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3.8/5 (sur 37 notes)

Nationalité : France
Né(e) : 1992
Biographie :

"Le lion sans crinière" (2019) est le premier roman d'Édouard Bureau.
Finaliste du Prix Joseph Kessel, il a obtenu le Prix Jean-Claude Brialy du Premier Roman.

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Pitch « Lisez ! » : « La Grande Vallée » d'Edouard Bureau (Le cherche midi) .


Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
Nous restâmes l’un à côté de l’autre, le regard invariablement rivé sur le ciel, qui s’assombrissait sous l’effet combiné de la fin du jour et des incendies. C’était à cette heure où toute la Terre se couche que, chaque soir, soufflaient un vent d’ouest, une brise légère, régulière et fidèle sur toute la plantation. Les toucans, rassemblés autour de goyaviers, lançaient un caquètement vif, des gibbons y répondaient par leur ululement dont nous riions à chaque fois. André les imitait, le visage tourné vers les cris, les singes reprenaient de plus belle, et nous nous étouffions de nos rires francs. Le foehn bruissait son souffle continu, soulevait les cimes et y découvrait bucorves, amarantes et perroquets youyous aux yeux ébahis. Des jabirus s’échappaient en volée bruyante et nous nous sentions, comme des marins à la vigie, capitaines de cette infinie verdure. C’était encore à cette heure où le vent d’ouest soufflait que nous sentions le parfum des jours à venir. L’odeur tamisée et mate de la terre glaise annonçait les nappes de chaleur, parfum sec qui imprégnait les vêtement sans rester dans notre nez. La pluie, elle, s’annonçait dans ce vent par des saveurs de fruit que l’on ouvre, agrumes humides offerts dans cette brise.
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En se couchant,les troupeaux avaient replié l’ombre que,pareille à une nappe, ils avaient jetée sur la nature.les derniers rayons avaient tenté de briller une dernière fois puis, au détour d’un sommet, ils avaient éteint les dernières lueurs du jour, comme une haleine éteint une bougie.
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Nanga cherchait à me ménager, il savait bien que je n'avais rien à voir avec tout ça mais que j'en étais tout de même l'héritier.
"Ça a dû bien leur aller, eh, que ce soit un Baren, Ambutu, qui arrive au pouvoir. Ils devaient savoir que serait une source d'instabilité. C'est pour ça qu'ils reviennent. Le colon d'hier jubile, il triomphe: il veut nous dire que l'indépendance n'est pas pour nous. Mais non, c'est simplement que nous n'avons jamais été indépendants. Dans un nouveau pays, avec de nouvelles frontières, peut-être, oui. Mais pas maintenant, pas avec les émissaires de l'ancienne métropole dans nos palais ..."
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Édouard Bureau
Je fus réveillé calmement par l’aube. Les rayons illuminaient les draps et enflammaient le parquet. L’odeur de la nature était forte, la rosée révélait les exhalaisons de chlorophylle, les senteurs enivrantes des herbes ; il y avait du basilic et du thym, et comme des poussées de lavande traversant la pièce en nuées compactes. Le calme bruyant de la nature ouvrait mes sens. Mais je n’entendais pas les chants habituels des hommes de la plantation : j’étais seul. Il n’y avait autour de moi, non pas les chansons des travailleurs, mais les berceuses des petits gris, les mélopées claquantes des bucorves. Les pistons des gibbons, emballés dans leurs aigus résonnaient aussi, et les cantilènes des amarantes. Je me levai, jetai un coup d’œil par la fenêtre de ma chambre. Des animaux devaient avoir pris leurs habitudes depuis notre départ, certains venus de la savane avaient peut-être brouté les derniers plants de tabac comme on suce un pain de sucre. Mais je ne vis rien pour m’émerveiller et je descendis par l’escalier intérieur.
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Les hommes, avec leurs femmes, leurs baisers, leurs coïts, leurs sourires, leurs éclats, leurs nuits, leurs sudations, n’étaient plus rien à mes yeux. J’avais cru en eux et ils m’avaient déçu. Au fond ils révélaient leur part d’humanité, là où j’avais rêvé de voir des anges. Ils étaient petits, cruels et faux. Ils mentaient, ils dissimulaient, ils manipulaient, ils abandonnaient avec la même facilité, pour grappiller ce qu’ils pouvaient. Mais ils ne méritaient plus de posséder, ni leurs femmes, ni leurs baisers, ni leurs coïts. Ni leurs sourires, ni leurs éclats, ni leurs nuits, ni leurs sudations. Ils n’avaient plus à avoir aucun privilège car ils n’avaient plus à mes yeux aucune grandeur d’âme. Rien ne les extirpait de la fange de leur humanité. André avait eu pour eux les rêves d’épopée qu’ils n’avaient pas osé avoir, les plus grands rêves qu’on puisse avoir ! Et maintenant il fallait partir pour sauver ma peau, menacée par ces hommes, faibles et veules, ah quelle sottise…
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Une ébauche de bleu, encore noyée d’orange et de nuit, barbouilla l’horizon et s’étala jusqu’au-dessus de nous, cependant qu’une érubescence lui disputait les teintes du ciel. Comme de l’huile et de l’eau, les deux couleurs primaires suspendues dans le balbutiement du jour, le rouge et le bleu, se mélangeaient un temps ; puis elles redessinaient une frontière nette entre elles. Mais les nuances de l’aube savaient inexorable la victoire de l’azur ; et le pourpre, les rebords couperosés, les rougeurs de l’aurore se dissolvaient dans le smalt. Les éclats d’étoiles n’étaient plus, c’étaient des éclats de voix qui les remplaçaient désormais : premières ombres, premières flammes des premiers foyers, premiers crépitements. La terre rouge se réchauffait brusquement, jetant ses engelures dans l’ombre. André vint me saluer.
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Les étoiles dansaient car elles se savaient observées par les deux bergers. Elles avaient un sens inné pour ces choses-là et les hommes les trouvaient tendres – car en ces temps-ci ils aimaient la nature comme ils chérissaient une femme.
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Les mots avaient été si justes, si nécessaires, que tout cela allait de soi, la violence et la mort, la victoire et l’ivresse, les coups injustes et les choix qu’on regrette. Nous prendrions les armes.
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« La voilà, la Grande Vallée : toute dans cette quête de l’harmonie, aimer l’hiver aussi fort que l’été, aimer les étoiles autant que le soleil ! De hautes montagnes bouleversantes, où le temps prend son temps. Nulle part ici-bas, l’homme n’a contraint les heures, ni les jours, ni les saisons. Il a su attendre, il a su vivre avec le temps comme on accepte la vieillesse ou la sécheresse d’un ru : et qu’il en soit ainsi. Non, non, l’homme de la Grande Vallée ne court pas, ou si peu. Il n’a jamais couru que pour retrouver plus vite son ami ou son amour. Il a créé et il a fait tout ce dont il avait besoin : tisser la laine, disperser ses semailles, même abattre sa brebis. Et tout ça, il l’a fait placidement, persuadé que son cœur se trouvait à la croisée de ses désirs et de ceux de la nature. L’homme a des besoins à assouvir, non point à se créer. Le reste de son temps, il le consacre au bonheur, à sa descendance, à ses aînés. C’est comme ça que sont nées nos poésies. Il y a de quoi rêver... »
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Dans l’air, les muscs des hommes tâtaient des odeurs grillées et des bûches qui consumaient leurs brins de mousse. Les cuisiniers maniaient de grosses louches d’huile, de graisse et d’oignon et, quand ils les versaient sur la viande luisante, des gouttelettes faisaient des crépitements en sautillant sur les tisons. Des tabliers de cuir se grêlaient de braises éclatées et ces peaux, tannées et patinées, ajoutaient leur parfum : c’était une odeur de bête et de feu étouffé. Enfin, de quelques halliers on avait fait des onguents : derrière les oreilles, au creux des seins épais, on avait fait macérer des fragrances, d’hysope et de réséda, qui éveillaient à l’enracinement ses lourdes idées d’incendie. Tout cela, c’étaient des senteurs de bonheur : passagères et tenaces, dans leur désir forcené de s’élever à travers les autres volutes.
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