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EAN : 9782226320834
448 pages
Albin Michel (28/10/2015)
4.24/5   19 notes
Résumé :
Charismatique et visionnaire, Edward S. Curtis (1868-1952) a immortalisé à travers ses photos l'univers des Indiens d'Amérique et son oeuvre gigantesque est aujourd'hui mondialement reconnue.

Journaliste au New York Times, récompensé par le prix Pulitzer et le National Book Award, Timothy Egan nous fait partager la formidable aventure artistique, ethnologique et humaine à laquelle Curtis consacra toute sa vie et pour laquelle il a tout sacrifié.
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
"La terre est vivante.
Les montagnes parlent.
Les arbres chantent.
Les lacs peuvent penser.
Les cailloux possédent une âme.
Les pierres ont du pouvoir."
(Lance Deer, homme-médecine Lakota)

Il y a une très belle photo.
Elle est prise en 1904 dans le Montana, au territoire des Navajo. Toute dans des tonalités sépia, on y voit une montagne ressemblante à une termitière, qui monte vertigineusement vers le ciel; et au premier plan, sept minuscules silhouettes à cheval qui ne font que parfaire cette illusion de l'irréel.
Cela s'appelle "Canyon de Chelly", et l'auteur de cette merveille est Edward Sheriff Curtis.

J'ai découvert les photos de Curtis par hasard, en cherchant, il y a déjà quelques années, des idées pour des portraits sur Internet. On les remarque tout de suite parmi les centaines d'autres, non seulement pour leur facture ancienne, mais surtout parce que chaque portrait, chaque prise de vue, raconte une histoire...
Et cette "biographie pleine de grâce qui se lit comme un roman d'aventure" (c'est "Publishers Weekly", mais je ne saurais pas mieux dire) raconte la vie d' E. S. Curtis.

le sous-titre "La vie épique" ne pourrait pas être mieux choisi. Un self-made-man qui a commencé de rien pour établir un atelier photo très prospère à Seattle, Curtis aurait pu devenir riche... Mais le destin en voulait autrement.
C'est peut-être sa rencontre avec la "princesse Angelina", la dernière descendente de la tribu des Duwamish; peut-être sa participation en tant que photographe à l'expédition Harriman dans les territoires indiens...
Peut-être son âme d'artiste ou peut-être le fait de se rendre compte qu'il y a quelque chose partout dans ce immense pays qui est en train de disparaître à tout jamais à une vitesse vertigineuse - qui a donné un tout autre tournant à la vie de Curtis.
Une oeuvre monumentale commence à prendre forme dans sa tête - vingt volumes de "L'Indien d'Amérique de Nord", avec des photos, des textes décrivant le mode de vie, coutumes et cérémonies de chaque tribu; la retranscription du vocabulaire compris.
Ridicule !
Personne ne veut financer un tel projet. Curtis est un amateur en la matière, pas un ethnologue !
Mais Curtis sait que le travail doit être fait - les tribus commencent à être englouties par la "civilisation", leurs territoires se réduisent, et leurs coutumes sont interdites par les missionnaires chrétiens, et disparaissent.
C'est une véritable course contre la montre, qui dure trente ans. Curtis laisse son studio à sa famille pour commencer presque seul son entreprise folle.
Partir à la recherche des tribus (ou de ce qu'il en reste), gagner leur confiance, photographier, écrire, enregistrer, filmer - depuis la frontière du Mexique jusqu'à l'Alaska.
Son travail est salué à l'unanimité, mais il n'a presque aucun appui, car personne ne croit que son projet puisse aboutir un jour. Malgré le soutien du président Roosewelt et du milliardaire Morgan, il est bientôt fauché et faché avec ses proches.
Mais il continue. Comment fait-il ?

le livre vous raconte tout ça et bien plus - les détails sur les tribus indiennes et leurs coutumes, les technologies extrêmement couteuses de la photogravure, les premières expériences avec la caméra... les moments exaltants et les moments d'abattement.
L'engagement pour une cause, d'abord latent, mais de plus en plus explicite et militant au fil des pages de ses écrits.

Curtis est un homme qui a beaucoup vu et beaucoup vécu; un incroyable artiste-aventurier. Pourquoi les hommes comme lui meurent toujours sans un sou et dans l'oubli, pour n'être appréciés que des années plus tard ?

Il ne reste plus qu'à saluer le travail de T. Egan, qui s'est lancé sur les traces de "L'Attrapeur d'Ombres" afin d'assembler cette belle biographie, agrémentée des photos les plus emblématiques. Une belle lecture !
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J'ai eu la chance et le plaisir, adolescente, de pouvoir profiter le mardi soir des films que proposait Eddy Mitchell lors de sa « Dernière Séance » et je suppose qu'il en va de même pour nombre de membres de cette communauté.

J'aimais énormément les westerns bien que la façon de présenter les Indiens me mettait toujours mal à l'aise.

Bien plus tard, j'ai découvert les photographies d'Edward S. Curtis et je suis tombée quasiment amoureuse de certains clichés. Désormais les photos m'apparaissent sous un jour plus humain qu'artistique. J'imagine que c'est ce que souhaitait Edward S. Curtis.

Voici quelques semaines, grâce à Bobby the Rasta Lama, que je remercie vivement, j'ai eu connaissance du livre de Timothy Egan qui relate la vie de cet immense photographe et j'ai ressorti les différents livres que j'ai de lui.

Au-delà de la biographie, certes intéressante d'un homme qui a traversé la fin du 19ème siècle et la moitié du 20ème siècle et qui a vu son pays changer à la vitesse d'un cheval au galop, il y a également dans ce livre le parcours d'un homme jeune qui a inventé des techniques de photographies totalement inédites.

Il y a également la quête initiatique d'un jeune homme, puis d'un homme qui avance dans l'âge et qui s'est engagé dans un projet grandiose à la limite du raisonnable mais soutenu par des amis fidèles et sa famille.

Si au départ, son projet était plus motivé par l'argent, il a évolué vers des intentions plus ethnologiques, spirituelles et un réel désir de conserver « une trace d'avant l'arrivée des Blancs » empli d'un respect sincère et amical vis-à-vis des légitimes habitants du Continent Américain.

J'ai beaucoup apprécié le passage dans lequel Edward S. Curtis revient sur la bataille de Little Big Horn avec Custer pour en faire une relecture. Cela montre combien il était courageux et combien il se sentait impliqué par la cause des Indiens et voulait que justice soit rendue.

Edward S. Curtis évolue au fur et à mesure de ses rencontres, navigue entre des mondes différents, entre l' hier et l' aujourd'hui voire le demain.
Mais toujours il doit composer avec l'argent que lui rappelle ses contemporains et qui n'est pas le plus important dans la manière qu'il a choisi de vivre et dans la tâche qu'il s'est fixé d'accomplir.

C'est assurément une vie difficile qu'a connu cet homme mais riche de rencontres et de voyages.

Une vie hors du commun, des rencontres incroyables, des paysages magnifiques, un projet grandiose, des techniques photographiques innovantes, tout ceci porté par le style fluide et très vivant de Timothy Egan, la lecture de ce livre est un vrai régal.

Pour les lecteurs et lectrices qui souhaiteraient accéder aux photos libres de droit, j'ai trouvé un lien sur la bibliothèque du congrès américain. Plus de 1500 clichés sont disponibles.
Je vous souhaite de « marcher dans la beauté » comme le diraient les Navajos….

http://www.loc.gov/pictures/collection/ecur/
http://www.loc.gov/pictures/search/?st=grid&co=ecur

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La biographie de Timothy Egan, journaliste au New York Times, consacrée à Edward Sheriff Curtis (1868-1952), célèbre photographe des Amérindiens, a le mérite d'amener à la lumière d'aujourd'hui une oeuvre exceptionnelle consacrée aux multiples ethnies aborigènes de l'Amérique du Nord dont l'Alaska (40 000 clichés pris, 10 000 chants enregistrés, 20 volumes rédigés après avoir traversé le continent au moins 125 fois en 30 ans, visité 80 tribus, etc.). Titrée, chapitrée, illustrée, la biographie suit la chronologie de Curtis à partir de 1896, date de la photographie du dernier enfant du chef Seattle, Princesse Angeline, clocharde édentée et presque aveugle survivant dans un bidonville où les habitants du quartier déversent leurs ordures. Autrefois terre paradisiaque, l'endroit est devenu un cloaque. Angeline va bientôt mourir et toute une civilisation s'éteindre avec elle. Curtis le sent et le sait. Il lui donne un dollar et la fait poser dans son studio. « Curtis éclaire suffisamment les pommettes et le nez pour faire ressortir les yeux tristes et sombres, comme tournés vers une autre époque ». L'aïeule a conservé un port altier, une noblesse native sous la lippe et les nippes. Edward Curtis va tenter l'impossible, saisir le monde amérindien pendant qu'il survit encore, juste avant son anéantissement programmé. L'opération est titanesque et financièrement ruineuse. Curtis a beau compter dans ses relations le président Franklin Roosevelt, les fonds viennent à manquer. Il devra démarcher le richissime mécène Pierpont Morgan afin de débloquer l'argent nécessaire à l'entreprise mais la contrepartie exigée va s'avérer épuisante, travailler gratuitement, sans relâche, dans des conditions parfois limites, au plus près des autochtones, de plus en plus loin de sa femme et de ses enfants. Au-delà des modes et des récupérations avant-gardistes, Curtis garde le cap de son grand oeuvre : « […] que les gens voient l'humanité dans le visage des Indiens et que ces visages vivent à jamais ». le photographe piège les ombres et restitue des êtres de lumière dans l'éclat d'un noir & blanc somptueux. Aujourd'hui, sans rien connaître de l'histoire indienne, le lecteur ne peut qu'être saisi à la vue des portraits, des paysages et des hommes en mouvement reproduits en fin de chapitre. Pourtant, de prime abord, rien n'est donné au photographe. Les Indiens se méfient des Anglos et gardent leurs rites et leurs coutumes secrets. Les Blancs n'admettent pas d'être remis en cause à l'instar de la veuve du général, Libbie Custer, alors même que Curtis arpente les lieux de la bataille de Little Bighorn (1876), interroge les éclaireurs Crows survivants et déduit logiquement que Custer a assisté durant une demi-heure au massacre des hommes du commandant Reno sans rien tenter. Obligé d'occulter sa découverte, Curtis ne verra jamais à quel point sa méthode d'historien de terrain sera récupérée et appréciée des décennies après sa mort. Puis l'argent vient à manquer et Morgan meurt. A peine la moitié du travail projeté est accomplie (huit volumes sur les vingt prévus) et les dettes accablent Curtis. Ses fidèles coéquipiers, Alexander Upshaw, Crow acculturé et interprète précieux, George Hunt, métis tout aussi indispensable à l'entreprise monumentale de Curtis, l'infatigable universitaire Meany, W. E. Myers, ethnologue attitré dès le début travaillent sans relâche et ne sont payés qu'avec des retards considérables. le cycle de conférences avec projection d'images où tout le gratin américain s'engouffre et s'extasie épuise Curtis et ne lui rapporte rien financièrement. La réalisation d'un film tourné en décors naturels chez les Indiens du Pacifique, premier long-métrage documentaire avant le Nanouk de Flaherty ne peut être distribué et projeté à cause de bisbilles juridiques. Sa femme Clara, délaissée depuis des années, le traîne en justice afin de réclamer le divorce et une pension alimentaire que Curtis sera bien en peine d'honorer. La santé du photographe se détériore. Il va devoir abandonner son grand oeuvre et travailler pour Hollywood, l'usine à rêve naissante. Heureusement, dans les années 1920, un second souffle va le porter, notamment avec ses filles, Beth d'abord et Florence ensuite, à reprendre l'exploration sur le terrain, la photographie puis la rédaction des volumes manquants. « L'Indien d'Amérique du Nord » en vingt volumes est un chef-d'oeuvre absolu mais il ne rencontre aucun écho quand il paraît dans la période troublée de la Grande Dépression. le biographe Timothy Egan est plein de délicatesse envers son sujet et la fin du photographe ethnologue est évoquée avec finesse et compassion. L'épilogue donne la mesure de l'écho répercuté aujourd'hui alors que les ethnies indiennes cherchent et retrouvent dans les photographies, le film, les glossaires, les chants enregistrés par l'Attrapeur d'ombres les fragments d'une culture jadis bafouée et anéantie. Sachant que les hommes premiers étaient en sursis, Curtis s'est jeté à corps perdu et âme conquise dans une course effrénée contre la montre, lui aussi cherchant l'or du temps dans la splendeur crépusculaire de mondes révolus.
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Ma découverte du portfolio « Les Indiens d'Amérique du Nord » de Edward S. Curtis aux éditions Taschen m'a donné envie d'en apprendre plus sur ce photographe qui a consacré 30 ans de sa vie, parcouru l'équivalent de 125 fois les Etats-Unis pour rencontrer et photographier 80 tribus amérindiennes.

Avec ma critique du portfolio je publie donc celle de la biographie « L'attrapeur d'ombres : La vie épique d'Edward S. Curtis » de Timothy Egan.
A noter le roman « Au loin, quelques chevaux, deux plumes... » de Jean-Louis Milesi met en scène un Edward S. Curtis avant qu'il ne se lance dans son travail sur les tribus amérindiennes.
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Avec la biographie « L'attrapeur d'ombres », Timothy Egan nous éclaire sur la vie et le travail d'Edward S. Curtis, auteur de l'encyclopédie « Les Indiens d'Amérique du Nord ».

« La Grande Idée » de Curtis et qui l'aura obsédé durant trente années est de « photographier toutes les communautés indiennes intactes d'Amérique du Nord, saisir l'essence de leur vie avant qu'elle ne disparaisse ». Chaque chapitre du livre se concentre sur les étapes importantes de la genèse de l'encyclopédie. On y apprend de nombreuses choses sans que cela ne soit trop didactique, j'ai même trouvé le récit plutôt vivant et passionnant.

Il faut dire que la vie d'Edward S. Curtis est assez romanesque et faite de rencontres qui sortent de l'ordinaire : Princesse Angeline la fille du chef Sealth qui a donné son nom à la ville de Seattle, Geronimo, chef Joseph, le président Theodore Roosevelt, le banquier John Pierpont Morgan ou encore le cinéaste Cecil B. DeMille et le naturaliste John Muir.
Mais Timothy Egan met l'accent aussi sur des rencontres certes moins « prestigieuses » mais tout aussi déterminantes pour Curtis, celles de ses amis qui l'auront soutenu, épaulé et accompagné tout au long de son travail.

Il est tout aussi intéressant de voir l'évolution des sentiments de Curtis sur son projet. Si au départ, on sent que c'est le défi et le côté aventureux qui sont ses principaux moteurs, on le voit progressivement s'attacher de plus en plus à défendre la cause des amérindiens et à critiquer ouvertement l'assimilation forcée qui leur a été imposée.

C'est une véritable course contre la montre à laquelle est confrontée Edward S. Curtis. En ce début de XXème siècle, la population amérindienne a fortement chutée, victime des maladies, des guerres et des famines. La plupart des tribus ont dû quitter leurs terres ancestrales et s'installer dans des réserves. Elles sont en outre soumises à des lois qui leur interdit de pratiquer leurs cultes, de parler leur langue. Les jeunes sont envoyés dans des pensionnats dans lesquels l'objectif était de « Tuer l'indien pour sauver l'homme ».
Le chapitre consacré à Alexander Upshaw, un ancien élève de pensionnats et qui deviendra par la suite l'ami intime de Curtis est touchant. Il dresse le portrait d'un homme perdu entre deux cultures, « parfaitement éduqué et résolument non civilisé » comme le dira Curtis.

Ce projet d'encyclopédie est aussi une épreuve longue et difficile pour Curtis. Toujours à la recherche de financements pour avancer dans ses travaux, il a multiplié les projets annexes pour trouver les fonds nécessaires et a souvent frôlé la faillite. Chaque volume nécessitait en outre de longs mois loin de chez lui et de sa famille. le récit met bien en avant sa volonté, sa détermination à toute épreuve, mais aussi les sacrifices personnels qu'il a faits pour finaliser au bout de 30 ans son oeuvre.

Une biographie intéressante et très complète d'Edward S. Curtis. J'ai beaucoup apprécié de pouvoir feuilleter en parallèle de ma lecture le portfolio des éditions Taschen dans lequel on retrouve l'ensemble des photos de l'encyclopédie.
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Edward S. Curtis est l'Attrapeur d'Ombres, comme le surnommaient les Amérindiens. L'homme qui par son objectif photographique peut figer ce qui est vivant et le garder en images.
L'attrapeur d'ombre, c'est aussi celui qui est allé dans les zones d'ombre, qu'est le passé, là où se trouvent les cadavres cachés sous le tapis de la bannière étoilée américaine.

C'est une noble quête que de vouloir exprimer la vérité : la conséquence d'une colonisation, d'une privation, de trahison par les non-respects des traités, du spoil total de la culture de plusieurs micros nations qu'a subis tout un continent, par son peuple. Mais pour le montrer à qui ? Puisque les gagnants sont les assassins. Oui il veut leur montrer à l'Amérique dans tout son être : l'État, les militaires, les civils, qu'ils reconnaissent leurs mensonges sur lesquels ils sont assis : celui du génocide Amérindien et pour les survivants d'une assimilation imposée pour rentrer dans un moule. Mais un jour cela servira aussi aux Indiens, pour les aider à réapprendre leurs cultures : leurs langues, leurs chants, leurs rites, leurs danses, leurs arts...

Hélas son travail qui sera de réaliser 20 livres sur « L'Indien d'Amérique du Nord »  va être d'une difficulté titanesque par : le coût financier, la durée du travail, le peu de gens intéressés par sa quête, et sa vie de famille qu'il va négliger... mais si lui ne le fait pas qui le fera ? Qui s'intéresse au sort des perdants ? Quand presque tout le monde est endoctriné dans un racisme contre tous ceux qui ne sont ni blancs et ni chrétiens ? Hélas même pour écrire ses livres retraçant toutes ces petites nations d'Indiens d'Amérique du Nord, il ne peut pas écrire en critiquant ouvertement les actions des colonisateurs, car ça reviendrait à se mettre à dos ceux qui le payent. La tentation de critiquer l'emporte parfois surtout quand il s'agit de montrer à quel point le général Custer a sciemment agi en assassin, en lâche à la bataille de Little Big Horn.

C'est un voyage vers le passé qui prendra 30 ans pour que Curtis en compagnie de sa troupe (Muhr, son technicien ; Morgan, son mécène ; Upshaw son interprète ; Phillips son sténographe ; Schwinke son cameraman ; Myers son ethnologue, sa plume, son journaliste, son rédacteur...) vont mener pour retracer la vie de toutes ces tribus par l'écriture, l'enregistrement audio et photographique avant qu'ils ne disparaissent de la carte par : les meurtres, les violes, les vols qui sont faits par les « Américains » et restent impunis par la « loi ». Sans oublier les maladies, la famine, l'alcoolisme que l'État Américain leur a fait en refusant de leur envoyer de l'aide par des rations et des soins ainsi qu'en obligeant ou en enlevant ces jeunes Indiens à leurs familles pour les mettre dans des internats pour y être maltraité, violenté et y ressortir avec le cerveau lavé.

Curtis est l'homme qui nous prouve que ce n'est pas le ou les diplômes qui font l'intelligence, qui font être l'homme de « bien ». À l'inverse de tous ceux qui l'ont eu dans de grandes écoles et qui à son époque, sans les connaître, ont écrit sur eux : " les Indiens d'Amérique ". Un tissu de mensonges que Curtis va avoir du mal à défaire de leurs têtes quand même les preuves les plus évidentes n'ont aucun effet sur eux. Que ça soit par les témoignages d'Indiens, leurs photos de leurs conditions dans les réserves, les noms que les militaires leur ont donnés à leurs éclaireurs Indiens comme "White Man Runs Him ": L'Homme-Blanc-Le-Dirige, " Goes Ahead " : Va-Devant. Où pire les agissements violents qu'ils subissent par les " agents " du gouvernement.


C'est une très belle histoire sur Edward S. Curtis qui pour celles et ceux partageant son point de vue, nous remplis de larmes d'indignation.
Merci à Timothy Egan, de nous faire (re)découvrir à quel point l'Amérique blanche a été et l'est toujours : cruelle, autoritaire, raciste, esclavagiste, manipulatrice et hypocrite de la soit-disant bonne image qu'elle veut donner au monde entier alors qu'elle s'est construite sur des tissus de mensonges.
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Citations et extraits (25) Voir plus Ajouter une citation
En 1900, les recenseurs sont sur le terrain, concertant enfin leurs efforts pour dénombrer tous les Indiens - et ce, à une époque où les violences entre les premiers et les nouveaux habitants du continent on enfin cessé. La Frontière est close, comme l'a annoncé quelques années plus tôt le Bureau de recensement américain - il n'y a plus de ligne à repousser vers l'ouest ni de grand espace vide à remplir d'immigrants. Les résultats préliminaires sèment l'émoi chez les personnes chargées de prendre le pouls de la nation américaine. Les chiffres ne sont pas bons : le nombre d'Indiens baisse, d'une manière spectaculaire. Et ils sont conformes à d'autres indicateurs de déclin : en 1900, les tribus possèdent moins de 2% des terres qui leur appartenaient jadis. Des langues entières ont disparu - plus que des mots, ce sont des visions du monde qui se perdent. Tous ces phénomènes ont été annoncés depuis un certain temps, et considérés comme établis. En 1831, Alexis de Tocqueville, en observateur visionnaire, écrivait déjà : "Isolés dans leur propre pays, les Indiens n'ont plus formé qu'une petite colonie d'étrangers incommodes au milieu d'un peuple nombreux et dominateur."
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Une foule compacte par endroits, constituée de touristes et d'Indiens, s'amasse à la limite du village. Les serpents sont retirés de la kiva et déposées en un lieu central. Les gens se rapprochent davantage. Des prêtres se mettent à danser avec des crotales tout en chantant des prières et des incantations. Curtis, qui attend en coulisses, se tient à l'écart, à l'abri des regards. Au dernier moment, il hésite. Il sait que le public compte de nombreux missionnaires et agents du gouvernement qui prennent des notes pour des poursuites éventuelles. Il reconnaît des visages d'Anglos. Sa présence, lui le grand Attrapeur d'Ombres, le premier homme qui ait jamais été autorisé à rejoindre la société de la danse du Serpent en tant que prêtre, sera largement décriée dans les cercles officiels et rapportée dans la presse populaire. Après six séjours, répartis sur six années, qui lui ont permis d'étudier et de photographier chaque partie de la cérémonie, de se familiariser avec les chefs religieux, puis de devenir lui-même un prêtre - alors qu'il touche son objectif du doigt -, il craint, en faisant un pas de plus, de saper l'événement le plus important de la religion hopi.
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Au début du XXeme siècle, les Havasupais se voient attribuer une minuscule réserve, moins de 1,5 kilomètre carré, située au fond du Grand Canyon. Les Indiens en ont assez que les agents du gouvernement leur disent comment ils doivent vivre et ce qu’ils doivent faire - un reproche récurrent dans le Sud-Ouest. Mais n’étant ni citoyens ni ressortissants étrangers, ils sont parfaitement impuissants. « Nous sommes comme de petits enfants. Nous ne pouvons rien faire sans l’autorisation de Washington. »
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Les bonnes années, lorsqu’elle est Clara la pétillante, elle seule soutient son désir d’accomplir quelque chose de grand et de durable, et elle seule l’assure qu’il en est capable. Elle est sa première passion, avant les tirages platine.
....
Ce qui survit à ces années - les derniers échanges - provient d’une liasse de documents juridiques archivés à Seattle : la demande de divorce numéro 118324 du comté de King, dont le premier acte se joue le 6 octobre 1916. Clara y fait des déclarations qui achèvent un mariage déjà à l’agonie. Elle y rend publique l’image d’un homme que personne n’aimera.
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Si, en ville, le spectacle des hommes aux cheveux courts qui font la queue en salopette devant les agences du gouvernement pour récupérer du lait en poudre est plus représentatif de la vie indienne moderne, il n’intéresse pas Curtis. Un Irlandais de la péninsule de Dingle préfère-te-il être vu marchant derrière des moutons ou recevant un colis de provisions d’Amerique ? La réponse va de soi. Curtis ne rend compte que d’un certain type de vie.
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