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Critiques de Tristan Saule (111)
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Mathilde ne dit rien

Le voilà mon premier coup de coeur de l'année ! Et c'est un premier roman, âpre, à l'héroïne de la trempe de celle qu'on n'oublie pas.



Mathilde ne dit rien mais elle est là. Elle a des yeux et une conscience. Elle a un passé terrible qu'elle est parvenue à éloigner durant douze ans en exerçant comme travailleuse sociale dans une collectivité territoriale jusqu'à un événement la fasse basculer : l'expulsion à venir de ces voisins à cause d'un salopard qui les a mis financièrement dans la mouise. Et là, elle fonce et défonce tout en mode justicière lorsqu'elle comprend que les recours légaux seront vains.



Le prologue est absolument époustouflant, dès les premières phrases qui instaurent d'emblée une tension narrative qui ne fera que monter crescendo : « Voilà presque dix minutes qu'elle tourne autour de la maison. C'est pas normal. Elle est grande, large, robuste. De dos, on la confondrait avec un homme. Elle en a la musculature, les cheveux courts et mal peignés. Quel âge a-t-elle ? Quarante ans ? Cinquante ans ? ». L'écriture est précise, affutée, se glissant avec fluidité à hauteur d'homme et de femme.



«  Toute la nuit, quelque chose de noir et de brûlant empêche Mathilde de dormir. C'est un abîme de rage profond comme les siècles. C'est un grondement qui la change en rivière de lave. C'est la peur sourde que tout s'arrête, d'un coup, sans que ni elle ni personne n'y puisse rien faire. Ce qui nous donne vie peut la reprendre. le monde est pleine de tant d'horreurs. Les calamités, ici-bas ne sont pas des exceptions. Période de veille. Période de cauchemars. Alternance floue entre l'impossible et le pire que ça. Bruits de grosses cylindrées qui se répercutent contre les façades des immeubles de la place carrée. Sa chambre est une caisse de résonance. Elle dort dans un instrument de musique qui joue une symphonie mélancolique. Elle pourrait ne plus se réveiller. La nuit pourrait durer toujours. Elle cogite. »



S'en suit un récit haletant ramassé sur sept jours, construit comme un compte à rebours à l'implacable mécanique narrative. Quel formidable personnage ! Tristan Saule parvient à la caractériser parfaitement sans user de passages psychologisants lourdauds, maintenant un juste équilibre entre ses zones d'ombre et des éclairages brefs sur son passé. Elle est présentée comme un être d'action, qui avance, une force qui va, une force de percussion lorsqu'elle décide d'en découdre et de se confronter à ses vieilles blessures.



Si les qualités du roman s'arrêtaient là, Mathilde ne dit rien serait déjà un très très bon roman. Ce qui est également formidable, c'est l'humanisme et le réalisme qui se dégagent du récit. le roman noir se fait social et propose une peinture sociétale nuancée , ancré dans un quartier populaire d'une ville moyenne dans une France rongée par les inégalités. La France des gilets jaunes est en toile de fond, mais très lointaine, car tous les personnages qui gravitent autour de Mathilde sont trop occupés à survivre, trop conscients qu'ils ne comptent pour personne. Rare de lire un roman aussi intelligent sur la France des marges, des invisibles, des oubliés, un roman engagé et vibrant.



Il s'agit du premier tome d'une série « Les Chroniques de la place carrée ».

C'est peu dire que j'ai hâte de me plonger dans le prochain ( j'adorerais que ce soit le très beau personnage du jeune Idriss qui en soit le personnage principal ).

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Mathilde ne dit rien

"Au pays des perdants, des poissards, des combattants pour tout", Mathilde ne dit rien. Elle parle pas beaucoup Mathilde, mais elle voit et elle écoute toute la peine du monde qui est aussi le sien, dans son quartier de "la place carrée" et dans sa fonction d'aide sociale des services départementaux.



Puis un jour, c'en est trop. Travail au noir, mauvais payeurs et une famille dans le malheur. Peut-être parce que les victimes sont ses voisins, si Mathilde ne dit rien elle va prendre les choses en main. Agir.

Sûrement parce que c'est aussi plus que ça pour elle. Réagir pour ne pas mourir.



Mathilde ne dit rien parce qu'elle a un passé trop lourd à porter que vous découvrirez dans cet instantané de la société française pris sur le vif. Un subtil portrait de la France d'en bas, la vraie, du moins celle que je connais. Dépassée de tous bords par les paroles tantôt bienveillantes, tantôt réprimantes d'un pays qui l'a oubliée.

Larguée même par les Gilets jaunes qui se battent alors pour le pouvoir d'achat, pas pour la survie.

Une France silencieuse qui se moque bien de manger moins de viande quand elle n'en a pas, ou d'apprendre l'écriture inclusive quand écrire une lettre est déjà si difficile.

Qui l'inclut elle ?



Mathilde est un peu de tout ça, spectatrice d'un monde indifférent, qui prend vie sous la plume fine et sans misérabilisme d'un auteur faisant habilement monter la tension tout au long du récit.

Pour la faire exister enfin. Merci Tristan Saule.



"La lumière décline. Les oiseaux de jour croisent les oiseaux de nuit, indifférents les uns aux autres, deux faces d'une même pièce dans un quartier où personne n'a de leçon à donner à personne. Tu gagnes ta vie comme tu peux. Tu vends du shit ou tu es caissière chez Leader Price, c'est du pareil au même. La morale n'a pas de gosses à nourrir."
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Jour encore, nuit à nouveau

Mai 2020, à l'heure où la France se déconfine, Loïc reste cloitré dans son appartement, observant le monde extérieur qui renait à travers le viseur de sa carabine 22 Long Rifle. Forcément, selon le principe du fusil de Tchekhov, on se dit que cela va mal finir.



En alternant moments présents et souvenirs de Loïc, Tristan Saule dessine brillamment le portrait touchant de ce trentenaire à la dérive, être fragile qui aurait pu, pourtant, ne pas vriller : il est intégré socialement en tant qu'ouvrier tôlier, parents présents, grande soeur protectrice et aimante et surtout la découverte du théâtre à travers un atelier du soir le révèle à lui-même au point de lui donner envie d'écrire. le confinement agit comme un catalyseur de ses fragilités et de ses angoisses. le voilà qui rumine une situation anodine : le refus par son prof de théâtre de faire jouer Les Aventures de Clique et Cloque ( la pièce qu'il a écrite ) par les élèves.



« Puis c'est le silence. Puis la rotation de la Terre ralentit. Puis le temps se détraque et les enfants s'évanouissent. Ils disparaissent si vite que Loïc se demande s'il ne les a pas écrasés du plat de la main. Il regarde autour de lui. Il ne sait plus dans quelle pièce de son appartement il se trouve, ni s'il est assis, debout ou allongé. Il fait déjà nuit. Il fait jour. Il fait nuit à nouveau. Il fait jour encore. Il fait nuit tout le temps. Les fenêtres des appartements sont bleues, oranges, blanches, selon l'éclairage des intérieurs, selon les chaînes de télévision. Il y a des chaînes roses et des chaînes violettes, des chaînes dynamiques et des chaînes langoureuses. Certaines vitres s'allument, d'autres s'éteignent, au rythme des nouvelles qui défilent sur les écrans.

Loïc est allongé sur son lit. Elora lui sourit.

La voix parle de l'autre côté du mur. La voix parle dans sa tête. Les ombres obliques sur le plafond. La peinture boursouflée. Les fissures.

Comment décrire ça ? Comment des mots pourraient-ils décrire ça ? Il y a tant de détails. Une fissure ne suit pas une ligne droite. Chaque brin d'herbe a une couleur différente. Si j'écris que l'herbe est verte, je mens. Si j'écris que les fissures serpentent, je mens. le plus précis des mots est incorrect. Tout le monde ment. »



Le récit devient thriller psychologique obsédant. le lecteur est directement plongé dans l'esprit de plus en plus torturé de Loïc, l'auteur excellant à décrire le terrifiant processus de montée en folie, d'autant plus qu'il ne recourt jamais à des explications psychologiques toutes faites, juste quelques clefs liés à des événements familiaux que chacun aura la liberté d'interpréter. Il force le lecteur à entrer dans le champ restreint visuel de Loïc, sans contrechamp, sensation étouffante de huis-clos renforcé par le brio d'une écriture très cinématographique aux phrases brèves et haletantes quasi stroboscopiques parfois.



Forcément, on pense à Taxi Driver et à Travis Bickle. Son « Are you talkin' to me » paranoïaque passe par un dédoublement de personnalité qui lui fait adopter la voix du géant Cloque, projection forte et justicière qui parvient à régler tous les problèmes, ou encore « parler » à Elora une playmate instagrammeuse dont il like les photos dénudées, ne parvenant plus à faire la différence entre réalité et virtualité.



Tous les romans « Chroniques de la Place Carrée » ont une dimension socio-politique évidente avec leur ancrage très contemporain dans une ville imprécise de la France périphérique. Lorsque le récit décroche du huis-clos de l'appartement de Loïc, c'est pour raconter en filigranes notre société de plus en plus hostile et violente pour les plus faibles, abreuvée d'informations – fausses ou pas – anxyogènes et déstabilisantes. Une société dans laquelle le contact avec l'Autre peut s'avérer dangereuse et le repli sur soi salvateur, mais où l'aliénation par la solitude est toute aussi risquée.



J'attendais avec grand impatience ce troisième volet du cycle de romans noirs « Chroniques de la Place Carrée », et une nouvelle fois, je suis bluffée par le talent de Tristan Saule, un auteur dont on ne parle pas assez. Peut se lire indépendamment des chroniques précédentes, Mathilde ne dit rien et Héroïne que je vous conseille vivement.
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Héroïne

Tristan Saule reprend les codes du roman noir pour construire brillamment un récit à la mécanique narrative implacable. Il entremêle les destins, complexes, de deux personnages principaux autour desquels gravite toute une myriade de personnages secondaires tout aussi réussis et incarnés. Laura est infirmière, ce n'est pas facile en période COVID tout début de pandémie, d'autant qu'elle est en pleine confusion amoureuse. Tonio est un petit dealer d'ecta qui saisit l'opportunité de monter un plan héroïne sans en avoir l'envergure. Ils ne se connaissent pas mais vivent dans le même quartier.



Forcément, on sent l'inéluctable arriver. Laura et Tonio vont être en danger par les choix qu'ils vont faire, contraints ou insouciants ou assumés. On sait qu'ils vont se rencontrer et que la collision fera mal, et pourtant rien n'est surjoué ni artificiel. Bien au contraire, le récit respire l'authenticité tant Tristan Saule a un oeil aiguisé pour prendre le pouls de la société à un moment de bascule et observer ce quartier populaire qu'il a choisi comme cadre de son roman. La critique sociale et politique est fine, acérée mais sans manichéisme, pleine de tendresse pour tous ces oubliés, ici désoeuvrés par le confinement qui se profile, sans ressources, les laissés pour compte de l'ascenseur social. Le regard n'est jamais surplombant mais à leur hauteur, d'une rare empathie.



L'auteur excelle dans la narration, enchaînant des paragraphes courts, parfois d'une dizaine de lignes voire d'une seule phrase, deux pages au maximum. Les mots claquent, apportant une rythme très particulier, plein de nervosité et de tension crescendo à mesure que les destins s'entremêlent. Les dernières pages happent totalement. Le sens de la découpe, très assuré, donne l'impression de lire avec plein de caméras filmant chacune leur scène, leur morceau de scène sous leur angle. Le mouvement finit par créer une chorégraphie irrésistible qui explose et laisse le lecteur chaos, entre système hospitalier au bord du chaos et guerre des gangs.



Tristan Saule confirme son talent avec ce deuxième volet de son cycle de romans noirs sociétaux «  Chronique de la place carrée ». Si le premier, Mathilde ne dit rien m'avait plus remué ( c'est un de mes gros coups de coeur 2021 ), j'ai trouvé celui-ci tout aussi formidable. Et quel plaisir de retrouver le personnage de Mathilde, même dans un petit rôle ( mais O combien important ) ! J'attends le prochain opus avec impatience !
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Mathilde ne dit rien

Polar social en pleine cité HLM : une claque !



Premier volume des Chroniques de la Place Carrée, ce roman social, d’une troublante noirceur, m’a conquise, me replongeant sur les lieux de ma propre enfance, à savoir les méandres d’une cité HLM dans l’Est de la France, avec ses codes, ses rituels, son lot de misères humaines traversées par quelques fulgurances lumineuses teintant la promiscuité d’une ondée soudaine de poésie. Tristan Saule a-t-il vécu lui aussi dans une telle cité pour avoir su ainsi s’en approcher avec autant de justesse ?



Le cœur névralgique de la cité c’est la Place Carrée ceinte de sa résidence en forme de U formant comme un cœur au milieu des hautes tours. Les immeubles ici ne dépassent pas trois étages. On y trouve une annexe de la bibliothèque, la mission locale et la maison de quartier et surtout son marché hebdomadaire du dimanche matin qui attire toute la ville, aimantant « des gens qui cherchent ici un peu de Maghreb et d’Afrique, des épices rares, des mélanges de condiments, des pâtisseries orientales ». Cette place grouille de monde quelle que soit la saison. C’est ainsi la vitrine de ce quartier populaire, cette place en sandwich entre la Mosquée et le Leader Price. Mais au-delà de la vitrine et des apparences, c’est un quartier qui a sa propre police, à savoir la tutelle d’un voyou dénommé Salim qui fait régner la terreur, ses propres codes, sa façon bien à elle de régler ses comptes, son commerce notamment de shit, son économie souterraine et ses laissés pour compte.



« La lumière décline. Les oiseaux de jour croisent les oiseaux de nuit, indifférents les uns aux autres, deux faces d’une même pièce dans un quartier où personne n’a de leçon à donner à personne. Tu gagnes ta vie comme tu peux. Tu vends du shit ou tu es caissière chez Leader Price, c’est du pareil au même. La morale n’a pas de gosses à nourrir ».



Mathilde, la grande et mystérieuse Mathilde, ancienne ceinture noire de judo, femme célibataire de 46 ans toujours vêtue de son indécrottable jogging, qui cache si bien ses émotions au point de la croire toujours impassible et froide, habite dans l’immeuble situé coté est de la Place Carrée. Elle est voisine d’un couple d’un certain âge, grands-parents du petit Idriss auquel elle s’est attachée. Elle travaille sinon comme assistante sociale à aider les plus démunis, à leur trouver des solutions d’urgence et, à la collectivité territoriale où elle officie, y travaille sa seule amie, Sophie. Nous sommes en pleine période du mouvement des Gilets Jaunes, phénomène social face auquel Mathilde n’arrive pas trop à se positionner. L’impassibilité pour armure pour atteindre l’invisibilité.





Le premier chapitre nous cueille immédiatement tant cette entrée en matière est totalement flippante : nous y découvrons Mathilde s’introduire chez une inconnue, une certaine Gaëlle, vivant dans une maison bourgeoise pour la menacer de payer ce que son mari doit à son voisin. En effet, le vieil homme a refait toute la terrasse, avançant même le prix des matériaux, le fameux comblanchien étincelant, mais le mari, Jean-Philippe, prétextant que le travail a été mal fait, ne lui jamais remboursé les matériaux et n’a jamais payé le travail réalisé. Suite à cette arnaque, les loyers impayés placent le vieux couple en situation d’expulsion. Face à leur détresse, Mathilde a décidé de les aider de façon disons non conventionnelle. En faisant peur à cette femme bourgeoise fragile.

Dans sa façon de faire, dans sa capacité à mettre une distance entre son acte et elle-même, on sent que Mathilde a vécu un jour quelque chose de très marquant, qu’elle expie un passé traumatique qui va se révéler au fur et à mesure du livre.



Voilà un superbe portrait, un portrait noir et sans concession, d’une femme puissante qui a un jour tout perdu et qui est désormais seule au milieu de cette jungle péri-urbaine où règne la loi du plus fort, sans plus rien à perdre, juste obnubilée par l’extinction du soleil.

Mathilde va me marquer durablement. Tristan Saule maîtrise à la perfection ce premier tome percutant et efficace, tant dans sa manière de nous maintenir en haleine, que dans la façon de camper ses personnages, ou encore dans ses descriptions de la cité HLM et des pavillons de banlieue à proximité, lisières qui ont le don de me fasciner, entre-deux ni urbains ni campagnards.

Je referme ce livre avec le regret de quitter Mathilde, de la quitter dans un triste état qui plus est, et j’ai déjà hâte d’aller errer, de nouveau, à la Place Carrée avec les autres tomes de ces Chroniques dans lesquels un personnage secondaire de ce tome deviendra le héros du suivant, fresque sociale développée sur plusieurs années avec sa galerie de personnages pittoresques. J’espère que les autres tomes seront tout autant addictifs !



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Et puis, on aura vu la mer

Ce roman est le quatrième d'une série : Chroniques de la place carrée. On peut parfaitement le lire (c'est mon cas) sans avoir lu les précédents, même si je pense que connaitre le passé de certains des personnages aurait encore ajouté à l'intérêt de ce livre.



Pourquoi ai-je autant aimé ce livre, moi qui ne suis pas ATSEM dans une école maternelle, moi qui ne vis pas dans une banlieue où les ruptures de jeune du Ramadan animent parfois un peu trop vigoureusement les soirées, moi qui ai pensé parfois que l'histoire contée était un peu invraisemblable...

Parce que j'ai été envoûtée, subjuguée, par les personnages, qui m'ont touchée, des femmes principalement, des femmes qui ne renoncent pas, qui ne se laissent pas faire, qui foncent dans l'inconnu parce qu'elles veulent pouvoir encore se regarder dans la glace, par l'écriture simple (ce n'est pas un reproche) et terriblement efficace de Tristan Saule, parce que j'ai partagé pendant quelques jours la vie de ces femmes et que même si leurs problèmes ne sont pas les miens, j'ai aimé suivre leur chemin pendant ces quelques heure de lecture, et puis j'aurai vu la mer avec elles, en plus c'est celle que je vois tous les jours de chez moi.



Un roman très attachant, peuplé de ces gens ordinaires qui n'ont pas souvent l'occasion d'être mis en avant, un roman où les dialogues sonnent incroyablement justes, un roman qui est aussi un roman de société, qui décrit avec beaucoup de réalisme la vie ordinaire dans une banlieue, où il n'est pas toujours simple pour chacun de trouver sa voie.



J'avais demandé il y a quelque temps "Mathilde ne dit rien" à une autre masse critique. Je n'avais pas eu la chance de le recevoir. Celui-ci, c'est d'abord le titre qui m'a attirée. Et cet dernier opus de la série me donne d'autant plus envie de lire les autres.

Je suis ravie d'avoir été sélectionnée pour ce roman lors de la MC de Novembre. Un grand Merci à Babelio et aux éditions le Quartanier pour ce partage.

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Mathilde ne dit rien

A Bessancourt, comme partout ailleurs, on ne mélange pas. La zone pavillonnaire ignore les barres grises et leurs occupants qui inspirent la méfiance. D’ailleurs dans la zone pavillonnaire, on ignore aussi ses voisins. Mais on les scrute, on les épie. On sait ce qui se passe. Alors quand une jeune femme à l’allure masculine rode autour de la maison, Gaëlle fait ce qu’elle sait le mieux faire, elle imagine le pire. Et pourtant, Mathilde réussira à s’introduire dans la maison.



Mathilde parle peu, répond à peine aux questions ou aux provocations , de ses collègues, de ses voisins, de compagnons de muscu. Alors il faudra beaucoup de temps et de pages tournées pour savoir ce qu’elle cache si bien. Avec cette angoisse permanente de l’explosion du soleil, dont on ne sait jamais si elle n’a pas déjà eu lieu.



Deux histoires en une. La plus récente se déroule sur une semaine, et fait suite à la « visite » de Mathilde chez Gaëlle, alors que les drames passés sont peu à peu révélés sur des chapitres intermédiaires.



C’est un roman noir, un thriller, dont la tension monte crescendo jusqu’à provoquer cette lecture chaotique où les yeux ne vont pas assez vite pour éclairer le lecteur au coeur battant.



Et la bonne nouvelle, c’est qu’il semble bien que cette histoire est le début d’une série, avec la perspective donc de retourner ce personnage énigmatique et attachant.


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Mathilde ne dit rien

Après avoir remarqué cette grande femme robuste et large, des chaussures de sécurité aux pieds et une boîte à outils, traîner pendant plus de dix minutes autour de la maison, Gaëlle est effrayée lorsque, voulant la regarder de plus près, elle est juste là, le nez collé à la fenêtre de la cuisine. La femme s'excuse mais, en câblant un pavillon pas loin, elle a déconnecté sa box. Aussi aurait-elle besoin de rentrer pour tout remettre en ordre. Terriblement méfiante, Gaëlle, seule à la maison, la laisse toutefois entrer. Elle panique de plus en plus lorsqu'elle la voit s'installer dans le bureau de son mari, Jean-Philippe, regarder les photos de famille, l'interroger sur la belle terrasse qui entoure la piscine, redescendre les marches de l'escalier menant à l'étage et surtout lorsqu'elle lui dit qu'elle voulait voir la chambre d'Alice. Comment cette femme du câble connaît-elle le prénom de sa fille ? Affolée, Gaëlle ne peut retenir ses larmes lorsqu'elle somme son mari de payer Mohammed tout de suite...

Le plan a marché, la femme est terrifiée et Mathilde est sûre que le message sera bien passé. Avec l'aide d'un ami, Mokhtar, à qui elle a emprunté la tenue et les outils de travail, Mathilde, conseillère sociale au Conseil Départemental, a voulu faire justice elle-même en aidant ses voisins de palier, Mohammed et Nadia. Dans la panade financièrement, celui-ci attend toujours un gros chèque de Jean-Philippe pour la terrasse qu'il a posée...



Le premier chapitre, oppressant et énigmatique à souhait, nous présente Gaëlle, une femme bien sous tous rapports, et Mathilde qui, vêtue tel un agent du câble, est venue menacer cette dernière. Non pas qu'elle fasse cela souvent, bien au contraire, mais Mathilde, de par son métier, a plus que jamais conscience des inégalités sociales. Après cette visite chez Gaëlle, les choses vont changer. Mais, malheureusement, pas toujours comme prévu. Sur une période de sept jours, Tristan Saule déroule un scénario concis, noir et terriblement ancré dans la société. Ce roman mêle habilement et intelligemment les genres : sur fond de peinture sociale et économique, avec, de loin en loin, les Gilets Jaunes, l'auteur dresse le magnifique portrait d'une femme robuste, pourtant un brin désenchantée, qui cache un trop lourd secret, tout en maintenant une ambiance sombre, parfois violente et de plus en plus tendue. Autour de Mathilde, l'on découvre des personnages là encore plus vrais que nature, qu'il s'agisse du jeune Idriss, de son oncle Lounès ou du caïd Salim. D'ailleurs, Mathilde ne dit rien étant le premier volet de la place carrée, l'on retrouvera avec un grand plaisir l'un ou l'autre dans un prochain roman.



Un roman brut, saisissant, vibrant...
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Mathilde ne dit rien

Gaëlle est seule dans son pavillon avec terrasse en comblanchien et piscine quand elle repère une grande femme à l'allure hommasse dans la rue. Peureuse de nature, elle imagine le pire, mais la femme parvient quand même à s'immiscer à l'intérieur en indiquant qu'à la suite d'une erreur de manipulation, elle a déconnecté internet dans une armoire technique et doit avoir accès à la box de Gaëlle pour rétablir la connexion. La femme est-elle vraiment une technicienne ? Ou une cambrioleuse ? Ou pire ? ● le début de ce roman, magistral, place d'emblée le lecteur dans une ambiance d'inquiétante étrangeté qui happe son attention et lui donne envie de connaître la suite. ● Cette suite est globalement à la hauteur de ce prologue : serrée, affutée, haletante. L'histoire se dédouble, l'une des branches du récit se situant aujourd'hui, c'est-à-dire au jour où la femme pénètre dans la maison de Gaëlle (en 2019), et l'autre remontant aussi loin que 1991 pour aller jusqu'en 2005. ● L'auteur agence la narration de main de maître ; il n'y a aucun temps mort ; les deux plans temporels s'associent à merveille. L'arrière-plan social est lui aussi parfaitement décrit, mariant le roman noir au réalisme social. le personnage de Mathilde est à la fois original et attachant. ● Ce premier tome des Chroniques de la place Carrée est une réussite éclatante et il me tarde déjà de lire les suivants. Merci à Kirzy et à Kittiwake pour cette belle découverte !
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Mathilde ne dit rien

Mathilde sait que tout peut s’éteindre et geler sans crier gare. Que la lumière du soleil met huit minutes à nous atteindre. Que si le soleil meurt, pendant huit minutes, on n’en saura rien, on continuera à se chamailler, à regarder des émissions débiles à la télé, à se fader des cheffaillons insupportables. Et ça lui fait peur.

Mais pour le reste, elle n’a pas froid aux yeux, Mathilde. Quand ses voisins, Mohammed, Nadia et leur fils Idriss risquent d’être expulsés de leur logement, elle se métamorphose en justicière pour tenter d’empêcher ça.

Une taiseuse, une qui porte en elle «un abîme de rage profond comme les siècles», et une humanité pas loin d’être aussi énorme, Mathilde est une très belle héroïne.

Au niveau du tableau social dressé dans ce 1er tome des Chroniques de la place carrée, Tristan Saule dit des choses très justes, et la construction, tout comme l’écriture de ce roman, sont bien efficaces.
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Mathilde ne dit rien

Mathilde est assistante sociale dans un service social du département. Un bâtiment en béton et métal, laid, froid, et posé au milieu de nulle part, à la sortie de la ville. Un bâtiment déprimant que seuls les fonctionnaires et les usagers connaissent. Depuis qu’elle travaille là, elle mesure à quel point la vie des gens est fragile, suspendue. Elle fait son boulot, sans juger les gens qu’elle aide mais ne se sent pas responsable non plus, elle a ses propres problèmes, ses propres failles.



Mathilde habite un quartier dans le centre ville : la place carrée. Un quartier populaire des invisibles, des précaires. Un trafic de stupéfiants avec des guetteurs, un marché le dimanche, des voisins en survie qui préfèrent appeler Mathilde à l’aide plutôt que les flics. Mathilde ne refuse jamais d’aider. Quand elle apprend que ses plus proches voisins sont menacés d’expulsion et les démarches administratives n’y pouvant plus rien, elle n’hésitera pas à user de la violence pour essayer de les sortir de ce mauvais pas. Parce que Mathilde ne dit rien, jamais, mais elle est pleine de rage, de haine, de tristesse, de chagrin. Elle n’a plus rien à perdre. On apprend son histoire, son passé, par petits bouts et tant mieux, d’un coup ce serait trop.



Un roman social où tu dois chercher un souffle d’espoir, chercher la fleur qui pousse dans le bitume.



La violence explose surtout en début et fin du roman mais il y a les petits moments de confort quand Mathilde fait ses courses en prévision de ses repas de la semaine, quand elle ouvre la fenêtre le dimanche, avant le marché, pour écouter les bruits familiers des camelots et chasser la poussière et les regrets avant les odeurs de nourriture. Le soleil levant qui la réchauffe quand elle se rend à son travail à pied.



La description de la ville avec les quartiers résidentiels à l’écart du centre ville et donc des gens précaires et leur place carrée, les services sociaux très loin du centre ville où il faut marcher plus de vingt minutes pour aller demander une aide est bluffante, le contraste entre la vie de Mathilde et de Gaëlle, saisissante, l’ambiance délétère des service sociaux véridique. Et toute cette violence qui plane comme les nuages, tu ne sais jamais quand elle va exploser, te maintient en haleine dans cette histoire.



Certes ce n’est pas un roman d’amour mais entre les virgules et les lignes j’y ai trouvé une brise d’espoir. L’auteur décrit d’une manière romancée (si peu) la France d’en bas avec noirceur et tendresse.




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Mathilde ne dit rien

J'avais vaguement noté ce titre dans ma tête. Puis arrive la dernière Masse Critique. Je vois réapparaître ce titre. Aucun a priori, je ne sais plus ce qui m'avait tentée. Je sélectionne ce livre parmi d'autres. Un grand merci à Folio et à Babelio pour ce beau cadeau qui m'a ravie.

.

Dans le dernier roman que j'ai lu, j'avais été déçue par les héroïnes, aucune empathie, aucune curiosité, rien. Là c'est pile le contraire et j'ai aimé ! J'ai d'abord été inquiète par Mathilde, puis intriguée, dubitative, surprise, attachée.... Je suis passée par tous les ressentis au fur et à mesure que se déroulait l'histoire.

Quel beau personnage que cette Mathilde ! Avec ses zones grises, son empathie vis-à-vis des autres (surtout des plus pauvres), ses secrets....

Un personnage réussi ! Plus que l'histoire c'est Mathilde qui fait l'attrait de ce livre. Mathilde qui parle peu mais s'occupe des autres.

Un livre qui parle de violence sociale, de violence tout court, de pauvreté, de recherche du bonheur....

Un livre qui parle d'une femme qui sort de l'ordinaire.... et pourtant elle pourrait habiter au bout de la rue. Fonctionnaire, ancienne championne de judo. Mais la vie, dans sa brutalité, qui passe par là.

.

Alors si j'ai tant aimé ce livre, pourquoi une étoile en moins ? Peut-être la fin... Un peu "trop" pour moi.... Je n'en dirai pas plus, je ne veux rien révéler, ce livre doit être lu. Il colle en plein à l'actualité (sociale).

Vraiment un livre que j'ai aimé ! et un personnage exceptionnel !
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Héroïne

Tranches de vie en période de Covid

*

Ceci est le tome 2 de la saga "Chroniques de la Place Carrée". Une comédie de moeurs , un ton résolument doux-amer aux accents dramatiques.

Autant j'ai énormément apprécié le 1er tome, autant celui-ci m'a moyennement plu.

Il y a quelques personnages récurrents - tel le jeune ado Idriss - qui tiennent lieu de fil conducteur dans cette fresque de quartier.

La pandémie virale (confinement strict) est au coeur du récit. Les habitants de ce "ghetto" déshérité le vivent chacun à sa manière. L'auteur adopte un ton cinématographique, sec et fluide.

Pour travailler exactement au même endroit que l'infirmière Marion (aux Urgences), je peux dire que l'auteur s'est remarquablement renseigné.

*

Nous, lecteurs, sommes les spectateurs de ces tranches de vie banales mais singulières. Nous aussi l'avons peut-être vécu. (ce huis-clos social).

Je lirais avec impatience le tome 3.
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Mathilde ne dit rien

Mathilde ne dit rien, ou vraiment pas grand chose, le strict minimum, mais elle compte, dans sa tête, en base 8.

Et elle agit. Avec ses tripes et son grand coeur, elle règle les comptes elle-même, parce qu'autour d'elle, on ne peut rien attendre de la justice. Elle est du mauvais côté de la barrière, même si elle est travailleuse sociale, avec un salaire régulier de fonctionnaire. D'ailleurs, elle vit dans le même quartier que ceux qui viennent solliciter des aides financières, et connaît la plupart. Généreuse et impliquée, elle ne peut pas laisser passer certaines choses, mais...

.

Formidable roman social noir, c'est à dire qu'il est bien écrit, que les observations de l'auteur sont très justes... et que ce tableau atteint son but, puisqu'il est totalement déprimant, même si on est déjà informé de ces réalités.

En gros, le décor & l'ambiance, c'est ça : « [Tu vis] dans un quartier où personne n'a de leçon à donner à personne. Tu gagnes ta vie comme tu peux. Tu vends du shit ou tu es caissière chez Leader Price, c'est du pareil au même. La morale n'a pas de gosses à nourrir. »

Ne pas 'donner de 'leçons'. Mais recadrer ceux qui profitent de cette misère, si. Merci Mathilde ! ♥

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Je conseille à ceux* qui apprécient Nicolas Mathieu, Marion Brunet, Pascal Manoukian.

Dans ce style de roman choc, je recommande aussi 'Le secret de Mona' de Patrick Bard. J'ai également pensé, à la lecture, à l'incontournable 'Ils sont votre épouvante...' de Thierry Jonquet.



Un grand merci, Seb_libraire, pour tes extraits qui m'ont donné envie de découvrir ce roman. Je retourne lire soigneusement ton billet !

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* pas d'écriture inclusive sur le 'ceux', désolée... grosse flemme. Et la journée internationale des Droits des Femmes, c'était hier - relâche pour un an ! 😜😉

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Cette chanson pour Mohammed & son petit-fils Idriss - courage, les gars, contre les c*ns & les prédateurs ! ♥

Pensée aussi pour tous ceux concernés par la fin de la trêve hivernale, dans quelques jours. Menacés d'expulsion, en logement précaire depuis des années, alors que l'urgence ukrainienne et le déploiement de bonnes volontés montrent qu'on PEUT trouver des solutions, quand les politiques et les médias soutiennent & encouragent... mais c'est une autre histoire.

♪♫ Il n'y a rien à voir (pas de clip, ni de version live), mais ne circulez pas ; il y a beaucoup à écouter :

https://www.youtube.com/watch?v=gUtFaiIsNHs
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Héroïne

En pleine pandémie de Covid-19, pendant le confinement, Laura, infirmière, est amoureuse de Marion, une femme mariée, tandis qu’échoit à Tonio, un dealer minable de shit et d’exta, une opportunité inespérée qui peut l’enrichir considérablement. L’amour parviendra-t-il à arracher Marion de sa vie routinière ? Tonio arrivera-t-il à réussir son coup ? ● J’avais adoré Mathilde ne dit rien, le premier volume de ces Chroniques de la Place Carrée. Mais contrairement aux autres lecteurs Babelio, j’ai été déçu par ce roman. ● On ne retrouve le superbe personnage de Mathilde que dans une brève apparition. ● Mais surtout il y a trop de personnages, les paragraphes sont trop courts, si bien qu’on saute constamment d’un personnage à l’autre et que cela ne fonctionne pas bien. La construction du récit m’a paru beaucoup moins bien maîtrisée que dans le premier tome. Dommage…
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Héroïne

Deuxième volet de la trilogie de Tristan Saule - Chronique de la place carrée -, romans sociaux, sociétaux, plutôt noirs comme ont pu s'en rendre compte les lecteurs du tout premier opus - Mathilde ne dit rien -, et si celui-ci semble l'être "un peu moins", ne vous fiez pas aux apparences, il réserve des surprises auxquelles vous resterez difficilement insensibles.



Nous retrouvons donc la place carrée, place située au coeur de la cité populaire de la petite ville de Monzelle.

Dans ces barres d'immeubles conçues dans les années 70 vivent aujourd'hui 8000 de nos compatriotes, ceux essentiellement appartenant à ce que certains appellent "la France d'en bas", celle des "Lumpen", celle qui survit grâce à des petits boulots, des aides sociales, de l'entraide ou de la "débrouille" ; mode de survie peu considéré par le Code pénal.



Au milieu de ce décor et de quelques-uns des protagonistes

du premier pan de la trilogie, dont Loumès, Idriss, Zineb et Mathilde, ouais, "la Mathilde qu'est revenue"... juste le temps d'une ou deux scènes, mais pas n'importe lesquelles...vit Laura, une très belle jeune femme ; une beauté magnétique, un peu comme celle de Cléopâtre.

Laura, infirmière de son état, est passionnée de cinéma. Et puis elle est gay ; rien de vraiment extraordinaire si ce n'est que son amour du 7ème art va lui faire croiser le chemin de Marion, une jeune trentagénaire... mariée à un homme, mais en laquelle vivent des pulsions homosexuelles qui vont faire leur coming out grâce à la "Zone" de Tarkovski et à Laura de laquelle elle va s'éprendre...pour le meilleur et pour le pire.

Tonio, l'ancien toxico auquel Mouss a donné une seconde chance, qui deale "léger" et qui sert de chauffeur à Mouss et à Loumès va se voir proposer par le "Manouche", un Marocain qui a jadis combattu en Bosnie et qui s'est reconverti en trafiquant à la petite semaine et en alcoolo chronique, une affaire d'héroïne.

Passer de l'exta à la dreu et le faire en loucedé en s'associant avec une brute sociopathe, avec l'espoir de toucher le jackpot, tel est le choix auquel est confronté Tonio.

Laura et Tonio forment donc ce binôme dramatique mis en scène par Tristan Saule. Binôme autour duquel gravite un monde dont la vie et les mauvais choix peuvent faire surgir les djinns les plus redoutés.

Mais intéressons-nous un instant à Laura, laquelle fait office dans ce roman d'héroïne cinématographique ( alors que Tonio se débat toutes les larmes de sa mère pour en avoir un peu... ), de scénariste, de metteure en scène, de cheffe opératrice vidéo, de spectatrice cinéphile, voire de critique.... Bref, elle incarne le cinéma dont elle orchestre le film à la manière d'un Otto Preminger, et je me suis posé la question de savoir si le - Laura - de Tristan Saule n'était pas une révérence littéraire offerte au maitre en hommage à son - Laura -, ce chef-d'oeuvre dans lequel auréolait de toute sa "présence" et de tout son mystère une sublime Gene Tierney... laquelle, les amateurs s'en souviennent, a incarné dans - L'Égyptien - de Michael Curtiz la tout aussi sublime princesse Bakétamon... sorte de Cléopâtre, dont la beauté peut faire penser à celle de Laura l'infirmière, bouclant ainsi la boucle...



Et tout cela au début de 2020 alors que de Chine arrive un virus inconnu, le SARS-COV2, plus "célèbre" sous l'appellation de " coronavirus de Wuhan."

La menace est d'abord sous-estimée comme le "nuage de Tchernobyl", puis on manque de masques, puis on confine...et c'est à ce moment-là que le roman nous cueille.



Un roman à l'écriture et au montage ( structure narrative ) découpé comme un film.

Il débute ainsi :

"- Le SAMU, bonsoir.

Au bout du fil, une voix féminine, brisée, tremblante.

- Il faut venir. Il faut venir.

- Dites-nous ce qui se passe, madame, dit la permanencière .Comment vous appelez-vous ?

- Il y a un souffle dans le combiné. Le vent peut-être. Ou alors la respiration vaine de la femme.

- C'est moi, dit-elle. Je suis rentrée dedans. Je l'ai tuée, elle bouge plus.

- Où êtes-vous, madame ?"



COUPEZ !



D'autres lieux, d'autres scènes, une autre temporalité(?)

Et on retrouve Laura aux urgences qui attend l'arrivée d'une jeune accidentée de la route. L'hélicoptère ne va pas tarder.

La jeune femme qui vient d'être renversée par une voiture est prise en charge et transportée au scanner.

Elle est suivie de près par sa mère qui crie son nom : "Laura !"

Surprise, troublée, l'infirmière se retourne croyant un instant que c'est elle qu'on appelle, que c'est sa mère qui l'appelle...

Cette jeune femme qui porte le même prénom qu'elle, qui a le même âge qu'elle, qui porte un pantalon vert pomme pareil à l'un des siens, ce pourrait être elle.

Tout au long de cette scène, Laura ne va être partie prenante que dédoublée, un peu de manière extracorporelle.

"- Laura contemple l'évènement à distance, invisible. Elle est au cinéma. Personne ne lui prête attention. Elle est un fantôme blanc qui tremble dans la lueur des néons blafards. La fille a le même âge qu'elle, le même nom qu'elle. Laura n'est peut-être que son âme errante, flottant dans la pièce avant de rejoindre le tunnel de lumière, avant de se fondre dans le grand tout. Il n'y a qu'une seule Laura qui s'éteint à l'âge de vingt-trois ans comme une conne, en ayant passé toute sa vie à attendre qu'elle commence. Ça ne devait pas se dérouler comme ça."



COUPEZ !



Laura marquée par la mort tragique de la jeune femme, se confiera à Marion, avec laquelle elle prendra connaissance de la sentence prononcée quelques mois plus tard par un juge contre la chauffarde : deux mois de prison avec sursis. Marion s'indignera de la légèreté de la peine...



Tristan Saule a réussi son pari ; un second volet, différent mais tout aussi prenant que le premier.

L'écriture ciné, l'authenticité des personnages, le réalisme de leur vécu ( en tant qu'ancien soignant, j'ai été scotché par l'aisance avec laquelle il met en scène le médical, le paramédical, leur lexique, leurs codes, leurs actes... c'est bluffant ! ), le rythme et l'action parfaitement accordés, le scénario et le script impeccablement maîtrisés.

La Place Carrée vit sous nos yeux, réelle comme seul le réel pouvait nous la montrer ; se contentant d'observer.

Il y a chez Tristan Saule, sur le plan cinématographique, mais pas que... quelque influence néoréaliste à laquelle, pour ce qui est de la relation Laura-Marion papillonnent devant nos yeux des effluves d'un - Mulholland Drive – qu'aurait mis en scène un duo Truffaut-Kassovitz.



J'ai vraiment tout aimé dans ce bouquin.

À commencer par la structure narrative que je ne peux qu'appeler montage.

Tout y est vie.

Rien n'échappe à la caméra du metteur en scène.

Et comme j'avais parlé en commençant ce billet des lieux que l'on retrouve dans ce deuxième opus et qui nous deviennent familiers, comment ne pas évoquer ces deux établissements symboliques qui enserrent la cité et que sont l'hôpital et la SPA... cette SPA, ce pistolet de Tchekhov dont je me disais que Tristan Saule parlait trop pour ne pas finir par lui offrir un rôle à sa mesure...

Il y a du social, il y a du sociétal, il y a de la chronique, de l'action, du suspense, du noir... et c'est intelligent.



Un régal de lecture... dont je pourrais parler des heures ; je ne le ferai pas, rassurez-vous !



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Mathilde ne dit rien

Roman noir, roman social, thriller social.

L'héroïne se prénomme Mathilde, c'est une travailleuse sociale un peu atypique. Elle parle très peu, a peu de liens, a une allure de boxeuse.( oui, je sais beaucoup de clichés !)

Les débuts de l'histoire, sont tout à fait prenants pour ne pas dire angoissants. On ne comprend pas trop ce qui se passe et ce qui va arriver, puis une fois que l'on comprend on se dit que cette Mathilde est vraiment un personnage à part, un personnage qui mérite toute notre attention. Ce n'est pas le portrait type d'une travailleuse sociale. On est plongé dans un climat social très pauvre , chez ceux qui sont délaissés, non écoutés. Même les gilets jaunes leur paraissent loin d'eux.

On avance avec Mathilde et on comprend au fur et à mesure ce qu'elle est et ce qu'a été sa vie et on est content que cela soit roman et que cette vie ne soit pas la nôtre.

Mathilde est un beau personnage qui se bat dans un contexte de pauvreté et de violence sociale et qui se heurte l' inévitablement à la vie.

J'ai ai pensé à Marion Brunet à Solène bakowski et à Chloé Mehdi.

J'apprends que ce roman est le premier volet et que donc d'autres romans vont sortir faisant intervenir des personnages déjà rencontrés dans ce roman. Je ne me précipiterai pas sur leur sortie mais en revanche je les lirai avec plaisir.
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Mathilde ne dit rien

Etrange roman qui commence bizarrement. C'est à la fois lent et précis mais c'est totalement surprenant. Le chapitre suivant nous fait comprendre ce qui arrive, ou va arriver. Mathilde est une femme hors-norme, grise, effacée. Elle fait un travail social. Côtoie la misère dans ce coin aussi désespéré que l'est sa vie. Pas d'amis, pas de passion, pas de loisir. Le vide et la solitude et puis ce besoin un jour d'aider, de réparer une injustice.

Peu à peu on devine que Mathilde a un lourd secret. Une déchirure qui n'est pas cicatrisable. Quelques retours en arrière, je n'ai pas compris les choix de Mathilde, avant...

Mais tout était écrit. Le roman prend une tournure très noire. Pas un policier comme écrit sur la couverture, c'est juste l'histoire d'un naufrage, violent et terriblement oppressant.

J'ai lu les dernières pages, abasourdie et bouleversée. Dans ce roman sans que l'on y prenne garde il y a une tension extrême, qui monte peu à peu et nous laisse au bord du précipice.

C'est ça la vie?

Conseil de lecture de Zé. A lire forcément, mais ne pas s'attendre à de la douceur. C'est fort et cela fait mal.



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Héroïne

Voilà un auteur, Tristan Saule, qu’il me tardait de lire, fortement influencé par les amis de Vleel où il est régulièrement mis en avant. Alors quand j’ai reçu Héroïne dans le cadre du jury du prix Quai du Polar 2023, il a été positionné en haut de la pile.



Deuxième tome des Chroniques de la place carrée – qu’on peut lire indépendamment du précédent – Héroïne nous entraîne en plein confinement dans les pas de Laura, infirmière qui tient le coup grâce à l’amour entrevu avec Marion, et de Tonio, second couteau des caïds locaux qui rêve de sa propre place au soleil.



Ils sont les personnages centraux d’une mini comédie humaine au cœur de cette ville ouvrière de l’Est de la France et de son quartier des Hauts, qui voit sa Place carrée devenir le théâtre du désœuvrement, de la misère, du désespoir comme des espoirs fébriles. Et du drame aussi.



Roman sombre qui transpire l’empathie et l’humanité de son auteur, Saule place ses personnages entre deux vies, qui vont passer au révélateur décisif du confinement. La fuite avec Manon, son héroïne, pour Laura ; l’élévation sociale grâce à l’héroïne, pour Tonio.



C’est noir ; mais beau ; mais noir… Et addictif ! Les deux autres tomes seront vite rattrapés !
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Mathilde ne dit rien

Emprunté 10 février 2023- Bibliothèque Buffon



Déjà un mois que j'ai lu et rendu ce premier ouvrage d'un écrivain que je lisais pour la toute première fois...



Une découverte aussi déconcertante que singulière que cet auteur..qui surfe avec talent dans le roman noir et la chronique sociale contemporaine...dans un même temps !



Par contre , dubitative sur le classement choisi en bibliothèque et ailleurs ...dans le "rayon policier", car les sujets abordés, la manière vont au-delà du

" polar" !



Le récit nous interpelle frontalement sur les dysfonctionnements de notre société et tous les laissés pour compte ainsi que les malchanceux de tout poil !



Notre malchanceuse de service: " Mathilde" est pourtant une jeune femme fort sympathique, énergique, qui travaille avec acharnement comme

" travailleuse sociale " , elle se " défonce " pour sortir ses " protégés " des situations les plus dramatiques, jusqu'à se mettre elle-même en danger !



Mathilde , en plus, de son immense empathie et engagement, a eu la mauvaise idée de tomber amoureuse d'un mauvais garçon, qui se met aussi dans des coups foireux...Elle le protège , l'excuse, l'aide à colmater ses "âneries "...jusqu'au coup de trop, qui doit être le dernier, avant de recommencer une nouvelle vie, avec leur petite fille !



Malheureusement le sort en aura décidé autrement...et cela sera le drame absolu.



Mathilde continuera toute seule, se battant de toutes ses forces, au quotidien...pour elle et surtout pour une famille menacée d'expulsion...Au sein de cette famille, encore un mauvais garçon, mais celui-là, vraiment teigneux...avec toutefois un petit frère très mature, qui va tenter de protéger et de défendre Mathilde.



Le personnage de ce très jeune garçon est étonnant et lumineux, dans toute cette accumulation de malheurs et de fatalité sociale...Aussi lumineux que Mathilde, en dépit de l'accumulation des coups du sort !



Une petite lumière pointe timidement à la fin

pour " notre courageuse Mathilde"...et qu'est-ce qu'on aimerait que la vie lui devienne plus douce...plus bienveillante au vu des qualités et de son inébranlable volonté à changer et aider les " plus fragiles " et malheureux qu'elle...



"Elle tremble.Mais puisqu'elle a la force de marcher, elle marche.Comme tous les jours. Quand les heures s'étirent et que les pendules s'arrêtent. Pendant douze ans, elle n'a eu aucune raison de mettre un pied devant l'autre, de supporter la gifle d'une journée de plus.Pourtant elle l'a fait. Elle a vu passer les heures. Elle a encaissé les coups. Alors elle marche. Comme tous les jours, avec la certitude que c'est nécessaire, bien qu'elle ne sache pas pourquoi. "



Heureuse de cette première rencontre avec Tristan Saule....qui ne va pas s'arrêter là !
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