Viktor Lazlo - Ce qui est pour toi, la rivière ne l'emporte pas
Comment survivre à la mort ? Le premier décès ouvre une porte sur l'insécurité, sur des frontières ignorées jusqu'alors. On ne nous apprend pas la mort.
Nègres ou juifs, quelle importance, nous errons tous d'une étrange et languide manière. Josefa pensa qu'ils n'étaient que des gens qui descendaient des bateaux, la cale et l'entrepont, le bois grinçant et les sargasse puantes, telle était leur ascendance.
A travers sa vie, c'est la mienne que j'essayais de reconquérir.
Il y a quelque chose d'enfantin et de doux au fond de cet être. Quelque chose de doux et de cassé. Quelque chose à réparer. Elle est sûrement plus âgée que lui mais à la lumière du jour l'écart ne semble pas si grand. Elle le regarde et son regard à elle semble dire : parle-moi, parle encore, j'ai tant de choses à pardonner aux hommes. Mais les hommes savent se taire mieux que personne.
Il faut se lever, poser sur le sol glacé mes pieds nus gonflés et durcis par l'immobilité d'une trop courte nuit, ouvrir péniblement les yeux dans la pénombre et, pire, allumer la lumière sur la réalité sordide de mon existence.
On fit tomber les statues récemment élevées en l'honneur de l'occupant soviétique, le portrait de Staline fut déchiré par la population qui avait été si prompte à se réjouir de la présence bolchévique. Telle était la cynique réalité de Bialystok: un occupant chassait l'autre et vidait le pays de sa fierté déjà trahie. Pauvre Pologne qui ne savait pas encore que sa population, à l'instar de tous les Slaves, faisait partie des Untermenschen. (p.304)
Cette nuit j'ai rêvé que rien ne s’était passé.
Ils ne me font plus peur. Je ne suis pas devenue folle, je n'ai commis aucun crime, la vie peut reprendre son cours normal et le bonheur, ses droits.
Le réveil est plus dur. Il faut se lever, poser sur le sol glacé mes pieds gonflés et durcis par l'immobilité d'une trop courte nuit, ouvrir péniblement les yeux dans la pénombre et, pire, allumer la lumière sur la réalité sordide de mon existence.
Mes rebuffades d’adolescente politiquement consciente, mes départs fantasmés pour le tiers monde affamé, mon féminisme militant et mon goût immodéré pour les idoles de la culture noire américaine, tout cela s’est éteint dans le silence de ma première piqûre. On n’arrive pas là par hasard. C’est un chemin de désenchantement et d’incompréhension, un chemin où l’amour se désapprend, un chemin qui mène au massacre.
Elle a dit « Je voyage léger. Depuis que mon gars est parti avec mon cœur, je voyage léger ». Je sais que c’est une chanson.
L’apparition devant lui répondait aux questions d’une voix traînante et enrouée, comme surgie des profondeurs d’une âme damnée. Il n’avait jamais entendu de son aussi noir. Noir parce qu’il sentit battre son cœur ancestral. Noir parce que ce qui était noir était sombre et glauque, chargé d’une trop lourde tragédie.