Elle fixa le plafond à l’aveuglette. Peut-être était-ce trop haut pour sauter. Il n’y avait peut-être rien à attraper. Maiselle devait essayer. Que pouvait-elle faire d’autre ?
Elle ôta sa veste en tirant dessus et la rangea soigneusement dans un coin pour ne pas l’abîmer en tombant. Puis elle s’élança et sauta, les bras aussi tendus que possible, sans réussir à toucher quoi que ce soit. Elle sauta encore deux fois, puis revint vers le mur du fond où elle s’adossa pour souffler un instant. Elle reprit son élan et, de toutes ses forces, elle bondit dans l’obscurité, en agitant les bras pour atteindre l’espoir. Quand elle retomba, son pied glissa sur le sol lisse et elle chuta sur le côté. Elle gémit quand son épaule toucha le béton et cria quand sa tête heurta le mur et qu’elle vit trente-six chandelles.
Longtemps, elle resta par terre, totalement immobile, elle n’avait qu’une envie : pleurer. Mais elle ne pleura pas. Si les gardiens de sa prison l’entendaient, il y aurait malentendu. Ils la croiraient prête à renoncer, or elle n’abandonnait pas. Au contraire.
La rue principale, qui avait eu du charme autrefois, se transformait en un tunnel de béton tagué. Quelques années plus tôt, il aurait juré que sa petite ville y échapperai,t mais le mal l'avait gagnée. Grâce à Erhad Jakossen à Bagsvaerd, à Urban Hansen à Copenhague et à Dieu sait qui à Charlottenlund, on détruisait des paysages urbains inestimables, des maires et des conseillers municipaux sans aucun goût sévissaient partout. Des horreurs comme celles qu'il avait sous les yeux en témoignaient.
Pour être grand, il fallait rabaisser les autres.Il n' en avait peut-être pas toujours été ainsi, mais actuellement, c' était le cas.(p194)
Penser aux livres la transportait dans un autre monde.Le seul fait de se représenter la sécheresse et la douce texture du papier allumait en elle une flamme de nostalgie.(p182)
"Alors, vous avez quand même trouvé la liste du personnel du bateau. Bravo, chef", s'écria Assad avec enthousiasme, comme s'il félicitait un enfant qui a fait dans son pot.
Assad avait sûrement extrapolé un peu en remplissant sa mission, mais à quoi fallait-il s'attendre de la part d'un assistant, docteur ès gants de caoutchouc et seau en plastique ? Il faut bien ramper avant d'apprendre à marcher. (p.93)
Quand ils étaient jeunes ses amis et lui étaient assis en tailleur dans ce même parc avec leurs jambes de sauterelle et leurs bras maigres. Aujourd'hui, le nombre des obèses était multiplié par vingt. De nos jours, les protestataires transpiraient l'autosatisfaction. Le gouvernement leur avait fourni leur opium : des cigarettes bon marché, de l'alcool pas cher non plus et tout le reste. Si tous ces gens vautrés sur la pelouse n'étaient pas d'accord avec le gouvernement, ça ne durerait pas. L'espérance moyenne de vie dans le pays était en forte baisse. Bientôt, radio Danemark ne les agacerait même plus en leur montrant des gens en meilleure santé qu'eux en train de faire du sport.
Le système avait la situation en main.
En un instant, Carl récapitula toute l'affaire et le déclic se produisit. Quelque part en lui, à cet endroit du cerveau humain où les déductions logiques et l'explication ne viennent pas perturber l'intime conviction, à cet endroit au fond de soi-même où l'on réfléchit librement et sur un mode contradictoire, exactement à cet endroit-là, plusieurs pièces du puzzle vinrent prendre leur place et tout devint cohérent.
la femme prit une bouffée de sa cigarette et l’avala profondément. Son expression fut dissimulée par l’épais nuage de fumée qu’elle exhala d’un seul souffle.
vit ses yeux s’ouvrir lentement. Comme l’obturateur d’une ancienne caméra, attirant à lui tout ce qui l’entourait.