Il y a des décennies de folie enfermées entre ces pages.
... puisqu'il était en faveur de l'école de pensée qui ne croyait pas que Dieu avait conçu l'homme pour qu'il fume. Sinon, pourquoi ne l'aurait-il pas pourvu d'une cheminée ?
L'appartenance est sanctifiée non par un endroit, mais par les liens du sang, de la famille. Pour les enfants, la famille est une idée imaginée par leurs parents et liée à l'odeur de levure que dégage le pain pétri par Nettie, à la fumée du feu de bois qui dessine des volutes, à l'anticipation du pain chaud sur lequel fondra le beurre fraîchement baratté, et au bénédicité adressé à Dieu lorsqu'ils sont réunis autour du repas. (p.179)
Il est si loin, le temps où la jeune Mieta rapportait de l'eau de la fontaine, le seau de zinc en équilibre sur sa tête, son cou gracieux et droit et pas une goutte, jamais une goutte de perdue. Et puis elle enroulait son doekie en une couronne pour y placer le fond du seau et se protéger la tête du bord coupant. Ainsi elles revenaient en paradant, les filles, dans la lumière du soir, en riant et en se taquinant mutuellement, la tête haute et sans avoir jamais besoin d'une main pour tenir le seau.
La blancheur, qu’est ce donc ?
Quelle est cette chimère à laquelle ils aspirent ?
Cela ne suffit-il pas qu’ils soient venus à la ville, qu’ils soient descendus du train les manches retroussés, prêts à s’atteler à la tâche de se fabriquer une vie nouvelle ?
…
Non, il est hors de question de se laisser aller. Il n’y a voir comme le monde autour d’eux est soumis à l’ordre, organisé selon la couleur de peau, défini par les restrictions.
…
La blancheur ne connaît pas de restrictions. Elle a la fluidité du lait ; son éclat rayonne à l’infini. C’est à eux de faire en sorte que ca marche.
Elle n'est pas en fin de compte la personne qu'elle croyait être, et encore moins celle qu'il croyait qu'elle était. Il est peut-être vrai qu'être blanc, métis ou noir ne veut rien dire, mais il est vrai aussi que les choses ne sont plus les mêmes; il doit bien y avoir une différence entre ce que les choses sont et ce qu'elles signifient. Ces catégories se sont peut-être estompées, elles ne sont plus portées sur les cartes d'identité, mais il fut un temps ou elles étaient lourdes de sens. La différence, c'est quoi ? - c'est ce que Marion n'arrive pas à comprendre.