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EAN : 9782070428007
304 pages
Gallimard (15/01/2004)
3.95/5   52 notes
Résumé :
Grec par ses parents, Français par ses enfants, Vassilis Alexakis se promène depuis près de trente ans d'une langue et d'un pays à l'autre. Pourquoi a-t-il donc éprouvé un jour le besoin d'apprendre et d'écrire une langue supplémentaire : le sango, idiome africain peu connu, parlé en Centrafrique ? Il espère sans doute que cette troisième langue finira par le rajeunir. Il souhaite qu'elle l'aide à retrouver ses sensations d'enfant quand l'alphabet et la grammaire gr... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Est-ce ma propre identification tellement poussée avec le héros de ce roman qui me fait penser qu'il s'agit plus d'une autobiographie que d'un roman?
Les thèmes: l'apprentissage d'une langue supplémentaire après un bilinguisme très "évolué", d'une langue qui n'a pour l'apprenant aucun but communicatif, une langue "presque" choisie par hasard, pour la seule raison que "Ne pas avoir de raison d'apprendre une langue n'est pas une raison de ne pas l'apprendre" (p. 92)...
Et pourtant, cet apprentissage semble être principalement un moyen d'élaborer le deuil de son père. La répétition si fréquente de la phrase que le héros veut exorciser: "baba ti mbi a kui" ("mon père est mort") constitue la clef de ce récit, dont la profondeur n'apparaît que sous le voile d'une sublime légèreté de ses contenus et de son style. L'apprentissage, avec toutes les émotions que donnent les nouveaux mots, car "les mots étrangers ont du coeur" (p. 320), est une sublimation de la perte, peut-être aussi une compensation d'une enfance retrouvée par la possibilité de s'approprier par petites gorgées (tétées) l'instrument linguistique vierge, tout comme un enfant s'approprie sa première langue.
Et une autre raison du "presque" hasardeux: cette langue africaine, le sango, s'avère avoir un lien de famille avec celui qui l'apprend, un lien avec le père du père, celui qui a laissé une lettre en héritage, qui est en fait une impossibilité d'être lue, l'héritage d'un silence du père, face auquel le héros se retrouve à son tour...
Dans cette optique, le voyage du héros dans le pays du sango, la Centrafrique, est aussi un voyage à la recherche de ce côté-ci de son ascendance, une recherche des sources ainsi qu'une tentative de rendre "vivante" cette langue née d'un décès. C'est peut-être pour cela aussi que la Centrafrique lui rappelle si souvent la Grèce de son enfance: "Suis-je venu ici pour ressusciter mon passé? L'Afrique me le rappelle si souvent que j'ai par moments le sentiment déroutant qu'elle se souvient de moi" (p. 260).
Enfin il y a dans ce livre une ode au multilinguisme et à l'apprentissage des langues: "Les langues vous rendent l'intérêt que vous leur portez. Elles ne vous racontent des histoires que pour vous encourager à dire les vôtres. Comment aurais-je pu écrire en français si la langue ne m'avait pas accepté tel que je suis?" (p. 320), ce qui est la meilleure preuve que les langues font souvent davantage preuve de sens de l'hospitalité des migrants que les humains pour qui elles ne sont qu'un instrument de communication banalement spontané...
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« Les mots étrangers ont du coeur. Ils sont émus par la plus modeste phrase que vous écrivez dans leur langue, et tant pis si elle est pleine de fautes. » Ainsi écrit Vassilis Alexakis à la dernière page de ce roman d'exception. L'expression linguistique, la narration littéraire jouent un rôle fondamental dans la constitution de soi et la compréhension des autres, voilà ce que dit ce livre passionnant et utile.

« Les mots étrangers » parlent du rapport de l'auteur à la langue française puisqu'il écrit d'abord dans cette langue avant de traduire (et réécrire en partie son texte) dans sa langue maternelle, le grec.
Mais cela ne lui suffit pas et il veut apprendre une troisième langue. Ce sera le sango, la langue de la République centrafricaine. La première phrase apprise (et c'est ainsi que commence le récit) est baba ti mbi (mon papa). Ce qui donnera une phrase qui reviendra au fil des pages, baba ti mbi a kui (mon papa est mort). le sango va ainsi être un pont vers une autre culture, mais bien plus que cela un pont vers une autre relation aux autres et aux choses. C'est une véritable gourmandise des mots : « Kerekere m'a réjoui, et kutukutu aussi. le nom que je préfère est cependant celui qu'on donne aux femmes inconstantes et aux filles de joie. On les appelle des « papillons », ce qui est plutôt courant, mais le mot, lui, est délicieux : pupulenge…. Je ne me lasse pas de le savourer. »
C'est un travail de recherche sur son père, récemment décédé, à partir d'une vieille photo du grand-père prise au studio de Paris à Bangui en Centre Afrique. Mais la recherche tourne court car son père n'a jamais séjourné en Afrique... Cela ne casse pas le récit qui se déploie dans toutes les directions.
Tout cela fait une pâte littéraire peu courante avec en prime une écriture pure où l'humour a toute sa place. de choses banales en apparence, Vassilis Alexakis fabrique de purs bijoux tout en évoquant de façon touchante son histoire, sa mère, son père et sa relation très forte aux hommes de ce monde qu'elle que soit leur couleur de peau ou leur langue. « Parmi mes affaires qui séchaient il y avait une écharpe rose qui avait appartenu à ma mère, que je porte parfois en hiver. Elle tournait dans le tambour comme un oiseau affolé. Par moments, elle s'éclipsait derrière un drap blanc, mais toujours elle revenait au premier plan et, de plus en plus légère, reprenait sa ronde. »
Il y a la carte de Centrafrique qu'il déplie sur le tapis… Son étonnement devant un pays grand comme la France et la Belgique réunies…, le dialogue imaginé entre Tarzan et Jane en sango, la difficile relation avec Alice qui ne sait pas écouté quand il lui parle de sa passion avec le sango, son trouble à la réception du Grand Robert pour lequel il repeint sa chambre et court acheter une bibliothèque neuve. Tout cela est à la fois simple et magnifique, tellement émouvant de sensibilité et d'humanité. « Je n'ai guère conscience, quand je suis à Paris ou Athènes, que les gens qui m'entourent sont blancs. Je suis en train de découvrir qu'il n'y a pas de noirs en Afrique. IL n'y en a que sur les autres continents. Leur peau n'est qu'une tenue de deuil qu'ils portent quand ils s'en vont à l'étranger. » Que de choses dites avec poésie sur le ridicule du racisme. Quand il parvient à toucher aussi juste, un roman peut nous en apprendre plus que beaucoup d'articles de journaux ou d'essais.

Un livre offert à Rina, notre stagiaire canadienne, pour sa fin de stage et son départ…vers la Grèce... en espérant qu'elle réalisera son projet d'apprendre l'Ukrainien et peut être de retourner en Ukraine avec sa mère dont c'est le pays d'origine... Elle qui m'a retourné ce mail après lecture du livre : "Je voulais vous remercier encore une fois pour le livre que vous m'avez offert. Je viens de finir de le lire et je l'ai aimé énormément! Ça m'a fait beaucoup de plaisir de lire en français... Et ça m'a fait penser à vous en même temps! J'ai trouvé que l'histoire est bien unique... C'est original ! J'aime bien le style de l'auteur ... un jour j'aimerais lire un autre de ses livres."
Depuis j'ai lu bien des livres de Vassilis Alexakis et c'est un grand plaisir à chaque fois mais "les mots étrangers" restera mon préféré car, en opposition avec ce que nous vivons actuellement, il ouvre des frontières.

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Roman au ton léger, mêlant la réflexion à un certain humour, et à l'aventure de l'apprentissage du songo, comparé au français et au grec, langues du narrateur, avant un voyage à Bangi en Centrafrique. "Le vrai nom du pays est Beafrica. Be, c'est le coeur dans la langue nationale."
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Pourquoi apprend t-on une langue ? Comment se comporte t-on pendant cet apprentissage ? Quels mots font d'abord sens ?
On oublie vite qu'on a, un jour, appris une langue en partant de rien et ce livre nous ramène avec humour et délicatesse vers ce qui nous semble naturel mais qui pourtant est étonnant. Une langue nous fait voyager, nous fait découvrir beaucoup sur le monde mais aussi sur nous-même.
Un voyage qui commence par une langue et qui finit par un pays, un continent.
Un très joli livre qui devrait tous nous inciter à découvrir de nouvelles langues.
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A travers ce livre, l'auteur, francophone grec, nous dévoile son rapport avec une langue africaine qu'il a décidé d'apprendre : le sango.

Un livre agréable, plein d'humour et qui nous en apprend un peu plus tant sur cet auteur étonnant que sur la culture africaine.
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Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
Les films et les livres de mon enfance décrivaient l'Afrique comme le carrefour de tous les dangers. Tartan était continuellement sur le qui-vive. Il avait bien quelques amis, un éléphant qui lui servait de moyen de transport et un singe qui lui faisait des grimaces (Tarzan riait de temps en temps), il vivait cependant sous la menace permanente d'animaux féroces et de guerriers cannibales. Ces derniers s'exprimaient dans un langage sommaire qui leur permettait tout juste de mettre au point leur funestes machinations. La plupart des blancs qui s'aventuraient dans la jungle étaient des marchands d'esclaves ou des tueurs d'éléphants.
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Les langues vous rendent l’intérêt que vous leur portez. Elles ne vous racontent des histoires que pour vous encourager à dire les vôtres. Comment aurais-je pu écrire en français si la langue ne m’avait pas accepté tel que je suis ?
Les mots étrangers ont du cœur. Ils sont émus par la plus modeste phrase que vous écrivez dans leur langue, et tant pis si elle est pleine de fautes.
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Ce ne sont pas les linguistes qui font évoluer la langue, mais la rue. Les petits loubards ont davantage contribué à son enrichissement que les universitaires. Les mots qu’ils créent ont tant de succès auprès des couches populaires et des étudiants qu’ils sont sans cesse obligés de mettre au point de nouveaux langages secrets.
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Le français ne me rappelait aucun mauvais souvenir. J’étais d’autant plus à l’aise dans le roman de la langue française qu’elle compte énormément de mots grecs. Mais ce n’est pas longtemps supportable d’écrire dans une langue que votre mère ne comprend pas, qui n’a pas les mêmes souvenirs que vous.
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Les mots étrangers connaissent des histoires surprenantes. C'est un agrément de les fréquenter. J’étais probablement un peu las de toujours interroger les mêmes mots grecs ou français. J’avais besoin d’entendre autre chose que ce que je savais déjà. Le dictionnaire de sango ne m’a pas moins fasciné que les aventures de Tarzan quand je les lisais adolescent.
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Connaissez-vous le plus français des écrivains grecs ? À moins que ça ne soit le plus grec des écrivains français...
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