Tout compte fait, c’est au bord de la mer que je préfère être mangé. Les enfants pourront utiliser mes os pour consolider leurs châteaux de sable, les adultes mes genoux pour jouer aux boules, et tout le monde pourra se servir de ma tête comme d’un ballon de foot. J’aimerais bien faire mes adieux à la vie par un dernier joli but.
Il est comme tous les mots, avec ses bons et ses mauvais côtés, capable de sauver une pensée comme de trahir un sens.
Il n’avait pas assez d’humour, ni assez de cœur. Il a cette intelligence ennuyeuse des gens qui ne comprennent que leur intérêt.
Telle une ombre, la jalousie suivait ma passion pas à pas. Elle me procurait parfois un sentiment relativement agréable, un genre de langueur, comme si j’avais la nostalgie d’un malheur très ancien. Mais la plupart du temps elle embrouillait mes idées, elle m’épuisait.
Les femmes trop belles me faisaient peur quand j’étais jeune, je n’avais aucun espoir de les conquérir et me désintéressais d’elles. Je ne tentais ma chance qu’auprès de femmes moyennement jolies, ou presque laides, que je considérais comme abordables. Je devenais amoureux de femmes qui ne me plaisaient pas vraiment.
J’aime beaucoup les spaghettis. Si l’on faisait un tas de tous les spaghettis que j’ai jamais mangés, il serait aussi grand que la Butte Montmartre. La neige qui tombe quelquefois sur la Butte me fait songer à du parmesan râpé. Je souhaiterais avoir des spaghettis comme garniture si je devais être mangé.
Mais je peux aussi bien m’imaginer dans une soupe, car j’aime bien les soupes aussi. Les morceaux de ma chair flottant à la surface du liquide ressembleront sans doute aux îles de la mer Egée, où, comme on le sait, j’ai passé mon enfance. Il ne me déplairait pas, en effet, que ma fin rappelle mes débuts. J’aurais ainsi l’illusion d’avoir accompli un tour complet dans l’existence.
Je ne suis pas sûr, cependant, d’être bon à manger. Chaque fois que je me mords la langue, j’ai envie de cracher. C’est plutôt par dégoût que j’ai arrêté de me ronger les ongles. J’ai tant fumé que même mes orteils doivent sentir le tabac. Mon cerveau ne doit pas être dans un très bon état non plus. Il a si souvent baigné dans des idées noires qu’il doit avoir un goût plutôt amer. En outre, je perds la mémoire. Or, comme le dit Anaximène, Les souvenirs c’est le persil de la pensée . On me trouvera peut-être un peu fade.
J,aI VIEILLI, JE NE LE NIE PAS...Cependant les mêmes femmes me séduisent toujours...Mes yeux n'ont pas vieilli, Héraclès...C'est à croire que les yeux ne vieillissent pas. ( p.168)
J'imagine que Dieu doit te traiter avec une prévenance toute particulière, parce que tu es une de ses créatures les plus réussies. (p. 138)
J’ai cessé de croire que les mots pouvaient accomplir des miracles. Le journalisme a dissipé mes illusions.
Les langues sont des maîtresses très exigeantes et très jalouses, même du passé.