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Citations de Sibylle Grimbert (117)


Gus se demandait qui de lui ou de Prosp voyait le monde tel qu'il était.
En vérité, chacun le voyait à sa manière tel qu'il était ...
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Il ne s’agissait pas de ce que Gus avait fait, et pourtant il était responsable, puisqu’il était humain. Comment le dire ? Gus aurait mieux surmonté la disparition du grand pingouin s’il avait pu accuser un volcan, ou les orques, ou des ours blancs. Mais cet oiseau mourrait d’avoir été la matière première de ragoûts, de steaks noirs, d’huile qui n’était même pas meilleure que celle des baleines.
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Mais non, le dodo a été une exception, un accident ; les animaux ne disparaissent pas, pensa-t-il aussitôt. La terre n'est que profusion. Certes, jadis, les mammouths, les mégalonyx-cet énorme paresseux, de la taille du mastodonte- s'étaient éteints. Certes, les bêtes se transforment sans doute, les catastrophes les tuent ou, parfois, parce que les conditions autour d'elle changent, une espèce devient plus adroite et prolifère quand une autre s'amenuise. Mais la nature, si bien huilée, si équilibrée, empêche la fin de ce qui n'est pas nuisible à l'homme. Et d'ailleurs la terre est si vaste que, peut-être, quelque part au milieu du Pacifique, ou dans les pôles gelés, sont cachées les espèces que l'on pensait mortes.
(p.94)
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Comme toujours quand quelque chose d'inhabituel se passe, les oiseaux, ceux qui volaient, ceux qui n'avaient pas des ailes nanifiées par des siècles de bonheur, de tranquillité, tournaient en criant autour de la falaise.
(p.12)
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Pendant les premiers temps de cette existence, il arriva à Gus de se demander qui, de lui ou de Prosp était l'être humain ou le pingouin, il voulait dire : c'était comme si, à force d'être en tête-à-tête et d'avoir des habitudes communes, ils avaient créé une espèce hybride, une chimère d'oiseau marin et d'homme. D'ailleurs, lorsqu'il se regardait dans son miroir, Gus ne se reconnaissait plus tout à fait : sa barbe et ses cheveux avaient poussé et, à part son front, ses oreilles, ses mains et le haut de ses joues, quand il était habillé, plus aucune peau humaine n'apparaissait. Prosp, quant à lui, ne se reconnaissait pas dans un miroir et, faute de semblables, devait ignorer son aspect extérieur.
(p.160)
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Cet animal est buté, pensa Gus, il manque d'intelligence, de sens du futur, cet animal est stupide, voilà, il préfère mourir de faim que rester dans une cage.

[p19]
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 Ces cons, en fait ils étaient pires qu'il ne l'avait cru. Ils vivaient ensemble, ne regardaient que ceux qui leur ressemblaient, dès qu'on sortait du lot, bousculait leur contentement d'eux-même, leur certitude d'avoir raison et d'être bons, ils devenaient aveugles, comme son père dont ils étaient des répliques presque exacte.
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Ce qui est rare disparaît.
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Soudain l’être humain n’avait plus d’importance dans ce monde qui respirait seul, de lui-même, de cet univers indifférent à sa présence, qui existait avant qu’un être humain ne le regarde et qui continuerait après. Ni plus ni moins important qu’un copeau de bois parmi des milliards de copeaux, il n’était plus rien qui eût un nom, une corpulence, une odeur, des habitudes, des goûts, une individualité changeante.
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Tout ce qu’ils voyaient était mû par un mécanisme interne, avec ses causes et ses conséquences, qui créaient d’autres causes et d’autres conséquences, et ainsi de suite, comme la science le montrait, sans pouvoir l’expliquer; un monde avec ses propres règles, des règles presque chimiques, aussi logiques que l’eau qui se change en vapeur quand elle bout, que l’objet qui tombe à terre quand on le lâche, un ordre autonome ayant trait à la présence d’espèces, de plantes protéiformes, quelque chose qui vivait seul de lui-même, soumis à des influences incessantes. Sauf qu’eux en ignoraient les modalités, et parfois ils se demandaient combien d’années avaient été nécessaires pour que les ancêtres de Prosp se réveillent un jour amputés d’ailes capables de les faire voler.
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J’ai vu au Canada des choses merveilleuses et affreuses. Merveilleuses : les bisons ; moi à qui vous avez fait découvrir la girafe, j’ai découvert près de moi un animal énorme, trois fois un bœuf peut-être, avec ce que j’appellerais un manteau, ou une étole de fourrure derrière la tête, sur les épaules, comme une vieille femme à l’opéra. Affreuses : j’ai vu un troupeau entier de ces bêtes fabuleuses traverser une rivière et nager, oui, nager et lutter contre le courant avec difficulté, elles qui sont si puissantes à terre ; et pour finir je les ai vues, à peine sauvées ou encore secouées par leur périple, se faire égorger par les trappeurs avec lesquels j’étais.
Il paraît que c’est courant. Mais je ne pensais pas que la vue de tout ce sang, la douleur et l’incompréhension de ces animaux que les hommes achevaient juste parce qu’il était en leur pouvoir de le faire m’atteindraient autant. Naturellement, à cet instant, j’ai pensé à Prosp. De là est venue cette idée saugrenue d’Islande où il serait heureux avec quelques-uns de ses semblables, que vous pourriez protéger, puisqu’en protéger un ou dix revient sans doute à la même chose, vous ne croyez pas ?
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Entrer dans un être humain ressemble à connaître sur le bout des doigts un jardin, ses allées, ses recoins, à pouvoir le visiter aussi souvent qu'on le veut.
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Cent couples de pingouins font cent œufs, quarante petits meurent avant d’être adultes, vingt meurent d’accidents divers, restent quarante pingouins qui connaîtront les mêmes proportions de pertes, puisque les conditions extérieures sont identiques, et ainsi tout finit par disparaître – tout est peut-être déjà en train de disparaître, sans qu’il puisse s’en apercevoir. Et, pendant que Gus mordait dans sa saucisse, le monde se modifiait, lentement, sans qu’il sente le sol bouger, le tremblement de terre se préparer sous ses pieds. Alors oui, à cet instant tout était déjà différent, triste et morbide, sans raison et brutal, tout finalement était sanglant.
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Alors Gus se procura l’édition anglaise, la seule disponible, de Lyell. C’était bouleversant, novateur, prodigieux. Le sous-titre des Principes de géologie disait tout : Une tentative d’expliquer les changements de la surface de la Terre par des causes opérant actuellement. Pour ce qui était des espèces, Lyell voyait différentes explications à leur disparition : la modification de leur milieu naturel (par là il ringardisait Lamarck, qui croyait en l’adaptation heureuse, l’amélioration en fait) ; la compétition avec une autre espèce ; et l’homme, qui se débarrassait, comme toujours, des animaux nuisibles, mais dont, en plus, l’accroissement de la population induisait la réduction, voire la destruction de certains animaux. Ainsi parlait-il de l’émeu, qu’il croyait en danger. Ce processus, en réalité, ne le dérangeait pas beaucoup, pour lui tout cela était naturel, répondait à une loi naturelle. C’était aussi indépassable que la mort, contre laquelle on ne peut rien. En un sens c’était la vie, aurait pu dire Gus, et cette idée donnait à l’ensemble une couleur pessimiste, résignée et brutale.
Quand il répondit à Kroyer, il lui fit part de son problème personnel : « Aucun des mécanismes de la disparition chez Lyell ne s’applique au cas précis des grands pingouins. Ni le climat, puisque son milieu n’a pas évolué et qu’il y a moins de vingt ans, dans la même configuration géographique, ils étaient nombreux. Ni la compétition entre animaux, puisque j’ose dire qu’il n’a pas d’ennemis, qu’aucun phoque, aucun macareux n’a besoin de son territoire ou de batailler avec lui. Reste l’homme : mais en quoi les grands pingouins, qui vivent loin de nous, nous nuiraient-ils ? Je ne vois pas. Alors, se pourrait-il que nous, êtres humains, ayons commis une erreur ? »
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Mais non, le dodo a été une exception, un accident : les animaux ne disparaissent pas, pensa-t-il aussitôt. La terre n'est que profusion.

[p94]
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L’ennui était lié aux humains et à leurs animaux, les chiens, les chats, les chevaux, contraints à la répétition des jours sans avoir à s’occuper de leur survie.
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Sur la plage où [il] se rendait seul au crépuscule, il essayait d'embrasser la mer jusqu'à l'horizon, le plus loin possible. Le désert, croyait-il, devait ressembler à la mer; ce vide, ou ce lieu plein d'une matière qui n'était pas faite pour l'homme, cet espace qui se fichait complètement que l'homme s'y trouve à l'aise ou pas le transperçait. Au sens propre puisqu'une sorte de flèche s'enfonçait en lui, comme elle l'aurait fait avec un ballon, dégonflant sa peau, la laissant tomber au sol, pauvre chose devenue tout à coup inutile.
À cet instant, il se sentait plus léger qu'un pollen, insignifiant et absolu en même temps. Il savait qu'il appartenait à cet univers à l'instar du caillou à droite de sa chaussure qu'il n'aurait pu différencier d'un autre à trois mètres; de la vague au loin, qu'il était certain de voir se reformer ailleurs, alors qu'il s'agissait sans doute d'une tout autre vague, ou du brin d'herbe sur la colline, qui se confondait avec les autres brins d'herbe et pourtant était sans doute unique. Soudain, l'être humain n'avait plus d'importance dans ce monde qui respirait seul, de lui-même, de cet univers indifférent à sa présence, qui existait avant qu'un être humain ne le regarde et qui continuerait après. Ni plus ni moins important qu'un copeau parmi des milliards de copeaux, il n'était plus rien, plus rien qui eût un nom, une corpulence, une odeur, des habitudes, des goûts, une individualité changeante. Et bizarrement il se sentait plus libre, rassuré d'être identique à la vague, de tenir compagnie à la mouche qui volait sur le sable noir, plus fort de discuter, infime, modeste et égal à toutes choses, avec cet univers infini qui ne lui répondait pas.
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Gus découvrait un animal unique, un animal comme il n’en avait jamais vu, dont il peinait à comprendre que c’était un oiseau. Pour lui, à cet instant, il s’agissait plutôt d’une sorte de poisson qui respirait hors de l’eau, ou d’une oie qui nageait, une chimère avec des plumes pour écailles, des ailes débiles, un bec de rapace sans doute inutile, lui aussi. Une anomalie en somme, le moule disproportionné des pingouins qu’il avait vus partout, les petits tordas, qui plongeaient et savaient voler, aussi normaux que des mouettes.
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Il ne pensait pas que, dans la vie sauvage, les pingouins pouvaient s’ennuyer, pas plus que les girafes ou les moineaux. L’ennui était lié aux humains et à leurs animaux, les chiens, les chats, les chevaux, contraints à la répétition des jours sans avoir à s’occuper de leur survie.
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Gus le regardait avaler ses poissons, émettre des bruits de déglutition, des cris de réconfort, et il comprenait que sans lui, ce qui vivait, là, sur son sol, mourrait. L'impératif était rendu encore plus grand par leurs différences insurmontables, par le fait qu'ils ne se parleraient jamais, ne se comprendraient jamais, que la seule chose qui les unissait était une connaissance intuitive de la vie, qu'ils voulaient l'un et l'autre conserver.
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