le nouveau principal de mon collège m’a interpellée
Dernièrement, le nouveau principal de mon collège m’a interpellée : « J’ai appris que vous faisiez beaucoup de musique. » « Oui. Entre autres », lui ai-je répondu. C’est bête mais j’aurais aimé qu’il me dise : « J’ai appris que vous écriviez des livres… », qu’il salue chez moi une écrivaine…
Il avait dû regarder les quelques vidéos de musique qui circulent sur le Net et dans lesquelles je braille et grimace, dans lesquelles je suis prise dans la joyeuseté de l’éternelle mauvaise élève. Devant lui, une fraction de seconde, j’ai eu l’envie très violente d’une bonne note.
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Je n’ai jamais pu dire : « Je suis écrivaine ». C’est un mot interdit. Un mot trop haut. Je parle toujours de mes « petits» livres. Je peux dire : « j’écris » mais même le « j’écris », parfois, reste bloqué dans ma gorge comme un mot à ravaler.
Pourquoi dire que j’écris représente-t-il un impossible ?
Je ne juge pas négativement ceux qui parviennent à le dire. Parfois même, j’entends dans le « Je suis écrivain » le labeur et la revendication d’un repos légitime. Mais toujours, quand je l’entends, je me sens d’abord un peu violentée. C’est comme si le mot « écrivain » avait été rangé sur les hautes étagères que l’école, notamment, a rendues inatteignables. Je n’ai pas d’échelle et j’ai du mal à imaginer que d’autres en aient. Baudelaire et Bonnefoy sont des poètes. Michon est un écrivain. Rien en moi ne m’autorise à les rejoindre. Ceux qui prétendent en être me rendent souvent soupçonneuse.
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Dans l’écriture, je n’appartiens à aucune famille.
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