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Critique de Tempsdelecture


Lorsque j'ai ouvert ce livre, je n'avais pas la moindre idée de la complexité du récit qui m'attendait. Quram est un livre exigeant, d'une érudition surprenante, qui demande une lecture attentive, une attention constante à chaque ligne, au risque de perdre le fil du récit. Et le fil, à vrai dire, je l'ai perdu assez souvent. C'est le premier roman d'Eliette Abécassis, qui est issue d'une famille de religion juive orthodoxe, et qui était également une étudiante brillante titulaire d'une agrégation de philosophie obtenue à l'ENS.
Que l'on ait la foi ou non, que l'on soit de confession juive, musulmane ou catholique, ou encore athée ou agnostique, ce n'est pas la question. le fait est que l'histoire de nos sociétés, notre vie quotidienne, se fonde sur ces cadres religieux, et surtout l'histoire des religions. Qui veut comprendre le massacre de la Saint-Barthélémy se verra forcément dans l'obligation de comprendre la réforme protestante. C'est d'ailleurs ce qui est à retenir de ce roman, au-delà de cette course au trésor, l'auteure plonge son lecteur dans ce monde complexe, cette communauté juive multiforme, elle-même scindée en plusieurs courants de pensées. La perspective historique est, à mon sens, celle qui m'a le plus intéressée dans ce roman, l'histoire des grottes de Qumran, de l'ancien hébreu, du travail du paléographe et de ces communautés juives. L'aspect religieux m'a peu touchée, l'aspect narratif, la recherche de manuscrits à travers le monde, par lui-même, confère un peu de suspens et de vie au récit, qui sans cela, aurait été aussi au moins aussi figé et poussiéreux que les ruines bimillénaires de Qumran.

L‘incipit du récit est assez déroutant lorsqu'on ne connait pas le style d'Eliette Abécassis. Et lorsque j'ai terminé ma lecture, je me suis rendue compte que le livre était pourvu d'un lexique, qui est franchement le bienvenu, surtout si vous n'êtes pas coutumier du judaïsme, puisqu'il a le mérite de rappeler la signification de certaines notions (La Torah, la Kipa…), d'en expliciter d'autres plus obscures (Kaddich, Mishnah…). À cela s'ajoute les deux alphabets hébreux, l'alphabet moderne et l'alphabet contemporain. Il aurait été plus judicieux d'ailleurs, Messieurs-dames les éditeurs, de faire le rappel de ces deux annexes dès le premier chapitre, afin que, comme moi, le lecteur ne se retrouve pas bête en refermant le livre. Pour revenir à l'auteure, et comme je le précisais dans mon bilan, je crois qu'on ne peut que saluer son érudition incroyable, sa culture, qui à chaque page m'a enseigné une multitude d'informations, malgré un style assez austère. L'intrigue contribue, quant à elle, à la fluidité du récit. Car pour être honnête, il n'est pas simple d'assimiler autant de détails, et le style d'Eliette Abécassis ne simplifie pas la tâche.

de plus, mais j'imagine qu'il s'agit là davantage d'une remarque tout à fait subjective, j'ai eu beaucoup de mal à appréhender l'abnégation religieuse d'Ary, cette foi absolue et sans concession. Surement dû au fait de ma propre absence de foi, j'imagine. Les ficelles narratives restent, peut-être, un peu trop grosses: on pressent que l'auteur a mis davantage de soin à faire un exposé détaillé et minutieux du contexte religieux et historique au mépris d'une intrigue crédible, mais qui a l'avantage de permettre au lecteur de souffler entre deux exposés interminables et de mettre un peu de piment à la narration. J'avoue que le discours mystico-religieux sur l'extase, en d'autres termes le moment où ils établissent un lien avec Dieu, qu'ils cherchent à atteindre à travers leur vie d'étude et de contemplation, ce que la communauté hassidique appelle la Deveqout, me paraît tellement obscure, tellement insaisissable et sibyllin, moi qui suis très loin d'entretenir un lien quelconque avec la religion. J'imagine cependant, sans forcément faire de parallèles trop faciles, que l'on peut faire un lien avec la vie ascétique et tout aussi contemplative de certaines congrégations religieuses catholiques.

Il y a tout de même des passages tout à fait passionnants, en tout cas qui m'ont intéressée davantage, je pense notamment à ceux consacrés à l'apparition de l'écriture, au déchiffrage des manuscrits et de ses difficultés linguistiques, à leur histoire, et à l'écriture employée, à la paléographie, spécialité du père d'Ary, évoquant l'ancien hébreu. En outre, l'aspect théologique n'est pas forcément totalement hermétique, il est intéressant d'assister à cet affrontement entre judaïsme et chrétienté, puisque la problématique sous-entendue par ces rouleaux remonte aux racines des deux religions, à savoir, de comprendre à quel point leurs origines sont entremêlées. La question de Jésus, le Messie, fils de Dieu pour les catholiques, simple figure de l'histoire pour les juifs, sa place au sein des deux religions est ainsi questionnée. de fait, la narration revient sur les influences que chacune des religions a reçu de l'autre.

A la lecture de ce livre, je suis ressortie avec la même impression que je ressentais lors de mes cours de catéchisme enfant: l'impression de n'avoir pas su percevoir toutes les dimensions de l'Histoire qui m'était contée, cette dimension parabolique, qui nécessite un certain recul, une base solide de connaissances théologiques et surtout une prise en compte globale de la religion, catholique il y a quelques années, juive dans le cas du récit d'Eliette Abécassis. C'est un roman de la même veine que celui d'Umberto Ecole nom de la rose, mais ici, le mysticisme hassidique noie beaucoup trop le récit romanesque. Malgré les qualités du roman, celles de l'auteure surtout, je suis ressortie un peu sonnée de ce récit, je n'ai d'ailleurs pas lu les quelques dernières pages, issues de ce rouleau perdu et retrouvé. Il me semble que c'est le genre d'ouvrage qui mérite une seconde relecture, plus attentive, plus pointilleuse, pour assimiler parfaitement la somme d'informations que l'auteure nous transmet. le roman a été publié en 1996, Wikipedia nous informe qu'elle en a commencé l'écriture à vingt-trois ans: je crois qu'étant donné le contenu de ce roman, on ne peut qu'être admiratif devant une telle maturité d'écriture, une telle culture et un tel investissement – ce roman a nécessité près de trois ans de recherche en Israël et aux États-Unis. Écrire un récit comme le sien à vingt-sept ans, même si je reste encore déroutée par son roman, son succès est amplement mérité.
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