Citations de Tom Sweterlitsch (50)
J’étais soulagée que mon voyage touche à sa fin, mais les arrivées différaient des départs. Retrouver mon chez-moi après une si longue absence ne m’inspirait aucune exaltation, au contraire : voir cette Terre du futur revenait à se regarder dans un miroir et découvrir le visage de quelqu’un d’autre.
Le grand moment de la journée arrive vers dix heures, quand Brianna, une des infirmières, pousse le chariot du petit déjeuner à notre étage, « Bonjour », braille-t-elle dans chaque chambre, et son caquètement gras résonne dans les couloirs pendant toute la durée de sa ronde. Il lui manque les incisives inférieures, et la prothèse qui les remplace pendouille hors de sa bouche quand elle demande : « Crêpes ou omelette, chou ? J’ai appris très tôt que les crêpes sont le seul choix possible, les omelettes étant caoutchouteuses et d’un jaune banane tellement vif qu’on sent presque le goût du E102.
Moss avait appris depuis longtemps la technique dissociative permettant de voir les cadavres d’un œil différent, de séparer autant que possible les corps mutilés de la personnalité qu’ils avaient de leur vivant. Elle voyait ses collègues autour d’elle par la lentille de l’humanité, mais les cadavres par celle de la police scientifique, au point qu’ils devenaient des objets.
Durant toute son enfance, elle avait passé plus de temps ici que chez elle, lui semblait-il – elle se rappelait encore l’ancien numéro de téléphone des Gimm. Sensation huileuse d’une réalité bavant sur une autre, comme du blanc d’œuf échappé d’une fêlure de la coquille.
Les morts sont plus nombreux que les vivants, déclara Nestor. C'est mon père qui disait cela. Mais il me parlait aussi des nouveaux corps que nous recevons tous à la fin des temps, des corps auréolés de lumière. Quelles idée exaltante, renaître en Dieu ! Les morts recevront de nouveaux corps. (pages 230)
La totalité des entreprises humaines n’est rien quand on la compare aux étoiles.
Il se déplaçait avec une grâce ophidienne, la bouche entrouverte, le bout de la langue touchant les lèvres, comme s’il avait pu me goûter dans l’air.
QUATRIEME PARTIE : 2015-2016 – Chapitre 3
La totalité des entreprises humaines n'est rien quand on la compare aux étoiles.
Le temps, c’est une brûlure, en fait. On croit les blessures cicatrisées, mais elles n’arrêtent pas de se rouvrir.
DEUXIEME PARTIE : 2015-2016 - Chapitre 4
La procédure de l’autopsie l’aidait à clore ses expériences avec la mortalité – la mort restait un mystère, mais la vie d’une personne pouvait être résumée dans un dossier, par des poids et des mesures.
PREMIERE PARTIE : 1997 - Chapitre 2
Notre défaut fatal à tous est de croire en notre propre existence jusqu’à ce qu’on nous détrompe. Tout ce que nous voyons, tout ce que nous sentons nous affirme que nous sommes vivants, que ce qui nous entoure l’est aussi, mais c’est une erreur, une illusion que nous sommes incapables de percer.
QUATRIEME PARTIE : 2015-2016 – Chapitre 3
Quelqu’un lui avait dit qu’on ne pouvait pas plier une feuille de papier plus de onze fois, si grande qu’elle soit. Ayant essayé avec des feuilles de journal très fines, des rectangles géants, elle n’avait de fait jamais réussi à les plier plus de onze fois, et encore les derniers plis avaient-ils été difficiles, le papier se retrouvant réduit à une brique minuscule. […] Quand ses émotions bouillonnaient et la bouleversaient ainsi, elle visualisait sa vie comme une feuille de papier aussi grande qu’une voile de navire, qu’elle pliait jusqu’à ce que ses émotions soient comprimées dans son cœur en une petite brique compacte ayant la dureté du diamant.
TROISIEME PARTIE : 1997 – Chapitre 2
J'avais rencontré des amputés doués d'une volonté de fer qui continuaient de courir, qui refusaient d'abdiquer les droits dont leur mutilation menaçait de les priver.
Certaines personnes avaient tout à fait abandonné leurs corps, devenant immortelles sous la forme d’ondes lumineuses – mais, une fois qu’ils en ont été incapables, ces immortels ont imploré de mourir, car la vie sans le passage du temps devenait sans objet. On croyait jadis que l’enfer était l’absence de Dieu alors que c’est l’absence de mort.
DEUXIEME PARTIE : 2015-2016 - Chapitre 1
Moss savait que des montagnes se dressaient autour d’elle mais ne les voyait pas – sinon comme des poches d’obscurité gigantesques qui éteignaient les étoiles.
PREMIERE PARTIE : 1997 - Chapitre 3
Je suis toujours un homme de foi puisque je crois. Mais, quand je pense à Dieu, j’imagine une espèce de parasite.
DEUXIEME PARTIE : 2015-2016 - Chapitre 2
La poésie est l’ombre que projettent les réverbères de nos imaginations.
Ferlinghetti.
Je ne cherche pas le bonheur, seulement des poches de soulagement - je suis un noyé qui aspire des bulles d'air.
Moss avait appris depuis longtemps la technique dissociative permettant de voir les cadavres d'un œil différent, de séparer autant que possible les corps mutilés de la personnalité qu'ils avaient de leur vivant. Elle voyait ses collègues autour d'elle par la lentille de l'humanité, mais les cadavres par celle de la police scientifique, au point qu'ils devenaient des objets.
Elle était formée au voyage temporel – habituée à revivre des événements futurs quand ils se produisaient sur la terre ferme du présent. Cette impression de déjà-vu là, toutefois, c’était autre chose, c’était comme si elle avait surpris le monde à se répéter, la maison, les deux filles, comme si elle avait vu ce qu’elle n’était pas censée voir, la mécanique répétitive du temps cyclique.