- Les philosophes se livrent à des raisonnements sans fin. Ils ont des principes, mais ne les appliquent jamais dans leur propre existence.
- Comme Martin Heidegger ? demanda Zoé.
- Comme tout le monde, dit Asher.
-Elie Schacten est admirable, admit Mueller. Mais elle tente de trouver un sens à quelque chose qui lui échappe.
Les deux hommes observèrent un bref silence en signe de leur profond respect envers Elie Schacten... qui les fournissait en schnaps et embaumait un parfum de rose thé.
Tout en taillant des verres, Asher se demanda si son éternelle conversation avec Heidegger était prémonitoire, puisque à Auschwitz les gens côtoyaient la mort de si près qu'ils ne pouvaient échapper à leur propre mortalité. [...]
Le stalag entier lui faisait penser à une morbide Forêt-Noire de l'Etre, un parc d'attractions macabre où les baraquements remplaçaient les arbres.
Toutefois, il se retint de céder à ce sentiment de bien-être et concentra son attention sur l'homme assis en face de lui. Etait-ce vraiment Heidegger, ou un imposteur ? Par ailleurs, une discussion philosophique était-elle un prélude à la mort ?
Ces missives faisaient partie intégrante de la Briefaktion (l'Opération Courrier), où l'on obligeait les prisonniers à écrire à leur famille en vantant les conditions de vie dans les camps et les ghettos. Les lettres étaient transmises à l' Association des juifs de Berlin, afin que nul ne connaisse leur provenance.