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Citations de Tareq Oubrou (23)


Nous distinguons alors deux formes d’abstentionnisme. Celui des deux premières générations, qui n’en était pas vraiment un, comme nous venons de le voir, et celui de certains dogmaticiens tardifs, qui constitue plutôt une ignorance déguisée en attitude piétiste. C’est de cet abstentionnisme dans sa forme radicale et simpliste dont il s’agira ici. Cette posture dogmatique pourrait conduire à une conséquence et à une contradiction inattendues. En effet, l’abstentionnisme crispé serait une légitimation indirecte d’une sécularisation herméneutique, qui irait jusqu’à une lecture du Coran coupée de son origine métaphysique : Dieu. Une sorte d’athéologie. Une vraie bizarrerie. Pour les abstentionnistes stricts, on peut parler du Coran, mais pas de Dieu. On peut avoir une interprétation du Coran, qui d’ailleurs ne dépasse pas la lettre, mais pas de Dieu. Sa Parole est interprétable, mais pas Lui. Ce qui est un paradoxe, car Sa Parole n’est qu’un de Ses Attributs : l’interpréter c’est L’interpréter.

Cette conséquence, qui coupe le Texte de son Auteur, présente une similitude étrange avec la démarche prônée par ceux qui pratiquent aujourd’hui ce qu’on appelle la « critique historique » appliquée au Coran.
(...)
Cette vision qui coupe le Texte de son Auteur, la Parole de son Énonciateur, se traduit en symptômes intellectuels et psychologiques qui ne trompent pas : une intellectualité sèche qui va jusqu'à se traduire aujourd'hui chez certains musulmans, paradoxalement, par un rationalisme et un scientisme obtus qui excluent toute métaphysique ou mystique ; par une absence flagrante de spiritualité ; par une pratique morale et rituelle « exotériciste » et froide ; par des idées fixistes et hostiles à la diversité... ; ainsi que par une piété littéraliste capable de créer des conflits et des comportements immoraux au nom d'une seule Vérité de l'Unicité, laquelle ne souffrirait aucune interprétation, car elle est univoque par essence. (pp. 51-54)
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Depuis l’effondrement du califat (khilâfa), qui symbolisait l’unité politico-religieuse de l’empire musulman, et à cause des séquelles profondes laissées par le colonialisme occidental des XIXe et XXe siècles, le monde musulman a perdu son astrolabe dans cette tempête de l’histoire moderne. Une double rupture caractérisera désormais la situation musulmane : une rupture brutale avec l’héritage historique musulman(1) et une rupture énorme par rapport à la civilisation occidentale dominante d’une part et même par rapport aux civilisations montantes d’Extrême-Orient (notamment la Chine et l’Inde), d’autre part. Cette situation met l’univers musulman dans un double bind généralisé.

La communauté musulmane d'Europe, encore marquée par ses origines ethniques, anthropologiques et culturelles, présente aux yeux de l'Occident un foyer favorable à toutes les dérives, car elle est encore liée à un monde musulman où le retour au religieux s’effectue avec beaucoup d'effervescence incontrôlable et où la religiosité se construit souvent dans une logique de réaction.

(1) L’élite intellectuelle musulmane, plus ou moins « sécularisée », éprouve elle-même, à certains égards, une grande difficulté à lire l’histoire et l’héritage colossal de la pensée musulmane. La rupture est épistémologique. Elle s’explique par une rupture littéraire, linguistique et sémantique. En effet, l’accès à la bibliothèque musulmane qui contient ce patrimoine intellectuel multiforme (théologique, juridique, littéraire, philosophique, scientifique…), exige une grande compétence linguistique classique – entre autres – qui fait défaut chez des intellectuels musulmans généralement « occidentalisés ». Les livres qui renferment ce savoir restent illisibles, hormis pour une poignée de spécialistes. Ils les lisent, quand ils les lisent, à travers le prisme d’un paradigme occidental dominant, issu d’une histoire particulière. Ceci, entre autres raisons, empêche le progrès ou le renouvellement de la pensée musulmane à partir de son paradigme propre, de ses racines et de son histoire, alors que c’est le seul moyen pour mieux s’ouvrir sur le monde moderne et intégrer adéquatement et éclectiquement la pensée occidentale, elle-même polymorphe. (pp. 25-26)
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La sécularisation, sous cet aspect [esprit d’investigation libéré des dogmes religieux], a été un facteur de développement des pays occidentaux, sans conteste. Néanmoins, elle a eu des effets ambigus. Au niveau métaphysique, elle a créé un immense vide où l’athéisme et le polythéisme semblent évidents. La métaphysique, ou même la philosophie en générale, est devenue surannée, démodée. Puis est venu le cri de Nietzsche annonçant la mort de Dieu. Selon une approche archéologique du langage, Foucault nous explique que Nietzsche, par cette annonce, préparait aussi la mort de l’homme et promettait, avec son fameux Retour, le scintillement multiple et recommencé des dieux.

Dans cet élan de sécularisation qui toucha la métaphysique, Foucault, estimant « épuisée » la certitude cartésienne sur l’existence de l’ego, fait remarque que pour le cogito moderne, le « je pense » ne conduit plus à l’évidence du « je suis », c’est-à-dire que le cogito ne conduit plus à une affirmation sur l’être, mais ouvre la porte à tout un ensemble d’interrogations, et nous plonge dans un relativisme poussé à l’extrême. Dans ce climat épistémique, et après l’épuisement du sens et du discours sur Dieu et sur l’Homme, il ne reste à l’humanité que le pragmatisme. Fausse consolation existentielle. Sa forme dominante aujourd’hui est la logique qui veut que tout ce qui est techniquement possible devient souhaitable. En l’absence d’une philosophie et/ou une éthique des limites, et devant un progrès que rien n’arrête, la sécularisation, perçue ainsi, pourrait constituer une menace pour la vie même de notre planète.

Dans un vide de sens, prospère une idéologie marchande. Celle-ci consiste à exalter les pulsions élémentaires, à multiplier les besoins et tend à réduire l’homme à une seule dimension, à une seule fonction : la consommation. Ceci dans un contexte où le monde est plus que jamais inégalitaire, avec de grands déséquilibres économiques, militaires, démographiques. (pp. 11-13)
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