour aux origines, coupé de tout ce qui aujourd'hui gangrène la Terre : pollution, ondes,
pesticides, réseaux, lobby… ?