Øystein Stene

Quand il parlait, on devinait des bibliothèques entières de poésie derrière ses mots. Tandis que les miens, lourds et grossiers, tombaient par terre comme des pierres.

Une porte fermée à clé serait plus riche en promesses qu’une porte ouverte. Une porte fermée à clé signifierait qu’on me gardait prisonnier. Qu’on ne voulait pas que je m’évade. Que cela valait la peine de me séquestrer. Que de l’autre côté il y avait quelque chose que je ne devais pas découvrir. Être emprisonné aurait un sens ; une porte fermée à clé impliquerait des causes, une cohérence, une logique

Pour lui, le plus ennuyeux n’était pas qu’il soit mort. Ni qu’il soit obligé de séjourner dans cet endroit abandonné des dieux. Certes, c’était pénible. Mais le pire, c’était la bureaucratie labofnienne

Ma propre voix me parut terriblement monocorde. Typiquement Labfoniene. Plate, sans la moindre inflexion mélodieuse. Quand il parlait, on devinait des bibliothèques entières de poésie derrière ses mots. Tandis que les miens, lourds et grossiers, tombaient par terre comme des pierres.

Il aurait été plus juste de dire que j'avais la nostalgie d'une nostalgie. Que j'avais le désir d'un désir. J'aurais tant voulu vouloir quelque chose.

Je me dis que je ferais mieux de m'effondrer.

- Si une chose est là, c'est qu'elle existe. Peu importe pourquoi elle existe. Il y a des questions qui appellent de bonnes réponses, et il y en a d'autres qui doivent être formulées différemment.

Quand le passé est vide, l'avenir n'existe pas.

Et je sentis des odeurs : celle des bouleaux en été, des galets sur le rivage, de l'herbe fraîchement coupée au printemps. J'eus l'impression de toucher une soie fine, une feuille morte, un brin d'herbe ployant sous le vent. Je vis des arbres qui s'élevaient jusqu'au ciel, des nuages qui dansaient, des mouettes qui me saluaient du battement de leurs ailes, une mer qui respirait au rythme de la lune.

Ce ne sont pas les émotions qui me gênent. C'est leur absence.

Quand il parlait, on devinait des bibliothèques entières de poésie derrière ses mots. Tandis que les miens, lourds et grossiers, tombaient par terre comme des pierres.

Labofnia dérivait comme un morceau de bois, cherchant un rivage où atterir, un rocher où s'échouer, une crique où accoster. Mais seul l'horizon se dessinait, un fin trait blanc entre ciel et mer.

Mon projet n'est pas de m'inscrire dans l'histoire, mais de m'en délivrer. Je cherche une échappatoire, un passage, une brèche, un lieu où l'histoire ne pourra plus me rattraper, un lieu où elle sera hors de portée.

Je me souviens de tout, jusque dans le moindre détail. Des détails que j'aurais préféré oublier. J'aurais voulu qu'ils se volatilisent, qu'ils se dissolvent, qu'ils s'évaporent - comme des flaques d'eau après quelques jours de soleil.

Ils s'imaginent alors qu'ils vont ressentir une douleur. A la cuisse, au doigt, à la joue. Ils se figent, pleins d'espoir : enfin une sensation physique.

On n'a peut-être pas besoin d'émotions. Si ça se trouve, les émotions ne servent à rien. Ce sont peut-être des vues d'esprit dont on ne peut ni confirmer ni infirmer l'existence.

Le temps ne changeait rien à rien, il se contentait de passer.