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3.61/5 (sur 87 notes)

Nationalité : France
Né(e) : 1995
Biographie :

En 2012, Zoé Cosson intègre l’École Supérieur d’art et de design de Reims où elle développe une pratique hybride à l’intersection de la vidéo expérimentale, du documentaire et de l’écriture.

Après l’obtention d’un DNSEP en 2018, sa vidéo "Salle d’attente" est exposée au vidéo-club du FRAC Champagne-Ardennes.

Depuis son enfance, Zoé Cosson se rend chaque année à Aulus-les-Bains, une petite station thermale des Pyrénées, dans l’hôtel désaffecté que son père a acheté un jour aux enchères.

En 2018, elle intègre le Master de Création Littéraire du Havre où elle travaille à l’élaboration d’un roman de non fiction nourri d’archives iconographiques, de souvenirs et d’interviews récoltés in situ dans un village ariégeois.

"La porte de montagne", un extrait de ce texte, est publié dans la revue "Artichaut" en 2019.

En 2021, elle publie son premier roman intitulé "Aulus".

Elle vit actuellement au Havre (Seine-Maritime).
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Dans ce premier roman, la narratrice redonne vie à une petite bourgade pyrénéenne comme tant d'autres : Aulus-les-Bains, son église, la lumière changeante au gré des heures, les bâtiments, le boucher opiniâtre, l'épicière intransigeante… Observant les êtres et la nature qui les environne, elle compose le portrait tendre et émouvant d'un monde à l'abandon, dans un texte envoûtant qui magnifie la simplicité d'un lieu, la lenteur et la fragilité de l'effacement. Préparant ses randonnées et aidant son père dans la réhabilitation d'un hôtel délabré, Zoé Cosson nous offre le plaisir d'un pas de côté – ce regard avisé sur ce qu'on ne voit plus ou presque. Son écriture précise et sensuelle capte les palpitations d'un monde qui disparaît, s'efface discrètement, à bas bruit. Retrouvez notre dossier "Effractions 2022" sur notre webmagazine Balises : https://balises.bpi.fr/dossier/effractions-2022/ Retrouvez toute la programmation du festival sur le site d'Effractions : https://effractions.bpi.fr/ Suivre la bibliothèque : SITE http://www.bpi.fr/bpi BALISES http://balises.bpi.fr FACEBOOK https://www.facebook.com/bpi.pompidou TWITTER https://twitter.com/bpi_pompidou

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Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
Ils ne ressemblent pas aux gens de la ville. Ils ne fixent pas le sol à côté de leurs chaussures, ne soupirent pas. Ils ont des dizaines de poches greffées au pantalon, à la silhouette, des semelles crantées, une voix qui s'affirme sans détours et roule, et quand ils rient, tout leur corps vibre avec eux. Ce sont des corps du dehors, habitués à négocier avec la solitude, le temps qui ne meurt pas. Des corps tenaces qui ne tressaillent pas à l'intérieur.
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J’observe mon père. Sa tête droite, tenue, ses yeux posés sur l'horizon. Il fixe la ligne bleue qui barre le pare-brise, les Pyrénées devant. Il n'a qu'une main sur le volant et le camion file tout droit. On traverse une série de villages désolés, His, Caumont, Lorp-Sentaraille, abandonnés le long de la départementale. Les maisons sont flétries, fermées, les murs à peine debout. Elles me filent le bourdon ces maisons.
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(Les premières pages du livre)
Les premières pages du livre
Aulus tient et persiste dans un coin de ma tête. Ce village ramassé, esseulé au fond d’une vallée étroite que la déprise rurale et industrielle a progressivement usée, élimée, vidée, se borne à la montagne. Il s’y confronte, il s’y soumet. En raison de cette topographie spécifique, Aulus m’est toujours apparu comme un terminus géographique. On ne passe pas à Aulus, on s’y rend.
Mon père a acheté là-bas un ancien hôtel aux chambres vides, en train de dépérir au milieu des montagnes. L’hôtel est devenu son royaume, et le lieu à partir duquel je découvre les corps qui peuplent les rues du village.
À Aulus, je ne suis ni résidente ni étrangère : je suis la silhouette derrière mon père, et l’hôtel est ce lieu poreux d’où j’écris. Un pied dedans, un pied dehors. Je regarde le monde à travers lui, j’imagine à travers les on-dit, ce que j’attrape des habitants lorsqu’ils viennent partager quelques mots sur la centrale, l’ours, un voisin, la météo. À Aulus, j’écoute et je marche, réel et fiction s’entremêlent.
Aulus s’appréhende comme la montagne, comme un ensemble d’accidents, de pans qui se succèdent et se cachent les uns des autres. On ne peut pas saisir Aulus d’un seul regard, on le découvre dans l’effort de la marche, à l’échelle du corps, par bribes, et il faut ensuite recoller mentalement ces morceaux pour s’en fabriquer une image.
Ce livre est le portrait rapiécé de ce lieu sans contour, un espace fait de calques, une sorte de cartographie qui n’élucide rien. Ce n’est ni une histoire ni un bloc.

1
J’observe mon père. Sa tête droite, tenue, ses yeux posés sur l’horizon. Il fixe la ligne bleue qui barre le pare-brise, les Pyrénées devant. Il n’a qu’une main sur le volant et le camion file tout droit. On traverse une série de villages désolés, His, Caumont, Lorp-Sentaraille, abandonnés le long de la départementale. Les maisons sont flétries, fermées, les murs à peine debout. Elles me filent le bourdon ces maisons. Tout est d’hier, morose. Il n’y a pas de piétons, personne. On dépasse la cité de Saint-Lizier, l’eau stagnante des barrages de Saint-Girons, et déjà l’usine Job de papier à cigarette diffuse son odeur âpre à l’intérieur du véhicule. Elle traîne un moment dans l’air, épaisse, envahit nos narines jusqu’à l’écœurement et pourtant je commence à sourire parce qu’à partir de là, vraiment, le paysage change et on s’enfonce dans le pays.
Le pays c’est la vallée du Garbet, une terre pleine de cailloux roulés d’où se lèvent des espèces fumantes. Les noisetiers prolifèrent, les troncs nus étouffent sous le lierre, les fougères agitent leurs longs bras souples. À présent la route se presse contre la rivière et, ensemble, elles glissent entre des collines d’un vert éclatant. Leurs croupes s’allongent, gonflent, se rapprochent. La radio ne capte plus et mes yeux restent collés à la vitre. L’espace mute, se vide, les maisons se dispersent, les monts s’élancent de plus en plus haut, se dressent, la roche perce leurs sommets et voilà les montagnes. Je n’en perçois pas le bout. Mon père s’agrippe au volant, l’estomac tourne, les roues chavirent à fond. Le camion force un passage dans le minéral jusqu’au moment où la roche s’ouvre et le regard s’élargit. Un plateau apparaît. Il n’est pas large mais des deux côtés les prairies huileuses absorbent et reflètent la lumière. Au fond, une couronne de pierres clôt l’horizon en arc de cercle. On se jette vers cette fin, ou ce commencement du monde, et enfin on lit le panneau : « Aulus-les-Bains, station thermale du cholestérol ».

Contrairement aux villages bâtis sur des hauteurs qui se montrent et surveillent de haut, celui-ci est engoncé dans un pli de terre, au plus près de l’eau. Ses habitants ne voient qu’un fil de ciel au-dessus de la ligne grise des crêtes. Les jours brefs et blancs de janvier, ils assistent au combat perdu du soleil qui ne perce pas, au blanc en ciment des éléments, à la résignation des arbres nus, des tombeaux de feuilles à leurs pieds. Au printemps, après la fonte des neiges, les torrents se remplissent. L’herbe se redresse, verdit. La montagne renaît. On déplace les bêtes. On défriche. On sème à partir de mai.
En août, le village est une fièvre, un bouquet. Une odeur d’herbe fraîche et coupée remue l’air, emplit les rues. Les géraniums débordent des pots. Tout frémit et ondule, tout se gonfle de rires et de joie, de lumière verte, luisante. Un soleil neuf et sauvage plaque des ombres nettes au sol et l’œil ébloui s’épuise à se recharger de troncs, d’eau, de fleurs et de bêtes. Les chiens dessinent en courant le contour des troupeaux, les trois restaurants affichent complet, l’épicerie de Marie bat son plein, les cyclistes pédalent, les randonneurs randonnent et on regarde Nicole, la nouvelle gérante du centre équestre, faire des tours de village suivie de familles sur poneys.
Le 3 août, pour la fête du village, on monte un stand de steak-frites-buvette ainsi qu’une guinguette. Un feu d’artifice éclate dans le ciel et les canards en plastique dévalent la rivière. On numérote leurs dos au feutre indélébile et le hasard de l’eau fait la course. Ils se prennent des rochers en pleine tête ou échouent, se retournent, et seuls quelques-uns parviennent indemnes au bas du village. On les suit d’en haut, derrière des murets en pierre. Car tout ici est en pierre. Les vieilles maisons sont en pierre, les granges sont en pierre, les murets qui délimitent chemins et terrasses aussi, et les arbres les plus coriaces prennent racine dans des quartiers de roche. La pierre bouche la vue, l’ennui, les trous. Elle bouche tout et, à partir d’une certaine altitude, elle recouvre tant que rien n’y pousse plus.

Personne ne dit « Aulus-les-Bains » en entier. On dit juste « Aulus ». « Aulus » tout court. Aulus est un village d’eaux niché à 750 mètres d’altitude. Il reçoit 700 curistes par an et s’étend sur 5 224 hectares, comprenant forêts, pâturages, névés, pics et cascades.
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J'apprends la lumière du matin qui peine, vacille, s'élève faiblement au-dessus des crêtes avant de peindre chaque brin d'herbe. J'attends qu'elle glisse et révèle la soulane, la pente de lumière.
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Les jours sans nuages, je pars cueillir des fleurs poilues. Des chardons bleus, des crocus à peau de soie. J'allonge les végétaux sur des feuilles blanches, j'écrase de livres, je prépare les itinéraires pour mes marches d'été. J'explore, j'apprends.
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J’apprends le jour qui ne décline pas mais tombe d’un coup comme un rideau de théâtre. J’apprends la morsure de la nuit, organique et brutale, les murs dévorés de noir. La nuit qui sue et s’insinue, qui transforme la rivière en courant d’encre sombre, qui apporte avec elle son vent de pierre, ses gouttes de rosées grasses et bombées. La nuit qui engloutit les chemins et rend les troncs humides au toucher, la nuit seulement trouée par les phares de voitures et la lumière crue des lampadaires.
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Aulus s'appréhende comme la montagne,  comme un ensemble d'accidents, de pins qui se succèdent et se cachent les uns des autres. On ne peut pas saisir Aulus d'un seul regard, on le découvre dans l'effort de la marche, à l'échelle du corps, par bribes, et il faut ensuite recoller mentalement ces morceaux pour s'en fabriquer une image.
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Puisque les arbres tiennent seuls contre le ciel, gagnent du terrain et que les vieux en perdent, puisque le village ne s'éteint pas, puisqu'un élan garde les végétaux, les êtres et les minéraux levés, puisque l'été efface l'hiver comme un coup de vent efface la poussière, je veux voir encore.
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Long et sec comme une brindille, solaire, René occupe ses journées à fouiller la montagne à la recherche du beau nœud, de la branche anthropomorphique. Il emprunte à la forêt des visages et des corps, des têtes de loup parfois ou des serpents entiers qu’il rapporte à son atelier. Quand la plupart guettent la sortie des morilles ou traquent le gibier, lui, le monsieur de l’Imagerie végétale, accumule les petits trésors d’altitude. Face à la beauté de cet homme dénué de cynisme, les autres disent : « l’artiste du village ». Il collecte les pierres, sélectionne les plantes rares. Il les passe à la presse, les superpose, il traverse la matière.
En dehors de ces longues balades sylvestres, il nourrit les chats avec qui il partage son domicile et la grange, de l’autre côté de la route. Des bols laissés devant la porte qu’il remplit deux fois par jour et un lieu circonscrit dans lequel les félidés restent sages, placides, presque invisibles aux yeux du village.
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En août, le village est une fièvre, un bouquet. Une odeur d'herbe fraiche et coupée remue l'herbe, emplit les rues. Les géraniums débordent des pots. Tout frémit et ondule, tout se gonfle de rires et de joie, de lumière verte, luisante. Un soleil neuf et sauvage plaque les ombres nettes au sol et l'œil ébloui s'épuise à se recharger de troncs, d'eau, de fleurs et de bêtes. Les chiens dessinent en courant le contour des troupeaux, les trois restaurants affichent complet, l'épicerie de Marie bat son plein, les cyclistes pédalent, les randonneurs randonnent et on regarde Nicole, la nouvelle gérante du centre équestre, faire des tours de village suivie de familles sur poneys.
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