Citations sur La Supplication : Tchernobyl, chroniques du monde apr.. (327)
Si, dans mes livres précédents, je scrutais les souffrances d’autrui, maintenant, je suis moi-même un témoin, comme chacun d’entre nous. Ma vie fait partie de l’événement. C’est ici que je vis, sur la terre de Tchernobyl. Dans cette petite Biélorussie dont le monde n’avait presque pas entendu parler avant cela.
J’enseigne la littérature russe à des enfants qui ne ressemblent pas à ceux qui fréquentaient ma classe, il y a dix ans. Ils vont continuellement à des enterrements… On enterre aussi des maisons et des arbres… Lorsqu’on les met en rang, s’ils restent debout quinze ou vingt minutes, ils s’évanouissent, saignent du nez. On ne peut ni les étonner ni les rendre heureux.
Une question : le monde que reflète la parole est-il vrai ? La parole est entre l’homme et son âme...
- Au pays, c'est comme au paradis. À l'étranger, le soleil brille différemment.
" Nous sommes retournés chez nous. J'ai enlevé tous les vêtements que je portais et les ai jetés dans le vide-ordures. Mais j'ai donné mon calot à mon fils. Il me l'a tellement demandé. Il le portait continuellement. Deux ans plus tard, on a établi qu'il souffrait d'une tumeur au cerveau... Vous pouvez deviner la suite vous-même. Je ne veux plus en parler. "
Une Ukrainienne vend au marché de grandes pommes rouges. Elle crie pour attirer les clients : "Achetez mes pommes ! De bonnes pommes de Tchernobyl !"
Quelqu'un lui donne un conseil : "Ne dis pas que ces pommes viennent de Tchernobyl. Personne ne va les acheter.
- Ne crois pas cela ! On les achète bien ! Certains en ont besoin pour la belle-mère, d'autres pour un supérieur :"
Avez-vous oublié qu’avant Tchernobyl l’atome était surnommé « le travailleur pacifique » ? Nous étions fiers de vivre à l’ère atomique. Je ne me souviens pas qu’on ait eu peur du nucléaire…
Les évacués de Tchernobyl ont été déplacés « en Europe », dans des bourgades de type européen. On peut y bâtir une maison meilleure, plus confortable, mais il est impossible de transporter dans un nouveau lieu le monde qui reliait tous ces gens. Ils étaient comme liés à leur terre par un cordon ombilical. L’obligation de partir a été comme un coup colossal porté à leur psychisme. La rupture des traditions, de toute la culture séculaire.
A part nous, personne ne sait ce qui s'est vraiment passé là-bas. Nous n'avons pas tout compris, mais nous avons tout vu.
Même le jour de la fin du monde, l'homme restera tel qu'il est maintenant. Il ne changera pas.