Moi, je mange. Moi, je me mange.
Je tiens un premier morceau entre mes mains poisseuses… Plus brunâtre que rouge, le filet mignon vieilli et rigide me fait trembler de bonheur. Des petites taches blanches sont apparentes sur les côtés du filet, mais je m’en fiche. Je le hume quelques secondes, avant de sauter sur la carcasse et de mâcher le tout avec une joie intense. Chaque bouchée est un plaisir coupable. Qui me râpe la gorge et m’oblige à sucer le sang pour soulager la douleur et mieux faire passer les morceaux.
Dire que je n'ai même pas encore pris une seule bouchée...
Pourquoi ils ne m'ont pas laissée terminer mon assiette ? Ce n'est que de la viande !
Je me déteste! Je hais ce corps si laid et difforme! Si je pouvais saisir in couteau et découper cette peau qui m'enveloppe, je le ferais! Mais je suis beaucoup trop trouillarde pour ça. Je ne suis qu'une peureuse. Une peureuse obèse, par - dessus le marché!
- T'es pas fiable pour 2 cennes, Anita !
Manu dit toujours que je laisse traîner les choses les plus importantes jusqu'à ce que je n'aie plus le choix de m'en occuper et que tout se brise.
La fumée commence à me sortir par les oreilles...
Je te veux en pleine forme, même si tu as dormi sur la corde à linge.
...dans ma poitrine, mon cœur bat la chamade. On dirait qu'il veut bondir hors de mon corps et se mettre à courir dans les allées de la boutique.
Je ne me comprends plus. Comme si quelqu'un était entré dans mon crâne.