Citations de Sheila Kohler (73)
Parviendra -t-elle à les sauver tous de la misère grâce à un prochain livre alors que le premier, "Le Professeur", vient d'être refusé ? Elle ne peut pas croire qu'il soit sans qualités. Chaque page est marquée de son âme. Elle est tous ses personnages...(p.18/ coll. 1018, 2013)
"Le drame doit se dérouler en coulisse, vous comprenez. Il est infiniment plus riche de suggérer que de montrer, par des bruits mystérieux, des cris au loin, un rire dans l'obscurité de la nuit. L'imagination du lecteur fait le travail."
Il était amoureux de la pire façon: sans raison, sans plaisir et sans grâce.
Il est préférable de ne pas connaître une telle passion. Mieux vaut aimer les animaux, avec leur adoration, leur dévouement aveugle, que d'aimer les êtres humains.
"La célébrité peut être le résultat d'une série de hasards."
Elle s'inspirera de tous ceux qui l'ont rabrouée ou ignorée. Elle écrira en s'appuyant sur sa rage, sur la conscience de sa propre valeur, sur l'injustice que représente le rejet de ses écrits. Elle traitera de quelque chose qu'elle connaît bien : la passion.
Elle pratique la solitude comme un sport.
"Leurs regards se croisent et Charlotte se sent soudain plus jeune, plus optimiste en regardant les beaux yeux fatigués de sa soeur. "Nous avons notre travail, personne ne peut nous enlever cela. Peu importe que je sois triste ou épuisée ; nous avons l'écriture, ce qui change tout. Et puis, nous nous avons, nous."
Le nom lui vient comme ça. Elle ne croit pas l'avoir jamais entendu. A-t-elle connu quelqu'un qui le portait ? Est-il inspiré de la rivière et de la belle vallée de l'Ayre qu'elle connaît si bien? Vient-il de l'air, ou du feu, peut-être? Il y aura du feu et de la colère dans son livre, il sera en guerre contre le monde tel qu'il est. Injuste ! Injuste ! Colère visionnaire : elle est celle qui voit maintenant pour son père. Le voyeur, l'observateur, c'est elle. Jane si ordinaire, Emily Jane, le deuxième prénom de sa sœur chérie, Jane si proche de Jeanne, la courageuse Jeanne d'Arc, Jane si proche de Janet, Jeannette, la petite Jane. Un nom qui évoque le devoir et la tristesse, l'enfance et l'obéissance mais aussi le courage et la liberté, un nom d'elfe, un nom de fée, mi-esprit, mi-chair. Lumière dans la nuit, vérité au milieu de l'hypocrisie. Le nom de quelqu'un qui voit : Jane Eyre.
Ecrire est sa façon de s'évader, de fuir cette cellule de solitude, d'obscurité et de désespoir. Son esprit est libre d'errer à sa guise. Elle ose s'affronter à ses humiliations, à ses peines et leur donner une structure.
Dans le noir, il éprouve l'ardeur du poème.
Elle lève son crayon et quitte des yeux son carnet, écoutant l'horloge sonner l'heure dans l'escalier, tandis que la pluie cingle la maison, que le temps se déchaîne. Il a plu tous les jours depuis qu'ils sont rentrés. Le vent d'ouest mugit alentour. Elle écoute ses notes, sent ses assauts contre les murs, une présence qui perce et vrille, tels les cris des âmes sans repos. Elle entend le grattement des crayons de ses soeurs, le cliquetis des aiguilles à tricoter de la servante, un roulement sur le toit.
Enseigner est véritablement éprouvant et humiliant lorsque les élèves n'ont aucun respect pour leur professeur.
Charlotte a pris la résolution de ne plus écrire de lettres pathétiques et suppliantes à son professeur, et de ne plus penser à lui, sauf à s'en inspirer pour son travail - ultime revanche. Elle a abandonné tout espoir pour ce frère qu'elle a tant aimé. Sa déception à son endroit est maintenant totale, à la mesure de son ancienne adulation. Leur ressemblance physique, leur promptitude à s'enflammer, l'ont déterminée à se détacher de lui. Elle transformera ces créatures faillibles en sujets qui serviront ses desseins. Elle s'inspirera de tous ceux qui l'ont rabrouée ou ignorée. Elle écrira en s'appuyant sur sa rage, sur la conscience de sa propre valeur, sur l'injustice que représente le rejet de ses écrits. Elle traitera de quelque chose qu'elle connaît bien : la passion.
Qui donc voudrait lire les écrits de la fille d'un obscur pasteur, installé au fin fond du Yorkshire ? Et qu'est-ce qu'elle a bien pu raconter ? Que sait-elle, ayant vécu la plus grande partie de sa vie isolée, préservée, protégée dans son presbytère reculé, sans rien autour d'elle sinon la lande nue, ses sœurs célibataires, sa tante célibataire, une vieille servante ignorante, un frère délinquant et un père pasteur ?
Nous voyions nos mères nous faire signe de loin, s'approcher dans la nuit étoilée, leurs jupes argentées plaquées par le vent; étonnées, ravies, nous les entendions nous appeler par nos noms. Nous les voyions se pencher, nous tendre le bras, nous attraper, nous soulever. Nous volions. Nous étions incroyablement légères. Nous laissions nos corps derrière nous et nous nous envolions, libres. Nous respirions le chlore, le jasmin, le délicieux parfum de verveine de la peau de Mlle G. Nous sentions l'eau ondoyer sur notre chair nue. Nous voyions, dans la nuit claire, nos mères baisser la tête pour nous embrasser sur le front, sur la joue, sur le nez, sur le menton, sur les lèvres en murmurant bonne nuit , bonne nuit. Le clapotis, les éclaboussures caressaient nos visages, nos cœurs battants répondaient bonne nuit, bonne nuit.
La tête levée vers le vaste ciel africain, elle exultait. Comme les étoiles étincelaient, innombrables, au-dessus d'elle : Orion, dont elle voyait distinctement la ceinture de diamants, la Grande Ourse. Jamais ciel nocturne n'avait paru si plein d'étoiles frémissant telles des phalènes. Et la lune illuminait le veld qui s'étendait à l'infini dans l'obscurité sans entraves.
Assise près de son père aveugle, silencieux, elle ose prendre son crayon et suivre pour la première fois sa propre voix. Elle écrit à partir de ce qu’elle sait de la vie, de la littérature, de l’amour, s’immergeant dans son récit sans gaspiller le temps du lecteur ni mettre sa patience à l’épreuve par de longs préliminaires.
« ce luxe de pouvoir rester là, pendant des heures dans la lumière voilée et le silence de la ville ! Elle écrit toute la journée, ne s’interrompant que lorsque son père murmure une requête ou que l’infirmière lui apporte un repas léger. »
Elle n’a pas changé, mais on la courtise, on la loue, on la flatte. Soudain, sa vie est devenue intéressante à cause de Jane Eyre.