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3.48/5 (sur 657 notes)

Nationalité : France
Né(e) à : Nantes , 1995
Biographie :

Victor Jestin est diplômé du Conservatoire européen d'écriture audiovisuelle (Ceea) depuis 2017.

Il a passé son enfance à Nantes et vit aujourd’hui à Paris.

"La chaleur" (2019), son premier roman, reçoit le prix Femina des lycéens et traduit dans plusieurs pays.

Source : Flammarion
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Entretien avec Victor Jestin, à propos de son ouvrage La Chaleur


30/08/2019

La chaleur, c’est celle d’un été en apparence banal, dans un camping du Sud de la France. Une banalité que le narrateur Léonard, adolescent mutique et solitaire, vit très mal. Jusqu’à cette nuit durant laquelle il surprend Oscar, un autre ado déjà croisé, en train d’agoniser suite à un auto-étranglement trop prolongé – un ado qu’il regarde mourir, et va même jusqu’à enterrer. Va alors débuter une paranoïa envahissante, mais aussi la possibilité d’un premier amour.

La Chaleur est votre premier roman. Qu’est-ce qui a présidé à l’écriture de ce texte, et quel a été son parcours jusqu`à sa parution lors de la rentrée littéraire de septembre 2019 chez Flammarion ?

J’ai écrit d’autres manuscrits auparavant, dont un qui portait aussi sur l’adolescence. Ils ont été refusés mais m’ont fait progresser. Je me suis consacré pleinement à celui-ci pendant une demi-année, puis je l’ai envoyé à une quinzaine d’éditeurs. Chez Flammarion, il est parvenu à Alix Penent, qui l’a accepté.



Le narrateur et personnage principal Léonard rappelle les antihéros houellebecquiens : cyniques, inactuels et en rejet du monde qui les entoure. Avez-vous été directement inspiré par d’autres écrivains ou livres durant la phase d’écriture ?

La lecture de Jean Genet m’a beaucoup stimulé. Il s’agissait de tenir un équilibre entre le morbide et le désir, entre la violence et la sensualité. Or Genet est un équilibriste, son langage réconcilie des choses très contradictoires.


On retrouve un schéma temporel et spatial assez proche du théâtre classique et de la règle des trois unités dans votre livre, avec un récit qui dépasse légèrement les 24 heures, principalement situé dans un camping (et ses abords), où tout est ramené à l’acte fondateur du récit : le fait que Léonard ait regardé mourir un jeune homme sans l’aider, avant de l’enterrer. Considérez-vous ce livre comme une tragédie ?

Oui. J’aime bien ce cadre resserré, qui permet d’explorer pleinement un lieu, les différentes heures d’une journée et l’obsession d’un personnage. Mais les autres personnages, eux, sont étrangers à la tragédie, alors ils continuent à griller des saucisses, à danser et à prendre l’apéritif.


Selon vous, que dit La Chaleur de cette étape charnière de l’adolescence, un âge où tout peut basculer vers le pire, le meilleur ou un mélange des deux ? Et que dit-il de la génération de Léonard, qui va atteindre la majorité à la fin des années 2010 ?

Les adolescents sont la cible idéale de tous ceux qui font commerce du bonheur, du plaisir, de la jouissance. C’est un véritable marché, qui prend de plus en plus de place, alors cette génération est particulièrement touchée. Mais Léonard y résiste. Il en paie le prix fort, mais il résiste.


Le dépucelage des garçons apparaît comme un aspect central du livre. Léo tombe amoureux, et d’un coup son regard change, tout devient plus doux et accueillant, à commencer par cette ambiance générale du camping (musique abrutissante, activités de groupe, etc.). Est-ce que ça vous paraît décrire une expérience universelle, ou bien avez-vous voulu raconter quelque chose de plus personnel ?

Ce qui me semble universel, c’est cette question qui se pose à tout adolescent : « Est-ce que tu l’as déjà fait ? » C’est un sujet beaucoup traité au cinéma, souvent par le biais de la comédie. Mais la tragédie affleure juste derrière. En même temps, c’est bien le désir qui transforme et qui sauve Léonard, c’est vrai. Là aussi, c’est une question d’équilibre, entre terreur et excitation.


Léonard n’a pas tué Oscar : il l’a regardé mourir, puis l’a enterré. Mais lui se sent coupable. Quelle relation entretenez-vous avec votre personnage sur ce point ?

Je partage avec lui un peu de paranoïa, sans doute, mais je n’ai enterré personne.



Victor Jestin à propos de ses lectures



Quel est le livre qui vous a donné envie d’écrire ?

Les livres que j’ai aimés enfant.



Quel est le livre que vous auriez rêvé écrire ?

Capitaines des sables, de Jorge Amado .



Quelle est votre première grande découverte littéraire ?

Louis-Ferdinand Céline



Quel est le livre que vous avez relu le plus souvent ?

Plutôt des passages qu’un livre entier : William Faulkner, Jean Genet.



Quel est le livre que vous avez honte de ne pas avoir lu ?

Madame Bovary de Gustave Flaubert, entre autres.



Quelle est la perle méconnue que vous souhaiteriez faire découvrir à nos lecteurs ?

Il n’est pas méconnu mais on pourrait le connaître davantage : Tous cambrioleurs, de P.G. Wodehouse. C’est le roman le plus drôle que j’aie lu.



Quel est le classique de la littérature dont vous trouvez la réputation surfaite ?

Peut-être L’Ecume des jours de Boris Vian.



Avez-vous une citation fétiche issue de la littérature ?

« Essayer. Rater. Essayer encore. Rater encore. Rater mieux » (Samuel Beckett)



Et en ce moment que lisez-vous ?

Poèmes à Lou de Guillaume Apollinaire.



Découvrez La Chaleur de Victor Jestin aux éditions Flammarion :




Entretien réalisé par Nicolas Hecht.






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Au petit matin les boites de nuit trahissent. Elles révèlent d'un seul coup la laideur et la saleté. Les lumières s'allume, et la musique s'éteint ; l'air sent la sueur et l’usine, le sol colle, le palmier est en plastique. Il y a des murs et un plafond, la pièce a des dimensions. Pire, tout le monde s'en va. Reste les plus saouls, les plus désespérés, comme des enfants qui refusent d'aller au lit. Le videur les chasse. La fête est finie. Il n'y a plus que le bâtiment vide, et moi, oublié sur la banquette du fond.
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Victor Jestin
Je suis rentré. Sur la route, j’ai croisé un joggeur levé de bonne heure qui rejoignait la forêt. J’ai retrouvé ma tente et je me suis endormi habillé. J’allais vivre ma dernière journée de vacances, la plus chaude – la plus chaude, même, qu’ait connue le pays depuis dix-sept ans. On nous avait prévenus. On l’avait annoncé dans les haut-parleurs fixés sur les pins, dont l’un juste au-dessus de ma tête qui me réveillait chaque matin. p. 16
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– Je finis mon verre et je vous rejoins! ai-je crié. La banquette sans accoudoirs m’a paru d’un coup trop grande. J’ai aspiré le fond de mon verre et la paille a fait des bulles dégoûtantes. Je me suis allumé une cigarette. Encore quelques minutes et je me lance, ai-je décidé. La piste s’étalait comme une mer à mes pieds. Là se trouvaient donc les filles à aborder. C’était un bal. Ça ne valsait pas mais en fait c’était tout comme un bal, archaïque et cruel. Chacun se cherchait un partenaire. Si jamais cette foule formait un nombre impair, l’un de nous se retrouverait seul au bout du compte, et cela risquait bien d’être moi, comme aux chaises musicales de mon enfance. Les gens se pressaient. Ils se ressemblaient. Tous se confondaient dans cette lumière, jetée sur eux pour lisser leurs visages, gommer leurs boutons, effacer leurs formes et leur en inventer d’autres. C’était une ambiance excitante, dangereuse aussi, car tous ici, devenus plus beaux, devaient redoubler d’attentes, saturer la boîte de désir, plus qu’elle n’en pouvait contenir. Il existait certainement quelque part un interrupteur pour rallumer les néons du plafond, faire que tout le monde sursaute, se réveille soudain dans les bras d’inconnus rouges et suants.
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J'ai reconnu ce regard que souvent je n'avais fait que sentir, ce regard des dîners de famille, quand on me disait quelque chose qui pouvait me blesser – alors elle me scrutait en silence, elle surveillait mes infimes réactions avec inquiétude.
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Oscar est mort parce que je l’ai regardé mourir, sans bouger. Il est mort étranglé par les cordes d’une balançoire, comme les enfants dans les faits divers. Oscar n’était pas un enfant. On ne meurt pas comme cela sans le faire exprès, à dix-sept ans. On se serre le cou pour éprouver quelque chose. Peut-être cherchait-il une nouvelle façon de jouir. Après tout nous étions tous ici pour jouir. Quoi qu’il en soit, je n’ai pas bougé.
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Il m’a paru évident qu’Oscar devait disparaître. Je n’ai pas réfléchi davantage. J’ai senti, peut-être, que c’était cela la vraie bêtise, mais je l’ai faite, pour faire quelque chose. J’ai saisi ses jambes. Il n’était pas si lourd. Je l’ai traîné. Nous avons progressé lentement, d’abord dans le parc, puis sur les graviers d’une allée, sur l’herbe d’un emplacement vide, sur une fine couche de sable. Le bruit du corps variait selon la surface. Je me concentrais sur mes gestes pour ne pas songer à autre chose, ne pas savoir ce que signifiaient ces instants. Je traînais un corps, simplement. Avant la dune, j’ai fait une petite pause. Tout était calme. Oscar était si calme. L’air était plus frais, presque agréable. Ce devait être le beau milieu de la nuit. Nous avons grimpé plus lentement encore, nous enfonçant dans le sable, nous accrochant aux chardons. Beaucoup s’y blessaient en courant pieds nus. Enfin, la plage est apparue. Elle était déserte, jonchée de déchets qu’il faudrait balayer le lendemain. Je me suis dit que je pourrais laisser Oscar dans l’eau pour que le ressac l’emmène. Mais la mer était trop basse. Un long chemin me séparait d’elle et j’étais déjà essoufflé. Je m’en suis tenu au trou. J’ai lâché Oscar, j’ai parcouru la dune et je l’ai trouvé sans peine, près du drapeau de baignade. Il n’était pas assez grand. Je me suis accroupi et je l’ai élargi aux dimensions d’un adolescent. Je n’aimais pas le contact du sable qui rentrait sous les ongles et faisait crisser la peau, mais je m’y suis confronté cette fois sans manières, à grands mouvements de bras volontaires. Quand j’ai été satisfait, je suis retourné chercher Oscar. Je l’ai amené jusqu’au trou et je l’y ai fait entrer, les jambes pliées sur le côté. Son visage était sale, plein de poussière. Je l’ai nettoyé du bout des doigts. Puis j’ai rejeté du sable dessus et sur tout son corps également. Cela m’a pris beaucoup de temps. Je ne pensais à rien. J’écoutais mon souffle et le bruit des vagues.
Enfin le trou n’a plus été que du sable, et Oscar, sous terre, a pesé moins lourd. Il a même disparu un peu. Je me suis redressé et j’ai regardé le ciel clair. Une petite musique s’est élevée dans les airs. J’ai compris que le bruit venait d’en dessous. Je me suis remis à genoux et j’ai creusé, défaisant tout mon travail. C’était bien enterré. La musique tournait en boucle. J’ai fini par atteindre Oscar – son téléphone sonnait dans son maillot : Luce appelle. Je l’ai éteint et fourré dans ma poche. Personne ne l’avait entendu. Tous les gens étaient loin. J’ai repris mon souffle et j’ai rebouché le trou, aussi soigneusement que la première fois. 
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Tout était triste et lent ce dimanche. Le sol était détrempé, boueux, couvert de flaques et de petits ruisseaux. Les campeurs creusaient des rigoles, étendaient leurs affaires sous le soleil disparu. C'était une défaite générale. Les tubes de crème solaire et les matelas gisaient. Tout gisait dans la grisaille.
Page 130
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Quand tu parles de musique, tes yeux changent, on a l'impression que tout va mieux.
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Oscar est mort parce que je l'ai regardé mourir, sans bouger. Il est mort étranglé par les cordes d'une balançoire, comme les enfants dans les faits divers. Oscar n'était pas un enfant. On ne meurt pas comme cela sans le faire exprès, à dix-sept ans. On serre le cou pour éprouver quelque chose. Peut-être cherchait-il une nouvelle façon de jouir. Après tout nous étions tous ici pour jouir. Quoi qu'il en soit, je n'ai pas bougé. Tout en a découlé. p. 9
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Il n'y avait plus qu'Oscar. Il cadavrait comme une eau stagne tout contre moi. Il me collait à la peau. Par moments, je ne savais plus depuis combien de temps il était mort, depuis combien de jours je le traînais avec moi dans les allées. Et puis, n'étais-je pas déjà coupable bien avant l'instant de sa mort ? N'avais-je déjà pressenti dès l'enfance que tout m'emmenait vers cette histoire. Rien n'était nouveau.
P 95
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