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Citations de Shulem Deen (31)


Malgré tout, je me sentais honteux, sans bien savoir pourquoi. Au cours des semaines, puis des mois qui suivirent, je m'efforçais d'effacer cette journée de ma mémoire. J'avais pris part à ces agissements : je m'étais porté volontaire pour sermonner ceux que nous soupçonnions de comportement déviant ; j'avais fouillé, froissé et foulé aux pieds les affaires de Mendy. Je m'étais alors senti partie intégrante d'un groupe, élément insignifiant d'une volonté collective qui surpassait et enchaînait la mienne. J'avais mesuré, pour la première fois de ma vie, le pouvoir d'une foule en colère.
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Sauf que, dans ce petit quadrilatère situé entre Lee Avenue et Bedford Avenue d'un côté, Brodway et Heyward Street de l'autre, il n'y avait qu'une seule façon de craindre Dieu : celle des satmar. Et il étaient prêts à user de violence pour s'assurer que le message était bien compris.
Ce type ne comportement n'était pas propre au satmar, hélas. Les rabbins qui se déclaraient favorables à l'érouv appartenaient à des structures dirigeantes qui imposaient à leurs fidèles un conformisme d'une rigidité absolue dans tous les autres domaines. A Skvyra, on n'hésitait pas à recourir à la violence pour faire appliquer les règles de la communauté. Même chose chez les vichnitz, les belz, les hassidim de Gour et bien d'autres encore. C'est ainsi que fonctionnait notre petit monde clos sur lui-même. Nous veillions à faire régner l'ordre par tous les moyens possibles.
Mais quel genre de monde était-ce là ? Et qui pourrait mettre fin à cette dérive autoritaire ?
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Et comment expliquer, demandai-je au rabbin, que notre perception de l’Éternel - Dieu d'amour, bienveillant et tout-puissant, merveilleusement attentif à nos besoins - reflète précisément les qualités de nous exaltons dans l'être humain ? Pourquoi attribuer à Dieu des sentiments tels que la joie, la tristesse, la satisfaction, voire le désir de susciter notre amour, quand il semblerait plus logique de l'imaginer comme un être omnipotent et omniscient, détaché des affects qui trahissent la fragilité humaine ?
"Vous n'êtes pas le premier à vous poser la question," répondit le rabbin avec condescendance, comme si je cherchais à m’immiscer dans un débat réservé à des esprits supérieurs. "Il me paraît quelque peu... puéril de votre part, ajouta-t-il, de penser que de telles interrogations n'ont jamais été soulevées avant vous." Son sourire affable ne parvenait pas à masquer son paternalisme. "Continuez d'apprendre. Lisez et étudiez. Puis regarder au fond de votre cœur, et vous trouverez la vérité."
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En posant sur le Talmud un regard plus critique, je m'apercevais cependant que l'enseignement des Sages était entaché, comme tous les écrits de leur époque, par la superstition, la misogynie et la xénophobie, autant de failles qui ne faisaient pas nécessairement de ses auteurs des vauriens, mais les rendaient soudain plus humains et plus ordinaires à mes yeux.
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En vérité, à l’exception d'un petit bataillon de mystiques et de quelques survivances de pratiques anciennes - dévouement au rebbe et manifestations collectives accompagnées de chants et danses -, les hassidim du XXe siècele paraissent bien loin du mysticisme, de l'extase, de la mélancolie et de la joie du Baal Sham Tov et de ses disciples. Ils semblent au contraire avoir régressé vers l'autoritarisme et l'inflexibilité auxquels le hassidisme avait pourtant chercher à mettre fin.
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Quand le hassidisme était apparu, au milieu du XVIIIe siècle, ce mouvement cherchait à libérer le peuple juif d'une vision du monde ossifiée par des siècles d'arcanes légalistes. Le hassidisme voulait fuir l'artificiel, le prétentieux et les formules toutes faites. Promouvoir l'esprit de la loi davantage que sa lettre, et découvrir les strates infinies de cet esprit. Glorifier l'expérience mystique davantage que la querelle savante. Il proclamait les affaires du cœur et de l'esprit supérieures à l'excès piétiste.
Ce furent cependant les principes du Hatam Sofer, plus que ceux du Baal Shem Tov, qui vinrent à caractériser la vision du monde hassidisme moderne. Au XVIIIe et XIXe siècles, avec la diffusion de la Haskalah, le courant de pensée juive influencé par l'esprit des Lumières, de nouveaux défis firent naître des priorités nouvelles chez les Juifs pratiquants. Les enseignements du hassidisme, s'aperçurent nombre d'entre eux, n'étaient pas de taille à lutter contre le mouvement des Lumières. Les hassidim se rangèrent donc sous la bannière du Hatam Sofer et se hâtèrent d'adopter ses principes.
"Tout ce qui est nouveau est interdit par la Torah."
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Au fil du temps, j'en viendrais à considérer Avremel comme une sorte de Savonarole du monde hassidique, un fanatique si excessif qu'il en devenait caricatural, mais à l'époque, je lui vouais une admiration sans limites.
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C'est lors de ma première visite à New Square que j'ai vraiment compris ce qui différenciait la communauté skver des autres sectes juives ultra-orthodoxes.
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D'après le Talmud, "un Juif, même s'il a pêché demeure un Juif." L'hérétique, en revanche, est perdu pour toujours. "Ceux qui partent ne reviennent pas."
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Magnifique, très interessant et enrichissant
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D’après le Talmud, qui voit la chevelure d’une femme découvre sa nudité. (..) Gitty coupait ses cheveux à l’aide d’une tondeuse électrique (..) elle ne leur laissait que 7 millimètres de longueur – que nul ne voyait – pas même moi, la loi exigeait qu’elle se couvrît la tête en permanence.
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Je répétais alors ce que mon rebbe m’avait dit : « la gentillesse des autres nations conduit au péché ». Autrement dit : même lorsqu’un non-Juif commet une bonne action, il est animé de mauvaises intentions (…).

C’est une loi de la nature , me répétait-on : les non-Juifs mépriseront toujours les Juifs. (..) aussi intégré soit-il, le Juif suscitera toujours la haine et le mépris du non-Juif -un mépris plus ou moins dissimulé selon l’époque et l’audace de chacun, mais un mépris bien réel.
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« Se distinguer par sa langue et sa tenue permet de réduire au minimum les échanges avec le monde extérieur, et contribue à vous en maintenir à l’écart. Limiter l’éducation profane, et le savoir venu de l’extérieur tient à distance les idées étrangères. »
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Loin de chercher à comprendre ou à raisonner, le Juif croyant et pratiquant devait constamment repousser la raison et se fier aux traditions, à l'héritage transmis de génération en génération; il ne suffisait pas d'ignorer les doutes: il fallait arracher jusqu'à la racine des moindres questions qui appelaient à une compréhension du monde inaccessible à l'être humain. "La foi, disait Reb Mendel de Vitesbk, consiste à croire sans aucune forme de raison".
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Gitty était peut-être dans le vrai, me dis-je. Parler à des gens extérieurs à notre communauté me donnait à réfléchir. Or, nous le savions tous: avec la réflexion commencent les problèmes.
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Pour être un bon élève hassidique, puis devenir un bon fidèle hassidique, les jeunes garçons devaient prêter la plus grande attention aux questions posées par les rabbins et taire toutes celles qui leur venaient à l'esprit.
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En regardant mes enfants assis autour de la table, je compris que je ne pourrais jamais les les quitter.(...) Je continuerais à vivre parmi ces hommes consumés par l'étude de la loi juive et ces femmes qui s'enfuyaient à leur vue pour ne pas les tenter, auprès de ces enfants qui s'accommodaient de plaisirs simples, ignorants des arts et des sciences, de la guerre des étoiles et des jeux vidéo.
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Mon questionnement intérieur me laissait ivre de chagrin, en deuil de ma foi perdue.
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 Ainsi que je l'apprendrais par la suite, beaucoup de croyants ayant perdu la foi perçoivent dans les apports de la recherche scientifique le catalyseur de leur changement de vision du monde. C'était mon cas : la plupart de mes lectures dans ce domaine me déconcertaient. Les idées que j'avais toujours tenues pour acquises, confiant dans la parole des rabbins, certains que les textes sacrés recelaient des vérités absolues, m'apparaissaient désormais comme douteuses, voire fallacieuses. L'univers n'avait pas six mille ans, comme je l'avais toujours cru, mais plutôt quatorze milliards d'années ; loin d'être l'espèce noble et privilégiée façonnée par la main de Dieu à partir d'une poignée de terre au sixième jour de la Genèse, l'homme partageait un ancètre commun avec le chimpanzé - et même avec tout le règne animal. Sur ce point au moins, les Sages du Talmud, qu'on nous disait infaillibles, s'étaient manifestement fourvoyés...

     En posant sur le Talmud un regard plus critique, je m'apercevais que l'enseignement des Sages était entaché, comme tous les écrits de leur époque, par la superstition, la misogynie et la xénophobie, autant de failles qui ne faisaient pas nécessairement de ces auteurs des vauriens, mais les rendaient soudain plus humains et plus ordinaires à mes yeux.

   Enfin, rien ne fut plus dévastateur pour ma foi que la prise de conscience du caractère profondément humain de la Bible hébraïque, notre texte le plus sacré. Dès l'instant où je commençais à entrevoir la main de l'homme, et non celle de Dieu, dans ces pages splendides et bouleversantes, infiniment complexes, tissées de poésie et de métaphores, je ne fus plus capable de revenir sur mes pas.

  D'après le Zohar, le texte du XIIIème siècle qui a donné naissance à la mystique juive, "Dieu a contemplé la Torah et créé l'univers" La Torah, divine et éternelle, est le modèle et la matrice de toute création.

    Je l'avais cru, moi aussi. À présent, je posais un autre regard sur le texte sacré. Je découvrais que La Torah, l'essence même de notre foi, loin d'être un document immuable transmis de génération en génération depuis trois mille cinq cents ans, résultait manifestement d'un assemblage de fragments issus de la Haute Antiquité, patiemment compilés et remaniés au cours des siècles suivants. Telle était du moins la vision qu'en offraient tous les spécialistes de la datation des textes bibliques. Rien ne m'obligeait à les croire, mais les preuves qu'ils avançaient à l'appui de leurs démonstrations me parurent irréfutables. Soudain, le caractère profondément étrange de ce texte - ses contradictions, ses anachronismes, cette accumulation déconcertante de crimes fratricides, de génocides, de miracles et de drames familiaux - prenait sens à mes yeux, mais un sens bien différent de celui qui m'avait été inculqué. Si, d'un point de vue historique et anthropologique ( point de vue que soutenaient les récentes découvertes archéologiques et la comparaison avec d'autres textes antiques du Proche-Orient), la Bible ouvrait indéniablement une fenêtre fascinante sur le monde de nos ancêtres, d'un point de vue théologique, pour moi, elle ne tenait plus la route...
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"J'ai une question à te poser, annonça Chezky quelques jours plus tard dans le hall de la synagogue, où nous avions l'habitude de nous retrouver avant les prières du vendredi soir. As-tu déjà songé au fait que tes croyances religieuses, comme ta naissance dans l'État de New-York, résultent d'une succession de hasards et de coïncidences ? Et que si tu avais grandi dans une famille catholique ou musulmane, tu serais tout aussi convaincu par leurs enseignements que tu l'es des nôtres aujourd'hui ? Toi qui tiens tant à croire aveuglément, n'es-tu pas troublé par le caractère terriblement arbitraire de tes croyances ?"

   Aussi élémentaire soit-elle, cette question ne m'avait jamais traversé l'esprit jusqu'alors. Elle n'appelait pas vraiment de réponse, d'autant que les grands sages du judaïsme l'avaient résolu depuis longtemps - j'en étais convaincu. De quel droit aurais-je remis en cause une telle évidence ?

   La question me tarauda pourtant toute la soirée. J'éprouvais un léger agacement envers Chezky. Pourquoi se montrait-il si insistant me demandai-je en rentrant chez moi. Je revenais sans cesse au problème rhétorique qu'il m'avait posé, comme on ne peut s'empêcher de gratter une cicatrice qu'il faudrait laisser tranquille. Quelle était la solution ? Malgré moi, je ne pouvais m'empêcher de m'interroger : si je n'avais pas été élevé dans la religion juive, l'aurais-je choisie ? Si ,mes parents et mes professeurs ne m'avaient pas appris à réciter le Chema Israël à deux ans, "Torah Tsiva Lanou Moshe" à trois ans, les prières et les Psaumes à quatre, la Bible à cinq et le Talmud à huit ans, aurais-je cru à ces principes fondateurs comme j'y croyais à présent ?
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