''Susanne. Ainsi va le monde, ma pauvre cousine : le mensonge gouverne la vérité, la raison veut reprendre l’expérience, et les sottises s’érigent en titre de bonnes choses. La virginité est une très-belle chose en paroles et très-laide en ses effects ; au rebours, la paillardise n’a rien de plus hydeux que le nom et rien de plus doux que les effects ... nous ne sommes point icy pour corriger le monde : il faut qu’il y ayt des fols pour faire paroistre les sages, et ceux-cy ont d’autant de plaisir à cela qu’ils sont seuls à le cognoistre et qu’ils se mocquent de la folie des autres.
Fanchon. Ma cousine, c’est bien dit ; au lieu de nous instruire, nous serions les correcteurs sans gages de la folie d’autruy. Chacun vive à sa mode, et pour nous, achevons ce que nous avons commencé, car il me semble qu’il n’y a rien de plus plaisant que l’amour, et toutes les heures qui sont employées à son exercice sont les plus agréables de nostre vie...''
''Fanchon. Ma cousine, qu’est-ce donc que l’amour ?
Susanne. C’est le désir d’une moitié pour servir ou s’unir à son autre moitié.
Fanchon. Expliquez-moy cela plus clairement, s’il vous plaist.
Susanne. C’est un appétit corporel ou un premier mouvement de la nature, qui monte avec le temps jusques au siége de la raison, avec laquelle il s’habitue et se perfectionne en idée spirituelle ; d’où vient que ceste raison examine avec plus de cognoissance les belles convenances qu’il y auroit que ceste moitié fust unie à son autre moitié. Et quand la nature est arrivée à sa fin, ceste idée ou vapeur spirituelle vient à se résoudre peu à peu en une pluye blanche comme laict, et s’escoule, le long de l’espine du dos, dans les conduits, et elle devient le plaisir de la chose dont elle n’estoit auparavant que l’idée.''
- Composez vous quelquefois ?
- oui, je me compose, et c'est là un grand ouvrage.
Comment concilier cette aura de femme engagée et la fascination (de Mme de Stael) pour la folie ?
Il est l'arbre, elle est le lierre