« L'effondrement de l'empire humain » : un livre d'entretien avec dix penseurs de l'effondrement et de la reconstruction, réalisé par Manon Commaret et Pierrot Pantel
Présentation du livre :
En quelques années, l'effondrement de notre société humaine est passé du statut de fantasme à celui de probabilité admise par la communauté scientifique. Comment vivre avec cette perspective d'un basculement désormais inéluctable de notre monde ?
Ainsi, Manon Commaret et Pierro Pantel sont allés à la rencontre d'Isabelle Attard, Carolyn Baker, Nicolas Casaux, Yves Cochet, Nicolas Hulot, Derrick Jensen, Jean Jouzel, Arthur Keller, Vincent Mignerot et de Pablo Servigne, pour recueillir non seulement leur vision objective de cet effondrement en cours, mais également leur perception intime.
Toutes et tous ont accepté de se livrer avec précision et sincérité.
« L'effondrement de l'empire humain » est le résultat de ces longues heures d'entretien : un livre qui offre sur le sujet du maintenant et de l'après des perspectives complémentaires et des nuances subtiles, mais également un éclairage sur les émotions parfois contradictoires que suscite la conviction d'un effondrement imminent.
À paraître le 20 août 2020
Pour plus d'informations : https://www.ruedelechiquier.net/essais/283-leffondrement-de-lempire-humain.html
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L'impasse écologique, c'est le résultat des choix de quelques-uns, ou celui de la pression de l'évolution. Les interprétations s'entremêlent et se complètent sans doute. Souvent, plutôt que d'envisager la cause la plus antérieure, la plus extérieure à nous, mais qui expliquerait peut-être le mieux pourquoi nous ne parvenons pas à faire dévier notre trajectoire, nous préférons simplifier en désignant des humains qui seraient nécessairement plus coupables que d'autres. les problèmes énergétiques - en fonction des idéologies défendues - c'est de la faute des Occidentaux, des lobbies, des politiques, des journalistes, des électeurs, des consommateurs, etc. La substitution causale perpétue des débats manifestements vains pour faire changer quoi que ce soit.
Les pétroliers qui qui orientent leurs investissements dans les énergies vertes auraient ainsi pour stratégie de maintenir des liens étroits avec la société, en s'épargnant une vendetta permanente qui nuirait à leurs intérêts. Au-delà des effets d'annonce, les investissements des pétroliers dans les ENS* restent faibles. En 2019, leurs dépenses en capital (CAPEX) étaient à 99.2% dédiées aux infrastructures pétrolières, contre seulement 0.8% pour les ENS**. Les principales compagnies ne prévoyaient pas en 2020 d'aligner leur production sur les recommandations de l'Accord de Paris, et les financements de cette industrie par les plus grandes banques restent massifs.
*[ENS = Énergie Secondaires = Éolien, Solaire, Nucléaire]
** Voir ici : https://www.iea.org/reports/the-oil-and-gas-industry-in-energy-transitions
Le terme "greenwash" semble être apparu pour la première fois en 1989 dans un article du Newscientist qui alertait sur le double discours écologique des gouvernements et des banques. Le substantif "greenwashing" a ensuité été utilisé par des militants et des ONG soucieux de dénoncer les stratégies déployées par les industriels, des lobbies et des politiques dans l'objectif de dissimuler les effets destructeurs de leurs décisions ou de leurs actions sur le milieu naturel. Bien qu'il ait tenu une place importante dans la communication et les débats sur la protection de l'environnement, le terme "greenwashing" s'est révélé inefficace pour contrer ce qu'il décrivait. L'écologie politique a accompagné la croissance économique et l'augmentation de la destruction du milieu par les activités humaines sans freiner ni l'une ni l'autre.
L'idée d'opérer une transition énergétique provient de la culture la plus technicienne de l'histoire. Lorsque cette culture rencontre un problème, elle fait appel à des ingénieurs qui développent des moyens pour le résoudre. Boostée à l'énergie abondante, engoncée dans les réflexes technicistes, elle répète à l'envi qu'un problème trouve toujours une solution.
À ce jour, environ la moitié des hydrocarbures accessibles sur Terre ont déjà été utilisés par l'humanité. D'aucuns pourraient se dire que la consommation de l'autre moitié laisse encore une bonne centaine d'années de confort, le temps de s'adapter, et que nous réfléchirons plus tard à la contrainte énergétique. Mais celle-ci ne se définit pas comme un problème à résoudre au-delà duquel d'autres possibles existentiels s'ouvriront pour tout ce qui aura été dépendant historiquement de l'énergie. Même pour capturer des énergies de flux telles que le vent et les rayons du Soleil, l question du stock se pose : il faut des matériaux qu'on ne trouve qu'en quantité finie sur Terre pour fabriquer les éoliennes et les panneaux photovoltaïques. Les sociétés thermo-industrielles sont condamnées à terme, quoi que l'on fasse.