Quant à Alexandre, on dirait qu'il a lui également senti une petite flèche lui percer le coeur, mais cette facétie de Cupidon est sans gravité.
… Allez, il est l’heure ! Dieu tout puissant, donnez-moi le courage d’affronter cette dernière épreuve. Adieu.
Quelques heures après avoir écrit ces quelques mots, Louis d’Embrelat s’effondra, au milieu des cadavres de leurs ennemis. Il eut un dernier cri pour Armand, tombé lui aussi, avant de terminer son agonie.
Enfin ! Une dernière petite couture pour achever mon oeuvre, un point final au labeur de toute une existence. L'homme se recula pour admirer sa création tout en se parlant. Il était pratiquement son seul confident.
— Mon Dieu, le monde est fou. D’abord cette guerre effroyable et maintenant des détraqués qui envahissent notre ville.
— L’un est peut-être la conséquence de l’autre, ou inversement.
J’ai froid, j’ai faim, j’ai soif. Trois jours déjà que je suis enfermé dans cette cave. Il semble que mes geôliers m’aient oublié. Je ne peux plus me lever sans vertige. Il faut pourtant que je me force à bouger, à me remuer. Mon esprit lui-même commence à donner des signes de faiblesse. Et cette douleur à la tête !
Quels livres ? À peine m’avaient-ils poussé dans cette prison qu’ils me battaient avec toujours cette même question : où sont ces maudits livres ?
Lieue après lieue, son esprit vagabonde, le faisant aller de son Italie de naissance à Paris en passant par Artenay, chez les d’Embrelat.
Il se remémore la soirée de la veille et l’affection qu’il porte à Alexandre. Cela le rend un peu triste. Il n’a pas de descendance et n’en aura sans doute pas. Cela ne lui manquait pas jusqu’à hier, mais aujourd’hui, tout a changé. S’il avait eu un enfant tel qu’Alexandre, sa vie aurait été très différente, la route qu’il avait suivie n’aurait pas été la même. Il lui aurait fallu bâtir, construire son existence plutôt que de subir les propositions du destin.
Choisir la droite ou la gauche à un embranchement peut décider de vie ou de mort.
Dès qu’il est à terre, le cavalier se redresse, sort son épée et se met en garde, sans dire un mot.
— Soyez raisonnable, lui dit Alexandre, vous vous rendez bien compte que nous sommes deux ! De plus, mon ami est maitre d’armes, ce qui ne vous laisse que très peu de chance. Retournez donc d’où vous venez, sans faire de manière.
Faisant fi de l’avertissement du jeune homme, l’insolent s’approche et commence par faire siffler sa rapière.
Nous, les femmes, sommes tout aussi habiles à nous battre que vous. Souviens-toi de Jeanne d’Arc, ne crois-tu pas qu’elle avait autant de bravoure et d’audace que son compagnon d’armes Thibault d’Armagnac. Et que dire de Gilles de Rais ? Existe-t-il une seule dame ou demoiselle capable de violer et tuer près de cent cinquante enfants ?
Il n’est rien que le temps et l’usure ne puissent briser, pas même l’obstination d’un homme.