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Critiques de Tim Gautreaux (148)
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Nos disparus

La Louisiane des années vingt, c’est encore et toujours ce Sud miséreux et poisseux, ravagé par le tord-boyaux de contrebande et la chaleur moite. Territoire de marais et de forêts sauvages, ce pays n’est en rien hospitalier. Mais il constitue un formidable terreau pour la littérature de nature à forger des vies laborieuses ou mettre les hommes de valeur à l’épreuve.

C’est le cas de Sam Simoneaux. Seul rescapé du massacre qui a décimé sa famille, il a toujours su éviter les balles de calibre .38 ou .45. Il faut dire que La Nouvelle-Orléans, pas encore NOLA, cultive une certaine élégance la distinguant de cette région rustre et primaire. On aspire à y vivre paisiblement avec des souliers parfaitement cirés et des cols de chemise bien repassés au rythme de quelques mélodies improvisées dans les rayons du magasin Krine. Même lorsqu’on est un "cul-terreux de Cajun".

Sam ne pouvait vivre ailleurs, il a su exorciser son passé, tenir ses fantômes à distance et mener une vie sereine…jusqu’à l’enlèvement de la petite Lily.

Chargé de la retrouver, Sam embarque sur un vieux steamer à la dérive pour un voyage plus éprouvant que prévu. Remontant le fleuve, il y a la menace des coups de pelle et des colts mais aussi ce kidnapping qui réactive, au fur et à mesure de l’enquête, les résonances lointaines de sa propre histoire intime sur laquelle le temps a passé…





Tim Gautreaux n’est plus un auteur prometteur. Avec un troisième roman ample, âpre et généreux laissant le sentiment d’une simplicité enveloppante, il est désormais un romancier aguerri. Comme dans le précédent opus Le dernier arbre, il parvient à tisser les fils de deux drames intimes au cœur d’un récit d’aventure palpitant. On y retrouve certains tropismes : la brutalité des choses faisant de l’humanité quelque chose de précieux et d’éclatant, le murmure d’un monde qui se désagrège, un homme intègre confronté à ce qui le dépasse …des composantes propres à dessiner brillamment un roman sombre et puissant.

Bien que les personnages soient taillés au canif, l’histoire ne se contente pas d’une trame cousue de fil blanc. Elle se développe le long de petites failles sans pour autant explorer les consciences, Tim Gautreaux a préféré construire un récit dense, offrant des images fortes et sobrement hanté par la question de la perte, du deuil, de la résilience et de la justice. Il n’y a donc ni esbroufe, ni surenchère, mais un texte qui se colore d’une tonalité profonde et grave avec une humilité passionnante. On se laisse ainsi facilement prendre par un récit qui ressuscite un monde rural clivé et archaïque, une narration baignée par la foi solide en la morale de Sam et qui accorde peu de place pour des sentiments flottants entre les lignes.

Roman captivant. Auteur convaincant.

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Nos disparus

Dans la famille on a pas eu d'bol, je tire Sam Simoneaux et je retiens un.

Bébé unique rescapé d'un massacre familial, le gars aura cependant eu la fortune de réchapper à une guerre qu'il aura connue sur le tard.

Et là, vous vous dites que le bonhomme a le uc bordé de nouilles.

Oui, mais non.

Devenu responsable d'étage d'un grand magasin, il ne pourra empêcher l'enlèvement d'une gamine, Lily Weller, et donc, de par le fait, un licenciement sec dans la foulée. Alors qu'avec un s'il vous plaît et un peu de crème, ça passait tout seul.

Mais le garçon a de la ressource et de la bonne volonté à revendre.

Désormais pianiste amateur et troisième lieutenant sur l'Ambassador, fier bateau à aubes (et non à daube, cf le Titanic) sillonnant le Mississipi, il n'en reste pas moins tributaire des Weller et mettra donc un point d'honneur à retrouver leur fillette coûte que coûte.



Très joli moment offert par un Tim Gautreaux fort inspiré.

Pas que le récit soit démonstratif en terme d'action pure et de twists endiablés, le rythme est à l'image fidèle de l'Ambassador traçant sereinement son sillon sur les eaux saumâtres du Mississipi, mais il est un domaine dans lequel l'auteur excelle, l'ambiance.

Sur fond de jazz mystique et enjoué déversé dans de bien sombres salles enfumées, l'auteur nous emporte dans une quête, une inaccessible étoile - certain que quelqu'un en fera une chanson, un jour - celle de la vie plus forte que l'affliction et la désolation planant sur ces bien tristes hères.



Une galerie de portraits divers et variés, tant sur le plan humain que celui de l'inculture dangereusement crasse qui parfois les habite, fera le bonheur des petits et des grands.

Comme ça, de visu, je tablerai sur une fourchette de 1,62m à 1,93m histoire de répondre à une interrogation plus que légitime.

Les protagonistes enchantent -souvent déchantent- tout comme le contexte original qui ne cesse de vous envelopper de ses mélopées jazzy égrenées au rythme de l'eau.

Un bonheur de lecture qui se marie, paradoxalement, fort bien avec une sombre trame habilement troussée.



Nos disparus est un récit passionnant aux ramifications multiples.

La famille, l'héritage, la descendance, l'inné et l'acquis, un questionnement douloureux de tous les instants qui saura vous séduire pour peu que vous daigniez embarquer à bord de l'Ambassador, fier bateau à au...
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Le dernier arbre

1923, dans l’un des bayous de la Louisiane se dresse la scierie des Aldridge. Byron Aldridge y fait régner l’ordre en tant que constable. Revenu de la première guerre mondiale du continent européen, salement traumatisé, il a déserté les projets ambitieux de son père en ne donnant plus aucune nouvelle à celui-ci resté en Pennsylvanie. Son frère Randolph est dépêché pour reprendre la direction de la scierie et le ramener dans le giron familiale. Mais c’est sans compter les luttes de pouvoir avec la mafia locale sicilienne qui tient le seul endroit de plaisir local, le saloon, à la fois casino et lupanar…

Remarquable aventure humaine que nous raconte Tim Gautreaux en plein cœur de sa Louisiane natale. Les personnages sont attachants et on est vite emporté par cette guerre de pouvoir entre les forces du mal et du bien qui se joue aussi bien au sein de l’exploitation forestière que dans la tête cabossée des deux frères.

« Le dernier arbre » est un véritable page-turner. C’est une petite pépite !

Préface de Caryl Férey.

Traduction de Jean-Paul Gratias.

Editions Du Seuil, Points Signature, 472 pages.

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Nos disparus

Quel magnifique livre ! J’ai un énorme coup de cœur pour ce roman de Tim Gautreaux et le referme à regret. Mélange de quête et d’intrigue à suspense, ce roman fleuve, qui suit les méandres du Mississipi, contient tous les ingrédients nécessaires pour séduire le lecteur : une trame bien ficelée, des dialogues accrocheurs, une peinture de l’époque précise, des personnages attachants et des décors somptueux – ici le Mississipi, ses forêts et son arrière-pays.



Sam Simoneaux est un jeune catholique honnête et travailleur marqué par un drame terrible. Sa famille tout entière a en effet été massacrée lorsqu’il était enfant par le clan des Cloat, des fermiers sans foi ni loi qui hantent encore les comtés de leur région. Après la Grande Guerre, Sam rentre à la Nouvelle-Orléans et devient responsable d’étage aux grands magasins Krine. Il pense avoir trouvé un peu de paix auprès de son épouse. Hélas, sa vie bascule à nouveau le jour où Lily Weller, une fillette de 3 ans, est enlevée sous ses yeux. Licencié et incapable d’oublier cette tragédie, il se fait engager sur l’Ambassador, le bateau à bord duquel travaillent les époux Weller, et va tout tenter pour retrouver la trace de Lily en enquêtant à chacune de leurs escales. C’est ainsi que les Cloat réapparaissent dans la vie de Sam, qui va devoir affronter ses pires démons, poursuivant ses ennemis jusque dans les étendues sauvages de l’Arkansas.

Tim Gautreaux parvient brillamment à redonner vie à cette époque fascinante où les bateaux à aubes descendaient le fleuve et où l’on swinguait sur les premiers airs de jazz, dans une nation en pleine expansion dont les étendues les plus reculées étaient en proie à la loi du plus fort. Nos disparus est à la fois l’histoire bouleversante d’une rédemption et une méditation profonde sur la loi, la culpabilité, la force des liens du sang et l’inutilité de la vengeance.

Un immense bonheur de lecture.

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Nos disparus

Les armes à feu doivent rester au vestiaire!



Après avoir décimé une forêt dans son précédent livre, Tim Gautreaux nous invite en croisière à bord de l'Ambassador, bateau à aubes décrépi sur le majestueux Mississippi.

Car cette salle de concert flottant est bien un des personnages de cette peinture sociale et historique des années 20 aux Etats Unis.



Quel conteur, monsieur Gautreaux!

On s'y croit, sur les parquets cirés, tapant du pied sur de la Blue Grass music au rythme du banjo de "Turkey in the straw".

On participe aux bagarres générales de culs-terreux avinés au tord-boyau de contrebande, au rythme des quadrilles de musique country et du fox-trot. Un monde joyeusement violent, de bourgeois élégants, de petits métiers miséreux, de bougres primaires et immoraux, de cousettes à aigrettes, de joyeux fêtards en canotiers et de musiciens déchaînés. Les années folles remontant le grand fleuve depuis la Nouvelle Orléans, sous fond de prohibition et avant la Grande Dépression.



Dans cet univers de plaisirs et de musique de jazz, Sam Simoneaux se retrouve embarqué à double titre d'employé et de détective sur les traces de rapt d'enfant.

Sam, cajun ancien combattant, orphelin d'hier, et père de jeune descendance disparue, porte en lui un sentiment de perte si fort qu'il s'implique et s'investit en compassion et empathie. Chercher les traces d'une petite fille le fera s'égarer dans les trous reculés de l'Arkansas et du Mississipi, ses habitants frustres et sa végétation luxuriante. Il y retrouvera la piste de sa propre tragédie familiale.



En dépit de la violence du contexte, il y a une gaité débridée, une énergie vivifiante dans la narration. Moins sombre que son livre précédent, l'auteur nous offre une histoire forte avec des personnages attachants, racontant magnifiquement sa région et les hommes qui l'ont construite.

En dépit d'un lourd contexte de vengeance et de culpabilité, on referme le livre avec l'espoir que vivre sans haine peut être la plus belle vertu humaine.



Très beau voyage musical!

Et remerciements à Masse critique et aux Editions Seuil (www.seuil.com) pour ce partenariat

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Le dernier arbre

Ils vont couper la forêt jusqu’au dernier arbre, puis partir recommencer ailleurs. Ils, ce sont Les frères Aldridge, deux fils d’un riche négociant en bois de Pittsburg qui a envoyé, dans les années 20, l’ainé ramener le cadet, un traumatisé de la Grande guerre devenu le constable d’une exploitation forestière dans un coin paumé et hostile de la Louisiane.



Sur l'exploitation et autour d’un saloon tenu par la mafia locale, des ouvriers rongés par l’alcoolisme et la maladie sont gérés différemment par les deux frères. Là où l’un utilise la méthode forte, l’autre privilégie le dialogue pour apaiser les tensions de ce monde en vase clos, des hommes pauvres et qui le restent quand la communauté est dissoute à la coupe du dernier arbre.



La puissance d’évocation de la nature n’est pas la seule qualité de ce roman. Tim Gautreaux y décrit aussi remarquablement, en évitant l'écueil de la caricature, les rapports d'hommes pris dans les excès des débuts de l’industrialisation nés d'un libéralisme économique sans limites.

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Nos disparus

Quand Sam Simoneaux rentre en 1921 à la fin de la Grande Guerre, il est traumatisé. Il devient responsable dans un magasin Krine et son chef le rend responsable de la disparition d’une petite fille de trois ans. Pour essayer de s’amender, il va partir à la recherche de la fillette en s’engageant du même coup sur l’Ambassador, un bateau à aubes qui organise des soirées musicales, parfois assez agitées.

Nos disparus, c’est l’histoire personnelle de Sam, son enfance, son passage en France à la fin de la guerre, la recherche de Lily. Nous sommes en Louisiane, dans les années 20, une bonne partie de l’histoire se passe sur l’Ambassador, l’ambiance est spéciale entre les fêtes et l’attente des parents de Lily, la musique jouée par l’orchestre. C’est un roman foisonnant, la guerre, la musique, l’alcool, les attentes, les pensées sur la perte, le deuil… Nos disparus, c’est une époque, la vie des Cajuns en Louisiane, l’appartenance à une famille. Pas un rythme trépidant mais l’intérêt est toujours là, tenu par la belle plume de Tim Gautreaux. Je reviendrai vers cet auteur qui m’a marqué de jolie façon.

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Le dernier arbre

Huis clos forestier d'une intensité remarquable.



Prenez un lieu paradisiaque, porteur d'une douceur de vivre inégalée.

Pouf, pouf ce se-ra la scie-rie en Lou-i-siane !

Comme contexte hautement testostéroné et régulièrement imbibé, c'est cinq étoiles au guide de l'enfer sur terre.

En lieu et place du constable, placez-y un gars marqué par la Grande Guerre. Byron Aldridge fait le boulot en ressassant ses traumatismes guerriers, aidé en cela par la boutanche pas loin d'être devenue sa meilleure alliée.

Randolph, lui, missionné par son père, n'a d'autre but que de rééquilibrer les comptes de l'exploitation tout en tentant de renouer des liens par trop distendus avec son frangin.

Si le boulot est âpre, le saloon apparait libérateur.

Source d'innombrables conflits, il pourrait bien devenir le pivot central d'une guerre ouverte entre les Buzetti, heureux propriétaires un brin mafieux de ce bouge infâme, Jésus Marie Joseph, et les frères Aldridge.



Le Dernier Arbre, d'une puissance peu commune, fait montre d'une intrigue originale et d'un découpage au cordeau.

S'appuyant sur une industrialisation galopante faisant fi de toute considération idéologique autre que celle du profit, ce récit belliqueux s'enracine inexorablement en vous, porteur d'un contentement de lecture que l'on pressent rapidement allant crescendo.



De fait, difficile de ne pas s'attacher à tous ces personnages romanesques et à l'atmosphère suffocante qui ne manquera de vous affoler le palpitant.



Ambiance western, sauce Amérique sudiste des années 20, ce Dernier Arbre n'en finit pas de jouer avec nos nerfs, usant du curseur émotionnel comme d'un yo-yo, pour finalement lâcher les quatre Cavaliers de l'Apocalypse, précurseurs célestes d'un monde en voie de disparition.



Petite part d'humanité dans ce monde de brutes, ce phonographe incongru et ses airs d'opéra suspendant un court moment le temps et sa course folle...



4,5/5
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Nos disparus

Tim Gautreaux était une des belles découvertes de l’année 2013 avec son Dernier arbre. Il confirme avec Nos disparus tout le bien que l’on pouvait penser de lui.

Comme dans son premier roman, nous sommes en Louisiane après la Première Guerre mondiale. Débarqué à Saint-Nazaire le 11 novembre 1918, Sam Simoneaux n’a pas connu les combats mais est resté plusieurs mois pour mener une tâche absurde : tenter de déminer les champs de batailles en récoltants obus, bombes, mines et grenades non explosés pour les faire sauter définitivement. Un travail éprouvant et à l’image de toute la guerre, traumatisant.

C’est ce jeune cajun intelligent mais un peu timide, pétri d’une éducation catholique, que Tim Gautreaux nous propose de suivre à son retour. Devenu chef d’étage d’un grand magasin de la Nouvelle-Orléans, Sam va être incapable de retrouver une petite fille de trois ans qui a échappé à la surveillance de ses parents et dont il apparaît vite qu’elle a été enlevée. Pointé du doigt par les parents de la fillette, par son patron et même, dans une certaine mesure, par sa propre épouse pour n’avoir pas pu empêcher le drame, il décide de se lancer seul à la recherche des kidnappeurs. Une enquête qu’il va mener le long du Mississipi à bord de l’Ambassador, bateau d’excursion à aubes qui remonte et descend le fleuve le temps d’une saison avec un orchestre de jazz et sur lequel travaillent les Weller, parents de la petite disparue.



Comme Le dernier arbre, Nos disparus est d’abord le roman d’un monde en train de disparaître, la Grande Guerre étant le marqueur d’un passage définitif à un vingtième siècle dans lequel il faudra désormais que les protagonistes trouvent leur place. De l’Ambassador lui-même qui, comme une vieille putain trop maquillée finit de naviguer sur le Mississipi avec des couches de plus en plus épaisses de peinture qui masquent mal son délabrement jusqu’à la découverte d’une famille de hors-la-loi qui achève de se décomposer en passant par ces villes du bord du fleuve survivantes du temps de l’industrialisation glorieuse dont elles ne semblent avoir gardé que la fumée et la pollution tandis que la population, lumpenproletariat ravagé par l’alcool frelaté, se meurt lentement, le monde saisissant que dépeint Gautreaux est l’expression même de ce changement qui, s’il est peut-être plus lent que dans l’Europe qui a vécu la guerre, n’en est pas moins inéluctable.

C’est dans se monde que Sam Simoneaux se débat avec sa culpabilité. Pour avoir laissé la petite Lily Weller se faire enlever, pour avoir survécu au massacre de sa famille quand il n’avait que six mois, pour avoir laissé derrière lui, en France, une orpheline blessée par sa faute. Le poids de cette culpabilité et celui de l’absence de ces disparus pèse sur ses épaules tout au long de ce roman. Pour autant, et même s’il semble parfois, dans un bien catholique exercice d’auto flagellation, se résigner à supporter ce fardeau, Sam n’en démontrera pas moins une impressionnante force de caractère et, surtout, une belle capacité à l’empathie et à lutter contre les sentiments les plus sombres qui pourraient le guider.

Car si Gautreaux reprend comme dans son précédent roman sa réflexion sur les liens familiaux – ceux dont on hérite et ceux que l’on crée – il pousse ici plus que dans Le dernier arbre une autre thématique importante de son œuvre qui n’en fini pas de bouleverser Sam Simoneaux et de nourrir ses atermoiements : la question de l’inanité de cette vengeance qui, chez Gautreaux, dresse une frontière entre sauvagerie et civilisation.



Tout cela se dessine dans un roman constamment en tension dans lequel s’enchaînent les scènes surprenantes ou poignantes derrières lesquelles se dessine une société en plein changement dans laquelle certaines choses ne changent cependant pas : le racisme et la discrimination à l’égard des minorités, qu’il s’agisse ici des musiciens noirs embarqués sur l’Ambassador ou des Cajuns, l’impunité dont bénéficient les plus violents et les plus riches. Sans que pour autant Sam Simoneaux abandonne tout espoir de vivre lui aussi avec sa famille le rêve américain. Un rêve dont l’Ambassador, au sortir d’une séance de rafraîchissement de ses peintures, représente une belle métaphore sous les yeux de Sam :



« Il leva la main, puis la laissa retomber.

-Je n’y comprends rien. Il y a quelques jours encore, c’était une épave puante. Aujourd’hui, il me donne envie de partir en croisière au clair de lune. »


Lien : http://www.encoredunoir.com/..
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Le dernier arbre

Le dernier arbre : le titre porte en lui la fièvre d’un monde lancé dans une course effrénée dans l’industrialisation, avec des scieries qui s’installent dans les forêts les plus inhospitalières, noyées dans des marécages nauséabonds mais riches de cyprès chauves. Découper, scier jusqu’au dernier arbre avant d’investir de nouveaux territoires, conquérir de nouveaux espaces où prolifère l’or vert, malgré les conditions de vie, malgré les obstacles…



Nous somme en Louisiane, à Nimbus, et la Louisiane des années vingt décrite par Tim Gautreaux est un monde perdu dans les marais, peuplé de moustiques, inondé de chaleur moite qui condamne aisément le sentiment d’humanité chez les hommes au profit du sentiment de survie. Véritable bourbier, ce bout de territoire retient captif dans ses eaux boueuses les hommes venus travailler car lorsque les marécages ne les rendent pas malades ou ne les tuent pas avec ses serpents ou ses alligators, ils doivent éviter les coups et les balles des Winchester vite dégainés sous l’effet de l’alcool seul réconfort dans cette vie de labeur.

Dans ce monde rustre et enclavé, abandonné à la loi du plus fort, il y a pourtant des personnages de bonne volonté : Byron le constable de la scierie et le nouveau patron Randolphe Aldridge.

Loin de se contenter de raconter une histoire de territoire ou de pionniers partis à la conquête de l’or vert, l’auteur raconte aussi une histoire d’hommes, une histoire de valeurs et peut être une histoire de rédemption…





« Le dernier arbre » s’inscrit parfaitement dans la lignée des romans américains sombres qui s’intéressent à la population du Sud : il en a fait un récit qui met les hommes à l’épreuve avec un sentiment de promesse et de désillusion mêlées. Entre impuissance et rage sourde, sentiment d’injustice et sursaut d’orgueil, le style de Tim Gautreaux parvient à faire émerger une beauté silencieuse qui embrase lentement le récit avec une sorte de mystique de l’existence. Et pourtant, il y n’a rien d’évanescent, le lecteur est confronté à la brutalité des choses, la violence des hommes, le murmure du progrès, sans oublier cette petite voix interne entêtante qui résonne au creux de l’oreille du lecteur contemporain et qui s’élève face à la main dévastatrice de l’homme envers la Nature.

C’est un roman dense qui charrie des images belles et fortes. Coup de cœur.

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Nos disparus

Il y a un moment que j'aurais dû entreprendre ce voyage sur le Mississippi,  ce livre squattait ma PAL depuis de nombreux mois.

Alors, quoi de mieux que cette période de confinement pour s'évader ?

Pour cela, j'ai dû remonter jusqu'aux années 1920.

J'ai pris ma plus grande malle, j'y ai déposé quelques costumes, ma clarinette, sans oublier quelques partitions des plus beaux morceaux de jazz de l'époque et j'ai embarqué sur ce vieux bateau à aubes, "L'Ambassador".

Bon, j'avoue qu'en posant le pied sur son plancher, je me suis interrogé sur sa solidité, selon toute vraisemblance on venait de lui donner un coup de jeune, mais la peinture ne fait pas la solidité du bâtiment.

Voilà comment Tim Gautreaux m'a emmené sur les traces de ses disparus.

Il m'a fait rencontrer Sam Simoneaux ce responsable d'étage d'un grand magasin de la Nouvelle Orléans qui a vu sa vie basculer le jour ou une petite fille a été kidnappée sous ses yeux.

Orphelin à la suite du massacre de sa famille, il se voit chargé, par les parents de l'enfant, de la retrouver.

Des recherches qui vont l'amener à se questionner sur son propre passé.

Gautreaux vous mène en bateau donc, aux sons des orchestres de jazz, au rythme des danses et des bagarres, mais il vous invite aussi à prendre le train, vous aurez même le plaisir (ou pas) de faire un bout de chemin à dos de mulet ou de chevaux qui souvent ne sont pas les plus fiers représentant de la race.

J'ai adoré ce roman.

Ce personnage tout en ambiguïté, en questionnement, en incertitude, en fragilité. 

Tous les autres qu'ils croisent, ses proches, ceux qui l'aident ou ses ennemis.

Ce rafiot où une population parfois miséreuse, vient chercher quelques heures de bonheur en se défoulant sur le parquet ou en s'enivrant d'alcool frelaté.

Cette musique aux accords divers selon la couleur des musiciens, un orchestre en harmonie avec la clientèle  embarquée.

Un récit tout en douceur, un peu comme ce fleuve sur lequel on navigue, il y a parfois des remous, un courant plus fort ou contraire, mais on ne dévie pas de sa trajectoire,  on garde le cap, on tient bon la barre.

Sam a un objectif. Sam n'est pas un héros, il ne cherche même pas à l'être, au contraire, on peut même le trouver lâche.

Tim Gautreaux nous dresse le portrait d'une certaine Amérique, entre deux siècles, pas tout à fait sortie de la violence du 19ème et pas encore entrée dans le monde moderne.

Une région ou l'on tente de survivre à la misère en exploitant un lopin de terre aride. Où les hommes aux mains calleuses se battent, au sens propre comme au figuré, pour donner à leur famille de quoi se nourrir et l'espoir de jours meilleurs.

Les visages sont marqués par les épreuves de la vie, vieillit avant l'âge, les yeux sont souvent humides, les corps sont meurtris par les tâches ou les coups, mais pourtant, on y voit parfois quelques sourires...







 

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Nos disparus

Un Cajun de la Louisiane, un gars qui n’aspire qu’à un petit job tranquille dans un grand magasin, mais dont le destin ne cesse de troubler l’existence.



Il est hanté par le passé, sa survie au massacre de sa famille, sa découverte de la guerre lorsqu’il se rend sur en Europe en 1918. La guerre est finie, mais des hôpitaux accueillent les estropiés et il faut nettoyer les champs qui sont d’immenses cimetières parsemés d’obus, de mines et de grenades.



Revenu au pays, Sam Simoneaux se concentre sur son travail, mais l’enlèvement d’une fillette l’amène à naviguer sur le Mississippi, sur un des grands bateaux qui offrent des divertissements musicaux aux riverains.



C’est un portrait très dur du pays et de l’époque : des bourgades isolées, affligées de violences gratuites et où la richesse permet souvent d’acheter les consciences. Mais où on trouve aussi des gens honnêtes et travailleurs, des artistes de talent et des perles de sagesse.



Notre héros trouvera-t-il son chemin en parcourant les méandres du fleuve et galopant à travers la campagne hostile? Et saura-t-il résister au désir de vengeance qui peut transformer une victime en meurtrier?



Un bon gros roman, une bonne histoire, un dépaysement assuré, un merveilleux moment de lecture, que demander de plus !

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Le dernier arbre

Difficile de poser les pieds au sec, sur ce sol bourbeux et noirâtre, dans cette exploitation forestière de Louisiane perdue au fin fond des marais. Dans l’objectif d’un futur achat, Jules vient y faire une expertise pour son patron, gros négociant en bois de Pennsylvanie. C’est là qu’il y découvre Byron Aldridge, constable de ce trou perdu et fils aîné de son employeur qui le cherche depuis quatre ans. Nous sommes en 1923. En revenant, hagard, de France et des combats de la Grande Guerre, Byron a déserté l’entreprise paternelle. Son frère cadet, Rudolphe, quitte alors Pittsburgh pour prendre la direction de cette nouvelle exploitation et tenter de ramener son frère dans le cercle familial.

S’enfoncer vers le Sud, c’est progresser vers la désolation, l’absence de routes goudronnées, la chaleur moite et poisseuse, les zones marécageuses et leur myriade de moustiques qui vous criblent assurément la nuque bien pire qu’une séance d’acupuncture.



Arrivé sur place, à Nimbus, Rudolphe se retrouve dans les rues boueuses, face à des baraquements miteux noyés sous les pluies quasi quotidiennes, un triste alignement de cahutes destinées aux travailleurs de couleur, un vaste saloon et des jets de vapeur crachés par la scierie. Ici, l’hostilité est aussi bien présente dans la nature que chez ceux qui l’exploitent. Le lieu est le paradis, entre autres, des mocassins d’eau, longs serpents venimeux. Les bagarres d’hommes avinés ne peuvent être réprimées qu’à coup de fusil ou, au mieux, matraquées par le canon du marshal assené sur le plus déchaîné de tous. Il n’y a pas que la sève des cyprès chauves, dont le bois imputrescible doit être exploité in extenso, qui coule sur ces terres marécageuses. Outre la sueur répandue par les ouvriers souffrant de la chaleur humide accablante, le sang vient très régulièrement tacher aussi le sol en bois du saloon. Dans cet établissement, détenu par des Siciliens peu scrupuleux, la triche et l’alcool remplissent les poches des mafieux et, afin d’endiguer la violence, une fermeture demandée par le constable le dimanche va être très, très mal perçue…

La violence bouillonne, les éclairs de rasoirs scintillent le samedi soir et la loi a beaucoup de mal à se frayer un passage dans ces marais nauséabonds.



Par son déroulé hautement cinématographique qui emporte le lecteur vers ce coin terriblement dépaysant de Louisiane, ce roman fascine par sa combinaison de haine, de dégoût, d’injustice, de violence où surnagent pourtant de magnifiques approches d’amour fraternel, conjugal et filial, de reconnaissance, d’entraide.

Byron est une victime du patriotisme exigé par la figure paternelle et face à l’insistance de son frère qui désire rétablir son état mental, aidé par des verres emplis de liquide ambré, il finit par raconter les amas de cadavres, les tirs, les groupes pulvérisés. Pour tenter de continuer à vivre malgré ces atrocités, sa pile de disques de chansons sentimentales qu’il passe sur son phonographe détonne dans ce milieu hostile. L’amour pour ce frère aîné qui l’a aidé à grandir, les coups de pelle qui viennent remplacer les coups de feu de Byron pour faire plaisir à son jeune frère révèlent la force et la beauté de leurs liens fraternels.

Rudolphe, parfaitement formaté par son père en ce qui concerne le profit d’une entreprise, laisse parfois taire la voix du porte-monnaie lorsqu’il s’agit de vies humaines. Au-delà du patron, il est intéressant de constater ses décisions et ses efforts pour amener un semblant d’équilibre et de justice dans cette scierie.

Bien que voilés de discrétion, Tim Gautreaux donnent également aux femmes des rôles majeurs qui viennent contrebalancer les excès humains tout en pointant le piège que peut revêtir ce Sud avec ce manque de considération de la femme de couleur. Il vous faut aussi faire la connaissance du petit Walter…



Un Noir blessé ne vaut pas le déplacement d’un médecin, un cyprès chauve ne doit pas rester debout après le passage de l’homme.



Outre l’émergence de l’exploitation dévastatrice de l’homme sur la nature, la continuité de l’exploitation de l’homme par l’homme cupide, c’est l’insignifiance des vies humaines qui frappent dans ce livre. La corrélation avec la guerre est intelligemment et justement établie ici.

L’intrigue est efficacement menée mais c’est loin d’être l’essentiel de ce très bon roman qui me laisse une profonde impression, filant et s’étendant à la surface d’un bayou inhospitalier.

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Nos disparus

Ca aurait pu être un roman d'aventures ou un roman noir, l'auteur aurait pu mettre un peu plus de tension pour émouvoir nos émotions, il aurait pu faire de son personnage principal Sam Simoneaux un héros d'une habilité de vent, d'une perspicacité à la tronche de Sherlock Holmes, d'une intelligence infaillible avec un récit mouvement de heurts, de tournures abracadabrantes à couper le souffle...he bè, il n'en est rien...et c'est aussi toute la beauté de ce livre! Sam Simoneaux n'est pas un personnage enthousiaste, un super homme, il est simplement vivant, il se retrouve dans une enquête intéressante de vol d'enfant d'une manière circonstancielle, il est attachée à une tragédie qui a frappé sa famille alors qu'il n'avait que Six, son père, sa mère, sa sœur, son père vont périr, vingt sept après aucune flamme de vengeance troublera sa vie...mais tout va se faire avec le temps...
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Nos disparus

Musique, famille, culpabilité, responsabilité et vengeance : voici les maitres mots de Nos disparus, un roman de Tim Gautreaux, qui nous propose de nous embarquer sur un bateau à escales à la recherche d'une enfant kidnappée.



Il y a plein de belles choses dans ce livre. J'ai beaucoup aimé voyager sur l'Ambassador, le bateau à aube qui parcourt le Mississippi, engrangeant et dégorgeant tout un tas de passagers venus découvrir et danser sur le jazz de l'orchestre noir en buvant du whisky de contrebande, tour à tour gredins, ouvriers, bourgeois... Les personnages qui travaillent sur l'ambassador sont bien campés. Les descriptions des paysages sont très réussies.

J'ai trouvé ceci dit un certain nombre de longueurs dans le récit. Et puis, je n'ai pas beaucoup aimé le côté sentencieux du personnage principal, Sam (et de quelques autres, comme l'oncle Claude), ni adhéré à l'accusation sans fin des Weller contre Sam. J'ai trouvé dans Nos disparus un coté moralisateur et "gentillet", à la façon de La petite maison dans la prairie. Les gentils garderont leur pureté en regardant les méchants se vautrer dans leur misère, leur saleté, et leurs regrets. D'ailleurs, ces "méchants" sont un peu bêtes, et j'ai plus d'une fois pensé aux frères Dalton en lisant les actions et pensées des frères Skadlock. Enfin, la fin tire beaucoup sur le côté sentimental, visant visiblement à tirer la larme à l'œil.



Nos disparus est une lecture plaisante, agréable, qui aurait mérité, à mon avis, quelques coupures et un peu moins de manichéisme dans son traitement.

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Le dernier arbre

Le dernier arbre, est publié en poche dans la collection "Grands romans points".

Il y est tout à fait à sa place, car c'est un grand roman.



L'histoire des deux frères Aldridge, réunis après la première guerre mondiale dans un entreprise forestière de Louisiane, tient tout à la fois du roman de meurs, du western et du roman noir.



Le talent de narrateur de Tim Gautreaux, éclate à chaque description, à chaque dialogue.

Nous vivons ce que vivent les protagonistes du roman, nous avons l'impression de lire, non pas une fiction, mais un récit vécu, tant la crédibilité du propos est grande.



Le tout restant une lecture très accessible sans grand effet stylistique.



Un peu à la façon de Simenon dépeignant la petite bourgeoisie provinciale, Gautreaux, raconte avec simplicité mais avec une grande force d'évocation, la vie d'une scierie dans l'Amérique rurale sudiste des années vingt.



Un vrai grand beau roman...
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Nos disparus

Voilà ce qui s’appelle avoir une chance de cocu ! Sam Simoneaux ainsi que les autres combattants Américains, arrivent en France pour participer à la Première Guerre Mondiale le… 11 novembre 1918.



À peine descendu de leur rafiot, c’est des scènes de liesse partout : la guerre est finie. On pourrait penser qu’ils vont se tourner les pouces, mais non, faut déminer les champs remplis de grenades, bombes, obus… Sans se faire exploser sois-même !



Dès le début, en quelques pages (40), l’auteur, de sa plume sans concession, nous démontre toute l’absurdité, toute la bestialité, toute la cruauté et l’inhumanité d’une guerre. Nos soldats, tout dépités lorsqu’ils étaient arrivés de ne pas pouvoir participer à cette Grande Boucherie, comprennent ce à quoi ils ont échappés. Voir les corps déchiquetés et la terre éventrée vont les secouer et les traumatiser.



Ensuite ? Retour à la casa América pour nos hommes et Sam Simoneaux se retrouve à la Nouvelle-Orléans comme responsable d’étage aux grands magasins Krine.



N’allez pas croire qu’on se la coule douce, dans les romans de Tim Gautreaux. Nous sommes dans le Sud de l’Amérique, et c’est toujours un Sud poisseux et inhospitalier que nous allons évoluer. Un Sud aux mentalités raciales que vous connaissez bien. La tolérance, c’est toujours un gros mot.



Ici, on boit de l’alcool de contrebande, sorte de tord-boyaux qui donnera un peu de courage aux gens ou qui les fera oublier dans quelle misère noire ils vivent. Certes, tous ne vivent pas dans la misère, mais les contrastes sont assez prononcés entre les deux populations : les très riches et les pauvres.



Qualifier ce roman de policier ne serait pas faux, nous avons notre Sam qui va se muer en enquêteur de fortune afin de retrouver la petite fille kidnappée, presque sous ses yeux, au magasin.



Mais ceci n’est qu’une partie visible de l’Histoire avec un grand I. C’est aussi de l’Aventure que l’on vous propose, une Quête, parce que retrouver la gamine est une sorte d’exorcisme, une expiation d’une faute ancienne. Ce roman mélange habillement tout ces genres pour nous donner un plat de résistance dont on se pourlèche les babines.



Sorte de voyage initiatique sur un bateau à aubes remontant le Mississippi sur des airs de jazz et de bagarres, l’auteur nous ballade à travers le Sud sans que l’on voit le temps passer, nous présentant une (faible) partie de ses plus mauvais gens. Et les pires ne sont pas toujours chez les pauvres ! Mais certains valent la peine qu’on ne les croise jamais de notre vie.



J’ai joué de la musique pour des culs-bénis, des soulards ou des péquenauds, j’ai dansé au son de la musique Noire, j’ai essuyé des crachats, lavé le pont souillé de vomi, l’ai fait briquer, j’ai enquêté, j’ai terminé mes journées épuisée et vous savez quoi ? J’en redemande.



La plume de l’auteur fait toujours mouche, ses personnages sont toujours aussi fouillés, attachants ou donnant des envies de meurtre (une certaine bonne femme, surtout), sans nous gaver, il nous brosse le portrait d’une Amérique dans les années 20 avec détails, mais pas de trop. À nous d’aller voir ce qu’est un train des orphelins.



La trame n’est pas cousue de fil blanc parce que j’ai eu des surprises. Franchement, je pensais qu’on allait plier l’affaire en deux coups de cuillère à pot et bien non !



Un portrait sombre du Sud, des personnages taillés à la serpe, hantés par des deuils non accomplis, des idées de vengeance, des douleurs muettes et des envies de revenir en arrière pour tout changer.



Il y a une humanité énorme dans le personnage de Sam et sa force de caractère lors de certains passages ont forcé mon admiration. Oui, il y a encore des traces d’humanité. Le roman en est rempli.




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Fais-moi danser, Beau Gosse

Quel beau roman envoutant pour finir l'année.

Choisie un peu par hasard, cette lecture m'a transportée.

Nous sommes dans les années 70 en Louisiane en pleine crise pétrolière.

Colette et Paul se déchirent, s'aimantent, font des choix pour survivre, pour se retrouver.

On voyage dans le Bayou, on chasse le ragondin, on pêche les crevettes, on répare de vieilles machines, on danse, on se blesse, on participe à un tournoi de tirs, on s'éreinte, on s'occupe des plus anciens, on transpire...

Il est question de choix, de liens familiaux, d'amour, de volonté de s'en sortir, et surtout de solidarité.

C'est un véritable conte qui s'appuie sur une plume élégante et captivante.

J'ai adoré.
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Nos disparus

Cette vaste fresque, bruissante et musicale, parfois bordée de noir qui nous plonge dans l'Amérique de l'aprés guerre, débute en1918.

Sam dit "Lucky le Chanceux " est un survivant.....il n'était qu'un nourrisson lorsque son oncle Claude le découvrit caché par son pére....au fond d'un poêle en fonte : tous les siens furent assassinés par des voyous dans leur propre maison.

Le jeune Sam,âgé de 23 ans, élevé par son oncle et taraudé par son passé débarque en France venant de Louisiane juste aprés l'armistice, aux côtés de quatre mille autres soldats Amêricains.

Prêt à se battre pour la liberté,il se retrouve quelque part à nettoyer les champs de bataille de l'Argonne, ses sols boueux.....troués d'obus, de cavernes terreuses, de sols de sang et de cadavres....

1921: le talent de conteur de Mr Tim Gautreaux nous enchante tant il est puissant: De retour à la Nouvelle Orléans,

Sam devient responsable d'étage dans un grand magasin, malheureusement il ne peut éviter l'enlévement d'une fillette : Lily,....son destin d'orphelin se trouve désormais inexorablement lié à celui des parents de Lily.

Il embarque à bord de "l'Ambassador",bateau à vapeur sillonnant le Mississipi, à la recherche des ravisseurs, faisant danser, jouer et boire les clients, la roue à aubes tourne lentement, la cloche du pont forte de ses cinq cent kilos de bronze impressionne,.le bateau peut virer paresseusement au niveau des écluses au rythme des escales....

Les parfums de vanille, d'hamamélis, de talc au jasmin et de cachou côtoient une pluie de particules

de fumée noire et mousseuse qui s'échappent en bouillonnant des cheminées, la musique pressante des cuivres est mêlée à la force des courants....

A bord, au rythme du jazz de la Louisiane autant que du whisky de contrebande et des bagarres et esclandres de toutes sortes sur le pont entre les voyageurs, Sam glane quelques informations sur un trafic d'enfants qui nous améneront à une seconde quête beaucoup plus personnelle....je n'en dis pas plus.

Situation singulière pour cet homme " survivant' ayant nettoyé le sang d'une guerre sans la faire, sans famille, mélancolique, courageux, honnête, resté marqué par son enfance, l'auteur nous fait toucher avec grand talent la

Profondeur des liens du sang, le destin marquant des hommes aprés la guerre....

Les notions de pardon, de culpabilité, de rédemption, de douleur seront pour Sam particulières .

Inanité, vanité du désir de Vengeance?



"Nos Disparus "est un grand roman musical mais pas seulement, un bel ouvrage écrit avec élégance, une magnifique odyssée de conteur à plusieurs niveaux de lecture ,à mon sens, dont le souffle puissant longe le fleuve adoptant son rythme, parfois agité de courants violents, parfois lent et paisible lorsque la chaleur se fait écrasante, poisseuse et lourde.

Un beau voyage!

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Le dernier arbre

Bienvenue à Nimbus, concession forestière des Aldridge, un des nombreux trous du cul de la Louisiane. Bienvenue dans un enfer chaud et humide.



Attention, regardez où vous mettez les pieds car il y a des mocassins d’eau qui se nichent dans les flaques boueuses. Et rien à voir avec la chanson ♫ tes mocassins et les miens ♪ car ici, nous parlons de serpents d’eau.



Dans ce roman, les gars, va falloir bosser dur durant de longues années, le temps de couper tous les arbres, des cyprès chauves. Scier les troncs, les débiter 6 jours sur 7 avant de vous saouler la gueule du samedi soir au lundi matin dans le bastringue tenu par un sicilien louche ayant des cousins mafiosi.



Oubliez les syndicats et les droits des travailleurs, car en 1923, seuls les riches ont des droits. Je ne vous parlerai même pas du cas où vous seriez de couleur… là, le mot "droit" n’existe même pas pour vous, hormis celui de fermer votre gueule.



Sans user d’artifices, l’auteur nous décrit l’Amérique des années 20, celle qui avance à pas de géant, qui industrialise tout, qui déforeste tout… Le roman vous plongera dans un marais où les conditions de vie et de travail sont inhumaines, les accidents graves ou mortels nombreux et où le racisme, tel l’alligator dans le bayou, règne en maître.



Utilisant une multitude de personnages, tous bien travaillés, tous bien distincts – certains étant même très attachants – l’auteur explore une partie des années 20, avec tout ce qu’elles avaient de démesuré niveau progrès industriel (le téléphone et les constructions à tout va, en bois). Sans oublier le traumatisme de la Première Guerre, bien présent chez un des frères Aldridge, Byron.



C’est toute la vie de la concession forestière qui se déroule dans ce roman aussi profond que l’étendue des cyprès : les maladies, les accidents, le débit de boisson, la mafia qui tient les ouvriers par l’alcool, les putes et le jeu, ces hommes dépensant jusqu’à leur dernier sous dans ce bouge dégoutant.



La sueur a coulée sur mon front durant la lecture, non pas que le roman était pompant, mais il est tellement puissant que j’ai été emportée dans le bayou, suivant ses méandres tortueux et boueux, j’ai pataugé dans tout cela et j’en suis ressortie bouleversée, épuisée, secouée… L’âme de certains hommes est plus boueuse et tortueuse que les méandres de ce diable de bayou !



La tension est palpable tout au long de l’histoire, les salauds vous harcèlent comme un moustique la nuit, vous ne savez jamais quand ils vont frapper et c’est au moment où l’attention se relâche qu’ils en profiteront pour vous piquer définitivement d’une balle bien placée.



Il y a aussi dans ce récit de l’amour fraternel, celui d’un frère cadet (Randolph) qui ne sait rien de la Grande Guerre et qui voudrait aider son aîné (Byron) à se ressaisir, lui qui a vu les horreurs de Verdun. Un père aussi, qui voulait que son fil Byron fasse la guerre, qu’il soit un héros, qu’il aille au feu et qui ne comprend pas pourquoi il est revenu traumatisé, se réfugiant dans l’alcool et le fuyant comme la peste.



Tant de personnages dont j’ai partagé la vie, les souvenirs sur cette Amérique, tout ces gens que je dois quitter, maintenant, les laisser aller ailleurs, détruire une autre forêt (pour les Aldridge), reconstruire d’autres baraquements minables et continuer à se faire exploiter car une partie de ces pauvres gars, après 5 années de dur labeur, n’ont même pas mis un dollar de côté sur un compte en banque et repartent avec les mêmes frusques sur le dos.



Un grand roman coup de cœur qui ne vous laissera pas indifférent, un roman sur l’impitoyable capitalisme des années 20 dans une Amérique qui se gave de progrès technique au point de ne pas réfléchir et de détruire tout le capital « arbres ». Ici, c’est pas Zorro qui fait la loi, mais les Zéro qu’on a après les chiffres, sur un compte en banque.



Un grand roman presque en vase-clos, dans un décor dévasté par les crues, la boue… Une nature qui était magnifique mais qui sera dévastée car ici, on coupe les arbres jusqu’au dernier…



Enfile tes bottes, prends ta scie et regarde où tu marches, des fois qu’un alligator ou un serpent te mordrais… gaffe aussi aux mafiosi, comme ces animaux précités, ils n’aiment pas qu’on les dérange dans leur petit business…



Prends une Winchester à plusieurs coups et laisse-toi tenter par un verre de whisky frelaté dans le troquet. La paye n’est pas bonne, la boisson non plus, les conditions de travail sont merdiques, mais putain, tu vas lire un sacré bon roman !


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