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Zulma est une maison d`édition française fondée en 1991 par Laure Leroy et Serge Safran. Son nom est tiré d`un poème de Tristan Corbière, A la mémoire de Zulma. Les éditions Zulma publient des ouvrages de littérature française contemporaine, et ont choisi dès le départ de publier des ouvrages érotiques de qualité afin de repenser l`érotisme contemporain dans le monde de l`édition.

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L'automne est la dernière saison

Téhéran de nos jours, 3 jeunes femmes tout juste diplômées sont à l'heure des choix et ont chacune leurs projets. Leyla, mariée au beau Misagh, est prête à se battre pour se faire connaître et devenir journaliste. Rodja va partir pour poursuivre ses études en France, loin de ce pays où elle ne se voit aucun avenir. Et enfin Shabaneh, moins ambitieuse que ses amies, veut juste une vie tranquille, un bon travail, un mari et surtout continuer à s'occuper de Mahan, son frère handicapé. Mais dans l'Iran d'aujourd'hui il n'est pas si facile d'avoir des projets quand on est une jeune femme moderne et le temps de quelques saisons leurs illusions vont les quitter...



J'ai adoré ce roman qui dès les premières pages nous plonge littéralement dans l'ambiance de Téhéran : la chaleur, les bouchons sans fin, les conversations téléphoniques ou les déjeuners entre amies dans de petits cafés sympas et puis tout ce qu'on devine en filigrane de la société iranienne, de l'atmosphère de la ville, des goûts et des odeurs. Mais attention, au premier abord, on n'est pas ici dans l'Iran dont on parle dans les journaux : les mollahs sont à peine évoquées, les 3 amies sont des jeunes femmes modernes qui ont pu choisir leur avenir et ont étudié à l'université, elles souhaitent travailler et si Leyla est mariée c'est par amour pour Misagh dont elle est tombée follement amoureuse pendant ses études. Cela fait du bien d'avoir ainsi une autre vision de ce pays, un récit "vu de l'intérieur" où on découvre une jeunesse pas si éloignée de nos pays occidentaux avec les mêmes rêves et les mêmes ambitions. Hélas, et c'est là toute la force de ce roman, on va aussi découvrir au fil des pages que dans un pays comme l'Iran, complètement verrouillé et corrompu, il est quasi impossible de réaliser ses rêves et que la seule porte de sortie est bien souvent l'exil.



L'exil... le choix qu'a fait Misagh, le mari de Leyla, saisissant une opportunité de partir au Canada et laissant la jeune femme le coeur brisé après qu'elle a refusé de le suivre. L'exil, celui dont rêve Rodja mais dont on découvrira au fil des chapitres toutes les embûches qu'il faut affronter et l'arbitraire total qui règne dans l'attribution des visas, ce n'est pas si simple de quitter un pays prison. Quand à Shabaneh, si elle n'a jamais songé à partir, c'est bien pour son frère handicapé pour lequel il n'existe aucune structure adaptée et qui sans elle serait complètement abandonné. L'automne est la dernière saison est un roman qui mêle constamment joie et mélancolie, espoir et tristesse, à l'image de ces jeunes femmes qui n'ont pas encore renoncé à leurs rêves mais que la vie (et le régime politique de leur pays) va petit à petit enfermer dans une réalité bien étriquée. Au fil des pages, on va reconstituer les zones d'ombre de leurs parcours et apprendre à les connaître, l'auteure réussissant avec brio à nous faire nous attacher à ces 3 amies au point qu'on referme le livre bouleversé.



C'est un roman que j'ai trouvé très original, l'auteure procède par petites touches, nous plonge dans l'action, dans les pensées de ses personnages mais sans jamais nous perdre malgré un contexte culturel très différent du nôtre. Le propos n'est jamais manichéen ni démonstratif, pas besoin de se lancer dans de grands discours mais tout ce qu'on découvre en filigrane de la jeunesse iranienne suffit à nous toucher et à nous faire comprendre l'impasse dans laquelle se trouve ce pays. Un très beau livre qui mérite son succès, pour un premier roman je l'ai trouvé étonnamment abouti. A découvrir !
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Shim Chong, fille vendue

C’est mon premier livre de cet auteur coréen, HWANG Sok-Young. Je dois avouer un hasard particulier car j’ai ce livre en version électronique et je croyais ouvrir un petit volume d’une centaine de pages alors qu’il a environ 560 pages de bonheur. Quel talent d’écriture et la traduction est impeccable.



Nous suivons Shim Chong depuis ses quinze ans jusqu’à sa mort. Donc presque 70 ans d’histoire partagée entre la Corée, la Chine du Sud, Taïwan et le Japon. Ce roman est basé sur une tradition orale, la légende de Shim, et témoigne de l’esclavage sexuel et des réalités sociales des femmes à la fin du XIXe siècle dans cette partie de l’Asie du Sud-Est.

Le romancier coréen a concocté un mélange de roman de mœurs, avec certains détails croustillants et d’autres scabreux, assaisonné d’événements historiques bien documentés.



L’histoire de Shim Chong dans le conte traditionnel est beaucoup moins élaborée. Elle raconte la vie d’une jeune fille,orpheline de mère, dont le père aveugle est contraint à mendier pour la nourrir. A 12 ans, elle est vendue à des marchands par sa belle-mère comme offrande pour un rite censé soigner les yeux de son père. Elle sera ensuite sauvée par le roi Dragon qui tombera amoureux d’elle. Ce dernier retrouvera le père de Chong qui, par bonheur d’être à nouveau avec sa fille perdue, recouvre la vue. Bon, ceci est la version qui a servi d’inspiration à l’auteur. Le roman est beaucoup plus que cela.



Dans le roman, Chong est vendue par sa belle-mère à des trafiquants chinois et devra pour survivre, faire preuve de fierté et d’insolence pour s’élever dans la hiérarchie d’une maison de plaisirs, apprendre la musique et la danse, devenir prostituée, concubine et femme de pouvoir. Chong changera de nom, apprendra les langues nécessaires, celle du pays et celle de l’argent et survivra à des traversée houleuses, à des bandits et à la concupiscence des hommes.

Certaines scènes sont crues mais apportent une réalité au texte. Difficile de parler de la vente du corps des femmes sans en montrer les dessous, la violence et le pathétique; l’amitié et la souffrance. Chong, de prostituée, courtisane, geisha et mamasan (geisha supérieure) saura nous émouvoir et nous partager des émotions qui resteront longtemps en mémoire. Elle est ma nouvelle héroïne.



J’ai tout aimé de cette fresque romanesque. J’ai suivi sur une carte les différentes villes et pays que traverse Chong, bien sûr appelées selon les nomenclatures de l’époque. L’histoire de la guerre de l’opium est omniprésente ainsi que la révolte des Taiping; la dernière partie montre l’emprise progressive du Japon sur les îles Ryükyü, l’intrusion des bateaux noirs du commodore Perry et la guerre sino-japonaise à la fin du siècle. Tout cela en partageant la vie et le quotidien de femmes extraordinaires, des femmes qui croient en un monde meilleur, sur terre ou au delà. Nous nous retrouverons à Aushima Daushima, là-bas, tout le monde vit en paix.



« Sous le pin du village d’Onna

Il y a un panneau d’interdiction.

Mais l’amour,

Comment pourrait-on l’interdire! »

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La troisième balle

Une merveille.

La geste épique de Grumbach le rhingrave et de sa malédiction. Où le mélange de trivialité et de religion reconstitue à merveille l’esprit de l'époque. Où des personnages plus grands que nature se disputent la prééminence dans une aventure à la fois picaresque et grandiose.



L’histoire est invraisemblable au possible, autant que le sont les bouleversements de l’Histoire qui en sont le contexte. On part du puissant empire des Habsbourg à son apogée avec Charles Quint, mais perturbé par les premières guerres de religion qui suivent l’avènement de la Réforme protestante. Et on poursuit avec l’improbable conquête des empires sud-américains par de faibles bandes d’aventuriers mal dégrossis venus de l’autre bout du monde.



Le récit nous dépeint les aventures d’un fils naturel de Ferdinand II d’Aragon (le grand-père de Charles Quint), protestant par fidélité à sa région d’élection en Allemagne et à son peuple, indestructible malgré la succession d’avanies dues à sa brute impulsivité confinant à la bêtise. Qui finira en baroudeur fatigué mais toujours à l’ouvrage. Qui se heurte en permanence à son double maléfique, autre fils naturel de Ferdinand II, autre aventurier mais plus en cour car dénué de scrupules. Et qui se mesure à Fernando Cortez, parce que ce dernier représente le pouvoir catholique et menace de le renforcer en lui ramenant les richesses du nouveau continent, l’or des Aztèques.



L’auteur se place à hauteur des protagonistes et nous plonge ainsi dans leur époque, leurs mentalités et leurs (més)aventures. Parce qu’ils vont finalement tous de bourdes en déconvenues. Dont la narration nous entraine avec une implacable logique, aussi parce qu’elle épouse souvent les points de vue de personnages secondaires, acteurs ou témoins, pas très malins et empreints de superstition, qu’on verra même céder à la fièvre de l’or.

La construction est exemplaire, du début qui introduit avec originalité le cœur du récit, à la fin en queue de poisson qui laisse le lecteur un peu désemparé, comme l’est le personnage principal.



C’est un premier roman ahurissant, une réussite complète. Sorti on ne sait comment de la tête d’un ancien mathématicien et actuaire, pendant sa convalescence après une blessure durant la première guerre mondiale. D’où lui est venue cette apparente intimité avec le XVIe siècle, qu’il assortit de fantastique bien à lui ?

Coup d’essai, coup de maître. Chef d’œuvre. Dont je lis qu’il est généralement considéré moins abouti que d’autres romans postérieurs de l’auteur. Du coup, j’ai quand même un peu de réticences à lire les suivants, de peur d’être déçu.
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