"Nous devons pardonner à nos ennemis, mais pas avant de les avoir pendus."
Heindrich Heine
Les événements de "Déraison et Sentiments" reprennent directement le fil de l'histoire laissé en suspens après le dénouement de Premier sang.
Accompagné de Logen, Jézal, Ferro, Long-pied mais aussi de son apprenti Quai, le premier Mage Bayaz devra guider sa petite troupe jusqu'aux confins du monde afin de mettre la main sur une graine mystérieuse censée détenir le pouvoir d'une arme de destruction massive. Mais traverser le vieil Empire, sillonner les ruines d'Aulcus l'ancienne capitale, s'avèrera beaucoup plus compliqué qu'ils ne pouvaient l'imaginer...
Un mal ancestral est tapi dans l'ombre de la ville-joyau de Juvens, une menace prompte à se déchaîner sur quiconque foulera les vestiges de la plus grande cité de l'humanité aujourd'hui maudite par les cendres du temps.
Toujours secondé par ses deux tourmenteurs, Glotka a été élevé au rang de supérieur de l'inquisition de la ville de Dagosta.
Entre complots et intrigues dans une cité en proie à la confusion la plus totale depuis que son prédécesseur a étrangement disparu, Glotka est chargé de faire la lumière sur cet événement tout en disposant des pleins pouvoirs pour contrôler et organiser les défenses de la cité afin de la préparer au mieux au siège imminent de l'armée du Gorkhul.
Sous le regard du tourmenteur Vittari, chargé par l'insigne lecteur Sult de le surveiller, Glotka découvrira à son arrivée toute l'étendue de l'ampleur de la tâche qui lui a été confié.
Les fortifications de la ville sont dans un état de délabrement inquiétant, pire la milice ne compte que quelques centaines d'hommes alors que la vraie force armée réside dans les troupes de mercenaires grassement rémunérés par les guildes de marchands afin d'assurer la mainmise sur la cité.
Alors que cinquante mille bras armés marchent sur Dagosta, et que nul renfort n'est attendu, plus que jamais l'heure n'est plus au consensus pour l'inquisiteur et ses tourmenteurs.
Au nord, l'armée de Bethod a massacré les premières forces locales qui lui ont été opposé . À la tête de la quasi-intégralité des armées du royaume, Ladisla est bien décidé à se faire un nom à la guerre tout en matant rapidement ses barbares.
Le fraîchement promu colonel West est chargé d'assister le naïf et entêté prince héritier, il ne pourra qu'assister impuissant au désastre et au carnage à venir ...
Sur ces hauts plateaux enneigés, véritable contrée inhospitalière balayé par les vents glaciaux et la brume, les espoirs de l'Union pourraient bien reposer dans l'arrivée impromptu de la bande à Séquoia (anciens compagnons d'armes de Logen), bien décidés à en découdre contre un ennemi commun personnifié par le Roi du Nord.
Si le premier tome nous présentait pour l'essentiel les personnages et le contexte, ce deuxième volume nous fait basculer rapidement dans un tourbillon d'actions et de rebondissements dans une intrigue à tiroirs qui s'enrichit tout en progressant rapidement sur trois fronts différents.
Le ton se veut encore plus noir, cynique et pessimiste, avec toujours de jubilatoires joutes verbales entre les différents protagonistes.
En outre, le récit en fait intervenir de nouveaux charismatiques que nous retrouverons pour certains d'entre eux dans le one shot "
Servir Froid" ( Shivers un guerrier nordique, Cosca le chef des mercenaires de Dagosta, Mauthis le banquier, Dame Eider chef de la guilde des commerçants de Dagosta...), une histoire de vengeance se déroulant quelques années après la première loi en terre Styrienne.
Plus que jamais dans ce second tome
Joe Abercrombie bouscule nos certitudes établies, les personnages-clés gagnent en profondeur et en réalisme tout en nous plongeant dans une incertitude totale à mesure que nous continuons à les découvrir.
La découverte du vieil Empire, de la cité de Dagosta (avec ses oppositions culturelles et religieuses), des territoires du Nord ainsi que le soin apporté au développement la mythologie, donne une profondeur au récit tout à fait louable et réaliste.
Les scènes de bataille s'enchainent et ne se ressemblent pas, entre les petites escarmouches, les batailles rangées et le siège d'une cité, le destin de ces hommes semblent impalpable, mais quoiqu'il arrive ils devront tôt ou tard se confronter au sang et à la chair qui se déverseront généreusement dans un torrent poisseux où chaque décisions aura son importance.
La force de
Joe Abercrombie est de nous donner le sentiment que dans la première loi rien n'est écrit à l'avance, les personnages forgent leur destin par leurs actions sans nous donner l'impression qu'ils soient prisonniers d'une destinée maligne, tragique ou héroïque.
Les différents épilogues sont particulièrement réussis avec là encore la volonté de l'auteur de nous surprendre (dans le bon sens) en adoptant des retournements de situation cruellement inattendus mais d'une grande pertinence et d'une grande efficacité.
Dans un monde où le bien n'est qu'une nuance du mal, chacun se définit par son passé et ses actes à venir sur une terre qui emprunte beaucoup plus à la notre que l'on pourrait le croire.
Déraison et Sentiments est une grosse claque littéraire.
Lien :
http://david-gemmell.frbb.ne..