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3.88/5 (sur 17 notes)

Nationalité : Guyana
Biographie :

Né le 24 mars 1921 à New Amsterdam, Theodore Wilson Harris est un écrivain guyanais. Il est d'abord poète mais ce sont ses romans et ses essais qui l'ont fait connaître. Son oeuvre, à l'exeption de quelqu'uns de ses romans, n'est pas traduite en français.

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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Il parlait sans conviction, terrorisé à la pensée de s'embarquer à nouveau vers un endroit qui ne l'attirait guère et qu'il ne connaissait pas. Il valait mieux rester là où il était et, se dit-il, se désagréger à l'intérieur, comme un homme qui est revenu à sa coquille de néant et de recommencement fonctionnels.
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"On prend des risques quand on vient dans cette brousse", et sa bouche esquissa un mouvement de mâchonnement ; il se grattait la gorge et toussait pour extraire de ses poumons les vieux mots couverts de cicatrices qu'il tirait de sa vie. Cela me fit penser au raclement d'un canot contre un rocher.
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Puis un gars est passé aux choses sérieuses et y m’a demandé tout net si je voulais pas acheter sa tortue…
– Sa tortue ?
– Y z’ont répété qu’y z’avaient plus un rond, plus le fantôme d’un rond. Y z’ont essayé de me monter un bobard dingue. Y me prenaient pour un fou de première classe. J’ai rigolé et j’leur ai dit qu’y feraient mieux de vendre la peau de leur dos. Ils l’ont mal pris et y z’ont dit que ce qu’y z’ont, y s’en servent d’une façon réglo, qu’y sont pas des gars à jouer ou à courir les putains comme moi. La terre, c’était leur âme qu’y vendraient jamais. Quelle salade ! D’un autre côté, y disaient que moi, je jouerais ma mère pour cent balles… Y faisaient demi-tour pour repartir, mais, tout d’un coup, j’ai piqué une colère noire, quelque chose d’unique (pour qui y se prenaient de m’accuser ? J’les déteste encore plus que Weng, Jordonne ou un con comme Perez). Je baisse un peu le ton et je leur demande d’attendre une minute que je voie le genre de truc qu’ils vendent. (Chiung devient désespérément rusé avec, dans sa voix plate et inconsciente, un très léger soupçon de parabole.) On ne sait pas qui fait les gens ou les choses dans la création embrouillée de ce monde. J’en suis arrivé à la conclusion que j’aimerais drôlement tordre la peau de ce cou. C’était peut-être scandaleux. J’en sais rien. La chair de tortue, c’est riche, et chacun essaie de lui donner la forme qui lui convient, méfiez-vous donc quand elle vous arrive pour rien sur un plateau. Je fais ce que je peux pour me coudre les lèvres mais les fils se défont, y z’inversent ma vie comme si je parlais à une image de moi à l’autre bout d’un télescope…
Il ne pouvait résister au désir de se dépouiller du déguisement solide de la mémoire stérile. La sienne était un cachet muet sur une plaie suppurante, portant la marque égale de la foi et du devoir. Mais maintenant l’emplâtre de l’hypocrisie qu’il avait acceptée était retourné pour de bon. Le mouchoir de Fenwick, cataplasme contre son crâne, tomba en révélant la bosse malveillante d’une affreuse cupidité.
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Sur la route apparut un cavalier qui filait à bride abattue. Un coup de feu claqua soudain, un coup de feu proche et pourtant lointain. On aurait dit que le vent, étiré, distendu, se déchirait, qu’il s’était lové pour jaillir dans l’instant. Le cavalier se raidit avec un sourire démoniaque et le cheval rua, avec un rictus diabolique, mordant les rênes. Le cavalier salua le ciel comme un pendu salue son bourreau. Il sembla glisser de la selle et roula sur le sol.
Le coup de feu m’avait cloué sur place et avait étouffé mon propre cœur dans le ciel. Je repartis soudain, m’approchant de l’homme étendu sur le sol. Ses cheveux couvraient son front. Quelqu’un nous regardait depuis les arbres et les broussailles qui encombraient le bord de la route. Quelqu’un me surveillait alors que je me penchais pour regarder l’homme dont les yeux ouverts fixaient le ciel à travers ses longs cheveux. Le soleil aveuglait et dominait mon regard de vivant mais l’œil du mort restait ouvert, clair et obstiné.
Je rêvai que je m’éveillais avec un œil mort qui voyait et un œil vivant qui restait fermé. Je posai mes pieds de rêveur sur le sol d’une pièce qui m’oppressait comme si je me trouvais dans une salle d’opération, une chambre de maternité ou, j’en eus soudain la sensation, dans la lumière aveuglante de la cellule d’un condamné à mort. Je me levai, saisi d’un étourdissement violent, et m’appuyai sur un énorme rocking-chair. Je revis la première fois que j’étais entré dans cette curieuse pièce vide : la maison se dressait, haute et isolée, dans un paysage plat et menaçant. J’avais senti le vent qui me berçait de la plus vieille incertitude et du plus vieux désir du monde, le désir de gouverner ou d’être gouverné, de dominer ou d’être dominé à jamais.
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Notre arrivée à la mission fut un jour de consternation et de foi étrange pour la colonie. La nouvelle se répandit comme un éclair de l'autre côté de la rivière et dans la brousse. Elle semblait tomber du ciel à travers la haute voûte nuageuse des arbres qui, se touchant à peine, laissaient apparaître entre eux un infime ruban d'espace. La surface du cours d'eau qui reflétait la nouvelle était d'une vérité et d'un satiné inexprimables, et les feuilles qui parsemaient la nouvelle depuis les cieux de la forêt reposaient sur une coque d'eau pleine d'espoir, comme si elles flottaient à la fois sur l'air et sur une pierre.
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C’était le mois de septembre, midi sur la rivière Canje. La jauge de niveau contre l’appontement révélait la plus grande partie de son corps svelte. La ligne noire et ininterrompue de la rivière divisait les graduations peintes. Sept pieds de plus et elle atteindrait la surface de l’appontement ; la jauge se dressait encore trois pieds au-dessus. Fenwick, le topographe, avait les yeux levés et pensait que l’eau devrait encore parcourir une distance interminable avant de recouvrir sa tête. Pourtant cela pouvait arriver en sept jours, décida-t-il, adoptant pour une raison obscure le chiffre qui s’imposait à l’esprit. Le ciel pouvait tout à coup décider de pleuvoir, de tomber. Qui pourrait dire quel phénomène, quel changement se produirait ? Il resta là, le regard figé en une pose étrange, comme s’il voyait une échelle introspective de chiffres ascendants, plutôt que des pieds et des graduations placés sur une vulgaire bande de bois. Il aurait voulu maudire l’éblouissante fourberie des cieux fuyants, l’oppression de la coupe éternelle du soleil dans le ciel dense et blanc. Au contraire, il ferma les yeux et sa silhouette s’affaissa quelque peu dans la coque étroite de sa pirogue. Les rouvrant, il regarda autour de lui une nouvelle fois. Le fleuve était calme comme la mort, sauf là où sa pagaie avait brisé le miroir, la surface. Tout d’un coup, il se pencha en avant et s’éclaboussa abondamment le visage pour revenir complètement à la réalité concrète.
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Tout l’équipage fut transformé par le spectacle terrifiant d’un mouvement muet et silencieux, par ce qui semblait être une vision si pure dans le chaos des émotions. Un tremblement de terre, une eau volcanique parurent les saisir et leur boucher les oreilles. Ils virent tout ensemble, dans leur nudité ondoyante et franche, le péril, la beauté et l’âme du chasseur et de sa proie, comme ils surent qu’ils mourraient s’ils rêvaient de revenir en arrière.
« C’est l’Ministère de la Guerre », hurla Schomburgh.
Mais sa voix était silencieuse et morte dans sa gorge. Bientôt nous prîmes intimement conscience de toute la gravité, de tout le poids de notre situation. Trompés par les symboles que recouvrait l’inhumaine sécheresse de l’année et par le rocher qui, humblement, s’inclinait, gardien de la rivière, nous nous étions engagés dans les rapides du Ministère de la Guerre. En cette saison, nous aurions dû longer l’autre rive. Faire demi-tour à présent en nous laissant porter par le courant, c’était nous abandonner à des flots si rapides et si imprévisibles que nous étions certains de heurter un obstacle, de nous briser, de nous fracasser. Il ne restait plus qu’à nous battre, qu’à engager toutes nos forces dans la lutte pour maintenir notre proue silencieuse et droite au cœur d’un amour incestueux, intolérant et intolérable.
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« Rêveur, dit-il, réprobateur, me tapotant l’épaule comme un arbre qui m’aurait touché de sa branche, la vie est dure ici. Il faut être un démon pour survivre. Je suis le dernier propriétaire. Je te dis que je combats tout dans la nature, la crue, la sécheresse, la buse, le rat, la bête et la femme. Je suis à la fois sage-femme, docteur, geôlier, juge, bourreau. Je représente absolument tout pour les gens que je fais travailler. Regarde, mon vieux, regarde dehors. Primitif. Toute frontière est un mythe. C’est un no man’s land, tu comprends ?
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Nous longions un gros rocher qui affleurait et nous forçait à rentrer dans a brousse. Un soupir jaillit de l'obscurité des arbres, aussi peu semblable à un son humain qu'un masque à un visage véritable. Ce murmure irréel, à la fois doux et effrayant, parcourut la pointe des feuilles sculpturales. Rien ne semblait bouger. Bientôt, tandis que nous nous rapprochions de la rivière, toute la forêt frémit, soupira et trembla sous la violence du soulagement instantané, dans la clameur gutturale des eaux.
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Il me semblait que c'était cruel et désespérant de pressentir l'existence d'une telle perfection, car je me retrouvais seul face à mon énorme fragilité.
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