« On peut, en attrapant la queue d’une vache, marcher jusqu’au paradis, dit-il. C’est pour cette raison que la vache est si importante dans l’hindouisme. »
Peut-être nos ancêtres avaient-ils tout simplement trouvé comment utiliser toutes leurs merdes- littéralement. Dans les villages, les Indiens utilisent toujours la bouse. Les paysans plantent des graines dans la bouse de vache pour les protéger et les fertiliser. On l'emploie sèche pour allumer les feux, comme combustible pour cuisiner, et en application pour repousser les moustiques. (...)
On recouvre de bouse les murs et le sol des maisons en terre pour les consolider; même chose pour les maisons en pisé du Nouveau-Mexique. (p. 154)
A ce moment-là, je ne faisais pas du tout le lien entre les vaches et l'Inde, mon pays natal quitté depuis des années.
Si vous m'aviez dit que cette histoire de vache allait me rattraper, je vous aurais ri au nez. Sans méchanceté, mais avec une pointe de mépris difficile à dissimuler. (...) Mais je ne soupçonnais pas que Sarala, ma laitière, allait m'apprendre à vivre le moment présent et à faire des épreuves une école de résilience. (p. 16)
Un présage que j'ai fini par détester concerne les femmes : voir une femme mariée porte bonheur, mais voir une veuve porte malheur. Bien entendu, la même règle ne s'applique pas aux veufs. (p. 211)
""Vous savez, on garde les vaches depuis des générations dans ma famille. du coup, je me suis mise à penser comme une vache. Comment pense une vache ? Est-ce qu'une vache pense au lait ? Je ne vois que ça.
Par chance, elle met fin à mon supplice.
"Comment pense une vache ?" répète-telle. Cette fois, je sais c'est une question pour la forme. "Une vache pense avec générosité, n'st-ce-pas? Puisqu'elle est mère de l'humanité."
J'acquiesce, même si, à mon avis, les vaches n'ont pas une vision si globale de la vie. Elles pensent probablement au foin, à l'herbe et à leur prochain repas, pas au "lait de la tendresse humaine" ni à la consommation. (p. 137)
L'exil, comme l'a écrit le savant et critique d'origine palestinienne Edward Saïd, est un "fossé incommensurable, une blessure inguérissable entre un être humain et son pays d'origine; entre l'individu et son vrai foyer. C'est une tristesse fondamentale qu'on ne surmonte jamais". Pour des immigrés comme Ram et moi, c'est une double peine. Nés en Inde, nous sommes devenus des adultes en Amérique. Nous avons des affinités avec les deux cultures mais n'appartenons à aucune. (p. 38)
Elle secoue la tête. Qui renverserait une vache en Inde ? (...)
"Pourquoi les vaches se sentent-elles à ce point en sécurité sur les routes indiennes ?
-Elles sont comme nos mères. Qui écraserait sa propre mère ? "répond Sarala. (p. 86)
"L'ensemble des trois-mille dieux résident dans la vache, (...) Ses quatre pattes sont les Vedas*, ses yeux le soleil et la lune, son cou englobe la trinité. Même sa bouse abrite Lakshmi, la déesse de la prospérité. (...) Son urine contient Dhanwantri, le médecin céleste."
* Veda signifie "savoir". Les Vedas, au nombre de quatre, sont les premiers textes de l'hindouisme et transmettent un savoir lithurgique et théologique.
Etes-vous heureux ?
Je ne sais pas jusqu'où on peut se fier à ces enquêtes, mais pour moi, le plus dur en Inde est d'apprendre à composer avec les inégalités. Il y a un gouffre entre la vie de ma famille et celle des personnes qui nous aident à la maison. (...)
Mais être entourée de personnes dont les moyens sont drastiquement différents des miens ouvre en moi une boîte de Pandore de culpabilité. (p. 95)
"La vache apparaît dans le Rig-Veda - un des plus anciens textes de l'hindouisme, écrit autour de 1200 avantJ.-C. - et dans tous les textes hindous écrits depuis. Elle a sa place dans le corpus plein de magie et d'imagination des Purana, regroupant les mythes collectifs et les légendes de la culture hindoue.
la vache joue de nombreux rôles dans ces mythes hindous: elle peut être une princesse guerrière, la mère du monde, la déesse primordiale de la fertilité, celle qui exauce tous les souhaits, la mère sacrificielle, la messagère de l'immortalité."
p.17