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Critiques de Zoé Cosson (43)
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Aulus

« Aulus tient et persiste donc dans un coin de ma tête. Ce village ramassé, esseulé au fond d'une vallée étroite que la déprise rurale et industrielle a progressivement usée, élimée, vidée, se borne à la montagne. Il s'y confronte, il s'y soumet. En raison de cette topographie spécifique, Aulus m'est toujours apparu comme un terminus géographique. On ne passe pas à Aulus, on s'y rend. »



Zoé Cosson tisse un portrait sensible d'Aulus-les-Baines, village des Pyrénées ariégeoises. Deux rues, trois commerces, une centaine d'habitants. le portrait subjectif d'un territoire s'organise en vingt-deux courts chapitres attentifs aux lieux, aux hommes et à la nature, entre géographie intime et géographie physique.



« Ce livre est le portrait rapiécé de ce lieu sans contour, un espace fait de calques, une sorte de cartographie qui l'élucide rien. Ce n'est ni une histoire ni un bloc. »



Comme un patchwork impressionniste qui exprime le territoire et dessine le temps qui passe. Quelques interludes en italique confrontent le présent au passé à travers des cartes postales qui prennent vie, quand c'était la Belle époque et qu'Aulus-les-Bains était une station thermale florissante et fourmillante de vie, la temps des calèches, du Grand casino et des montreurs d'ours. le temps a passé, donc. L'auteure fait surgir le monde contemporain par petites touches qui troublent la quiétude et l'assoupissement général : un procès pour le droit d'eau relatif à la centrale hydroélectrique, la lutte contre les compteurs Linky, les mines de tungstènes de Salau qui pourraient rouvrir alors qu'elles déversent toujours dans le sol du PCB cancérigène.



Zoé Cosson a le sens des détails. Elle dessine une ambiance en quelques phrases. Elle observe le quotidien pour y chercher de la beauté, pour empêcher que cette beauté ne disparaisse tout à fait. Sa qualité d'écriture, ciselée, nette et poétique, m'a totalement absorbée. Elle permet au lecteur de regarder avec les mots, dans un rythme lent propice à la contemplation et à l'introspection. On s'abandonne, entre minéral, végétal et monde humain.



«  Les jours sans nuages, je pars cueillir des fleurs poilues. Des chardons bleus, des crocus à peau de soie. J'allonge les végétaux sur des feuilles blanches, j'écrase de livres, je prépare l'itinéraire pour mes marches d'été. J'explore, j'apprends.

J'apprends la lumière du matin qui peine, vacille, s'élève faiblement au-dessus des crêtes avant de peindre chaque brin d'herbe. J'attends qu'elle glisse et révèle la soulane, la pente de lumière. Ensuite, le grand rond jaune domine tout-puissant le temps de tracer son bout d'arc trop court et de retomber de l'autre côté de la vallée, le mauvais, pas le nôtre. J'apprends les chemins d'herbe écrasée, tapis, les routes de ruban gris, les cirques où se marient l'eau, la pierre, le gispet. J'apprends le mot gispet. L'herbe glissante, gelée, mouillée, trop grasse. J'apprends les arbres solitaires qui poussent droit malgré le dévers, les passages délicats, les échelles en fer à béton vissées sur la roche, le corps serré contre la montagne, pendu dans le vide. »



Et puis, très subtilement, derrière Aulus et ses habitants, se dégage le portrait d'un père, entre délicatesse et pudeur, ce père qui a racheté un hôtel vétuste pour y vivre, ce père qui vieillit, atteint d'une étrange maladie. Oui vraiment, cette parenthèse empreinte de douceur nostalgique et de vitalité de l'instant en suspens m'a vraiment plu.



Lu dans le cadre du collectif des 68 Premières fois 2022 #3
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Aulus

Bienvenue à Pétaouchnok !

Pas tout à fait, puisque le village d'Aulus existe bel et bien. Bon, il faut le trouver quand même. Pour un toulousain, l'Ariège, c'est un peu participer à Koh-lanta pour le week-end. Les 09 sont dans la place… sauf qu'il n'y pas beaucoup de places, et pas beaucoup de monde non plus. Par contre, pas de pénurie de virages et d'éboulis sur les routes, et il y autant de fromages que de Tartarins (à ne pas confondre avec celui de Daudet qui vient d'une autre Tarascon).

Foix, Pamiers, Tarascon-sur-Ariège, Saint-Girons, Mirepoix, tous ces noms fleurent bon les repas de famille, le ski dans le brouillard et les escapades Quechua. Par contre, Aulus ne m'évoquait pas grand-chose alors qu'il représente beaucoup pour Zoe Cosson dans son premier roman.

Il s'agit d'une station thermale qui a perdu les eaux et dont les murs pleurent la Belle Epoque, volets fermés. le père de la jeune narratrice a racheté un vieil hôtel abandonné. Désaffecté mais pas sans affection, celle d'une fille pour son paternel et la centaine d'originaux qui hantent le village d'une présence presque fantomatique. On ne sait pas si ces gens sont attachés à cette terre, s'ils restent parce qu'ils n'ont pas d'autres nulle part où aller, ou s'ils fuient ici de douloureux souvenirs.

Dans ce court roman au style très poétique, au trait aussi épuré que ces arbres qui poussent au bord du vide bravant la roche et gravitation, la jeune femme va faire la chronique de ce village qui ne voit le soleil que quelques heures par jour, qui suit les passages de l'ours, qui vit au rythme des petits commerces, d'une météo ignorée par Evelyne Dhéliat, qui frissonne au moment des élections municipales et s'inquiète de la centrale hydroélectrique qui filtre la rivière et les humeurs des habitants.

La jeune fille a la sensibilité verte de son époque alors que son père braconne un art de vivre éloigné des préoccupations actuelles. Une mystérieuse mine de tungstène va aviver les tensions.

Il est aisé d'imaginer la romancière sortir un carnet de son sac au milieu d'une marche pour s'installer sur un rocher duveté de mousses, au bord d'un torrent bien "truité", pour écrire quelques lignes de son livre, inspirée par la rudesse de la nature et par ces gens affublés de surnoms « typicos » : Fafa le menuisier, Pince-cul… Il ne manque que le loto dans la salle communale.

A Aulus, on ne va pas faire le plein de vitamine d'et il est inutile de chercher une bonne connexion au wi-fi, mais au diable le réseau quand il est possible de se perdre dans une prose d'une telle qualité.

Les seules cascades de cette histoire sont naturelles, les disputes y sont séculaires, les aventures humbles et ce texte raconte un album photo, un hommage à destination de la mémoire collective. Nous avons tous notre Aulus.

Zoe Cosson a la bonne idée de glisser en tête de chapitre la description de vieilles cartes postales, celles qu'on trouve en général dans de vieilles malles lors des successions et qui racontent ici l'histoire du village. Nostalgie jaunie.

A défaut de s'arrêter à Aulus, cette plaisante balade littéraire dans un village enraciné à la nature comme un grain de beauté au milieu du nez et le récit pudique du lien fort qui unit cette jeune fille à son père méritent le détour… mais il ne faut pas oublier les pneus neige.

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Aulus

Aulus est un tout petit village de montagne, agonisant, déserté par la jeunesse et le second souffle apporté par quelques néo ruraux toisés d’un oeil suspicieux par ce qui reste de la population locale, sera sans doute insuffisant pour assurer la relève.



Le père de la narratrice est un de ces doux rêveurs, prêts à consacrer toute leur énergie pour une cause perdue d’avance. C’est ainsi qu’il fait l’acquisition d’un hôtel délabré et tente de lui redonner un aspect décent, dans un but indéterminé (il n’est pas question de faire renaitre de ses cendres la station de curistes renommée du début du 20è siècle). Caprice d’un citadin idéaliste, ou lutte désespérée contre une entropie galopante ?



La narratrice observe l’entreprise avec un regard mi-amusé mi-inquiet, mais profite de l’isolement créé par la géographie des lieux pour se nourrir de la nature ambiante.





Hommage du temps révolu, des vestiges d’une époque à la fois récente et si lointaine, ce roman est un constat de la fragilité de ce qui nous construit et peut sembler pour un instant ancré dans l’éternité.



Roman nostalgique, imprégné d’une tendresse pour le passé qui nous a modelé, porté par une écriture simple et belle.



107 pages L’Arbalète Gallimard 7 octobre 2021

68 premières fois


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Aulus

Aulus, c’est une petite station thermale de l’Ariège, nichée dans les Pyrénées et qui ne compte qu’une centaine d’habitants à l’année. Aulus, c’est aussi un récit écrit par Zoé Cosson et qui raconte cette ville d’eau en une petite centaine de pages.

Curieux portrait d’Aulus que nous livre cette jeune auteure qui venait y passer ses vacances dans l’hôtel désaffecté et décrépit de son père. Dans ce récit vous ne trouverez pas d’intrigue ni d’amour passionnel mais ce n’est pas pour autant un guide touristique. Alors c’est quoi ? me demanderez-vous

« Ce livre est le portrait rapiécé de ce lieu sans contour, un espace fait de calques, une sorte de cartographie qui n’élucide rien. Ce n’est ni une histoire, ni un bloc »

Il y a un côté patchwork dans ce récit qui rassemble bouts de vie, rencontres fugaces, déambulations et descriptions de cartes postales d’autrefois.

Aulus, on n’y va pas par hasard, on s’y rend car « c’est un terminus géographique ». Il y a deux rues principales, « le reste est un écheveau de ruelles sinueuses comme de l’eau » et que surmonte l’église où « l’on ne se rend que pour les enterrements ». La vie se concentre dans ses deux artères où se trouvent la boucherie et l’épicerie de Marie.

Aulus, c’est aussi la nature qui l’entoure, avec sa flore et sa faune sauvage et Zoé Cosson arpente les sentiers de montagne et apprend. Elle apprend « les chemins d’herbe écrasée », les couleurs qui changent selon les saisons, les arbres et les roches.

« J’apprends la lumière du matin qui peine, vacille, s’élève faiblement au-dessus des crêtes avant de peindre chaque brin d’herbe »

On croise aussi quelques-uns des habitants, toujours les mêmes. Il y a Paul qui veut devenir apiculteur, Nicole la dépressive et puis René, l’artiste du village. Et puis il y a le père de Zoé, homme méticuleux qui remplit les pièces de l’hôtel d’un bric-à-brac invraisemblable. Qui se protège du soleil depuis qu’une maladie de peau perfide le ronge.

Zoé Cosson dit aussi les blessures infligées à la montagne, comme la mine désaffectée, plaie ouverte qui vomit des déchets bourrés de métaux lourds, de PCB, qui vont polluer la rivière.

Dans une langue empreinte de poésie, l’auteure dit la rudesse de la vie, la beauté âpre de la nature, mais aussi la solitude et l’abandon. Dans ce village étroit, on cohabite et on se supporte dans un équilibre précaire.

C’est à travers ces histoires de rien, cette nature blessée, qu’on mesure la fragilité des choses et de la vie qui s’écoule. Et c’est émouvant.







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Aulus

« On ne passe pas à Aulus, on s'y rend », est-on prévenu en exergue. Aulus, un village Ariégeois au bout d'une vallée où serpente le Garbet, splendide mais trop souvent à l'ombre – surtout l'hiver, de montagnes « désespérément fixes ». Un « terminus géographique ». La narratrice et son père semblent pourtant s'y rendre le coeur guilleret, en entrée du « portrait rapiécé de ce lieu sans contour ». le père a acquis le Grand Hôtel de Paris aux enchères, sa vétusté justifiant la nécessité de s'y rendre en camion pour y emménager et aborder le chantier de sa restauration, malgré les ruelles de pierre qui les attendent.



Pas d'histoire tout en bloc, pas de récit élaboré sur une trame narrative classique. On est vite informé de la teneur éclatée, et les historiettes s'égrènent sans lien apparent entre elles. Personnages passés ou présents, bâtisses le plus souvent obsolètes, nature majestueuse environnante constituent les thèmes essentiels. La narratrice nous en dispense les bribes éparses en observatrice fine d'un monde sclérosé et pittoresque, semblant se replier sur lui-même ou derrière son passé florissant, au « temps des calèches et du Grand Casino, des montreurs d'ours et des champs de seigle noir avec leurs étendues de fleurs blanches ».

Ici, Fafa tenait le tabac-presse-boulangerie, accordait un quart d'heure à chaque personne car « il n'y a pas de clients, seulement des villageois et un village à raconter chaque jour. »

Ici, l'église est sinistre malgré ses « fausses notes boiteuses qui la rendent touchante », les bancs sont tristes l'hiver, « nus et parsemés de gouttes d'eau ».

Ici, la narratrice s'exerce à la randonnée en plus de ses pérégrinations affûtées sur la « surface cabossée, boursoufflée » du village, pour contempler à 2568 mètres d'altitude « les aiguilles de pierre » qui « piquent le ciel comme des fleurets ».

Ici, l'ancienne mine de tungstène est enterrée, « c'est une tombe sans fleur, sans croix, sans corps », aux relents d'amiante et de PCB. Pourtant lorsqu'une société australienne souhaite la réouvrir, la mémoire collective se fait volatile.

Ici l'artiste local, à la recherche d'imagerie humaine dans les végétaux, finira par perdre la tête, comme un symbole.



« Réel et fiction s'entremêlent » dans ce rapide et premier roman de Zoé Cosson. Sa construction rapiécée peut dérouter, même si son sens est justifié pour un village insaisissable dans son unité. le lecteur pourra trouver son intérêt ailleurs, dans la restitution d'une ambiance pittoresque notamment, parsemée de bons mots précis poétiques fréquents (les adjectifs s'y succèdent souvent ainsi), comme autant de perles à dénicher sur son parcours. Ni roman rural, ni roman d'incitation franche au déconfinement au grand air, ni roman à parader dans les devantures d'offices touristiques, « Aulus » ressemble plutôt à un texte réfléchi et ciselé, à la saveur de recherche littéraire. Il questionne en filigrane l'influence de l'environnement sur les habitants, ainsi que l'équilibre instable d'un village hibernant depuis son lustre d'antan, avant « la déprise rurale et industrielle ». Une franche réussite.


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Aulus

Retour à Aulus



Une jeune fille vient régulièrement séjourner dans l’hôtel désaffecté que son père a acheté sur un coup de tête. Pour son premier roman, Zoé Cosson a choisi de retracer l’histoire et la géographie d’Aulus, village des Pyrénées.



Ce court roman est d'abord un livre de géographie. De géographie physique d'abord. Qui raconte un paysage, un village des Pyrénées, son environnement, son histoire, ses habitants. De géographie intime ensuite. De l'attachement à cet endroit, du lien au père, des émotions qui s'emparent de la narratrice. Dans ses pas on découvre Aulus-les-Bains, station thermale qui a connu son heure de gloire et qui, à l'image du Grand Hôtel de Paris, racheté par son père, est désormais sur le déclin. Les habitants, une centaine, sont authentiques. «Ce sont des corps du dehors, habitués à négocier avec la solitude, le temps qui ne meurt pas. Des corps tenaces qui ne tressaillent pas à l’intérieur. Qui commencent par les pieds la plante les orteils, qui se tiennent par les cuisses et se terminent par des mains carrées. Ces corps-là ne plieront pas. Ils ne ressemblent pas à ceux de la ville. Frêles, élancés, gras, voûtés. Ils auraient pu partir, presque tous. Faire leur vie ailleurs, à la campagne, sur un terrain plus plat, avec un climat plus doux, mais ils ne se sont pas résolus à quitter cet endroit où chaque centimètre est connu, vécu, chéri. Ils n’ont pas voulu se séparer du lieu où le corps a ses marques, sous l’église, dans le creux. Les autres, ceux qui ne sont pas nés là, ont suivi un ami. Ils ont retrouvé un ancêtre, découvert une tombe à leur nom, ils ont fait leur premier vol en parapente ici. Le village s’est présenté par hasard. Ils se sont installés.»

Un microcosme

À l’aide des cartes postales anciennes décrites en début de chapitre, on prend la mesure du temps qui s'est écoulé, des changements de mode de vie. Si on peut imaginer que l'ours faisait déjà parler de lui dans les conversations de l'époque, ce sont désormais l'exode rural, la fin des petits commerces – il ne reste guère comme boucherie et une épicerie – l'environnement au tour de la question de la centrale hydroélectrique et les élections à venir qui rythment les conversations. Des échanges que l'hôtelier prend plaisir à initier et à entretenir, sorte de chef d’orchestre du Titanic.

Zoé Cosson défend et illustre à sa manière une thèse établie au XVIIIe siècle par

Charles Victor de Bonstetten, un Suisse auteur de L'homme du Midi et l'homme du Nord, ou L'influence du climat. Entre Rousseau et Madame de Staël, il tente de définir les typologies des européens et constate combien le climat – notamment la montagne – façonne les caractères. Ici, les gens ne ressemblent pas à ceux de la ville. «Ils ne fixent pas le sol à côté de leurs chaussures, ne soupirent pas, et quand ils rient, tout leur corps vibre avec eux». C’est ce que la romancière appelle «l’attachement paysager» et qu’elle nous livre à la manière d’un diamant qu’elle polit soigneusement pour en faire briller toutes les facettes.




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Aulus

Il y a des endroits que l'on découvre un peu par hasard et qui finalement vont devenir de véritables lieux de vies...

Le hasard de la vie va conduire la jeune narratrice et son père à Aulus-les-bains, village thermal situé au cœur des montagnes ariègeoises, suite à la vente aux enchères d'un hôtel délabré.



Dans ce premier roman, Zoé Cosson nous confie ses souvenirs et différents récits de l'histoire de ce hameau qui compte encore aujourd'hui une centaine d'habitants... Ayant passé des vacances pendant plusieurs années à Orlu, un village situé à une quarantaine de kilomètres à vol d'oiseau d'Aulus, je me suis tout de suite représentée l'ambiance et l'atmosphère générale du lieu. Ce récit autobiographique m'a retransporté des années en arrière et ça a été un plaisir pour moi d'en découvrir plus sur la vie de ce village ariègeois apprécié des randonneurs...
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Aulus

Un premier roman très beau à lire, l'auteure par petite touches dessine le portrait des villageois, les descriptions des lieux, des espaces, les balades en montagne sont des moments d'émerveillement pour la lectrice que je suis sous la plume ou rien ne semble échapper à Zoé Cosson.

Son écriture au plus près du réel, poétique, ciselé m'a fait penser à celle de Marie Hélène Lafon pour la précision, la justesse des mots.



« couper tresser labourer faucher traire. Ces geste-là, je les retourne à l'intérieur de moi. Je creuse des souterrains, des galeries de temps. ….Toute surface accessible vibrait de la pioche et du râteau. Toute surface fertile travaillait à la survie de ses occupants. Aujourd'hui la forêt marche, le paysage est bouché. »



« En face d'Aulus, il y a le Pouech. Pouech veut dire mont, monticule, éminence. le Pouech est une éminence verte, une montagne raide au cou tronqué, abrupte et solitaire, dégoulinante de torrents, hirsute de pins sur ses flancs et pourtant chauve. Son sommet arasé, adouci par le temps, est le seul sommet vert des alentours. Un sommet de velours. »



« Le village est une surface cabossée, boursoufflée, qui cloque et se soulève brusquement sur ses bords pour épouser l'élan des montagnes. »



Le thème de ce roman est simple, la narratrice vit avec son père dans un hôtel désaffecté que celui-ci a acheté aux enchères. Son père s'acharne à sauver l'endroit. C'est un homme joyeux, méticuleux que les villageois ont adopté.



Un roman relatant les petits et grands événements du quotidien d'un village écrit avec beaucoup de pudeur et de délicatesse. Il m'a été recommandé par mon libraire et je l'en remercie.
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Aulus

***



Aulus est un petit village situé au pied des montagnes pyrénéennes, au milieu des sapins, aux maisons de pierres et aux petites ruelles étroites. Aulus a son église, sa mairie, son camping, son centre équestre et un grand hôtel. C'est dans ce grand bâtiment désaffecté que vit la narratrice avec son père. Au milieu de sa centaine d'habitants, elle déambule et déroule sous nos yeux des paysages où la nature règne en maître...



Premier roman de Zoé Cosson, Aulus est une immersion douce et délicate en Ariège. C'est une ballade en pleine nature, un hymne aux grands espaces et une ode aux visages que l'on croise au détour d'une rue, d'une course, d'un café.



Si j'ai d'abord été déroutée par la simplicité de l'écriture, la légèreté des personnages, j'ai finalement pris cette lecture comme une flânerie apaisante. La narratrice nous offre son regard, tendre et subtil, sur ce lieu comme hors du temps.



C'est un récit réconfortant, une parenthèse ouatée, un petit air de mélancolie, qui adoucit pour quelques heures un quotidien mouvementé.



Merci aux 68 premières fois pour cette découverte...
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Aulus

Aulus-les-Bains est situé dans le massif des Pyrénées ariégeoises, plus exactement dans le Haut Couserans. L’Espagne se trouve à peine à cinq heures de marche. Si l’activité thermale est connue dans cette région depuis l’époque romaine, elle a pourtant été longtemps seulement un lieu d’exploitation des mines de plomb, au XVIe, au XVIIIe et jusqu’après la seconde guerre mondiale. Pourtant c’est bien au XIXe siècle que l’exploitation des eaux l’emporte sur celle des mines. À partir de 1822, 1845 les cures sont déjà surveillées médicalement. Et les buvettes, l’établissement thermal et les nombreux hôtels font désormais la renommée de la station.



C’est dans ce contexte de fin de règne que le père de la narratrice décide d’acheter un vieil hôtel qui a connu ses heures de gloires à la belle époque. Abandonné de tous, mais pas de ce père original qui tente aille que vaille de restaurer quelques pièces de cette vaste bâtisse qui tombe en décrépitude.



Au cours de ses vacances dans la région, la narratrice qui n’est autre que sa fille va observer non pas simplement la nature, mais bien la nature humaine et les quelques spécimens qui constituent la population permanente du village. Au cours de nombreuses marches dans les sentiers de randonnée du coin, ou aux abords des maisons du village, elle fait des rencontres, apprend à connaître l’autre, celui qui n’a jamais quitté son coin perdu de montagne et qui vit bienheureux là-haut, celui qui aime raconter la nature, les aventures, les anciens, la vie en apparence si simple mais pourtant si complexe pour ceux qui doivent faire avec. Ce sont des chemins, de cascades, des couleurs et des saisons, des feuilles qui bruissent aux arbres et des étendues de neige où rien ne bruisse. Ce sont des rencontres, des disputes, des souvenirs, des attentes ou des espoirs. C’est le père qui tente de faire revivre son hôtel délabré et vide, qui le peuple d’objets à défaut d’humains, qui partage, donne, échange avec les autres, chaque jours, par habitude, par soucis d’intégration, par plaisir finalement.



Si la vie y est souvent difficile, la chaleur des échanges, la beauté de la nature, donnent sa véritable dimension humaine au village et à l’aventure vécue par l’autrice. Le roman est court, l’écriture ciselée, sans un mot de trop, construit autour de quelques cartes postales anciennes, d’instantanés de vies, qui donnent corps et présence à tous ces absents qu’elle n’a pas oubliés. J’ai aimé ces portraits, ces traits de caractère, ces anecdotes qui font revivre avec humour, nostalgie et tendresse les années d’enfance. Mais aussi la façon dont la narratrice narre cette relation entre un père fantasque et malade et une adolescente pas toujours d’accord. Une jeune fille qui vit au plus près de ses émotions et fait preuve d’une capacité d’émerveillement face à l’autre, quel qu’il soit. C’est un roman atmosphère, de vivants, bien plus que de souvenirs enfuis. Alors qui sait si, en passant du côté des Pyrénées ariégeoises, vous n’aurez pas envie vous aussi de continuer votre route pour découvrir Aulus.
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Aulus

Aulus est un village pyrénéen réputé pour ses thermes.

Le père de la narratrice y a acheté un hôtel désaffecté qu'il compte bien rénover.

De cet hôtel, la narratrice va y découvrir les chemins de traverses de ce village et de ses environs mais aussi y faire connaissance avec les villageois.



Malgré une belle écriture, et certainement à cause d'un manque de concentration à la lecture de ce roman, je n'ai pas réussi à m'attacher aux personnages et à l'histoire.

Je n'ai pas été embarqué dans cette petite station thermale des Pyrénées et suis restée perplexe face à cette lecture.

Je ne peux pas dire que je n'ai pas aimé mais en même temps, il m'est difficile de dire que j'ai apprécié ce roman.

Une lecture mitigée pour ma part...
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Aulus

Dans les Pyrénées ariègeoises, Aulus a connu la splendeur à la Belle Époque, au temps béni des cures thermales et des grands hôtels, et désormais ne compte plus qu'une grosse centaine d'habitants. Il reste la centrale hydroélectrique et une mine de tungstène désaffectée qui pollue l'environnement. "Officiellement la mine a fermé à cause du cours du métal. Officieusement les maladies pulmonaires sentaient le souffre, l'amiante, le sapin."

La narratrice y vient chaque année car son père a racheté un vieil hôtel qu'il restaure tout autant qu'il l'encombre de tout un fatras hétéroclite qu'il entasse dans les chambres. C'est le point de départ de ses observations sensibles de la population et de la nature environnante au cours de ses randonnées solitaires. Elle apprend la "soulane", le "gispet" et la "néou". Elle s'attache à mille petits riens avec une plume qui fluctue entre une écriture âpre comme la roche qui enserre étroitement le village et une écriture douce et sensuelle pour raconter les hommes et les femmes...Pierre "s'assoit, mutique, et je profite de son silence pour observer sur son visage cette plénitude qui le caractérise,  comme s'il contenait un monde immense en lui, caché."

S'intercalent dans ce roman écrit comme un récit, les descriptions minutieuses de clichés pris au début du XXe siècle  qui racontent une pittoresque époque disparue...



Un premier roman étonnant qui offre une parenthèse nostalgique, une pause  bénéfique dans une actualité toujours plus folle...Une jolie plume à découvrir !

Ferez-vous ce pas de côté pour découvrir Aulus avec les yeux de Zoé Cosson?

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Aulus

Livre lu dans le cadre du jury des lectrices Femina. Hum que dire, il s'agit d'anecdotes sur le village d'Aulus, dans les Pyrénées. C'est certainement voulu mais la construction du roman est un peu chaotique. On passe du coq à l'âne sans trop de transition pour repartir sur le coq à un moment où il n'en était plus question.

De plus, on ne sait pas trop dans quel cadre la narratrice, qui semble être l'autrice, habite cet hôtel désaffecté. D'après la 4e de couverture il s'agit d'un lieu de villégiature avec son père mais au moment du récit, à aucun moment il n'est question d'habitat secondaire. Étant donné que ce même père pense éventuellement à se présenter en tant que maire du village, j'e. déduit qu'ils y habitent à l'année. Et où est la mère? Aucune mention de celle-ci ni de leur histoire familiale en dehors de ce village. On ne sait pas d'où ils viennent ni où ils vont. Je trouve cela dommage, le livre fait moins de 200 pages. L'autrice aurait pu étoffer un peu à ce niveau là, même si le personnage principale est Aulus : qu'est ce qui peut amener des gens dans ce petit village rural de la France vide?

Encore une chose comme évoqué ci dessus : la 4e de couverture ne reflète pas le livre. En effet, il n'est jamais question d'histoires d'ours ou de loup. Ou alors mon esprit était tellement dissipé que j'ai manqué l'anecdote. Il serait vraiment top que les personnes qui font les 4e de couverture lisent les ouvrages jusqu'au bout puisqu'ils sont payés pour cela et que le but et que le lecteur achète le livre...

Bref : deux étoiles car le livre faisait moins de 200 pages et que l'idée était bonne au départ.
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Aulus

Aulus-les-bains, plus communément appelée Aulus est une commune d'un peu plus de 160 habitants située en Ariège.

La narratrice, originaire de cette commune, nous y entraîne dans une valse de mots et d'anecdotes. De ses habitants typiques à ses sentiers de randonnée, la narratrice nous fait visiter ce village thermal des Pyrénées. Elle habite dans un hôtel désaffecté que son père a acquis.

Dans ce livre, on parle de la nature, de l'environnement, de sa préservation et des pollutions entraînées par la présence d'une ancienne mine.

L'écriture de l'auteure est atypique: elle s'affranchit parfois de la ponctuation et c'est un enchaînement de phrases et de faits n'ayant pas toujours de lien. Mais passée cette surprise, on s'habitue à la plume et on se laisse porter.

Une belle découverte pour un premier roman.



Merci à Version Femina et aux éditions L'Arbalète Gallimard pour l'envoi de ce livre.
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Aulus

Des petites villes comme Aulus-les-Bains, station thermale des Pyrénées, on en croise des tas le long des routes. Encore faut-il emprunter les chemins buissonniers, ignorer les autoroutes rectilignes et sans âme, accepter le pas de côté et laisser filer le temps. C'est ce que nous propose Zoé Cosson. Laisser filer le temps, au rythme de quelques saisons. Faire corps avec les pierres qui ont vu passer la foule, le faste des grands jours lorsque les bains et les thermes étaient à la mode. Se couler le long des sentiers, grimper au pas du montagnard, et observer. Les couleurs changer au gré des heures, puis des jours. Trouver un banc, un promontoire pour étudier la faune, sauvage ou apprivoisée. La plume de Zoé Causson se fait tantôt minérale, tantôt végétale. Elle épouse les courbes des chemins, absorbe les creux et les bosses, se glisse dans les ruelles, explore les chambres désertées d'un hôtel décrépit et s'épanouit sur la place centrale où résistent quelques commerces. Elle s'attarde parfois sur un Paul, un Pierre ou le vieux René dont l'esprit commence à s'égarer. Peu importe l'histoire, seuls comptent les yeux et les sens de cette narratrice, fine observatrice dont le corps se confond peu à peu avec le lieu.



"Des prolongements inconnus augmentent mes membres. Je les sens s'agripper à chaque obstacle. Je ne vois plus que par mes mains, mes pieds. Mes mains qui ne sont plus des mains, mes pieds qui ne sont plus des pieds. Mes mains sont des grappins, mes pieds des crochets, mon corps l'élastique tendu entre les deux."



Il se dégage de ce texte une beauté nostalgique, celle de l'effacement qui guette autant les êtres que les pierres qui leur ont servi de toit. Ce que l'auteure sublime, c'est la fragilité en toute chose. Et particulièrement de ces lieux oubliés, dépassés par le progrès, abandonnés aux quelques êtres qui s'y accrochent encore. La rudesse des éléments, la solitude de l'isolement, la majesté du décor. L'écriture de Zoé Cosson est d'une beauté sensuelle et d'une exquise précision. De celles qui vous murmurent à l'oreille et gravent profondément images et sensations au fond de votre esprit. C'est rare cette façon de trouver un écho, de dire si bien le paradoxe de l'ancrage éphémère. Aulus est aussi ce à quoi nous disons au revoir chaque jour : ce qui a été et qui ne sera plus.
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Aulus

Petit roman (106 p.) au format très agréable dans lequel l'autrice évoque Aulus, village des Pyrénées, ancienne station thermale, où ne vivent plus aujourd'hui qu'une centaine d'âmes.

Entre souvenirs d'enfance, descriptions de lieux par touches légères, exploration des montagnes alentours, Zoé Cosson nous offre en 22 chapitres de contempler, goûter, sentir, la vie présente et passée d'Aulus, à travers sa nature et ses figures marquantes.

Elle nous brosse le portrait de son père avec délicatesse et pudeur et accompagne celui-ci avec une tendresse filiale touchante, malgré parfois ses agacements ou ses incompréhensions.

Un beau texte pour toucher du doigt l'attachement que peuvent mystérieusement éprouver certains pour un lieu perdu, loin de toute civilisation.
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Aulus

Zoé Cosson nous invite à l'accompagner dans une escapade en montagne ariégeoise et nous mène à Aulus-les-Bains (mais ici on dit Aulus, tout court) à la rencontre des celles et ceux qui peuplent ce village à l'effervescence disparue. Son père y a un jour acquis un ancien hôtel délabré - vestige de l'ancienne activité thermale - et la narratrice y a passé une partie de son enfance. En grandissant, ce sont les Pyrénées qu'elle arpente en de longues marches qui éprouvent le corps.

Avec ce premier roman, à la plume sensible, Zoé Cosson dresse le portrait, empreint de tendresse, d'hommes et de femmes qui, à l'instar de la montagne qui les abrite, cachent derrière d'abrupts versants quelques douceurs.

Aulus est un très beau texte qui dit ces villages en peine d'âmes, où les coeurs sont profondément attachés à la terre, affrontant avec philosophie les rudesses du climat, tonnant, grondant parfois, s'accommodant aussi de contradictions. Un bel hommage à ceux qui ont entouré l'enfance de la narratrice et abrité les fantaisies paternelles, à ce pays qu'elle porte forcément un peu en elle.
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Aulus

La narratrice a huit ans quand elle arrive pour la première fois dans ce petit village des Pyrénées. Et puis elle en repart, quelques années après. Entre temps, elle a découvert le village et ses habitants, elle a parcouru les sentes et gravi des pentes, elle a vu passer l'hiver, fondre la neige et refleurir les jonquilles. Elle raconte, par petites touches, ce qu'elle apprend d'Aulus : sa splendeur passée d'ancienne station thermale et le Grand Hôtel de Paris acheté par son père, mangé par la pourriture et où il entasse une invraisemblable collection d'objets disparates ; ses habitants dont elle fait le portrait : Marie l'épicière revêche, Nicole et ses chevaux, les manies de Perce-neige, Pierre le chanteur, les deux Paul, René l'artiste de la nature ; ses montagnes qui enserrent le village et le maintiennent l'hiver dans une pénombre quasi permanente. Petit-à-petit Aulus se dessine et s'affirme, avec un peu d'humour, un peu de gravité, se crée une place dans l'imaginaire du lecteur. En contrepoint, la description de photos de l'époque des bains vient ancrer le village dans son histoire. Des raisons pour lesquelles la narratrice et son père finissent par quitter le village, on n'en saura rien ou presque. Mais quand le camion s'éloigne, reste la trace tangible de ce séjour en montagne, comme une photo que l'on glissera dans les pages d'un livre, en fidèle marque-page de ses prochaines lectures.



Lu dans le cadre des "68 premières fois".
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Aulus

Zoé Cosson nous dit « On ne passe pas à Aulus, on s’y rend. »

Elle s’y rend régulièrement parce que :

« Mon père a acheté là, au bout de cette vallée sévère qu’on dit pauvre, un ancien hôtel délabré au prix d’un terrain agricole. Le Grand Hôtel de Paris. Une bâtisse de cent vingt-trois ans, toit crevé, parquet éventré, tuyauterie corrodée. »

En deux phrases, l’auteur a éveillé en moi d’autres lieux, dans une autre zone géographique, attachée au souvenir de mon père et au berceau de ma famille paternelle.

Quand je décide de partir en pèlerinage, sur ce passé, et que les lieux se sont rapetissés ou effacés du paysage pourtant encore si présent en moi.

Cœur en écharpe et âme en bandoulière, je fais revivre tout un monde disparu.

Aulus construite à la Belle époque ne compte plus qu’une centaines d’habitants.

C’est un récit en un bloc qui tangue entre portraits croqués sur le vif, rugueux et humoristiques et des images de ce lieu en images diffractées, l’écriture suit ce mouvement avec une absence voulue pour certaines phrases, qui enfilent les mots comme le lien les perles colorées que les enfants font glissées, pour faire colliers ou bracelets.

Il y a rupture entre le temps présent et l’immuabilité que le temps qui passe n’a pas érodé.

Immanquablement j’ai eu le sentiment que le déséquilibre vient du présent, ce qui est millénaire vacille mais comme le roseau, ne rompt pas.

J’ai aimé la nostalgie diffuse qu’insuffle en nous ce texte, nous avons tous des lieux qui ne survivent parce que nous y allons encore.

C’est cette France que j’aime, cette survivante, celle qui se mérite, car elle n’a pas suivi les autoroutes monotones, monochromes, elle vibre hors de la pression du monde qui court après le vide.

Un premier roman qui donne envie de suivre Zoé Crosson.

©Chantal Lafon


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Aulus

On ne passe pas à Aulus, on s’y rend », nous est-il écrit en exergue. Ce village ariégeois d’une centaine d’âmes au bout d’une vallée « un terminus géographique » a connu son heure de gloire lorsqu’il était encore une station thermale (les Thermes ont brûlé en 1947). L’achat aux enchères d’un ancien hôtel désaffecté, Le Grand Hôtel de Paris, va conduire la narratrice et son père à Aulus Les Bains. Personne ne dit «Aulus-les-Bains» en entier. On dit juste «Aulus». Zoé Cosson, dont c’est le premier roman, a 26 ans aujourd’hui mais n’en n’avait que 8 lorsqu’elle est arrivée dans ce «splendide village.» Depuis sa position de visiteuse car elle sera toujours considérée comme une étrangère dans le pays, elle décrit le lieu et ceux qui y vivent avec les Pyrénées comme cadre. Elle dessine des atmosphères en quelques mots « les habitants assistent au combat perdu du soleil qui ne perce pas, au blanc en ciment des éléments, à la résignation des arbres nus, des tombeaux de feuilles à leurs pieds. Au printemps après la fonte des neiges, les torrents se remplissent». Les Aulusiens «ne ressemblent pas aux gens de la ville. Ils ne fixent pas le sol à côté de leurs chaussures, ne soupirent pas […], et quand ils rient, tout leur corps vibre avec eux». C’est le deuxième roman que je lis écrit par une auteure diplômée d’un master de création littéraire : décidément les 68 y ont trouvé une source inépuisable de beaux romans !

Année après année, la narratrice se balade : elle regarde, écoute, recueillant les habitudes et les histoires des Aulusiens. C’est une écriture très contemplative. Zoé Cosson aime ce petit pays au point de l’avoir choisi comme thème pour son premier roman et de s’y être confinée pendant la pandémie du Covid (je l’ai découvert dans un article). Pas vraiment un roman, rien que de petites histoires qui semblent s’égrener sans lien apparent entre elles : des personnages passés ou présents, des bâtisses le plus souvent obsolètes comme l’église dont « Son seul plaisir, sadique en hiver, est de jouir de la lumière plus que n'importe quelle maison du village. » et surtout une nature omniprésente constituent les principaux thèmes. « Après, plus haut dans la montagne, il y a surtout des sapins prétentieux, et les pieds se plantent à l'aveugle dans des millefeuilles d'épines. Il y a de tout là-dessous. Des pierres et des trous, des vers de terre qui rêvent. » C’est un livre d’observations composé de vingt-deux chapitres courts, un livre d’apprentissage, d’initiation aux beautés de la nature : « J’apprends les chemins d’herbe écrasée, tapis, les routes de ruban gris, les cirques où se marient l’eau, la pierre, le gispet. J’apprends le mot gispet. L’herbe glissante, gelée, mouillée, trop grasse. J’apprends les arbres solitaires qui poussent droit malgré le dévers. » Là-bas, on vit vraiment au rythme des saisons « En août, le village est une fièvre, un bouquet. Une odeur d'herbe fraîche et coupée remue l'air, emplit les rues. Tout frémit et ondule, tout se gonfle de rires et de joies, de lumière verte, luisante.« Ces moments de l’année donnent son rythme au récit. Les balades dans les Pyrénées sont autant d’instants émerveillés. « La pluie ne passe pas, le vent à peine. Les limaces noires et dodues ont tout le sol pour elles, tout le temps pour tracer leur bout de chemin gluant. Les pieds s'enfoncent et disparaissent sous d'épais paquets de feuilles brunes. Je ne sais pas ce qu'il y a dessous. Je m'imagine que les feuilles rouillent jusqu'à s'effriter en poussières d'arbres. Qu'ensuite toutes sortes de bestioles les broient et les recrachent, et quand elles sont aussi petites que des atomes, elles rejoignent les strates noires et profondes du monde tellurique. » La narratrice est humble devant Dame Nature, elle a conscience qu’il lui faut ouvrir grand les yeux et « apprendre ».

L’écriture imagée retranscrit la lenteur du temps et ça le lecteur le ressent tout au long des pages. Il y a Aulus au présent mais aussi des passages tirés de cartes postales qui parlent de la ville au début du siècle dernier, cartes témoins de la vie fourmillante qu’il y a eu alors. Réel et fiction se mélangent. Des personnages passés ou présents, apparaissent au fil des pages comme Marie, surnommée Marldingue, qui tient l’épicerie ; le boucher, qui reste toute la journée assis sur le banc en face de sa devanture ; Nicole, « qui n’est pas du cru, c’est une arrivante, qui a repris le centre équestre, submergée par sa tâche, ignorante des règles implicites du village » ; Pince-cul nommé ainsi « car il a l’habitude de pincer le derrière des enfants quand il travaille l’hiver au tire-fesses de la piste Baby » ; René, « le monsieur de l’Imagerie végétale », qui « collecte les pierres, sélectionne les plantes rares » ; les deux Paul, le pêcheur, qui « laisse le bourdonnement de l’eau envahir sa tête » et celui qui recueille et domestique orvet, vipère, chouette.

Il y a aussi son père, un homme fantasque, atteint de syllogomanie, un TOC qui le conduit à collectionner ou plutôt accumuler tout et n’importe quoi : « Il y a la chambre électronique (grille-pain ayant déjà prouvé sa dangerosité, un compresseur à air) … la chambre couchage avec ses matelas multicolores empilés jusqu’au plafond, …la chambre sports et loisirs (une canne à pêche, six réchauds de tailles variées), …la chambre bois, …la chambre maquettes et enfin l’atelier d’apiculture de Paul » … Un véritable éventaire à la Prévert.

La narratrice évoque également les élections dans le village, sources d’échanges parfois virulents, la fermeture des mines de tungstène, le barrage hydroélectrique…

Dès sa couverture illustrée par un paysage ce livre est un hymne aux paysages et aux traditions pyrénéennes ! Les Pyrénées, cette montagne que je vois depuis mon balcon.









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