L'essayiste Sonia Feertchak présente son livre "Éloge de la haie. Pour un désordre végétal", paru chez Philosophie magazine Éditeur. Entre vertus écologiques, poésie du vivant et imaginaire politique, la haie est d'une richesse insoupçonnée, autant pour l'environnement et les humains que pour la pensée.
Disponible en librairie !
La charge mentale est le temps passé à ne pas oublier d'accomplir une tâche pratique. Autrement dit, la charge mentale traduit la transformation du matériel en temporel.
Alors que l’actualité apporte chaque jour ou presque son lot d’angoisse à l’endroit du Vivant, le besoin de désordre végétal signe l’espoir d’une vitalité recouvrée. Or ce désordre végétal, la haie en est l’incarnation. Plus proche que la jungle, moins vaste sur la forêt, la clôture boisée fait le trait d’union entre le cultivé et le sauvage, entre le jardinet et le bocage, elle rend le désordre végétal accessible à tous.
Attablée en fin d’après-midi, un jour d’été à la terrasse d’un café, je discute avec une amie, pendant que, juste à côté d’eux touristes n’arrêtent pas de « se selfisiser » devant la cascade plastifiée de branchages et de fleurs entièrement roses qui dégoulinent derrière eux. Tout occupés à se mirer dans l’écran de leur appareil, ils ne voient pas que devant, à moins de deux mètres de nos tables respectives, au pied d’une pauvre haie composée de gros buis dévorés de pyrale, une petite souris se frotte le museau, dressées sur ses pattes arrières, au milieu d’une touffe de vergerettes blanches bordées de rose. .. Bien qu’elle n’apprécie pas les rongeurs, mon amie convient que le spectacle est digne d’un dessin animé ..
Nature et artifice ne sont pas toujours là où on croit. Pas toujours là où ça semble croître. Le charme de la haie tient à la possibilité de surprise qu’elle recèle ; l’imagination se nourrit de ce modeste embroussaillement du monde, et fait le reste.
(p 79-80)
Pour l'écrivaine, l'amour et le respect d'un enfant pour un ascendant peuvent légitimement être remis en question si ce dernier est doté d'une personnalité malveillance. Si l'on considère en plus, comme l'affirme Mathew Prichard, qu'elle "comprenait très bien les gens. Et ceux qui apparaissent dans es livres sont normaux", alors Christie lève un sacré tabou : chez le commun des mortels, l'affection entre proches ne va pas de soi et le mal peut toucher tout le monde. Il est répandu, familier, commun. En un mot : banal. "[Ce crime] était d'une absolue banalité, froidement prémédité, et limpide, jusqu'au moindre détail." Banalité. Dans son texte, Christie emploie le mot au sens de cliché, d'habitude presque. Mais comment ne pas penser, par ailleurs, à la "banalité du mal" ?
Encore plus fort, plus concret et plus pratique: sur Internet il y a forcément quelqu'un qui se pose la même question que toi. C'est incroyable: si tu tapes dans Google " mon dentifrice me fait tousser" ou "mon chat pue des pieds"-véridique !-, tu vas trouver une discussion ou un forum sur lesquels tu pourras constater que tu n'es pas la seule à rencontrer ces problèmes bizarres. Ce pourrait être anecdotique, de fait c'est assez marrant...
( rubrique "alter ego")
Non seulement l’objet de ma jalousie possède ce que je n’ai pas, mais surtout, double peine, il me tend un insupportable miroir : il me renvoie qu’il ne tient qu’à moi de posséder ce dont je ne dispose pas. Autrement dit, je ne suis pas jalouse de ce que je n’ai pas, mais de ce que je pourrais parfaitement avoir… sous-entendu si j’étais moins ceci ou davantage cela. Ainsi les féminettes haïssent les pétasses poufiasses et j’en passe, non pas parce que ces dernières existent et que les hommes les remarquent, l’iris fracassé. Elles les haïssent parce que ces filles disponibles renvoient les féminettes au fait que celles-ci s’empêchent de les imiter. Dans le fond, c’est, selon les cas, question de milieu, d’éducation, raison socioculturelle ou psychanalytique… tandis que, sur la forme, la féminette se persuade que s’abaisser à la séduction relèverait d’une trahison vis-à-vis de l’émancipation féminine. En attendant, la jalousie de moyen rend généralement beaucoup plus vacharde que la jalousie de fait… Pas étonnant puisque c’est à soi qu’on en veut. Rien n’est pire.
« Il ne faut pas se soumettre aux hommes. » Jamais et à aucun. Là, en écrivant cette phrase, je souris de me sentir à nouveau féminette. Je pense toujours qu’il ne faut pas se soumettre à autrui, à qui que ce soit, homme ou femme, et surtout pas en tant qu’appartenant à une caste, une classe, un genre, un sexe. Pour autant et sans ambages j’aime me soumettre au lit. J’apprécie qu’un homme soit plus fort que moi, j’aime ressentir sa force physique et qu’elle soit supérieure à la mienne. Puissance intellectuelle et force morale m’importent autant : les ravissants idiots ne m’ont jamais intéressée et s’il m’est arrivé de coucher avec un débile, un connard, ce dont je m’apercevais trop tard, ils avaient beau être bien faits, l’envie d’eux me passait à l’instant où je recouvrais ma lucidité et percevais leur manque d’envergure – la queue c’est aussi dans la tête.
Toute la puissance des romans christiens et leur indéfectible succès tiennent dans cette catharsis qui commence dès la découverte du cadavre : le corps met au jour les rapports de force cachés qui existaient au sein de la maisonnée. La vérité cesse d'être tue. Agatha Christie fait changer de camp la culpabilité.
La pilule contraceptive, cette merveille, a séparé le sexe de la reproduction, certes c'est fantastique...mais gare: non contente de n'être plus forcément "transmission" de vie, la sexualité exige toujours en revanche d'être irriguée par une "force" de vie, qui n'est autre que le désir.
Le statut d’épouse idéale, autrement dit celui de femme idéale tant l’épouse et la femme (soumise, discrète, courageuse…) se sont longtemps confondues, ce statut donc, galvaudé par des siècles de domination masculine, a été éradiqué. Tant mieux pour nous ? Hélas, il a été subrepticement remplacé par le statut de femme parfaite (forte, sublime, responsable, sexy, passionnée, hardie au lit, libérée… ce genre d’attributs), obnubilées que nous sommes par cet adage des coachs infatués qui pullulent à nous rendre plus performant(e)s, sous couvert de nous faire croître l’estime de soi. Car on ne nous le répétera jamais assez : puisque nous pouvons, nous devons… Le pire étant que nous nous sommes nous-mêmes porté le coup de grâce : l’exigence de la perfection.