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Citations de Timothy Egan (26)


Une foule compacte par endroits, constituée de touristes et d'Indiens, s'amasse à la limite du village. Les serpents sont retirés de la kiva et déposées en un lieu central. Les gens se rapprochent davantage. Des prêtres se mettent à danser avec des crotales tout en chantant des prières et des incantations. Curtis, qui attend en coulisses, se tient à l'écart, à l'abri des regards. Au dernier moment, il hésite. Il sait que le public compte de nombreux missionnaires et agents du gouvernement qui prennent des notes pour des poursuites éventuelles. Il reconnaît des visages d'Anglos. Sa présence, lui le grand Attrapeur d'Ombres, le premier homme qui ait jamais été autorisé à rejoindre la société de la danse du Serpent en tant que prêtre, sera largement décriée dans les cercles officiels et rapportée dans la presse populaire. Après six séjours, répartis sur six années, qui lui ont permis d'étudier et de photographier chaque partie de la cérémonie, de se familiariser avec les chefs religieux, puis de devenir lui-même un prêtre - alors qu'il touche son objectif du doigt -, il craint, en faisant un pas de plus, de saper l'événement le plus important de la religion hopi.
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En 1900, les recenseurs sont sur le terrain, concertant enfin leurs efforts pour dénombrer tous les Indiens - et ce, à une époque où les violences entre les premiers et les nouveaux habitants du continent on enfin cessé. La Frontière est close, comme l'a annoncé quelques années plus tôt le Bureau de recensement américain - il n'y a plus de ligne à repousser vers l'ouest ni de grand espace vide à remplir d'immigrants. Les résultats préliminaires sèment l'émoi chez les personnes chargées de prendre le pouls de la nation américaine. Les chiffres ne sont pas bons : le nombre d'Indiens baisse, d'une manière spectaculaire. Et ils sont conformes à d'autres indicateurs de déclin : en 1900, les tribus possèdent moins de 2% des terres qui leur appartenaient jadis. Des langues entières ont disparu - plus que des mots, ce sont des visions du monde qui se perdent. Tous ces phénomènes ont été annoncés depuis un certain temps, et considérés comme établis. En 1831, Alexis de Tocqueville, en observateur visionnaire, écrivait déjà : "Isolés dans leur propre pays, les Indiens n'ont plus formé qu'une petite colonie d'étrangers incommodes au milieu d'un peuple nombreux et dominateur."
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Timothy Egan
La danse du Serpent, qui est aussi importante pour les Hopis que le dimanche de Pâques pour les Catholiques, sera-t-elle bientôt illégale ? Sentant le sable s’écouler de plus en plus vite dans le sablier, Curtis accélère le pas.
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Au début du XXeme siècle, les Havasupais se voient attribuer une minuscule réserve, moins de 1,5 kilomètre carré, située au fond du Grand Canyon. Les Indiens en ont assez que les agents du gouvernement leur disent comment ils doivent vivre et ce qu’ils doivent faire - un reproche récurrent dans le Sud-Ouest. Mais n’étant ni citoyens ni ressortissants étrangers, ils sont parfaitement impuissants. « Nous sommes comme de petits enfants. Nous ne pouvons rien faire sans l’autorisation de Washington. »
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En 1923, le photographe contribue à créer l’Indian Welfare League - aux côtés d’artistes, de conservateurs de musée et d’avocats basés essentiellement en Californie -, l’un des rares exemples d’engagement politique de sa vie.
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Si, en ville, le spectacle des hommes aux cheveux courts qui font la queue en salopette devant les agences du gouvernement pour récupérer du lait en poudre est plus représentatif de la vie indienne moderne, il n’intéresse pas Curtis. Un Irlandais de la péninsule de Dingle préfère-te-il être vu marchant derrière des moutons ou recevant un colis de provisions d’Amerique ? La réponse va de soi. Curtis ne rend compte que d’un certain type de vie.
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Les bonnes années, lorsqu’elle est Clara la pétillante, elle seule soutient son désir d’accomplir quelque chose de grand et de durable, et elle seule l’assure qu’il en est capable. Elle est sa première passion, avant les tirages platine.
....
Ce qui survit à ces années - les derniers échanges - provient d’une liasse de documents juridiques archivés à Seattle : la demande de divorce numéro 118324 du comté de King, dont le premier acte se joue le 6 octobre 1916. Clara y fait des déclarations qui achèvent un mariage déjà à l’agonie. Elle y rend publique l’image d’un homme que personne n’aimera.
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Ils commenceront à tourner l’année suivante, en 1914. Curtis se sent revivre. Après avoir retrouvé un pas alerte, il parcourt le rivage de l’ile de Vancouver, battu par les vagues et envahi par la végétation, et avec plus de vingt-cinq kilos de matériel sur le dos s’enfonce dans la forêt pour trouver des peuples encore préservés de la vie moderne. Dans cette région, l’une des plus humides du monde, les Indiens classent la pluie en deux grandes catégories : masculine et féminine.
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« L’arrivée de l’homme blanc fut un épisode agréable dans la vie de ces sauvages, a déclaré l’un des premiers chroniqueurs de Seattle. Ils ouvrirent les bras pour les recevoir tels des êtres supérieurs, et les terres qu’ils possédaient furent librement offertes en signe d’acceptation. » Sur le portrait d’Edward Curtis, le visage de la dernière Indienne de Seattle raconte une toute autre histoire.
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Le peintre George Catlin, à qui l’on doit les représentations d’Indiens les plus célèbres du XIXeme siècle, est revenu chez lui avec de nombreux dessins fantaisistes et des conjectures qui ne l’étaient pas moins.
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p.368.
Les preuves sont peu convaincantes. Aucune des deux parties ne peut fournir l'original du jugement mentionnant la pension alimentaire, sans lequel les accusations de retard de paiement de Mrs Curtis ne tiennent pas. Privé de cette pièce, le juge ne peut retenir l'accusé. En outre, il a été touché par la confession du photographe, qui s'est dépouillé du vernis de dignité conférée par la réussite. « La cour ne peut emprisonner un homme parce qu'il n'a pas fait ce qu'il ne pouvait faire » ; écrit-il. Curtis est libre de s'en aller.

Si le moindre doute subsiste sur le fait que Curtis a travaillé pour rien afin d'achever « la seule chose valable » de sa vie, la famille Morgan le dissipe en dépossédant le photographe de ses derniers droits sur son œuvre.
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p.335.
Bien que les Indiens aient combattu pendant la Grande Guerre et, avant cela, participé à l'une des unités de Roosevelt, les Rough Riders, ils ne sont toujours pas citoyens du pays pour lequel certains d'entre eux ont donné leur vie. Le patrimoine tribal continue de fondre, passant de 70 millions d'hectares en 1890 à tout juste 25 millions dans les années 1920. l'assimilation est de rigueur. Les réserves doivent être tronçonnées et vendues. Les liens tribaux sont jugés anachroniques, les rites et coutumes, barbares.
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p.334-5.
Mais plus Curtis recueille des récits oraux, en s'appuyant sur le travail de Myers et des études antérieures, moins il parvient à réprimer le dégoût que lui inspirent les tortures sans fin infligées à ces peuples, qui ont été affamés, contaminés, violés, trahis, dénigrés, humiliés.
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p.272.
Il n'y a rien de plus décevant que la banalité de la vie moderne.
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p.238.
« Ce que vous réalisez est magnifique, vous bâtissez un monument éternel à la gloire d'un peuple qui disparaît, mais aussi à la vôtre. Je suis convaincu que si les Indiens pouvaient se rendre compte de la valeur et de l'objet de votre travail, et c'est peut-être le cas pour certains d'entre eux, ils vous en seraient reconnaissants. En réalité, d'une certaine manière, votre œuvre rachète les nombreuses injustices que notre race " supérieure " a causées aux Indiens. Certains passages sont magistraux. »
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p.193-4.
Un soir, peu après avoir recruté Upshaw, alors que Curtis revoit ses notes dans le Montana, les deux hommes se mettent à évoquer la notion d' «Indiens éduqué », à laquelle s'opposent ceux qui refusent d'être scolarisés. Un agent du gouvernement qui se trouve avec eux, comme souvent pour avoir Curtis à l’œil, demande à l'interprète crow pourquoi son peuple montre aussi peu d'enthousiasme à l'égard du travail. Upshaw se lève et montre du doigt des crânes de bisons alignés sur une étagère de la cabane.
«  La réponse est sous vos yeux, dit-il. Quand ces bisons étaient vivants, nous n'avions pas besoin de travailler. Seuls les Noirs et les Blancs pratiquaient l'agriculture. Nous étions un peuple supérieur qui n'avait que du mépris pour ceux qui travaillaient la terre. » le fonctionnaire marmonne que d'autres Indiens se sont mis avec succès à labourer les champs ou à pratiquer le commerce. « Comment pouvez-vous espérer que nous changions notre vie entière en un temps si limité, le quart de l'existence d'un homme âgé, et même que nous oubliions l'époque où nous étions libres, où nous étions les seigneurs de toutes les grandes plaines et les montages ? Poursuit Upshaw. Quels bienfaits votre civilisation nous a-t-elle apportés ? Avant que vous ne tentiez de nous imposer votre prétendue civilisation, notre cœur était comblé ! » Curtis prend le parti d'Upshaw, mais l'interprète n'en a pas terminé. « Qu'a fait votre civilisation pour nous ? À part nous déposséder de notre terre, de notre force, de notre dignité, de notre satisfaction. Même votre religion nous a dépossédés de notre confiance dans l'au-delà. »
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p.145.
«  Nous peignons nos plaines, protégeons nos forêts, créons des réserves de gibier, mais au final... nous ne sauvons pas l'existence de nos Indiens d'Amérique du Nord, le peuple errant le plus pittoresque de la terre, déclare le Craftsman, un important magazine de photographie. Un seul homme, un Américain, un artiste, a su concevoir et mettre à exécution la gigantesque idée de réaliser un portrait photographique et textuel complet des Indiens d'Amérique du Nord dans la mesure où ils vivent encore dans des conditions primitives. »
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p.131.
Pourtant, comme Karl May, l'auteur de romans populaires, cet expert n'a jamais posé les yeux sur les sujets qu'il étudie.
« Toute ma vie, j'ai écrit sur les Indiens pour des magazines scientifiques, mais je n'en ai jamais vu. J'aimerais en apprendre davantage sur leur vie et leur logique. »
Curtis sort de l'hôtel en colère. Il a passé plus de temps parmi les tribus que tous ces soi-disant experts de la capitale, pourtant il ne trouve aucun soutien financier. À l'inverse, cet homme gagne sa vie en écrivant sur les Indiens sans en avoir vu aucun.
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p.124.
Il apprend, par l'observation et les interprètes, que la plupart des familles navajos ont trois foyers : une résidence d'été dotée d'un grand jardin ; une maison en pierre nichée dans une falaise surplombant un lit de rivière dont ils détournent de petits cours d'eau pour l'irrigation ; et un hogan, une maison aux bords arrondis, faite généralement d'argile, de pierres, de boue et de roseaux. La polygamie est courante, mais les femmes, qui possèdent les troupeaux de moutons et les habitations, ont plus de droits que leurs époux sur la propriété. L'homme qui déserte sa famille devient indigent – ce qui incite fortement à rester marié.
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p.98.
Comme dans le Montana, les enfants sont expédiés dans des pensionnats dirigés par des missionnaires, où leur vie spirituelle est confiée à un autre dieu. Les garçons sont censés apprendre l'agriculture et la lecture, les filles, les travaux ménagers et le service du thé. Ceux qui résistent se voient menacés de perdre leurs rations et sont traités d' « Indiens attardés ».
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