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Citations de Simon Leys (300)


(...) je n'ai aucune objection contre des premières lignes qui suscitent une excitation immédiate, qui frappent le lecteur et qui enlèvent d'assaut son imagination. Une attaque efficace est d'abord et avant tout une attaque inspirée. Et l'inspiration se présente toujours sous son aspect le plus libre et le plus enchanteur quand l'écrivain est au seuil d'une création neuve. Victor Hugo, qui était un créateur irrépressible, a noté dans ses carnets des dizaines d'étincelantes amorces pour des romans qu'il n'écrivit jamais (ni probablement n'eut jamais l'mtention sérieuse d'écrire) : il y jouissait simplement d'un flirt avec l'inspiration — s'abandonnant aux delices des commencement dont il appréciait aussi toute la difficulté : « Le dernier volume est plus facile à écrire que la première ligne. »
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Il y a déjà un demi-siècle, Arthur Koestler diagnostiqua ce mal dans une interview qu'il avait accordée au New York Times, peu après son installation aux Etats-Unis (l'installation s'avéra d'ailleurs de courte durée, et l'interview fut en grande partie censurée). Ses observations étaient tellement pertinentes qu'elles méritent d'être citées au long :
« Plus je vis ici, plus j'ai le sentiment que la vie littéraire américaine est radicalement vidée. [...]. Si l'on me demandait ce que devrait être l'ultime ambition d'un écrivain, je répondrais avec une formule : l'ambition d'un écrivain devrait être d'échanger cent lecteurs d'aujourd'hui contre dix lecteurs dans dix ans, et contre un lecteur dans cent ans.

Mais l'atmosphère générale de ce pays oriente l'ambition de l'écrivain dans une autre direction [...], vers le succès immédiat. La religion et l'art sont deux domaines totalement non compétitifs de l'activité humaine, et ils découlent l'un et l'autre de la même source. Mais le climat social de ce pays a transformé la création artistique en une entreprise essentiellement compétitive.

Sur les listes de best-sellers — cette malédiction de la vie littéraire américaine —, les auteurs sont cotés comme des actions en Bourse. Pouvez-vous concevoir toute l'horreur de cette situation ? »
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Lu Xun a remarqué que, chaque fois qu'un génie onginal se manifeste en ce monde, les gens s'efforcent aussitôt de s'en débarrasser. A cette fin, ils ont généralement recours à deux méthodes.

La première, c'est la suppression pure et simple : on isole le personnage en question, on l'affame, on l'entoure d'un rigoureux mur de silence, on l'enterre vivant.

Si ces manœuvres demeurent sans effet, on passe à la seconde méthode, bien plus radicale et redoutable, la glorification : on hisse la victime sur un piédestal, on l'encense et on en fait un dieu.
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Les critiques littéraires jouent un rôle utile (sur lequel je reviendrai dans un moment), mais il me semble qu'une partie de la critique contemporaine (et je pense en particulier à une certaine école de théoriciens universitaires) souffre d'une assez redoutable infirmité.

A les lire, on soupçonnerait parfois que ces gens, au fond, n'aiment pas vraiment la littérature. On dirait que la lecture ne leur donne aucun bonheur ; ou, s'ils se mettaient à prendre du plaisir à la lecture d'un livre, ils l'accuseraient aussitôt de frivolité. Car, à leurs yeux, rien de ce qui est amusant ne saurait être important. Mais là ils commettent une lourde erreur ; en effet, quand une chose n'est pas amusante, cela ne veut pas nécessairement dire qu'elle est sérieuse, cela veut seulement dire qu'elle est ennuyeuse.
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ALPHONSE ALLAIS (1854-1905)

Allais, qui commença sa carrière comme pharmacien à Honfleur, a eu amplement l'occasion d’observer la mer.

Les deux propos cités ci-dessous en font foi :

Les familles, l'été venu, se dirigent vers la mer en y emmenant leurs enfants, dans l'espoir, souvent déçu, de noyer les plus laids.

La mer est salée parce qu'il y a des morues dedans. Et si elle ne déborde pas, c'est parce que la Providence, dans sa sagesse, y a placé aussi des éponges.
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Que savez-vous de Magellan ?

Posez la question à un honnête homme ... et il vous répondra sans doute : «Navigateur portugais qui démontra que la Terre est ronde en effectuant la toute première circumnavigatlon du globe au premier quart du XVIe siècle.» Cette réponse est incomplète et partiellement fausse.

Premièrement, tout portugais qu'il fut, Magellan naviguait pour le compte de l'Espagne, personnellement commissionné par Charles Quint. Son origine étrangère provoqua d'ailleurs la méfiance et le ressentiment de son état-major castillan ; plusieurs officiers le détestaient, et leur hostilité culmina en une mutinerie qui faillit mettre prématurément fin à l'expédition.

Deuxièmement, Magellan se fit tuer à mi-route dans une absurde échauffourée avec des indigènes philippins auxquels il avait eu l'imprudente idée d'administrer une leçon. La circumnavigation ne fut donc pas accomplie par lui, mais bien par son subordonné Elcano (qui avait d'ailleurs compté au nombre de ses adversaires).

Troisièmement, on savait déjà depuis la Grèce antique que la Terre était ronde. Un mathématicien classique en avait d'ailleurs très exactement calculé la circonférence. La plupart des Pères de l'Église en convenaient, suivis en cela par les lettrés médiévaux. Ce que l'expédition démontra - faisant de Magellan l'involontaire ancêtre idéologique de la globalisadon -, c'est la circumnavigabilité du globe : tous les océans communiquent ; contrairement à ce qu’imaginaient les anciens cartographes, ce ne sont pas lacs encerclés d'impénétrables masses continentales.

Et enfin, cette circumnavigation fut une improvisation imposée par la force des choses : elle n’avait jamais constitué l'objet de l'expédition. Le vrai but du voyage était tout différent : il s'agissait de trouver une autre voie d'accès aux épices de l'Orient - et il avait été prescrit de rentrer par ce même chemin.
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Joseph Conrad a remarqué que l'amour des lettres ne fait pas plus un littérateur que l'amour de la mer ne fait un marin.
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Nous sommes tellement vulnérables dans toutes les choses que nous aimons !

Je me suis si longtemps appuyé sur les livres ; j'ai bien peur maintenant de finir par dépendre d'eux.
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Un classique est essentiellement un texte qui demeure ouvert, dans ce sens qu'il se prête constamment à de nouveaux développements et commentaires, à des interprétations différentes, à des prolongements inattendus.

Avec le passage du temps, ces gloses s’accumulent en couches successives comme les alluvions d'un fleuve. Un classique est offert en permanence à l'us et à l'abus, il nourrit, il inspire, il provoque l’extrapolation, il suscite le malentendu.

C'est un texte qui vit et qui croît ; il est susceptible d'enrichissement, de déformation, de transformation, et, à travers tous ces avatars, il conserve un noyau d'identité essentielle, même s'il mue et change de peau au fil des saisons et des années.
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C'est le jour de l'Assomption. Ce matin, les Bretonnes sont allées à la messe et elles retourneront tout à l'heure à l'église pour les vêpres, tandis que les Bretons, eux, ont passé la journée au café. L'autobus est rempli de femmes en longue jupe noire et coiffe de dentelle. Il y a quelques marins endimanchés et aussi un abbé, taillé comme un bûcheron, qui lit son bréviaire.

L'autobus doit s'arrêter un moment en rase campagne pour permettre à l'un des marins ivres de pisser contre le talus. Les femmes lui lancent des quolibets assaisonnés de gros sel paysan. Premier contact avec les ivrognes du pays que j'apprendrai bientôt a mieux connaître. (Mais au fait, pourquoi diable dit-on « saoul comme toute la Pologne », alors que la Bretagne est même plus proche ?)
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La dernière fois que j'ai vu l'équipage du Prosper, c'était à l'enterrement d'Étienne. Le vieux Félix était là ; il paraît bien remis et projette déjà. de se rembarquer l'année prochaine.

Mais il faut dire qu'en Bretagne les enterrements sont toujours suivis d'une certaine euphorie due aux libations en l'honneur du défunt...
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La surprenante vérité est que, durant son bref passage à Sydney, Lawrence avait eu accès à un secret dont I'opinion publique australienne n'eut jamais vent.

Il avait dû cette chance à un de ces enchaînements de circonstances qui n'arrivent guère qu'aux poètes en voyage - et peuvent d'ailleurs faire d'eux des témoins plus pénétrants que les meilleurs journalistes professionnels.

Sur le paquebot qui l'amenait à Sydney, Lawrence fit la connaissance d'un jeune officier récemment démobilisé qui le mit en contact avec un autre vétéran de ses amis, le major W. J. R. Scott (qui devait servir partiellement de modèle au Callcott du roman (…)
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A quoi bon se donner tant de mal pour cerner un Simenon qui ressemblerait à tout le monde ?

Le seul Simenon qui nous intéresse ne ressemble à personne, et c'est ça qui lui a permis d'écrire Lettre à mon juge, et La Veuve Couderc, et L'Homme qui regardait passer les trains, et L’Évadé, et Le Voyageur de la Toussaint, et tant d'autres romans où, étrangement, nous revenons sans cesse puiser le courage de contempler notre propre misère sans fléchir. La vérité dont Simenon était dépositaire se trouve dans son œuvre, et là seulement. Quiconque s'obstinerait à la chercher ailleurs ferait mieux de méditer les vers de T. S. Eliot :

« Par cela nous avons existé, par cela seul,
Qui ne se trouve pas dans nos nécrologies,
Ni dans les souvenirs que drape l'araignée bienfaisante,
Ni sous les sceaux que brise le maigre notaire
Dans nos chambres vides. »
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Simon Leys
Du point de vue occidental, la Chine est tout simplement l'autre pôle de l'expérience humaine. Toutes les autres grandes civilisations sont soit mortes (Égypte, Mésopotamie, Amérique précolombienne), ou trop exclusivement absorbées par les problèmes de survie dans des conditions extrêmes (cultures primitives), ou trop proches de nous (cultures isla-miques, Inde) pour pouvoir offrir un contraste aussi total, une altérité aussi complète, une originalité aussi radicale et éclairante que la Chine. C'est seulement quand nous considérons la Chine que nous pouvons enfin prendre une plus exacte mesure de notre propre identité et que nous commençons à percevoir quelle part de notre héritage relève de l'humanité universelle, et quelle part ne fait que refléter de simples idio-syncrasies indo-européennes. La Chine est cet Autre fondamental sans la rencontre duquel l'Occident ne saurait devenir vraiment conscient des contours et des limites de son Moi culturel.
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L'aventure marine serait-elle donc essentiellement une invention de terriens ?

Le fait est que la plupart des marins n'ont pas grand-chose à dire de la mer : c'est leur élément naturel, ils s'y sentent simplement chez eux (comme l'attestent d'ailleurs ces touchantes photos anciennes de capitaines cap-homiers dans leur cabine : on les voit qui lisent sous l'abat-jour de la lampe de cuivre en fumant un cigare, et l'on devine dans l'ombre, contre la cloison, une fausse cheminée en simili-marbre, des plantes en pots, et le piano de leur épouse).

Un des plus extraordinaires aventuriers de la mer, sir Francis Drake, a donné son sentiment là-dessus, dans une lettre d'une désarmante et laconique sincérité : « Ce n'est pas que la vie à terre me déplaise ; mais la vie en mer est meilleure. » Que pourrait-on ajouter à cela ? Sur ce sujet, les marins ont toujours répété la même chose ; ainsi, dans un de ses derniers essais, Conrad confessait : « La monotonie de la vie en mer est plus aisée à supporter que l'ennui de la vie à terre. »
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A la différence de l'Angleterre dont la langue et la civilisation sont intimement liées à la mer (pour des raisons géographiques et historiques bien évidentes), la France, dont les entreprises maritimes ne furent pourtant guère moins considérables, n’a pas vraiment réussi à en intégrer la mémoire dans sa culture.

C'est que la France des marins fut avant tout une France provinciale - celle des Flamands, des Normands, des Bretons, des Gascons, des Basques et des Provençaux - tandis que, de Paris, hélas, la mer est trop souvent demeurée invisible. Et pourtant elle n'a jamais cessé d'inspirer les écrivains les plus divers ; cette présence de la mer dans notre littérature est donc bien réelle - mais peut-être n'apprécie-t-on pas encore suffisamment son importance. J'espère que mon anthologie pourra tant soit peu contribuer à dissiper cette méconnaissance.
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Nous ne cessons de nous étonner du passage du temps : « Comment ! hier à peine, ce père de famille chauve et moustachu était encore un gosse en culottes courtes ! » Cela montre que le temps n'est pas notre élément naturel.

Imagine-t-on un poisson qui s'étonnerait de la mouillure de l'eau ? C'est que notre vraie patrie est l'éternité ; dans le temps nous ne sommes que des visiteurs de passage.

N'empêche, c'est dans le temps que l'homme construit la cathédrale de Chartres, peint le plafond de la Sixtine et joue de la cithare à sept cordes - ce qui inspira la fulgurante intuition de William Blake : « L'Ëternité est amoureuse des œuvres du temps. »
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Le phénomène totalitaire du XXe siècle peut présenter des variations de mode, des degrés divers de sophistication « culturelle », mais ses éléments constitutifs sont simples et quasiment invariables – Kazimierz Brandys les avait déjà bien résumés il y a un quart de siècle (avec cette acuité caractéristique des intellectuels polonais, cruellement bien payés pour savoir de quoi ils parlent) : « L'histoire contemporaine nous enseigne qu'il suffit d'un malade mental, de deux idéologues et de trois cents assassins pour s'emparer du pouvoir et bâillonner des millions d'hommes. »
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Si l'on considère les plus grands maîtres à penser de l'humanité - le Bouddha, Confucius, Socrate, Jésus -, on est frappé par un curieux paradoxe : aujourd'hui, aucun d'entre eux ne pourrait obtenir ne fût-ce qu'un modeste poste d'enseignant dans une de nos universités. La raison en est simple : leurs qualifications sont insuffisantes - ils n'ont rien publié.
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(…) les personnages de Simenon, eux, serrent le cœur : ce sont des petites gens, des humbles, des solitaires, des rebelles, des marginaux, des « humiliés et offensés », des ratés, des déracinés, des victimes, des vaincus. Voyez même Maigret : « Quand Maigret doit pénétrer dans un milieu cossu, il se sent difficilement admis ; il a un sentiment de gêne, de faire tache, il n'est pas à sa place… » « Maigret n'est pas à son aise avec les grands de ce monde qui tantôt l'épatent, tantôt le choquent. »

Fils de l'intendant d'un aristocrate, il reste marqué par ses origines serviles : « Ily a des relations humaines, des habitudes sociales dont on ne guérit pas. On peut guérir de beaucoup de choses, mais pas de ça, d'une certaine humilité devant certaines gens... »

Au fond, Simenon a raconté cent fois la même histoire, ses grands romans n'ont qu'un seul thème : la chute d'un homme. Le destin, un incident extérieur, une fatalité intérieure viennent déclencher un implacable processus de destruction. Un homme s'éveille et se découvre soudain étranger aux siens et à lui-même, il essaie de briser les chaînes de sa vie quotidienne - et il sombre.
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