Les films et les livres de mon enfance décrivaient l'Afrique comme le carrefour de tous les dangers. Tartan était continuellement sur le qui-vive. Il avait bien quelques amis, un éléphant qui lui servait de moyen de transport et un singe qui lui faisait des grimaces (Tarzan riait de temps en temps), il vivait cependant sous la menace permanente d'animaux féroces et de guerriers cannibales. Ces derniers s'exprimaient dans un langage sommaire qui leur permettait tout juste de mettre au point leur funestes machinations. La plupart des blancs qui s'aventuraient dans la jungle étaient des marchands d'esclaves ou des tueurs d'éléphants.
Les langues vous rendent l’intérêt que vous leur portez. Elles ne vous racontent des histoires que pour vous encourager à dire les vôtres. Comment aurais-je pu écrire en français si la langue ne m’avait pas accepté tel que je suis ?
Les mots étrangers ont du cœur. Ils sont émus par la plus modeste phrase que vous écrivez dans leur langue, et tant pis si elle est pleine de fautes.
Ce ne sont pas les linguistes qui font évoluer la langue, mais la rue. Les petits loubards ont davantage contribué à son enrichissement que les universitaires. Les mots qu’ils créent ont tant de succès auprès des couches populaires et des étudiants qu’ils sont sans cesse obligés de mettre au point de nouveaux langages secrets.
Le français ne me rappelait aucun mauvais souvenir. J’étais d’autant plus à l’aise dans le roman de la langue française qu’elle compte énormément de mots grecs. Mais ce n’est pas longtemps supportable d’écrire dans une langue que votre mère ne comprend pas, qui n’a pas les mêmes souvenirs que vous.
Les mots étrangers connaissent des histoires surprenantes. C'est un agrément de les fréquenter. J’étais probablement un peu las de toujours interroger les mêmes mots grecs ou français. J’avais besoin d’entendre autre chose que ce que je savais déjà. Le dictionnaire de sango ne m’a pas moins fasciné que les aventures de Tarzan quand je les lisais adolescent.
La nuit donne parfois de bien mauvais conseils. Il peut se passer des tas de choses la nuit.
Notre société voit le mal partout. Elle craint son ombre. As-tu remarqué que les gens se retournent souvent dans la rue ? L'écho du moindre bruit nocturne rebondit sur tous les objets et finit par prendre des proportions fantastiques. Nous avons peur des chats.
La colère déforme les langues, elle les rend méconnaissables.
Il est difficile de résister à la langue du lieu où on habite.
Il est difficile d’expliquer pourquoi on a choisi une langue quand on n’a aucune raison de l’apprendre.